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Arrie et Petus

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Pour mon prochain bonheur tout semble conſpirer.
Je vois avec le mien mille coeurs ſoupirer,
Et Rome offre à mes yeux un hommage ſincère,
Lorſqu’elle adore en vous Germanicus mon frère.
Mais d’un deſtin ſi beau quelques mutins jaloux
Eloignent le moment qui doit m’unir à vous.
Deux d’entre eux arrêtés, par les ſoins de Narciſſe,
Découvriront leur Chef à l’aſpect du ſupplice.
Vous voyez qu’à ce ſoin je me dois tout entier.

Agrippine.

Le ſoin de votre amour n’eſt-il pas le premier,
Seigneur? Quelques mutins ſuſcitez par l’envie
Doivent-ils décider du bonheur de ma vie ?
N'avez-vous plus pour moi ces tendres ſentimens,
Qui répondoient ſi bien à mes empreſſemens?
Quoi! le moindre péril vous alarme, vous glace,
Et m’écarte du trône où votre amour me place ?
Ce n’eſt pas toutefois que ce rang glorieux
De l’éclat qui le fuit, éblouisse mes yeux,
La grandeur n’eſt ſouvent qu’un pompeux eſclavage:
Regner ſur un cœur tendre eſt un plus doux partage.
C’est le ſeul ou j’aſpire ; & vous ſçavez, Seigneur,
Que j’aime Claudius, & non pas l’Empereur.

Claudius.

J’aime ces ſentimens : mais permettez, Madame,
Que je puiſſe à mon tour répondre à votre flamme.
Un amour ſi parfait joint à tant de vertus
Merse l'Empereur, & non pas Claudius.

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Croyez-vous que le sien ne ſoit pas inflexible !
Vos ordres à ſon père ont fait perdre le jour,
Et ſon reſſentiment s’oppoſe à votre amour.

Claudius.

Narcisse, je ſçais trop que la ſevere Arrie
Croira par mon hymen voir ſa gloire flétrie,
Et que le ſang d’un pere immolé par mes loix
Est contre mon amour une trop forte voix.
Il me faut surmonter un invincible obſtacle ;
Mais un Empire offert peut faire ce miracle ;
Et j’eſpere en ce jour assurer mon repos.
Toi, va des conjurez découvrir les complots :
Pour connoitre leurs Chefs, & punir leur audace,
Emploie en même-tems & promeſſe & ménace.
D’Agrippine ſur-tout obſerve tous les pas.
Je vais trouver Arrie, & je ne doute pas
Que ſon âme…

Narcisse.

Que ſon âme… Seigneur, je la voi qui s’avance.

Claudius.

Va, cours, fais éclater ton zéle, & ta prudence.



Scène IV.

CLAUDIUS, ARRIE.
Claudius, voyant qu’Arrie veut ſe retirer.


D’Où vient qu’en me voyant vous fuyez de ces lieux ?

Quoi ! voulez-vous toûjours vous cacher à nos yeux,
Madame, & toute entiere à votre inquiétude,
Au milieu de ma Cour chercher la ſolitude ?

Arrie.

Seigneur, dans les malheurs où mes jours ſont réduits,
C’eſt à la ſolitude à cacher mes ennuis ;
Et ſur-tout dans un jour où votre hymen s’apprête,
Ma douleur importune en troubleroit la fête.

Claudius.

Cette fête, ſans vous, ſeroit triſte pour moi.
Je ne puis être heureux qu’autant que je vous voi.
Ce diſcours vous ſurprend ; & je ſçai bien, Madame,
Que, ſi ſur votre cœur il faut regler mon ame,
Le voyant tous les jours dans ſa haine affermi,
Je dois n’avoir pour vous que des yeux d’ennemi.
Mais malgré cette loi que votre cœur m’impoſe,
Un deſtin plus puiſſant autrement en diſpoſe :
Et lorsqu’à vous haïr il prétend m’animer,
Je ſens trop que le mien ne peut que vous aimer.

Arrie.

Moi !

Claudius.

Moi ! Ne m’oppoſez point mes feux pour Agrippine.
Je retire une main que l’Amour vous deſtine,
Et j’ignorois encor le pouvoir de vos yeux,
Lorſque je lui promis un trône glorieux.
C’eſt à vous d’y monter. Regnez, regnez, Madame ;

Regnez sur les Romains ainſi que ſur mon ame.
S’il étoit ici-bas un rang plus élevé,
Les Dieux, & mon amour vous l’auroient reſervé.
Mais enfin à vos pieds je mets la terre & l’onde,
L’époux que je vous offre eſt le maître du monde :
Et, quelque grand qu’il ſoit, vous voyez toutefois
Que ce Maître du monde eſt ſoumis à vos loix.

Arrie.

Seigneur, de quelque éclat que votre amour me flate,
L’excès de vos bontez ne feroit qu’une ingrate :
Retenez vos préſens pour exemter mon cœur,
D’être ſi peu ſenſible au choix d’un Empereur.
Dans l’état où je ſuis, à moi-même contraire,
Je hais tout, je fuis tout, juſqu’au jour qui m’éclaire.
Agrippine à vos vœux répondra mieux que moi :
Rendez-lui votre cœur, gardez-lui votre foi.
Je vous l’ai déja dit, j’aime la ſolitude :
J’en ai fait dans mes maux une douce habitude.
Helas ! ne m’ôtez pas à force de m’aimer,
Le ſeul bien qui me reſte, & qui peut me charmer.

Claudius.

Et vous par un refus à mon eſpoir funeſte,
Ne m’ôtez pas auſſi le ſeul bien qui me reſte.
Non, je ne mets le prix de l’Empire Romain
Qu’à la ſeule douceur de vous donner la main.
Consentez-y, Madame, & d’un cœur qui vous aime,
Songez que le deſtin dépend tout de vous-même.

