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Œuvres de Lagrange/Pièces diverses/Solutions de quelques Problèmes relatifs aux triangles sphériques

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SOLUTIONS DE QUELQUES PROBLÈMES
RELATIFS
AUX TRIANGLES SPHÉRIQUES,
AVEC
UNE ANALYSE COMPLÈTE DE CES TRIANGLES.


(Journal de l’École Polytechnique, VIe Cahier, t. II, thermidor, an VII.)


Séparateur


On sait que, dans les triangles rectilignes, les côtés sont proportionnels aux sinus des angles opposés, et l’on démontre facilement que ce rapport constant des côtés aux sinus est égal au diamètre du cercle circonscrit.

On peut aussi exprimer ce même rapport par le moyen de l’aire du triangle, et il est facile de prouver qu’il est égal au produit des trois côtés, divisé par le double de l’aire.

1. Mais, si l’on voulait exprimer ce rapport par les seuls côtés du triangle, il n’y aurait qu’à considérer qu’en nommant les trois côtés, et les angles qui leur sont opposés, on a, par le théorème connu,

donc

et de là

Donc, si l’on fait, pour abréger,

on aura

c’est le rapport cherché.

Si l’on nomme le rayon du cercle circonscrit au triangle, et la surface ou l’aire du même triangle, on aura

donc

2. En développant le carré de et réduisant, on a

formule où l’on voit que les trois côtés entrent également, comme cela doit être.

Mais on peut mettre cette formule sous une forme plus simple, et plus commode pour le calcul logarithmique, en la décomposant en facteurs. En effet, on a

et, décomposant encore chacun de ces facteurs en deux, on aura

Ces formules sont connues, et je ne les rapporte ici que pour servir comme d’introduction aux recherches suivantes.

3. Puisque dans les triangles sphériques les sinus des côtés sont proportionnels aux sinus des angles opposés à ces côtés, on peut être curieux de connaître ce rapport constant et de voir s’il dépend aussi, comme dans les triangles rectilignes, du rayon du cercle circonscrit ou de l’aire du triangle.

Désignons de même par les trois côtés d’un triangle sphérique, et par les trois angles opposés à ces côtés ; on aura, par le théorème connu,

donc

et de là

Faisons, pour abréger,

on aura

donc

expression du rapport cherché, analogue à celle qu’on a trouvée pour les triangles rectilignes (1).

Comme la quantité est exprimée par un radical carré et peut, par conséquent, avoir le signe plus et moins, nous remarquerons que, relativement aux triangles sphériques, elle doit toujours être prise positivement, parce que, les côtés et les angles de tout triangle étant toujours moindres que deux droits, leurs sinus sont nécessairement toujours positifs.

4. La quantité radicale est aussi susceptible de réductions analogues à celles du no 2.

Car en substituant pour et leurs valeurs en cosinus et réduisant, on aura

où l’on voit que les trois côtés entrent également.

On peut de même résoudre la quantité sous le signe en facteurs. En effet, on aura d’abord

Or on a en général

donc, décomposant ainsi les deux facteurs, on aura

expression très-commode pour le calcul logarithmique.

5. Cherchons maintenant le rayon du cercle circonscrit au triangle sphérique. Il est évident que ce cercle ne peut être qu’un petit cercle de la sphère, et qu’il sera aussi circonscrit au triangle rectiligne formé par les trois cordes des arcs Or, ces cordes étant exprimées par il n’y aura qu’à les substituer au lieu de dans l’expression du rayon (2), c’est-à-dire, dans

Nommons le rayon de ce cercle circonscrit, et ce que devient la quantité par les substitutions dont il s’agit ; on aura

Or on a

et, substituant pour leurs valeurs on aura, après les réductions,

expression qu’on peut réduire à celle-ci

c’est-à-dire à

en substituant le valeur de du no 4. Ainsi l’on aura

6. Maintenant, si l’on considère le rayon de la sphère qui passe par le centre du petit cercle circonscrit, il est visible que ce rayon sera perpendiculaire au plan de ce cercle, et qu’il aboutira au point de la surface qui sera le pôle du même cercle. Donc, en nommant l’arc qui mesure la distance du pôle à la circonférence du même cercle, on aura évidemment donc

d’où l’on tire

et de là

Donc, puisque et ainsi des autres sinus, on aura (3)

