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Au Canada et chez les Peaux-Rouges/Le Manitoba et le Nord-Ouest

La bibliothèque libre.
Librairie Hachette et Cie (p. 113-129).


vii

le manitoba et le nord–ouest


Un chef sauvage au pénitencier. — Poundmaker. — La famille de Riel à St-Vital. — La Rivière au Rat. — Une maison d’habitant. — La secte des Mennonites. — Les terres à colonisation. — Townships et homesteads. — Les colons étrangers. — Encore la question des races. — Les feux de prairie. — La ferme Bell. — Le Bœuf Assis. — Regina.


Aux environs de Winnipeg s’élève le pénitencier de la province de Manitoba, auquel un chemin de fer local conduit en un quart d’heure. Le pénitencier est près de la station, en haut d’un petit mamelon rocailleux — le seul du pays — auquel on donne le nom pompeux de « Montagne de Pierre » (Stony Mountain). La prison, dont le directeur, M. Bedson, fait les honneurs avec beaucoup de complaisance, est une maison centrale recevant les condamnés à plus d’un an d’emprisonnement. Ceux-ci étaient, au moment de notre visite, au nombre de 97, parmi lesquels 15 détenus provenant de la dernière insurrection du Nord-Ouest. Les condamnés sont soumis au régime cellulaire. Au centre d’une grande pièce bien aérée se dressent les cellules qui, placées de la sorte, ne touchent nullement aux murailles. Vingt cellules sont ainsi adossées les unes aux autres et surmontées de deux étages disposés de la même façon. La cellule est très étroite et ne reçoit de jour que par la porte consistant en une grille en fer qui fait face aux fenêtres. Chaque rangée est de dix cellules qu’un ressort fait ouvrir ou fermer en même temps. Les gardiens sont au nombre de 20 et chacun d’eux reçoit comme salaire 50 piastres par mois, au minimum.

Parmi les prisonniers du Nord-Ouest se trouvent Maxime Lépine, métis qui fut lieutenant de Riel, et Poundmaker, chef de la tribu des Cris. Le nom sauvage de ce dernier est Pi to ka ha na Ri wi yen, c’est-à-dire l’Homme qui garde l’enclos (the man keeping the pound). Les Indiens, dans leurs grandes chasses, avaient coutume de construire un enclos vers lequel ils poussaient les buffles afin de pouvoir les entourer et les tuer plus facilement. Lorsque l’enclos était rompu par les buffles, c’est qu’il était mal fait. Dans le cas contraire les honneurs de la chasse revenaient à celui qui l’avait établi. Poundmaker s’était acquis une réputation dans la construction et la garde de ces enclos, d’où son nom de « Faiseur d’enclos ».

Le chef sauvage jouit d’une liberté relative, car nous le trouvons se promenant dans le jardin. Il ne travaille que quand il le veut — c’est-à-dire point du tout — passe la plus grande partie de son temps à fumer et reste souvent plongé dans d’interminables méditations. Sa défense au procès de Regina a été aussi noble qu’éloquente, ce qui ne l’a pas empêché de s’entendre condamner, à sa grande surprise, à trois ans de prison. C’est un bel homme, dans toute l’acception du mot, de haute stature au teint basané, ayant le type de la race mongole, d’où descendraient les Indiens d’Amérique. Sa belle et rêveuse physionomie, qui devient même agréable lorsqu’il daigne sourire, porte l’empreinte d’une profonde intelligence et en même temps d’un calme imperturbable. Sa démarche est élégante et il a les pieds et les mains d’une duchesse — couleur à part. Il est vêtu du costume du pénitencier, c’est-à-dire d’une veste grisâtre et d’un pantalon dont les jambes sont de couleur différente (grise et jaune) ; par derrière sont marquées les lettres M. P. (Manitoba penitenciary) avec un numéro d’ordre. Il a les pieds chaussés de mocassins et porte sur la tête un chapeau mou. Les prisonniers ont les cheveux rasés ce qui, pour les Sauvages, est un déshonneur, tout comme au temps de l’époque mérovingienne. Par une faveur exceptionnelle, Poundmaker a été autorisé à conserver sa chevelure, qui tombe jusqu’à la ceinture, tressée en plusieurs nattes. Deux petites tresses pendent par devant, le long de sa figure, et sont en partie renfermées dans des étuis et anneaux en cuivre. Sur le milieu du front une de ses mèches est retroussée en forme de crête de coq. Il ne parle que le cri, mais l’un des gardiens lui sert, d’interprète. Il


Poundmaker au pénitencier
D’après une photographie de M. Joliot

se donne 44 ans, mais on lui en ajouterait bien 10 de plus, tant sa figure est hâlée et ridée. Pendant que nous causons avec lui, mon ami Tiret-Bognet le couche sur son album pendant qu’un autre de nos compagnons, M. Joliot, dresse devant lui, mais sans son assentiment, son appareil

photographique. Nous lui offrons des cigares et du tabac qu’il accepte avec plaisir, puis le major Bedson le congédie et il s’en va du pas d’un homme qui se dit : Ce n’est pas trop tôt.