Arrie.

Quoi ! vous m’aimez, Seigneur, & voulez cependant
Attirer ſur ma tête un orage éclatant.
Faut-il, ſi je peris, que votre amour l’ordonne,
Et que pour m’immoler votre main me couronne ?
Car je ne ſçai que trop qu’un cœur ambitieux
S’approche de la foudre en s’approchant des Dieux.
Des coups de la fortune à mes dépens inſtruite,
Je ſçai tous les malheurs qu’elle traîne à ſa ſuite :
Et pour me diſpenſer d’un inutile ſoin,
L’exemple en eſt chez moi, ſans le chercher plus loin.

Claudius.

Oubliez des malheurs dont la fin eſt ſi belle :
Et ne ſongez qu’au trône où mon choix vous appelle.

Arrie.

Heureux ! qui fuit l’orage & ſe tient dans le port.
De Silanus mon pere enviſageant le ſort,
Je le voi s’allier au ſang de Meſſaline.
En s’approchant du trône il court à ſa ruine,
Il ſe creuſe lui-même un précipice affreux :
Un rang moins élevé l’eût rendu plus heureux.
Le même ſort m’attend, votre amour me l’apprête,
Souffrez qu’à ce péril je dérobe ma tête.
Je connois Agrippine, & toute ſa fureur,
J’en prévoi des effets qui me glacent d’horreur,
Et lorſque vous m’offrez la puiſſance ſuprême,

Je ne dois pas me perdre & vous perdre vous-même.

Claudius.

Je crains peu ce péril, & ſeul maître en ces lieux,
Au-deſſus de mon ſort je ne voi que les Dieux.
Mais en vain je m’attache à raſſurer votre ame,
Un obſtacle plus fort deſeſpere ma flamme.
Et quand vous rejettez et l’Empire, & ma foi,
Je lis dans vos refus votre haine pour moi.
Je voi de mon ardeur quel prix je dois attendre ;
Vous ne me répondez que pour vous en défendre ;
Et vous cheriſſez trop un triſte ſouvenir.

Arrie.

Je fais ce que je puis, Seigneur, pour le bannir.

Claudius.

Vous oublieriez ſans peine une pareille offenſe,
Si vous laiſſiez agir votre reconnoiſſance.

Arrie.

Ce grand effort, Seigneur, n’eſt pas en mon pouvoir :
Et dans mon triſte cœur tout cede à mon devoir.

Claudius.

Quel que ſoit ce devoir il y prend trop d’empire.

Arrie.

Quel que ſoit ce devoir la vertu me l’inſpire.

Claudius.

J’entrevoi tous les ſoins qui vous ſont inſpirez,
Vous en cachez encor plus que vous n’en montrez.

Arrie.

Hé bien ! puiſqu’il le faut, je vais ne vous rien taire.
Sous un fer meurtrier j’ai vu tomber mon pere.
Vous le ſçavez, Seigneur, & ce coup inhumain
Par un injuste arrêt partit de votre main.
Quoi ! je pourrois encor, peu ſenſible à ma gloire,
Flétrir mes triſtes jours d’une tache ſi noire,
Et ſouffrir que la main qui l’a mis au tombeau,
D’un hymen ſi coupable allumât le flambeau !
J’irois dans les enfers faire rougir ſon ombre !
Et de ſes aſſaſſins j’augmenterois le nombre !
Ha ! Seigneur, voulez-vous qu’après ſon triſte ſort
Une ſeconde fois je lui donne la mort ?
Quelle funeſte image à mes yeux ſe préſente !
Souffrez dans mes malheurs que je ſois innocente ;
Et qu’aumoins par les Dieux mon cœur perſécuté.
Eprouve leur courroux ſans l’avoir mérité.

Claudius.

Si l’on ſacrifia Silanus votre pere,
Pour aſſurer mes jours ſa mort fut néceſſaire.
On doit tout redouter d’un ſujet trop puiſſant,
Et dès qu’il eſt ſuſpect, il n’eſt plus innocent.
Le poids de ſes grandeurs l’entraîne au précipice.
Mais je veux qu’un arrêt dicté par l’injuſtice
Ait frapé Silanus d’un coup trop inhumain :
Puis-je mieux le venger qu’en vous donnant la main ?
Quel triomphe pour vous ! une éternelle chaîne
Vous fera ſur mon cœur regner en ſouveraine.

Cette main dont le coup vous force à ſoupirer
A cauſé vos malheurs, & veut les reparer.
Cette main d’un proſcrit relevant la famille,
Mit le père au tombeau, place au trône la fille :
Et cette main enfin vous éleve en un rang
Qu’on a cent fois payé du plus pur de ſon ſang.
Mais je vous montre en vain l’éclat qui l’environne,
Ce rang vous fait horreur, lorſque je vous le donne.
Je ne dis plus qu’un mot. Vous ſçavez mon amour,
Et je ne voi que trop votre haine à mon tour.
Je vous parle en Amant ; mais vous pourriez peut-être
Me contraindre à la fin à vous parler en Maître.
Du Maître ou de l’Amant, c’eſt à vous de choiſir.
Je vous laiſſe, Madame, y rêver à loiſir.




Scène V.

Arrie, ſeule


MOn choix eſt déja fait. Le plus triſte eſclavage
Eſt moins affreux pour moi qu’un hymen qui m’outrage.
Cruel, regne en tyran, appeſanti mes fers :
Mais crains les juſtes Dieux vengeurs de l’Univers,
Avant la fin du jour j’attens de leur juſtice,
Aux manes de mon pere un ſanglant ſacrifice.
Chere ombre, qui m’entens du ſéjour ténébreux,

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