7. Si l’on voulait avoir l’aire du triangle rectilignes inscrit dans le petit cercle dont il s’agit, et formé par les cordes des arcs en nommant cette surface, il n’y aurait qu’à changer dans la formule du no 1, en en et en ce qui donnerait sur-le-champ

ou bien, à cause de (6),

Si maintenant on considère la pyramide triangulaire qui a ce triangle pour base, et dont le sommet est au centre de la sphère, il est visible que la hauteur de cette pyramide sera donc sa solidité sera ou bien, mettant pour la valeur qu’on vient de trouver,

et, substituant de plus la valeur de trouvée plus haut (6), on aura pour la valeur de la solidité de la pyramide.

8. Il nous reste à considérer l’aire même du triangle sphérique formé par les arcs .

On connaît le beau théorème suivant lequel l’aire d’un triangle sphérique est à la surface entière de la sphère, comme l’excès des trois angles du triangle sur deux droits à huit angles droits. On l’attribue communément à Albert Girard, qui l’énonce en effet dans l’Ouvrage intitulé Invention nouvelle en Algèbre, et imprimé à Amsterdam en 1629 ; mais, comme la preuve qu’il en donne n’est point rigoureuse et qu’elle ne peut pas même être regardée comme une induction, on devrait plutôt attribuer ce théorème à Cavalieri, qui l’a donné dans le Directorium générale uranometricum, imprimé à Bologne en 1632, avec la belle démonstration rapportée par Wallis, et insérée depuis dans la plupart des Trigonométries.

Nommons l’excès des trois angles du triangle sur deux droits ; on aura, en retenant les dénominations employées jusqu’ici, et nommant l’angle droit,

Ainsi l’aire du triangle, dont les côtés sont et les angles opposés sera la partie de la surface entière de la sphère ; et, si l’on regarde cette surface comme égale à on pourra alors prendre pour la valeur de l’aire même du triangle.

9. Si l’on imagine que les côtés et qui comprennent l’angle soient prolongés jusqu’au quart du cercle, les angles et deviendront droits, et le côté deviendra égal à l’angle opposé alors l’aire de triangle rectangle isoscèle deviendra donc, si l’on en retranche le premier triangle dont les côtés autour de l’angle sont et on aura le quadrilatère sphérique dont la base sera et dont les côtés perpendiculaires à cette base seront et et l’aire de ce quadrilatère sera exprimée simplement par

Mais, par les analogies connues de Neper, on a dans tout triangle sphérique cette équation, que nous démontrerons plus bas,

Donc, si l’on désigne par l’aire ou la surface du quadrilatère dont il s’agit, on aura

donc

et, si l’on désigne par et les deux côtés du quadrilatère perpendiculaires à la base en sorte que et on aura, pour la détermination de l’aire la formule

Cette formule répond à la formule connue pour les quadrilatères rectilignes dont est la base, les deux côtés verticaux, et l’aire ; et, comme celle-ci est du plus grand usage pour mesurer les surfaces planes terminées par des lignes droites, la formule que nous venons de donner sera également utile pour mesurer les surfaces sphériques terminées par des arcs de grands cercles. Ainsi elle peut être employée avec beaucoup d’avantage pour déterminer l’étendue d’un pays, lorsqu’on connaît les latitudes et les différences de longitude de plusieurs points placés à la circonférence ; car, en liant ces points par des arcs de grands cercles, on aura un polygone sphérique, dont on trouvera facilement l’aire en le décomposant en quadrilatères formés par les cercles de latitude et par les arcs de l’équateur interceptés entre ces cercles.

10. Mais, si l’on voulait avoir la valeur de l’aire par les trois côtés du triangle sphérique, il n’y aurait qu’à considérer que, puisque on aura

Si l’on substitue, au lieu de sa valeur trouvée ci-dessus (numéro précédent), on aura

formule qui se transforme facilement en celle-ci

Si maintenant on substitue dans cette formule les valeurs des et du no 3, on aura, en divisant le haut et le bas par

mais

donc, faisant ces substitutions et renversant la fraction, on aura

formule la plus simple pour déterminer l’aire d’un triangle sphérique par le moyen de ses trois côtés .