Depuis cette époque, Poundmaker, baptisé par Mgr Taché avec plusieurs de ses compagnons, a été gracié et rendu à sa tribu ; mais il n’a pas joui longtemps de sa liberté et est mort peu après son élargissement (5 juillet 1886).

Le jardin du pénitencier contient un modeste observatoire et des animaux sauvages enfermés ou attachés, tels que des aigles, des vautours, des ours bruns, des renards de prairie d’une pétulance extraordinaire. On y voit aussi une vingtaine de buffles jouissant d’une demi-liberté. Ce sont peut-être les seuls survivants, au Canada, d’une race qui, il y a dix ans à peine, couvrait encore d’immenses territoires.

Du côté opposé de Winnipeg nous allons rendre visite à la famille de Riel qui habite Saint-Vital, petit village de Métis français. C’est là que Riel a résidé pendant quelque temps dans une maison fort simple où vit encore toute sa famille. Sa mère est absente lors de notre visite, mais nous y trouvons sa femme et ses enfants, ses frère, beau-frère et de nombreux enfants. Sa jeune femme, d’origine française, ainsi que l’indique son nom, Marguerite Monette Bellehumeur, est une vraie métisse d’une physionomie régulière, respirant la douceur et une grande timidité. Elle était avec son mari pendant l’insurrection du Nord-Ouest et a couru de grands dangers avec tous les siens lors du combat de Batoche. Deux enfants sont issus de son union avec Riel, un fils et une fille. Le garçon, qui est l’aîné, répond au nom de Jean et est venu au monde en 1881 ; il a une mine éveillée, un front large, de beaux yeux et une physionomie qui dénote une grande intelligence. Il héritera sans doute de quelques-unes des brillantes qualités de son père. Au physique les deux enfants ne ressemblent point à leur père ; ils tiennent plutôt de la mère.

Dans la pièce principale se trouvent trois grands lits ; près de l’un d’eux un petit berceau est suspendu au plafond par deux courroies qu’une troisième rattache au lit de sa mère. Celle-ci peut, de cette façon bercer son enfant sans être obligée de se lever et apaiser ainsi ses pleurs et ses cris. Un peu plus loin se trouve une balançoire d’enfant fort primitive, car le siège en est formé avec un rondin. La pièce est très simplement meublée ; aux murs sont accrochées des images de piété. Dans un cadre entourant un coussin de velours rouge est déposé un clou qui au dire de Riel, lui aurait été envoyé de Rome par le Pape comme provenant de la vraie Croix. Cette version, qui est accréditée à Saint-Vital, ne repose, à vrai dire, sur rien d’authentique. Un beau portrait de Riel complète l’ornementation. Ce portrait est, dit-on, le plus ressemblant de tous ceux qui aient été faits et remonte à plusieurs années, car Riel n’a jamais voulu, dans ces derniers temps, laisser prendre sa photographie, ne voulant pas que son image servît d’objet de spéculation.

À côté de la demeure de Riel se trouve un petit bois aux sentiers sans nombre dans lequel le prophète métis aimait à se retirer. Là il était introuvable, même pour les siens.

L’infortunée femme de Riel n’était pas encore veuve à l’époque de notre visite à Saint-Vital, mais elle ne semblait que trop prévoir le malheur qui allait l’atteindre, et un indéfinissable sentiment de tristesse emplissait tout son être. Le coup fut trop rude pour cette femme dévouée et, quelques mois plus tard, ses deux enfants étaient complètement orphelins.

Saint-Vital n’est qu’un hameau où l’on voit encore les cabanes primitives des Métis, grossièrement construites avec des troncs de sapin et de la terre. Quelques rares ouvertures éclairent seules ces sombres demeures. Les Métis autrefois presque seuls habitants des bords de la rivière Rouge, ont quelque peu déserté ces parages, reculant devant l’immigration anglaise, pour aller s’établir au Nord-Ouest, sur les rives plus solitaires de la Saskatchewan. Leur place a été aussitôt prise, notamment par les Mennonites, dont les nombreuses colonies peuplent la frontière des États-Unis.

C’est dans le but de parcourir cette région que nous prenons, en compagnie de l’élite de la société canadienne-française de Winnipeg, un train spécial, gracieusement offert par la Compagnie du Pacifique, pour descendre à Otterburn, près de la rivière au Rat, ainsi nommée sans doute en raison de la couleur et du parfum peu agréable de ses eaux.

