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L’amour des françois pour leur roi

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L’AMOUR DES FRANÇOIS

POUR LEUR ROI.


Du sein de l’Éternel, du haut de l’Empyrée,
Le pere des Bourbon, le plus grand de nos Rois[1],
Veille sur ses enfans, postérité sacrée,
Auxquels sur notre amour il a transmis ses droits.
Ce Prince glorieux, digne en effet d’un temple,
Plus grand par les vertus dont il donna l’exemple
Que par sa valeur même & par ses fiers exploits,
Fut le restaurateur & des mœurs & des loix[2].
De la Religion observateur rigide,
Par les plus grands objets agité fortement,
Au bonheur de son peuple il s’attache ardemment.
Aussi juste que ferme, aussi doux qu’intrépide,
Il soutient sans orgueil la splendeur de son Sang,
Les droits de sa Couronne & l’éclat de son rang.
Mais aux pieds des Autels, humble, simple & timide,
D’une gloire mondaine il n’est point occupé ;
Plus il en est couvert, moins il en est frappé.

C’est ainsi qu’il remplit une carrière auguste ;
Le tribut de l’amour n’en devint que plus juste :
Ce Monarque y trouva le prix de ses vertus,
Révéré de l’Europe, & des Rois le modele,
Constamment adoré de son peuple fidele,
Pouvoit-il ici-bas desirer rien de plus ?
Sur ce peuple aujourd’hui tous ses vœux se rassemblent,
Il en fait retentir le céleste séjour :
Il demande au Très-Haut des fils qui lui ressemblent,
Et de perpétuer leur gloire & notre amour.
Les Princes de son Sang sûrs de notre tendresse.
Souvent nous font passer de l’amour à l’yvresse :
D’un seul de leurs regards le François enchanté,
Jouit avec transport de leur douce présence,
Il chante leur valeur, leur gloire, leur prudence ;
Il aime leur justice, adore leur bonté.
Le Roi victorieux & le Roi pacifique,
Le Protecteur des arts, le Prince politique,
Sont admirés, chéris, célébrés tour à tour ;
Chacun est désigné par un nom énergique,
Que le marbre & l’airain retracent chaque jour.
Superbe monument élevé par l’amour,
Tu ne péris jamais ! le temps ne petit t’abattre ;
Un Roi, tout mort qu’il est, se fait aimer encor :
On baise avec transport le portrait d’Henri Quatre,

Et son buste sacré pour nous est un trésor.
Où ne trouve-t-on pas cette image chérie ?
Pere de ses sujets, sa sensibilité
Lui donne autant de droit sur la France attendrie,
Que les rares talens, l’héroïque énergie
Et cette aimable loyauté[3]
Dont il para la Royauté
Qu’un Roi nous paroît grand, quand notre sort le touche !
C’est pour lui le chemin de l’immortalité ;
Et ce Resurrexit volant de bouche en bouche,
Est le cri de l’amour justement mérité.
Il n’est point de François, qui n’adore son Maître :
Ces sentimens en nous par le Ciel imprimés,
Des autres Nations nous distinguent peut-être ;
Mais en aimant beaucoup nous voulons être aimés.
O vous qui m’écoutez, j’en appelle à vous-mêmes :
N’est-ce pas dans vos cœurs que je puise mes chants ?
Soutenez mes accords, rendez-les plus touchans ;
L’audace est pardonnable où l’amour est extrême.
Que ne puis-je à mon gré peindre tout à la fois,
Et le cœur des François, & celui de leurs Rois !
Quel tableau ravissant ! … Divine Polymnie !
Hélas ! je n’ai qu’une ame ; il faudrait ton génie.
Une ame ! ah ! c’est assez ; un doux pressentiment

