Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu’au milieu du XIXe siècle/De la Chronique de Galicie

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De la Chronique de Galicie.

La chronique de Galicie, composée vers 1250, est un des monuments les plus remarquables du treizième siècle. Le récit commence après la mort de Roman (1205) et l’éloge de ce prince, que nous reproduisons ci-dessous, en forme l’introduction. Il se base probablement sur un chant dithyrambique en l’honneur de Roman, mais en faisant un parallèle entre ce prince et son aïeul Vladimir Monomaque, il cite un fragment d’une épopée de la seconde moitié du xiie siècle.

Le feu duc Roman, monarque de toute la Russie, vainquit tous les peuples païens. Vivant selon la sagesse des lois de Dieu, il se rua sur eux comme un lion, car il était méchant comme un lynx, les exterminant comme s’il eût été un crocodile et parcourant leur terre comme un aigle. Il était courageux comme un buffle.

Il égalait en cela son grand-père le Monomaque, qui écrasa les misérables Ismaélites, appelés Polovetz, qui exila Otrok chez les Obez[1] derrière la Porte de Fer. Mais Sertchane restant au bord du Don, fut obligé de se nourrir de poissons[2]. Pendant ce temps Vladimir Monomaque puisait l’eau du Don dans son casque d’or[3] et après avoir chassé les Polovetz, il régnait sur leurs terres.

Mais après la mort de Monomaque, Sertchane envoya le seul ménestrel qui lui restait, Ore, à Otrok chez les Obez et lui dit : « Vladimir est mort ! Reviens donc, viens dans ton pays, ô mon frère. — Dis lui cela, répète-lui toutes mes paroles, chante-lui des chansons des Polovetz, mais s’il refuse de revenir, donne lui cette herbe à sentir, cette herbe qui s’appelle ievchane. »

Mais Otrok ne voulut point revenir, ni même écouter les chants, et le messager lui donna à sentir cette herbe. L’autre, l’ayant senti se mit à pleurer en disant : « Il vaut mieux laisser misérablement ses os dans son pays que d’être grand à l’étranger ! »

Il revint sur ses terres et engendra Kontchak qui ravagea les contrées de Soula, faisant ses expéditions à pied, son chaudron sur les épaules.

Ainsi le duc Roman tâcha d’égaler les prouesses de son ancêtre et s’efforça d’exterminer les barbares.

  1. Nom du peuple qui habitait le Daghestan actuel.
  2. C’était le comble de la misère pour un Khan de nomades d’en être réduit, après avoir perdu ses troupeaux, à se nourrir de poisson.
  3. C’est-à-dire qu’il en était maître.