Là nous trouvons M. le curé Joly, dont le nom a été donné à sa paroisse, qui est venu à notre rencontre avec un assortiment varié de carrioles que les habitants ont tenu à honneur d’amener et de conduire eux-mêmes. Ces voitures ont une supériorité énorme sur les fameuses planches du Saguenay : elles ont des ressorts, ce qui n’est pas à dédaigner dans la course à toute vitesse que nous faisons dans la poussière, à travers une plaine ondulée et presque sans arbres, course qui rappelle à s’y méprendre la vitesse des attelages madgyars et les grandes plaines de Slavonie. Le conducteur de ma voiture, un cultivateur de la paroisse de Joly, s’appelle Turenne et, sans prétendre à une parenté quelconque avec le grand capitaine, descend d’un des soldats du régiment de Turenne qui avait pris le nom de son corps, ainsi que cela se faisait souvent autrefois.

En route nous nous arrêtons pour visiter une maison d’habitant(paysan). Nous nous trouvons être chez Mme Ladouceur, dont la fille, par une singulière coïncidence est devenue Mme Labonté. La seule pièce de l’habitation est planchéiée et très proprement meublée. Elle est assez élevée, pourvue de six fenêtres et d’une porte vitrée qui y répandent une grande clarté. Dans un berceau un enfant dort du sommeil du juste ; à côté se trouve un grand fauteuil mobile, en canne. Au milieu de la pièce, est placé un beau fourneau économique, de la valeur de 30 piastres, servant tout à la fois à chauffer la maison, à faire le pain et à cuire tous les aliments. Au premier se trouve le grenier qui sert de pièce de débarras et de réserve. Tout cela est plus propre, plus confortable, plus luxueux surtout que chez n’importe quel paysan de France et de Navarre. Il en est de même dans la plupart des habitations, l’habitant dépensant largement pour s’assurer toutes les commodités de l’existence.

Arrivés à Joly, nous faisons une courte halte au presbytère. La paroisse compte environ 850 habitants, blancs ou métis, tous catholiques. Il y a quelques Irlandais ; tout le reste est de race française. Le nombre des familles est de 99 ; et, en un an, il y a eu 44 naissances, c’est-à-dire une par deux familles. Ici encore, la race canadienne–française donne un merveilleux exemple de sa proverbiale fécondité qui, tôt ou tard, lui assurera la suprématie.

Après une nouvelle course à travers champs, dans une région cultivée et parsemée d’habitations, nous arrivons à Landerfeld, un des nombreux villages des Mennonites. Nous entrons dans une des maisons, qui toutes sont bâties sur un modèle analogue. D’un côté se trouve la demeure des colons, comprenant une grande pièce, planchéiée et proprement tenue, qui sert de salle commune, la chambre à coucher et une petite pièce sombre où se fait la cuisine et où se trouve le poêle qui chauffe l’habitation. De l’autre côté est l’étable renfermant tous les animaux et le bâtiment contenant les provisions, grains, fourrages, etc. Il n’y a partout qu’un rez-de-chaussée assez bas de plafond. L’installation est médiocrement confortable et manque un peu d’air, de lumière et d’espace. Ces choses-là ne font cependant pas défaut au Canada, mais, ici, on se trouve en présence de colons depuis peu de temps dans le pays, et qui n’ont de canadien que le nom.

Les Mennonites forment une secte d’anabaptistes et sont originaires de Prusse. Ce fut à l’époque de Frédéric II qu’ils quittèrent leur pays, pour se soustraire aux charges militaires qui pesaient sur eux, et se réfugièrent en Russie. Il y a une dizaine d’années, ils étaient encore établis sur les bords de la mer Noire, dans le voisinage d’Odessa. Mais apprenant que le gouvernement du tsar se proposait de les soumettre à la loi du recrutement, ils vinrent en grand nombre se réfugier aux États-Unis et au Canada, dans la province de Manitoba principalement. Il y en a ainsi 8 à 10,000, dispersés en de nombreux villages situés dans le voisinage de la frontière des États-Unis. Vivant entre eux seuls, ils ont conservé, avec leurs mœurs et leurs coutumes anciennes, leur langue d’origine : les vieillards parlent assez correctement l’allemand, mais les jeunes gens ont un langage plus altéré. Malgré un siècle de séjour en Russie, les Mennonites n’ont point appris le russe, et c’est à peine si, aujourd’hui, ils savent quelques mots d’anglais. Par leur genre de vie, ils sont aussi étrangers que possible à ce qui se passe autour d’eux.

Leur organisation administrative est restée celle d’autrefois, et ils désignent un des leurs comme leur chef. Lorsque des terres leur ont été concédées au Manitoba, ils les ont réparties par lots égaux entre chacun d’eux, sans distinction hiérarchique aucune. Les plus travailleurs peuvent, bien entendu, augmenter leur patrimoine, mais le fonds commun ne doit rien à leurs enfants. C’est au chef de famille qu’il appartient d’acheter un lot de terre par tête d’enfant.

Les Mennonites se disent fort contents de leur sort. Ils sont, du reste, installés sur des terres d’une grande fertilité, comme on en trouve tant, et à si bon prix encore, au Manitoba et au Nord-Ouest.