11. Nous avons vu (7) que est la solidité de la pyramide triangulaire formée par les trois rayons de la sphère qui répondent aux trois angles du triangle sphérique.

Considérons maintenant une pyramide triangulaire formée par ces mêmes rayons prolongés autant qu’on voudra, de manière qu’ils deviènnent et que soient les arcs ou angles compris entre ces droites. Pour avoir la solidité de cette pyramide, il n’y aura qu’à la considérer comme couchée sur une de ses faces, par exemple celle qui a pour côtés les lignes et et abaisser de l’extrémité de la troisième droite une perpendiculaire sur le plan de la même face. Il est d’abord facile de voir que, si est l’angle compris entre et l’aire de la face que nous regardons comme la base de la pyramide sera donc la solidité de la pyramide sera

Or, si l’on nomme l’angle que la droite fait avec le plan passant par les droites et il est clair que l’on aura donc la solidité cherchés seras

L’angle n’est autre chose que l’arc abaissé perpendiculairement de l’angle du triangle sphérique sur le côté opposé on peut par conséquent déterminer la valeur de par les sinus ou cosinus des côtés du triangle ; mais, pour notre objet, il suffit de considérer que cette valeur, ainsi que celle du sinus étant indépendante des lignes si l’on fait on aura le cas de la pyramide dont on a parlé ci-dessus, et dont la solidité est D’où il suit qu’on aura par conséquent on aura en général pour la solidité de la pyramide triangulaire dans laquelle les trois côtés ou arêtes qui forment un quelconque des angles solides sont et les angles compris entre ces trois côtés sont

Cette expression de la solidité de toute pyramide triangulaire par le moyen des trois côtés et des angles compris est, comme l’on voit, trèssimple et très-commode pour le calcul, surtout si l’on emploie pour la valeur de l’expression en facteurs du no 4, et elle peut être très-utile pour déterminer la solidité de tous les corps terminés par des plans, puisqu’on peut toujours les résoudre en pyramides triangulaires, comme on résout tous les polygones en triangles.

12. Au reste, puisque nous avons trouvé on aura

ainsi l’on peut déterminer par cette formule la perpendiculaire dans tout triangle sphérique dont est la base, et les deux côtés.

13. Je n’ai résolu les Problèmes précédents que pour avoir occasion de montrer l’origine et l’usage de quelques formules remarquables, et surtout de la fonction que j’ai désignée par et qui mérite particulièrement l’attention des analystes par ses différentes applications. Je vais passer maintenant à des considérations générales sur la Trigonométrie sphérique envisagée analytiquement.

Les résolutions analytiques des triangles sphériques n’ont été d’abord que de simples applications de l’Algèbre aux constructions géométriques. On s’est contenté ensuite d’établir par la Géométrie quelques propositions fondamentales, et l’on a tiré toutes les formules de la Trigonométrie sphérique des équations données par ces propositions. Ce qu’il y a de plus élégant dans ce genre est le Mémoire d’Euler intitulé : Trigonometria sphrœica universa ex primis principiis derivata, et imprimé dans les Actes de Pétersbourg pour l’année 1779, dans lequel on trouve un système complet de formules trigonométriques, fondé uniquement sur trois équations. Mais ne pourrait-on pas simplifier encore ce système, en le réduisant à une seule équation fondamentale ?

Cette réduction servirait à perfectionner la théorie analytique des triangles sphériques ; car, dans l’Analyse, la perfection consiste à n’employer que le moindre nombre possible de principes, et à faire sortir de ces principes toutes les vérités qu’ils peuvent renfermer, par la seule force de l’Analyse ; dans la méthode synthétique des lignes, elle consiste au contraire à démontrer isolément chaque proposition, de la manière la plus simple, à l’aide des propositions déjà démontrées.