De tous bons citoyens me promet le suffrage.
A cet espoir flatteur je me livre hardiment.
Sans chercher de l’esprit le sublime langage,
Je concours aujourd’hui le prix du sentiment ;
Quiconque me l’accorde, avec moi le partage :
Du tribut de l’amour nous chérissons la loi :
Venez, venez en foule apporter votre hommage,
Vous qui du plus beau nom êtes fiers comme moi ;
Si vous êtes François, en faut-il davantage ?
Cédons l’honneur du pas au courtisan heureux
Dont la fortune semble exaucer tous les vœux,
Qui près du Souverain, & comblé de ses graces,
Le voit, l’entend, l’admire & vole sur ses traces.
Un bonheur si parfait est garant de sa foi :
Que pourroit-il aimer, s’il n’aimoit pas son Roi ?
J’ose sans balancer parler au nom des Dames :
Illustre Jeanne d’Arc, tu prouvas autrefois
Ce qu’un Roi des François peut espérer des femmes :
Sexe foible sans doute & qui sait toutefois
Egaler des Héros les plus sublimes flammes.
Un mot, un mot suffit sur les braves Guerriers,
Qui courant à la mort tout couverts de lauriers,
Sont guidés par l’amour & payés par la gloire :
La Déesse aux cent voix aime à s’occuper d’eux.
Mais qui peut retracer l’intéressante histoire
De ce peuple fidele, ardent & courageux,

Abandonné souvent aux maux les plus affreux ?
Il porte un cœur françois jusques dans l’infortune ;
Renfermant en lui-même une plainte importune,
Il apprend à souffrir sans se lasser d’aimer ;
Et s’il faut pour son Roi sacrifier sa vie,
Ce nom seul prononcé suffit pour l’enflammer ;
Il meurt, & rend aux siens son sort digne d’envie :
Héritage d’amour qui ne peut, s’exprimer !
O vous qui dès l’enfance avez reçu l’hommage[4]
D’un sentiment si vif, si flatteur & si doux !
Le nom qu’il vous donna passera d’âge en âge :
Si nous aimons nos Rois, qui le fut mieux que vous ?
Des plus tendres sujets vous fûtes le Monarque,
Leur sang couloit pour vous aux champs de Fontenoi,
Et dans Metz tout en pleurs ils conjuroient la Parque
De frapper sur leurs têtes, & d’épargner leur Roi.
Le Ciel sensible alors à leurs justes alarmes,
Suspendit ses rigueurs, le rendit à leurs larmes.
« Les temps sont arrivés, prononce l’Eternel :
Quel coup je vais porter à ce peuple que j’aime !
Mais un Roi n’est qu’un homme, & tout homme est mortel :
François, soumettez-vous à mon décret suprême. »
L’Ange vole & reçoit l’ordre du Tout-Puissant,
Sur l’Empire des Lys il plane en frémissant ;

Son bras armé du glaive offre un aspect terrible :
Par des cris douloureux les François éperdus,
S’efforcent d’attendrir ce Ministre inflexible :
Il frappe… c’en est fait, Louis Quinze n’est plus.
Grand Dieu, notre douleur implore ta clémence
Toi seul peux réparer les pertes de la France ;
Plongée avec son Roi dans l’horreur du trépas,
Quel deuil universel a couvert ses États !
Telle est l’affreuse nuit que nous donne un orage
Quand la foudre en éclats répandant la terreur,
Ne présente aux humains que mort & que ravage,
Et la nature en proie au pouvoir destructeur :
Les monts sont dévastés, la plaine est submergée,
Les ombres de la nuit redoublent la frayeur
Aurore, paroissez, quelle est votre lenteur !
Dès son premier aspect la terre est soulagée,
Et respire avec elle une douce fraîcheur ;
L’étoile du matin brille de mille charmes,
L’aurore s’embellit en répandant des pleurs[5] ;
Et ce sont ces divines larmes
Qui consolent la terre & la couvrent de fleurs.
Le soleil dans son char avec pompe s’avance ;
Dissipant de Python les funestes vapeurs,
Il darde ses rayons, ranime l’espérance ;

Et c’est par son éclat, ses bienfaits, son amour,
Que l’univers entier connoît l’astre du jour,
Tel notre jeune Roi conduit par la sagesse,
De ses vastes États vient bannir la tristesse,
Et du siecle d’Astrée annoncer le retour.
Deja le cri public répand une allégresse
Qui saisit tous les cœurs ; la bouillante jeunesse
Avec chaleur se livre à l’espoir le plus beau,
Le vieillard sans regret regarde le tombeau :
Du jour pur qui s’apprête il voit briller l’aurore ;
Au sein de sa famille un spectacle nouveau
Le rappelle au plaisir, il en jouit encore :
« Mes enfans[6], leur dit-il, nous avons un bon Roi,
Que Dieu nous le conserve ! Il respecte sa loi :
C’est une ame sensible au bonheur de la terre,
Ce n’est qu’au vice seul qu’il déclare la guerre.
Soutiens, Dieu tout-puissant, son courage & sa foi.
Chers enfans, je vous laisse un véritable pere ;
Mes yeux, mes yeux ont vu une tête si chere ;
J’ai vu sa digne Epouse, hélas ! j’étois présent
Quand ses beaux yeux en pleurs & son cœur bien-faisant
Redonnerent la vie à cette infortunée
Dont on a tant parlé pendant plus d’une année.