Cette région du Canada, qui forme l’immense « Prairie » du Nord-Ouest, est recouverte en maint endroit d’une terre noire très favorable à la culture des céréales. La couche d’humus, qui repose sur un fond de glaise, atteint facilement deux mètres de profondeur. Aucun engrais n’est nécessaire sur un tel terrain, et l’on espère pouvoir s’en passer pendant une période de 25 à 30 années au moins. La partie orientale du Manitoba, la vallée de la Qu’Appelle et celle de la Saskatchewan du Nord sont les parties les plus propres à la culture des céréales, de tout le territoire compris entre la rivière Rouge et les Montagnes Rocheuses.

Dans le but de faciliter la colonisation de cette région qui peut recevoir facilement 40 à 50 millions d’habitants, le gouvernement canadien a fait procéder à l’arpentage des terres dans presque toute la partie colonisable. 70 millions d’acres ont été ainsi mesurées sous la direction de M. Deville, à qui cette mission avait été confiée. L’arpentage est aujourd’hui suspendu, car la superficie concédée ou vendue n’excède pas le quart de celle qui est mesurée. Voici comment s’est opérée la division des terres.

Dans chaque province les terres sont divisées en blocs de 12 milles carrés. Chaque bloc renferme quatre townships ou cantons, dont chaque côté a 6 milles de long, formant ainsi une superficie de 36 milles carrés. Chaque mille carré (640 acres) représente une section et porte un numéro d’ordre. De ces 36 sections 2 sont destinées aux établissements scolaires ; 2 autres appartiennent à la Compagnie de la baie d’Hudson, qui se les est réservées lors de la cession, au gouvernement fédéral, de ses possessions territoriales ; les 32 autres attendent des colons.

Chaque section est divisée en 4 carrés de 160 acres, ou 64 hectares, et renferme 2homesteads et 2 préemptions. Le homestead est le lot que reçoit le colon qui a formé une demande de concession. Cette concession est gratuite et il n’y a à payer qu’un droit de 10 piastres (50 fr.) pour entrer en possession. Le colon, qui a obtenu un homestead, a en outre un droit de préemption, de préférence à tout autre, sur les 160 acres qui touchent à son homestead, moyennant un prix de 10 à 15 fr. l’acre. Le concessionnaire d’un homestead est obligé d’en mettre en culture une partie déterminée ; il est tenu en outre d’y résider six mois de l’année et d’y construire dans le délai de trois ans une maison habitable. Ces conditions remplies, il devient propriétaire incontesté et incontestable du sol, sans avoir eu à payer autre chose à l’origine qu’un droit de 50 francs.

Ces dispositions ne sont applicables qu’aux terres appartenant au Dominion, car la Compagnie du chemin de fer du Pacifique a obtenu la concession, de chaque côté de la voie, d’une zone de terrain ayant une profondeur de 24 milles, et elle ne délivre pas de concession à titre gratuit.

Lorsqu’il a été procédé à cet immense arpentage, on a pris pour base le 49e parallèle qui sert de frontière entre les États-Unis et le Canada, et le méridien le plus rapproché à l’ouest d’Émerson. Et si on jette les yeux sur une carte un peu détaillée du Manitoba et du Nord-Ouest, toute la région cultivable se trouve être découpée en une infinité de petits carrés reproduits sur la carte et transforment celle-ci en un véritable damier.

Dans chaque township, les limites des sections et de leurs subdivisions sont marquées par des poteaux ; mais l’émigrant a parfois quelque peine à trouver sur le sol l’étendue de son homestead, ou de son carré de préemption. En effet, le premier concessionnaire dans un township recule parfois le poteau de délimitation un peu plus qu’il ne le devrait, en procédant au contre-arpentage de son terrain. Son voisin, qui ne veut pas avoir une étendue moindre de celle à laquelle il a droit, recule à son tour les poteaux en question, quand il ne les supprime pas. Il en résulte que, par suite des empiétements successifs qui se sont produits, ou des erreurs commises par les arpenteurs ou les intermédiaires vendeurs, les derniers acquéreurs ne se trouvent plus en présence que d’une bande de terrain d’une étendue dérisoire, et parfois, même, ne parviennent pas à découvrir sur le terrain le lot qui figure d’une façon très distincte sur le papier. Alors, ce ne sont que réclamations et procès sans fin. Dans certaines régions, les arpentages ont été faits si rapidement, que le contrôle n’a guère été possible. C’est ainsi, paraît-il, que, les petits lacs entrant en compte spécial pour l’arpentage, quelques arpenteurs, fort peu scrupuleux, en ont parsemé un peu partout dans l’étendue de leurs townships, à la grande surprise des émigrants, qui ne parvenaient pas à les découvrir. Mais ce sont là des déboires dont on ne se plaint pas trop en Amérique, car chacun prend vite l’habitude de se faire sa place.

