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La Légende d’un peuple/L’Échafaud

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La Légende d’un peupleLibrairie BeaucheminPoésies choisies, 1 (p. 269-271).
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Ils étaient innocents, oui ; mais il fallait bien
Qu’on n’eût pas érigé ce tribunal pour rien.

D’ailleurs, c’est entendu, quand l’homme s’émancipe,
On doit toujours sévir pour sauver le principe.
Redresser les griefs, reconnaître son tort,
C’est très bien ; mais il faut des exemples d’abord !

Parmi les prisonniers d’élite on en prit douze ;
Certes, le choix fut fait par une main jalouse ;


Et, tandis que le reste ― à quoi bon tant trier ? ―
Allait languir là-bas sous un ciel meurtrier,
Les juges ― oh ! de vrais modèles de droiture ―
Dirent à l’échafaud :

                             ― Toi, voici ta pâture !

Et ces juges, choyés, approuvés, applaudis,
Qui peut-être eussent eu pour de réels bandits
Dans leurs cœurs de torys plus de miséricorde,
Osèrent d’une main ferme passer la corde
Au cou de citoyens dont le crime devait,
Comme dans le passé celui de Du Calvet,
Confondant des bourreaux l’éternel égoïsme,
Dans la bouche de tous s’appeler héroïsme !
Oh ! cet échafaud-là, malgré son nom brutal,
Ne fut pas un gibet, ce fut un piédestal !
L’injustice des lois en fut seule flétrie.
Et, tandis que, plus tard, on verra la Patrie,
― Oh ! l’avenir toujours donne à chacun son rang, ―


Venir aux yeux de tous s’incliner en pleurant
Devant ces champions d’une cause sacrée,
Cherchez qui défendra la mémoire exécrée
De ces juges hautains dont l’orgueil crut pouvoir
Flétrir en meurtriers ces martyrs du devoir !