Je vis le Ciel ouvert dans cet heureux instant
Il ne m’a point trompé sur notre destinée :
Quelle Reine il nous donne ! … adieu, je meurs content. »
Te voilà donc, amour, sans fard & sans parure :
Du luxe de l’esprit souvent le cœur murmure.
Vous qui des doctes Sœurs maniez les pinceaux,
Craignez à force d’art d’étouffer la nature.
Ecoutons ses accens ; les simples chalumeaux
Peut-être en diront plus dans leur retraite obscure.
Que la trompette altiere & les vers les plus beaux.
Réveille-toi, Clio, prends ta plume divine,
Et descends à grands pas de la double colline.
Auguste vérité, revenez parmi nous,
Louis vous tend les bras, & son cœur vous appelle :
Fuyez, lâches flatteurs ! une vie aussi belle
N’aura jamais besoin de vous.
O Nation heureuse ! ô ma chere patrie !
D’un nouveau Salomon ton sein se glorifie :
La divine Sagesse est prompte à l’éclairer ;
Il fait de ses conseils son étude chérie,
Du nord & du midi l’on viendra l’admirer.
Digne Fils des Bourbon, notre amour t’environne,
Sans les droits de ton Sang qui disposent du Trône,
Tu serois aujourd’hui notre Maître par choix :

Aux peuples fortunés Thémis dicte tes loix ;
Et toutes les vertus soutiennent ta Couronne ;
Une immortelle main se plaît à te former :
Au faîte de la gloire un jour tu dois atteindre,
Poursuis… Malheur aux Rois qu’on est réduit à craindre !
Apprends-leur qu’il est beau de se faire estimer,
De régner par l’amour, d’être bon sans foiblesse,
De servir à vingt ans d’exemple à la vieillesse.
Mais tandis qu’au plaisir les François sont livrés,
D’espérance & d’amour tour à tour enyvrés,
Quel bruit porte l’effroi jusqu’au fond des provinces ?
Quoi ! l’on ose attenter sur les jours de nos Princes !
Le poison va couler dans leur sang précieux !
Barbares, arrêtez… O systême odieux !
De mortelles frayeurs circulent dans mes veines ;
En vain du préjugé je veux briser les chaînes,
Sans celle il me poursuit le poignard à la main.
Cruel fils d’Esculape, à ton art inhumain
Ose-tu confier les destins de la France !
Ah ! courons implorer la suprême Puissance ;
Prosternés à ses pieds, gémirons-nous en vain ?
François, rassurez-vous, votre sort se décide,
Vous n’avez plus à craindre un venin homicide ;
Enfin l’art est vainqueur de sa malignité :
La Déesse de la santé

Assise près du Trône, y brille sans nuage,
Et de votre félicité
Sa présence divine est aujourd’hui le gage.
O mon Roi ! j’ai frémi de ton noble courage :
Exemple utile & grand, cher à l’humanité !
Les fruits en seront doux, notre sécurité
Sera désormais ton ouvrage,
Nos heureux descendans en jouiront encor ;
Enchantés comme nous des vertus de leur Maître,
« Nos aïeux (diront-ils) nos aïeux l’ont vu naître,
Et nous le conservons à l’âge de Nestor… »
C’est le vœu de nos cœurs, tu ne peux t’ÿ méprendre,
Louis, tu vois la joie animer tous les yeux ;
Nous remplissons les airs de cris victorieux,
Et l’hymne du bonheur par-tout se fait entendre.

  1. Saint Louis
  2. Le Président Hénaut
  3. Vieux mot que peu de gens connoissent aujourd’hui.
  4. Louis XV.
  5. Tout le monde connoît & chérit la sensibilité de la Reine.
  6. Expressions répétées parmi le peuple, & recueillies avec soin par l’auteur.