Grâce aux encouragements prodigués aux colons par le gouvernement canadien, des milliers d’émigrants viennent chaque année s’établir au Manitoba et au Nord-Ouest. L’appoint principal est incontestablement fourni par la race anglo-saxonne, soit d’Europe, soit de la province d’Ontario. Viennent ensuite, mais à grande distance, les Canadiens-Français de la province de Québec et ceux qui, des États-Unis, rentrent dans leur patrie pour y reprendre la charrue, qu’ils avaient délaissée à tort. Quant aux Français de France, leur nombre est infime.

Mais, à côté des représentants des deux races rivales, on rencontre, depuis l’extension de la colonisation au Far-West, des colons de toutes nationalités : des Allemands (sans parler des Mennonites), des Islandais, des Hollandais, dont le groupe le plus important est près de Portage-la-Prairie, des Scandinaves, des Hongrois, dont la principale colonie a été établie par le comte Esterhazy, sur les bords de la rivière Qu’Appelle ; des Italiens, près de Broadwiew, etc.

Que deviennent ces diverses populations, destinées fatalement à être absorbées, et de quel côté cherchent-elles un appui ?

Lorsque la question de langue n’est pas en jeu, c’est la question de culte qui opère les rapprochements entre races. Ainsi les Hongrois et les Italiens, essentiellement catholiques font marcher leurs intérêts sous la bannière des Canadiens-Français vers lesquels ils se sentent attirés également par une sympathie instinctive. Mais les autres immigrants, presque exclusivement de religion protestante, font, généralement du moins, cause commune avec les Anglo-Saxons. Les Belges se rangent tout naturellement du côté français. Quant aux Irlandais, la question est complexe. Par leur langue ils sont portés à se fondre dans l’élément anglais ; mais par leur religion et par haine de l’orangisme, ils se rapprochent parfois de l’élément français avec lequel ils marchent en bien des comtés. C’est une question d’influence et de milieu. Mettez un Irlandais dans un milieu français où il puisse apprendre notre langue et constater par lui-même que nous lui sommes sympathiques, il s’identifiera avec nous. Mettez-le au contraire dans un milieu anglais, vous le trouverez souvent contre nous, subissant, et très facilement, une influence hostile à notre race.

À l’époque où la Compagnie de la baie d’Hudson fit l’abandon au gouvernement canadien de ses droits suzerains, l’élément français, y compris les Métis, formait plus d’un tiers de la population totale du Manitoba. Douze ans après, en 1881, cette proportion n’atteignait pas un sixième, car on ne comptait que 9,949 Français sur un total de 65,954 habitants. Depuis le dernier recensement ce dernier chiffre a plus que doublé, mais l’élément français a plutôt perdu que gagné.

À quoi cela tient-il ? Est-ce à l’affaiblissement de la natalité ? Non certes, car la fécondité de la race canadienne ne s’est pas démentie un seul instant ; mais tandis que les émigrants anglais arrivaient par milliers, les émigrants français n’arrivaient que par centaines. Aussi l’élément français se trouve-t-il dans une situation délicate et a-t-il besoin de toute son énergie pour maintenir ses droits. Lors de la formation de la province, le parti français fit entrer deux de ses membres dans le ministère provincial. Aujourd’hui il n’en possède plus qu’un,[1] mais il a conservé un juge à la cour du Banc de la Reine à Winnipeg, un sénateur et un député fédéral.

Il est à craindre que cet état de choses ne dure tant que l’émigration sera aussi forte. Mais lorsque les meilleures terres seront occupées, que les colons devront faire plus de sacrifices pour fonder des établissements, il y aura un temps d’arrêt, puis l’accroissement de la population se fera surtout par la natalité et c’est alors que l’élément français regagnera peu à peu le terrain perdu. Et le jour où il aura pu conquérir la majorité au Manitoba, la situation géographique de cette province lui assurera une influence immense sur tout le Dominion.

Au Nord-Ouest, les mêmes phénomènes se sont produits d’une façon plus accentuée encore, à cause de la dissémination de la population française, de l’affluence des émigrants et de l’étendue du territoire colonisable. En 1880, sur une population de 56,446 habitants (dont 49,000 Sauvages) on comptait 2,896 Français, en majeure partie métis, 2,862 Anglo-Saxons et 1 206 habitants d’origines diverses. La race française, si elle ne formait pas la majorité absolue, tenait au moins la tête, si on laisse de côté les Sauvages. Depuis cette époque la population est descendue à 48,362 habitants, par ce fait que le recensement de 1885 ne mentionne plus que 20,170 Sauvages. Par contre, la population blanche ou métisse a plus que quadruplé, car elle s’est élevée, en cinq années, de 6,974 à 28,192 habitants. Mais c’est ici que se font sentir les effets de l’immigration anglaise : l’élément français ne compte que 4,907 représentants, tandis que l’élément anglais, qui ne venait qu’au second rang, passe d’un bond au premier avec 21,874 membres.