Feu de Gua avait déjà eu l’idée de faire dépendre toute la Trigonométrie sphérique d’une seule propriété générale des triangles sphériques ; mais le Mémoire qu’il a donné sur ce sujet dans le volume de l’Académie des Sciences de 1783 contient des calculs si compliqués, qu’ils paraissent plus propres à montrer les inconvénients de sa méthode qu’à la faire adopter.

Je me propose ici le même objet, et je vais présenter un tableau succinct de toutes les formules de la Trigonométrie sphérique, en les déduisant, par de simples transformations, d’une seule équation donnée par la nature des triangles sphériques.

14. Nous partirons, comme l’a fait de Gua, de l’équation (3)

dans laquelle sont les trois côtés ou arcs du triangle, et est l’angle opposé au côté

Cette équation se démontre facilement par la seule considération des deux triangles rectilignes formés, l’un par les deux tangentes des arcs et et par la droite qui joint les extrémités de ces tangentes, et l’autre par cette même droite et par les deux sécantes des mêmes arcs ; car il est évident que les deux tangentes forment entre elles l’angle compris entre les arcs et et que les deux sécantes forment entre elles l’angle qui est le côté du triangle sphérique opposé à l’angle Ainsi, nommant le côté commun à ces deux triangles, on aura sur-le-champ, par le théorème connu sur les triangles rectilignes, l’équation

pour le premier triangle, et l’équation

pour le second triangle.

De là on tire

Or on a évidemment et de même donc l’équation deviendra

substituant pour leurs valeurs et multipliant par on aura l’équation fondamentale

(A)

Comme, par l’hypothèse, il n’y a entre les quatre quantités d’autre condition si ce n’est que soient les trois côtés du triangle, et l’angle opposé au côté il s’ensuit qu’en nommant et les angles opposés aux côtés et on aura des équations semblables relativement à ces angles, en changeant seulement en ou en pourvu qu’on change en même temps en ou en

15. Maintenant, si l’on tire de l’équation précédente la valeur de et qu’on en forme celle de on aura, comme on l’a déjà trouvé dans le no 3,

où la quantité est une fonction de , dans laquelle ces trois quan-

tités entrent également, de sorte qu’elle demeure la même, en faisant entre elles telle permutation qu’on voudra.

Ainsi, en changeant en et en le second membre de l’équation ne changera pas, et l’on aura par conséquent l’équation

(B)

C’est ce qu’on appelle l’analogie commune des sinus ; et il est visible qu’en changeant en et en on aura de même

16. Reprenons l’équation (A) du no 14

en changeant en et en on aura de même

substituant cette valeur de dans la première équation, elle deviendra

savoir,

et, divisant par

Substituons pour sa valeur tirée de l’équation (B) du numéro précédent, en changeant en et en divisons ensuite par et mettons et à la place de et on aura l’équation

(C)

17. Enfin la même équation trouvée ci-dessus,

donne, en changeant en et en

Substituant cette valeur de dans la même équation, on a

savoir

substituons pour sa valeur tirée de l’équation (B), en changeant en et en divisons ensuite par et multiplions par on aura

savoir

(D)

18. Cette formule est, comme l’on voit, tout à fait analogue à la formule (A) du no 14, d’où nous sommes partis ; les angles ont pris la place des côtés et réciproquement ; et les cosinus sont devenus négatifs, les sinus demeurant positifs, ce qui indique que les côtés sont devenus les suppléments à deux droits des angles, et les angles les suppléments à deux droits des côtés. Ainsi toutes les formules qui résultent de la formule (A) seront vraies aussi, en y faisant ces mêmes changements.

Il résulte de là cette propriété connue des triangles sphériques, que tout triangle sphérique peut être changé en un autre dont les côtés et les angles soient respectivement suppléments des angles et des côtés du premier ; et l’on sait que ce nouveau triangle, qu’on nomme supplémentaire, est celui qui est formé sur la sphère par les trois pôles des arcs qui forment les côtés du triangle donné, en joignant ces pôles par des arcs de grand cercle ; ce qui se démontre facilement par une construction fort simple.

