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Analyse du Kandjour/Mdo/05

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Csoma de Körös
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Tome 2p. 238-240).
VOLUME V. — (Ca)

Il y a dans ce volume trois traités sous trois chefs distincts. Le premier (folio 1-81) a pour titre sanskrit :

1. Arya-sandhi-nirmocana-nâma mahâyâna Sûtra, Tib. Hpags-pa dgongs-pa--nges-pa-hgrel-va-jes-bya-va theg pa chen pohi mdo. འཕགས་པ་དགོངས་པ་ངེས་པ་འགྲེལ་བ་ཞེས་བྱ་བ་ཐེག་ཆེན་པོའི་མདོ

« Explication des pensées de quelqu’un (ou solution vraie de plusieurs questions)[1]. Çâkya est représenté comme étant dans un immense et superbe palais (imaginaire) fait de toutes sortes de pierres précieuses, avec une nombreuse assemblée de Bodhisattvas du premier rang et doués des plus grandes perfections. Les sujets de leurs discussions sont diverses subtilités métaphysiques (folio 4) comme celles-ci : Quelle est la chose qui est inexpressible, indivisible et simple ? et qu’est ce qui est simple, qu’est-ce qui est composé ? Après quoi, dix d’entre eux posent successivement à Gàkya des questions pour lesquelles ils sollicitent des réponses. Il y a pour chaque Bodhisattva un chapitre spécial. Dans le neuvième, c’est Avalokiteçvara (tib. Spyan-ras-gzigs-dvang-phyug, སྤྱན་རས་གཟིགས་དབང་ཕྱུག​ qui demande à Çâkya une explication sur les dix bhûmis (ou degrés de perfection) des Bodhisattvas, comme aussi de ceux d’un Buddha ; la réponse occupe quelques feuillets. Dans le dixième chapitre, c’est Manjuçri (tib. Mjam-dpal) འཇམ་དཔལ​ qui demande l’explication de ce terme choskyi-sku (Sk. Dharma-kâya, le premier être moral) appliqué au Tathâgata. Suit une longue discussion sur ce sujet.

2. Le second traité ou Sûtra (folios 81-298) a pour titre sanskrit :

Arya Lankâvatâra-mahâyâna-sûtra, Tib. Hphags-pa Langkar-gçegs-pa theg-pa chen pohi Mdo. འཕགས་པ་ལང་ཀར་གཤེགས་པ་ཐེག་པ་ཆེན་པོའི་མདོ « Vénérable Sûtra de grand Véhicule sur la visite à Lanka. »

Sûtra prononcé à la demande du seigneur de Lankâ (appelé en tibétain Gnod-sbyin-hbod-sgrogs) par Bcom-ldan-hdas (Çâkya) étant dans la cité^^1 de Lankâ, au sommet du mont Malaya, sur le bord de la mer, avec un grand nombre de prêtres et de Bodhisattvas. C’est d’une façon miraculeuse que Çâkya visita Lankâ. Il résulte évidemment du texte que les visiteurs et le prétendu maître de Lankâ sont fictifs ; mais il y a dans le Lankâvatâra

1 Il faudrait dire « l’île » ; il s’agit de Ceylan. — Lankâvatâra, titre du traité, signifie « la descente à Ceylan ». Ce grand Sùtra est un des neuf Dharmas des Népalais. Burnouf en adonné l’analyse et traduit quelques fragments dans son Introduction à l’hist. du Bud. ind., pp. 458-63 de la réimpression.

Voici ce que dit Wassilief sur cet ouvrage :

« L’arrivée à Lankâ ou Ceylan : cette dénomination donne lieu de supposer que ce livre, qui sûtra un exposé détaillé des théories de la métaphysique bouddhique en même temps que de celles de quelques sectes hétérodoxes, notamment de la secte Lokâyata (tib. Hjig-rten rgyang hphen-pa) འཇིག་རྟེན་རྒྱང་འཕེན་པ. Çâkya, s’entretenant avec un Bodhisattva (appelé en sanskrit Mahà-mati, tib. Blo-gros-chen-po), énumère les lieux communs de la métaphysique bouddhique, en accompagnant chacun d’eux d’une discussion. Du folio 298 au 456, il y a une nouvelle explication du Lankâvatâra-sûtra contenant, selon ce qui est formellement déclaré, l’essence de la doctrine de tous les Tathâgatas.