Ce qui se passe au Nord-Ouest est donc une répétition de ce qui a lieu au Manitoba ; mais ici la lutte sera plus difficile encore, et la race française aura besoin de toute son énergie pour ne pas se laisser absorber. Son salut viendra de sa situation géographique. En effet, tandis que le gros de la colonisation anglaise se porte le long de la voie ferrée du Pacifique et au pied des Montagnes Rocheuses, l’élément français cantonné dans la partie septentrionale des Territoires, encore peu facilement accessible, se trouve momentanément à l’abri de l’invasion. Installé sur les meilleures terres et occupant les points stratégiques les plus importants de la vallée de la Saskatchewan-Nord, il a pour lui tous les avantages de la position. Il domine haut la main dans le sous-district d’Edmonton, possède la majorité dans celui de Battleford et lutte avec chances de succès dans ceux de Prince-Albert et de la rivière Carrotte. Que pendant quelques années encore les rives de la Saskatchewan soient délaissées par le flot des nouveaux arrivants et la race française aura transformé cette vallée en une forteresse nationale dont Edmonton sera l’imprenable donjon.


Nous partons de Winnipeg, par le train de l’Ouest, du matin. Partout, aux environs, le sol est cultivé et les propriétés entourées de clôtures. Ces clôtures, qui, dans d’autres provinces, étaient simplement formées avec des troncs d’arbres entre-croisés, sont formées ici avec des poteaux et des fils de fer. Cela tient à ce que le bois est rare et par conséquent assez cher et que ce genre de clôture résiste mieux aux feux de prairie ; la flamme glisse si rapidement que les poteaux ne sont qu’un peu noircis.

Nous passons successivement à Portage-la-Prairie, qui est une petite ; ville, à Brandon, Virden, gros bourgs nés d’hier qui croissent rapidement et possèdent des succursales de banque et un journal. Au Lac-aux-Chênes (Oak Lake) nous prenons au passage un habitant de cette localité qui nous apprend que là se trouve un centre canadien-français comprenant 70 familles. Depuis peu de temps 10 familles sont venues de France s’adjoindre à ce groupe. Ces familles sont toutes originaires de la Haute-Loire et elles attendent un nouveau convoi de compatriotes. L’élément français est peu répandu de ce côté et, une fois sorti du Manitoba, nous ne rencontrerons plus sur notre route directe que des Canadiens-Français isolés.

Aux limites du Manitoba, les habitations se font rares et les stations sont de plus en plus éloignées. L’horizon s’étend à perte de vue et pas un arbre ne le coupe. Là où il n’y a point de culture, une herbe courte et sèche recouvre le sol. De temps à autre on traverse une coulée. C’est une dépression, à qui les Espagnols donnent le nom de barranco, et les Hispano-Américains celui de quebrada, qui cache ordinairement un cours d’eau abrité sous le feuillage. La végétation, qui y est assez abondante, cesse brusquement au sortir de la coulée, et l’on attribue cette nudité de la plaine à l’action dévastatrice des feux de prairie, qui ne s’arrêtent qu’au bord des ravins ou des rivières.

C’est à l’automne que les feux de prairie courent comme le vent à travers les herbes sèches. Qu’il tombe une étincelle le long de la voie ou que le feu soit mis exprès ou par mégarde dans la prairie, l’incendie se communique de proche en proche et atteint des étendues considérables. Le jour, les feux sont déjà fort curieux à observer, mais la nuit le spectacle est grandiose, surtout quand le train marche entre deux rangées de flammes. Rien ne résiste à ces incendies et lorsqu’un obstacle naturel ne les arrête pas, le colon qui a des récoltes à préserver, doit prendre soin de retourner la terre tout autour sur une assez large étendue, afin d’enlever au feu son aliment et de briser son action. Lorsque le vent est violent et l’herbe haute, le feu gagne avec une rapidité incroyable. Les buffles, au temps où il y en avait encore au Canada, étaient souvent enveloppés par les flammes et la vitesse de leur course ne les préservait point toujours du trépas. Le chasseur qui se trouve alors dans la prairie, n’a qu’un moyen d’échapper à la tourmente : c’est de mettre lui-même le feu aux herbes, afin de faire le vide autour de lui.

C’est au moment où nous allions tirer le rideau du sleeping que le premier feu de prairie est signalé. Nous nous précipitons sur la passerelle du wagon pour admirer ce spectacle qui a pour nous tout l’attrait de la nouveauté. L’absence de vent ne propage que lentement l’incendie, mais la flamme dessine sur le sol de curieuses arabesques de feu et éclaire le ciel noir de lueurs fantastiques et sinistres tout à la fois.