19. Les quatre équations (A), (B), (C), (D) que nous venons de trouver renferment la solution de toutes les questions de la Trigonométrie sphérique ; car, comme il n’y a dans un triangle sphérique que six éléments, les trois côtés et les trois angles, et que trois de ces éléments suffisent pour déterminer le triangles, il est clair que les relations les plus simples ne peuvent être qu’entre quatre éléments ; or toutes les combinaisons différentes qu’on peut faire des six éléments, pris quatre à quatre, se réduisent à ces quatre-ci :

1o Entre trois côtés et un angle cette relation est donnée par l’équation (A) ;

2o Entre deux côtés et deux angles, qui peuvent être opposés respectivement aux deux côtés, ou l’un opposé, l’autre adjacent au même côté, ce qui fait deux cas la relation entre deux côtés et les deux angles opposés est donnée par l’équation (B) ;

3o Entre deux côtés et deux angles, dont l’un opposé et l’autre adjacent au même côté donné cette relation est contenue dans l’équation (C) ;

4o Entre trois angles et un côté cette relation est donnée par l’équation (D).

20. Si l’on suppose l’angle droit, les équations précédentes se simplifient et donnent celles-ci

et, si l’on suppose l’angle droit, les équations (C) et (D) donnent en-

core ces deux-ci

Ces six équations donnent directement la solution de tous les cas des triangles sphériques rectangles ; et, comme elles sont sous une forme très-commode pour l’emploi des logarithmes, on s’en sert communément dans la Trigonométrie en décomposant tous les triangles en triangles rectangles, par l’abaissement d’une perpendiculaire. Mais on peut également résoudre tous les cas par les quatre équations générales en réduisant ces équations en facteurs, au moyen des transformations que nous allons exposer.

21. L’équation (A) entre les trois côtés et un angle opposé au côté peut servir à déterminer : 1o par 2o par et 3o par et

1o Pour déterminer par on aura

d’où l’on tire

donc

2o Pour déterminer par et on a

Il ne paraît guère possible de réduire immédiatement cette équation

en facteurs pour l’usage des logarithmes ; mais on peut y parvenir par le moyen d’un angle subsidiaire.

En effet, si l’on fait

on aura

donc

or

donc

Il n’est pas diflicile de voir que cette transformation revient à la division du triangle en deux triangles rectangles, par une perpendiculaire abaissée de l’angle sur le côté et que est le segment du côté adjacent à l’angle

3o Pour déterminer par et il faudrait substituer, dans l’équation principale (A), au lieu de élever ensuite au carré pour faire disparaître le radical, et tirer la valeur de par la résolution d’une équation du second degré, ce qui donnerait pour \sin b une formule compliquée et qui se refuserait au calcul logarithmique. Mais la transformation employée ci-dessus sert aussi à résoudre ce cas ; car, ayant déterminé l’angle par l’équation , l’équation donnera

22. L’équation (B) entre deux côtés et et les angles opposés et peut servir : 1o à déterminer par et 2o à déterminer par

1o Pour déterminer par on aura

2o Pour déterminer par on aura

Ces formules n’ont besoin d’aucune transformation pour l’application des logarithmes.

23. L’équation (C) entre deux côtés et et deux angles le premier opposé, le second adjacent au côté peut servir : 1o à déterminer par 2o à déterminer par 3o à déterminer par 4o à déterminer par

1o Pour déterminer par on aura l’équation

et, pour la réduire en facteurs, on fera ou bien


donc et, substituant cette valeur, on aura

donc

Cette réduction revient aussi à diviser le triangle en deux rectangles par une perpendiculaire abaissée de l’angle sur le côté opposé et l’angle subsidiaire est le segment de ce côté adjacent à l’angle

2o Pour déterminer par on aura l’équation

et, pour la réduire en facteurs, on fera

donc, substituant dans l’équation pour sa valeur on aura

donc

Cette réduction revient encore à diviser le triangle en deux rectangles, en abaissant une perpendiculaire de l’angle sur le côté et l’angle subsidiaire est le segment de l’angle adjacent au côté .