Le Lankâvatâra-sûtra a été traduit par ordre du roi tibétain Dpal-lha-btsan-po (Kri de-srong-btsan ou Ral-pa eau) dans le neuvième siècle. Nul Pandit indien n’est mentionné. Il est dit seulement qu’il fut traduit par le Lotsava Gelong (Hgos-chos-grub), qui ajouta le commentaire d’un professeur ou docteur chinois appelé Wen-hi ; ce commentaire doit être la dernière partie du Sûtra décrit ci-dessus.

3. Le troisième traité (folio 456-468 et dernier) a pour titre sanskrit :

Arya gayâ çirṣa nâma mahâyâna sûtra, tib. Hphags-pa gayâ-mgohi-ri འཕགས་པ་ག་ཡྰ་མགོའི་རི, « la colline de Gayâ-cirṣa », court traité de grand Véhicule sur les théories et les pratiques des Bodhisattvas.

Peu après être devenu Bouddha, Çâkya se trouvant avec un millier de Gelongs et beaucoup de Bodhisattvas au Caitya (tib. mchod-rten) de Gaya, lieu d’adoration sur la colline de Gayâ, Hjam-dpal (Sk. Manju-çri), lui demande l’explication du terme Bodhisattva, explication qui lui est donnée ; c’est tout le sujet de ce traité.

    représente les idées des Mahâyanistes méridionaux, aurait été composé dans cette ile où serait né Aryadeva. Il remue les questions les plus abstraites et les plus importantes de la philosophie bouddhique et tend en même temps à détruire les théories hérétiques qui avaient également cours, comme nous l’apprenons par cet ouvrage, sur les Nidânas, le Nirvana et la non-éternité. Il y est dit que les noms ne sont pas des noms, qu’il y a pour la nature se(il laçons d’existence indépendante ; on y trouve des considérations sur les trois caractères de la raison la plus haute et la plus sage, sur le réveil par soi-même, sur la fausseté et la vanité des idées. Le Tathâgata est créé et n’est pas créé, il est non-éternel et n’est pas non-éternel ; son cœur (Tsang, âlaya) est le fondement du bien et de ce qui n’est pas le bien. Tous les objets (extérieurs) existent dans l’instantanéité (sont momentanés). — Il y a deux espèces de non-moi » (151-2).

  1. « Éclaircissement de la volonté » (littéralement « relâchement du lien »). C’est encore un de ces livres qui énoncent un jugement sur l’ensemble de l’enseignement si varié attribué au Buddha, lequel se trouve maintenant au delà des limites du monde. Il est également attribué aux Yogâcâryas, mais les Madhyamikas l’ont pris pour eux.

    « Tout composé n’est ni composé ni simple ; de même aussi tout ce qui est simple n’est pas simple ; mais tout cela n’est qu’une hypothèse, une expression admise, semblable à un fantôme, etc. L’idée absolue (et ce qui est dans l’idée absolue) dépasse toute notion subjective et toute conception de l’unité ou de la variété de l’être. Tout a des signes généraux ». — Enseignement de l’Atman et de l’Alaya, d’après les trois signes. Dans l’âme du Tathâgata il n’y a point de convictions nouvelles ; le véritable réveil (c’est-à-dire l’acquisition de la Bodhi), l’action de tourner la roue de la loi, l’absorption dans le Nirvâna, rien de tout cela n’a deux caractéristiques (ce qui veut dire que c’est une seule et même chose). — Le passage le plus important de tout le Sûtra est toutefois le suivant, dont les Yogâcâryas se servent pour justifier leur système :

    Chapitre V. À l’époque où le Buddha dans le bois des Gazelles fit tourner la roue de la doctrine des quatre vérités, cette doctrine, quoique admirable, n’était pas compréhensible (c’est-à-dire qu’elle était fausse). Plus tard lorsqu’il fit tourner la roue de la doctrine sur les signes secrets et cachés, s’appuyant sur le principe que nul objet n’est indépendant, cette doctrine (celle de la Prajñá pâramitâ) était également incompréhensible. Maintenant il fait tourner pour la troisième fois la roue de la loi véritable sur les signes publics et compréhensibles, et cette loi est véritablement compréhensible (Vassilief, 152-3).