C’est au beau milieu de la nuit que nous arrivons à Indian-Head (Tête d’Indien), station qui dessert la belle ferme modèle du major Bell. Bien que des chambres nous aient été réservées dans le modeste hôtel de ce petit trou, nous ne trouvons pas notre compte. L’hôtelier, assez embarrassé, nous explique que, par suite de la venue du gouverneur général, en tournée sur la ligne nouvelle du Pacifique, il a eu quelques rares visiteurs, et cela a suffi pour emplir ses appartements. On se case comme on peut ; le garçon, pour nous fournir les éléments d’une literie, pénètre dans les chambres déjà occupées et en rapporte, tantôt une couverture prise sur le lit d’un client, tantôt un oreiller que nous lui voyons enlever sans plus de façon de dessous l’oreille d’un dormeur qui n’a pas le temps d’ouvrir l’œil et de s’ébahir d’un tel procédé. Grâce à ce sans-gêne bien américain, qui semble tout naturel parce qu’il est essentiellement pratique, les moins bien partagés d’entre nous peuvent s’organiser un campement dans le salon. Nous ne quitterons pas cet hôtel sans une mention particulière sur la couleur de son eau de toilette. Cette eau, qui est d’un noirâtre effrayant, nettoie peut-être ceux qui sont sales, mais elle salit sûrement ceux qui sont propres.

Le lendemain matin, le major Bell vient nous prendre en voiture pour nous conduire à son habitation située à un mille de distance. Sa jeune femme nous fait un accueil empressé et nous invite, à nous asseoir à une table fort bien garnie. D’excellents vins de France, comme nous n’en avions pas bu depuis longtemps, coulent à flots pressés dans nos verres, et le major nous raconte comment, par suite de la cherté des transports et des tarifs élevés de la douane, chaque bouteille de Sauterne lui revient à 4 piastres (20 francs).

Après déjeuner, nous visitons la ferme, dont la superficie n’est pas moindre de 60,000 acres (24,000 hectares). Ses limites, le long du chemin de fer du Pacifique, commencent à 6 milles à l’ouest d’Indian-Head, et, du côté opposé, vont jusqu’à 2 milles de la station de Qu’Appelle. L’acre a été payé 1 piastre et 1/2, sauf sur la bordure du chemin de fer, où la Compagnie en a réclamé 7 piastres. Cette étendue considérable de terres n’est pas entièrement exploitée. Chaque année, 7,000 acres environ sont mises en valeur. La culture dominante, pour ne pas dire unique, est celle du blé, qui donne, par acre, un rendement moyen de 25 à 30 minots,[2] ce qui fait 22 à 23 hectolitres par hectare. L’abondance du rendement et le peu de frais de la culture expliquent facilement comment le Far-West a pu, malgré le prix des transports, inonder l’Europe de ses produits, et comment le Nord-Ouest canadien, avec son immense étendue de terres vierges, deviendra sous peu le grenier à blé de l’ancien monde.

La ferme nourrit 70 têtes de gros bétail, 150 chevaux et 300 porcs. Il n’y a pas de moutons. Les ouvriers agricoles, au nombre de 150 environ, avaient été réduits de moitié, ainsi que les cultures, au moment de l’insurrection des Métis. Chaque travailleur gagne 35 piastres par mois, logé, mais non nourri. Quand la nourriture lui est octroyée, son salaire descend à 25 piastres. Mais les prix changent selon les circonstances et l’année précédente le taux des salaires ôtait plus élevé de 10 piastres. Chaque ouvrier a droit à une cabane et à une acre de terre.

Tout travail est fait à l’aide de machines à vapeur, à l’exception du labourage. Nous voyons fonctionner sous nos yeux 6 charrues à 3 chevaux ; la veille, en l’honneur du gouverneur, il n’y en avait pas moins de 35. Le matériel est considérable et compte notamment 48 moissonneuses-lieuses et 50 semeuses à un cheval. Chacune de ces dernières ensemence 25 acres par jour. Très peu de machines sont de fabrique canadienne ; presque toutes viennent des États-Unis dont le Canada est encore tributaire à ce point de vue. Une installation aussi complète que celle de la ferme Bell n’est pas sans être coûteuse ; aussi le major nous dit-il que depuis trois ans, date de son installation, les dépenses faites sur sa propriété n’ont pas été moindres d’un 1/2 million de piastres. La maison d’habitation, d’un extérieur fort simple, est installée sans luxe, mais avec le confort nécessaire dans un pays n’offrant point de ressources pour les facilités de la vie. Le téléphone relie la demeure du major Bell à la station et aux principaux points de son immense domaine.

Aux époques de grands travaux, comme au temps de la moisson, on engage à titre d’auxiliaires des Indiens du voisinage. Ce sont des Assiniboines (hommes de pierre) et parfois des Sioux. Ces derniers appartiennent à la grande tribu émigrée au Canada avec le Bœuf-Assis (Sitting-Bull), le Napoléon des Sioux, si souvent en lutte avec les Visages-Pâles. Après avoir détruit complètement la colonne du généra] américain Custer, envoyée pour le faire rentrer dans l’ordre, le grand chef sauvage comprenant qu’il ne pourrait résister aux forces nombreuses dirigées contre lui, prit le parti de quitter les États-Unis et vint avec sa tribu camper dans la vallée de la Qu’Appelle. Plus tard, il fit la paix avec le gouvernement de la Maison-Blanche et rentra sur les terres de la République à la bannière étoilée. Mais une fraction de la tribu est restée au Canada, vivant avec les Assiniboines, les moins sauvages de tous les Indiens.