3o Pour déterminer par il faudrait tirer de l’équation (C) la valeur de ou de par la résolution d’une équation du second degré, et l’on aurait une expression qui contiendrait un radical. Mais la transformation précédente est également utile pour résoudre ces cas ; car, ayant trouvé l’angle par l’équation , l’équation donnera

4o Enfin, pour déterminer par il faudrait aussi tirer de la même équation (C) la valeur de ou par la résolution d’une équation du second degré. Mais la transformation employée pour le premier-cas servira aussi pour résoudre celui-ci ; car, ayant trouvé l’angle subsidiaire par l’équation , l’équation donnera

24. Enfin l’équation (D) entre les trois angles et un côté a servira à déterminer : 1o par 2o par 3o par Comme ces trois cas répondent à ceux qui dépendent de l’équation (A), dont l’équation (D) n’est qu’une transformée, on peut y appliquer immédiatement les formules que nous avons données pour ceux-ci dans le no 21, en y substituant au lieu des côtés les suppléments à deux droits des angles et au lieu de ces angles les suppléments à deux droits des côtés opposés (18).

Ainsi : 1o pour déterminer par l’équation du no 21 donnera la transformée

2o Pour déterminer par on fera les mêmes substitutions dans les formules (b) et (c) du même numéro ; et, prenant au lieu de l’angle son complémentà un droit, on aura ces deux équations

3o Les mêmes équations serviront à déterminer par car, ayant trouvé par l’équation , l’équation donnera

25. On peut donc, par ces formules, trouver directement un côté ou un angle quelconque par trois parties données, soit côtés ou angles ; ce qui renferme toute la théorie des triangles sphériques. Mais, lorsqu’on a à chercher à la fois deux côtés par le troisième côté et les deux angles opposés, ou deux angles par le troisième angle et les deux côtés opposés, il est plus commode d’employer les formules trouvées par Neper entre ces cinq parties. Voici la manière la plus simple de parvenir à ces formules

On a trouvé dans le no 21

On aura de même pour l’angle en changeant en et en

donc, multipliant ensemble,

si l’on change dans cette équation en et en on aura

et changeant dans la même équation en et en on aura

donc, ajoutant ensemble, on aura

et, retranchant les mêmes équations l’une de l’autre, on aura

D’un autre côté, on a

Donc, puisque on aura ces deux équations

On peut déduire des formules semblables de l’équation du no 24, et, sans faire un nouveau calcul, il n’y aura qu’à changer les côtés dans les suppléments à deux droits des angles et ces angles dans les suppléments à deux droits des mêmes côtés, De cette manière on aura sur-le-champ ces deux autres équations

Ces quatre équations serviront donc à trouver directement, et sans le secours d’aucun angle subsidiaire, les deux angles et par les deux côtés opposés et avec l’angle intercepté ou ces deux côtés par les angles opposés et par le troisième côté.

26. Avant de terminer ce Mémoire, je crois devoir dire deux mots de la comparaison des triangles sphériques aux triangles rectilignes. En prenant, ainsi qu’on le fait communément, le rayon de la sphère pour l’unité, il est clair que les arcs qui forment un triangle sphérique expriment naturellement des angles dont on trouve les sinus et cosinus dans les Tables ; si le rayon de la sphère n’est pas l’unité, alors, pour avoir la valeur angulaire des côtés du triangle, il faut diviser leur valeur absolue par le rayon. Ainsi, si sont les longueurs absolues des arcs qui forment un triangle sphérique sur la surface d’une sphère dont le rayon est on aura pour les angles correspondants à ces arcs, et ce sont ces quantités qu’il faudra prendre pour les côtés que nous avons désignés par en supposant que soient les angles opposés aux arcs dans le triangle proposé.

Or, si le rayon de la sphère devient infiniment grand, sa surface se change en un plan, et le triangle sphérique devient rectiligne ; d’où il suit que si, dans les formules des triangles, on substitue partout à la place de qu’ensuite on suppose infiniment grand, et qu’ayant réduit en série les sinus et cosinus de ces angles, on rejette les termes qui s’évanouissent par la supposition de on aura le cas des triangles rectilignes, dans lesquels sont les côtés et les angles opposés.