Les Sauvages recrutés comme ouvriers travaillent assez bien, mais pas d’une manière suivie, 8 ou 10 jours ordinairement. Ils rentrent sous leur tente, puis reviennent un peu plus tard. On ne les emploie jamais qu’à des travaux peu compliqués, tels que le chargement des gerbes. Comme salaire on leur donne la somme, relativement élevée pour un Sauvage, d’une 1/2 piastre, plus la nourriture. Leurs femmes travaillent beaucoup mieux ; mais cela tient à ce que la squaw est considérée par l’Indien comme une bête de somme et chargée, à l’instar de la femme arabe, des travaux les plus pénibles. L’homme se considère comme trop gentleman pour mettre souvent la main à la besogne. Un des Sioux, qui avait promis de venir travailler à la ferme, arriva un jour avec ses quatre femmes et s’assit tranquillement sur l’herbe pendant que ses compagnes ne se ménageaient point. Comme on lui rappelait sa promesse, il parut tout étonné et, montrant ses quatre femmes, dit qu’il voulait bien consentir à les laisser travailler, mais que lui avait bien compris qu’il n’aurait qu’à les regarder faire.

Avant de quitter le major Bell et Indian-Head, nous allons en voiture jusqu’au lac Qu’Appelle, situé à 10 milles environ au nord de la ferme. Le pays est plat jusqu’au lac beaucoup plus long que large, qui semble enfoui au fond d’une grande coulée. À la partie orientale, où nous arrivons, il n’y a pour uniques habitants que des maringouins. Ces trop célèbres moustiques touchent, heureusement pour nous, au déclin de leur existence et sont devenus presque inoffensifs.

À une heure d’Indian-Head s’élève Regina, chef-lieu du district d’Assiniboia et capitale du territoire du Nord-Ouest. La nouvelle cité, qui ne date que de 1882, est une ville pour ainsi dire artificielle, car rien, ni au point de vue commercial, ni au point de vue politique ou stratégique, ne justifiait une création aussi peu pratique. Ce coin de terre présente un aspect absolument désolé. Il n’y a pas un seul arbre, et ceux qu’on avait transplantés pour orner la capitale ont refusé de vivre. L’eau fait généralement défaut, et l’on en est réduit à barrer un cours d’eau qui est à moitié sec ou marécageux, selon la saison. Enfin, quand le vent y souffle, et nous ne l’avons que trop bien senti, il le fait de façon à décorner les buffalos les mieux coiffés. C’est, en un mot, une triste résidence, qui paraît tout à fait dénuée d’avenir. Aussi ne peut-on expliquer sa fondation que par des considérations de spéculation de terrains.

La ville est tracée en damier, avec de larges chaussées, tout comme à Winnipeg ; mais, sauf dans le voisinage de la gare, la plupart des rues ne possèdent que quelques maisons dispersées en tous sens. Cela vient de ce que les détenteurs de terrains voulant vendre ces derniers fort cher, on bâtit un peu partout et à grande distance. L’administration donne, du reste, l’exemple de cette incohérence de construction, car l’office gouvernemental est fort éloigné de la gare, dans un endroit tout à fait désert. C’est là que siège l’Assemblée législative du Nord-Ouest. Tout est anglais à Regina, fonctionnaires comme habitants, à l’exception du secrétaire du conseil, M. Forget.

Nous avons trouvé à Regina le plus aimable accueil chez M. Davin, directeur du journal local, The Leader, et ancien correspondant du Standard à l’armée du maréchal de Mac-Mahon. M. Davin[3] nous fait d’abord voir son imprimerie, une grande baraque en bois à un étage. Son journal, qui paraît une fois par semaine, est établi très modestement, car la clientèle est peu nombreuse et la main-d’œuvre fort chère : un ouvrier ne se paie pas moins de 16 piastres (80 francs) par semaine. Un break nous attend, et M. Davin nous promène lui-même à travers les futurs quartiers de la ville, où nous ne voyons encore que de l’herbe. À 2 milles de la ville s’élève un bloc de constructions en bois : ce sont les Baraques, quartier général de la police montée et lieu de détention. Là est enfermé Riel avec Gros-Ours et quelques autres chefs insurgés. Nous espérions pouvoir visiter la prison et le grand chef métis ; mais, par une fâcheuse circonstance, tous les officiers et employés supérieurs sont allés à la rencontre du gouverneur général, et le sous-officier chef de service n’ose prendre sur lui de nous donner l’autorisation demandée. Nous avons du moins le plaisir de faire connaissance avec le P. André, aumônier de la prison, qui, avec une obligeance extrême, répond pendant toute la soirée à l’avalanche de questions que nous lui posons sur Riel et l’insurrection des Métis.


  1. Il n’en possède plus actuellement.
  2. Le minot (bushel anglais) équivaut à 36 litres environ.
  3. Depuis, député de Regina au Parlement fédéral.