Ainsi, si est une équation entre les sinus et cosinus de et de on substituera, pour pour et pour des valeurs pareilles, en changeant en, et réduisant en série suivant les puissances descendantes de ce qui donnera

on aura pour le triangle rectiligne l’équation  ; car l’équation donne, en multipliant par

et, faisant on a

On pourrait de cette manière déduire les règles de la Trigonométrie rectiligne des équations fondamentales de la Trigonométrie sphérique ; mais cela n’aurait d’utilité que comme exercice de calcul, puisque ce serait démontrer le simple par le composé nous nous contenterons de remarquer que l’équation (D) du no 17 donne tout de suite celle-ci

savoir

d’où l’on tire

étant l’angle droit ; ce qui est la propriété connue des triangles rectilignes.

27. Maintenant, si le rayon de la sphère, au lieu d’être infiniment grand, est seulement très-grand, le triangle sphérique ne deviendra pas rectiligne, mais en approchera très-près ; et dans ce cas, comme les angles qui répondent aux côtés deviennent très-petits, les Tables trigonométriques ordinaires n’offriraient plus une précision suffisante pour le calcul des côtés et des angles. Il y a donc alors de l’avantage à traiter les triangles sphériques comme rectilignes, en ayant égard à la petite correction qui résulte de leur différence.

Le cas dont il s’agit a lieu surtout dans le calcul des triangles qu’on forme sur la surface de la Terre pour mesurer un arc du méridien dans ces triangles, les quantités sont les longueurs mêmes des côtés, et est le rayon de la Terre.

Pour déterminer la correction dont nous venons de parler, nous prendrons l’équation (A) du no 14, qui sert de fondement à toute la Trigonométrie sphérique, et qui donne

Faisons dans le second membre les substitutions indiquées ci-dessus, en nous arrêtant aux termes divisés par nous aurons d’abord

multipliant le haut et le bas de la fraction par et substituant le facteur à la place du diviseur on aura, en négligeant les termes divisés par des puissances plus hautes que

En faisant l’angle devient l’angle opposé au côté dans le triangle rectiligne dont seraient les côtés.

Désignons cet angle par on aura donc

et de là

comme on l’a vu ci-dessus (1 et 2) ; donc, substituant ces valeurs dans l’équation précédente, elle deviendra

or, dans le triangle rectiligne dont sont les côtés, il est visible que en exprime l’aire. Donc, si l’on désigne cette aire par on aura

d’où il suit qu’on aura, aux quantités de l’ordre de près,

Et, comme en changeant le côté en ou l’angle se change en ou si l’on désigne de même par et les angles opposés aux côtés et dans le triangle rectiligne, on aura également

puisque la quantité qui est égale à l’aire du triangle rectiligne est

une fonction qui dépend également des trois côtés de manière qu’elle ne change pas en faisant entre ces quantités tels échanges qu’on voudra.

Donc, lorsqu’on a un triangle sphérique tracé sur la surface d’une sphère dont le rayon est très-grand, si l’on forme un triangle rectiligne dont les côtés aient la même longueur que ceux du triangle sphérique, les angles de celui-ci seront égaux aux angles correspondants du triangle rectiligne, augmentés chacun de la quantité étant l’aire du triangle rectiligne, en ayant soin de réduire la valeur de cette quantité en angles, c’est-à-dire, en prenant pour unité l’angle qui répond à l’arc égal au rayon.

28. Si l’on ajoute ensemble les trois équations

on a

mais on sait que

étant l’angle droit ; donc on aura

D’où l’on peut conclure qu’en retranchant de chaque angle du triangle sphérique le tiers de l’excès de la somme de ses trois angles sur deux droits, on aura les trois angles d’un triangle rectiligne dont les côtés seront égaux en longueur à ceux du triangle sphérique. Ainsi l’on pourra traiter celui-ci comme un triangle rectiligne, et les résultats seront exacts aux quantités près de l’ordre

Ce beau théorème est dû à Legendre, qui l’a donné d’abord sans démonstration dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour l’année 1787, et qui vient de le démontrer d’une manière un peu différente de la précédente, dans un Mémoire sur la méthode de déterminer la longueur du quart du méridien. Comme il peut être d’une grande utilité dans tous les cas où l’on a à calculer des triangles sphériques peu différents des triangles rectilignes, nous avons cru qu’on serait bien aise de le trouver ici.


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