Autour de la table/Fenimore Cooper

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Autour de la tableE. Dentu, libraire au palais-royal (p. 209-234).

FENIMORE COOPER

On a souvent comparé Cooper à Walter Scott. C’est un grand honneur dont Cooper n’est pas indigne ; mais on a prétendu que Cooper était un habile et heureux imitateur de ce grand maître : tel n’est pas notre sentiment.

Cooper a pu et a dû être influencé par la forme, par le procédé de Scott. Quel modèle plus accompli pouvait-il se proposer ? Une manière, quand elle est bonne, tombe aussitôt dans le domaine public ; mais la manière n’est qu’un vêtement de l’idée, et on n’imite personne en s’habillant à la mode du temps où l’on vit. L’originalité de la personne n’est pas étouffée sous un habit commode et bien fait ; elle s’y meut, au contraire, plus à l’aise.

Scott restera toujours en première ligne pour Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/222 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/223 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/224 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/225 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/226 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/227 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/228 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/229 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/230 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/231 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/232 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/233 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/234 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/235 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/236 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/237 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/238 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/239 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/240 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/241 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/242 Page:Sand - Autour de la table (Dentu).djvu/243

« Monsieur, demandai-je à mon voisin, pourriez-vous me dire le nom du gentilhomme qui essuie les pieds de ce mendiant ?

— Quel gentilhomme, monsieur ? Celui qui porte le diable sur sa face ?

— Précisément.

— C’est don Miguel, ex-tyran de Portugal. »

Cooper a eu et a encore une véritable foule d’imitateurs. Le succès européen de ses romans sur l’Amérique a fait éclore par centaines, sous la même forme, les récits de voyages, les événements maritimes, les combats avec les Indiens, les établissements de colons dans le désert, et l’on ne s’est même pas gêné pour tâcher de reproduire la solennelle ligure de Nathaniel. Grâce à toutes ces imitations, nous nous promenons en esprit, à cette heure, dans les solitudes les plus lointaines, et nous connaissons les mœurs des animaux les plus féroces ou des hommes les plus étranges. Mais quelque instruction et quelque amusement que nous puissions trouver dans ces récits, les copistes de Cooper auraient tort de croire qu’en le continuant ils le remplacent. Nous ne regrettons pas que, faute d’une grande et forte personnalité, on s’adonne à l’imitation d’un bon maître. Si l’on a pour soi de l’observation, de la mémoire, et un fonds de souvenirs de voyages intéressants et de spectacles dramatiques, on est encore lu avec curiosité, et si on ne fait de l’art, on répand au moins des notions instructives sous une forme qui les popularise. Mais il suffit de lire le premier vomi de ces ouvrages, pour sentir la supériorité incomparable du modèle. On est pourtant aujourd’hui plus habile que Cooper dans son propre genre ; on a pénétré plus avant dans les déserts ; on a vu plus de choses et on sait mieux le métier de conteur, devenu, en Amérique, une sorte de concurrence. Seulement, quoi qu’on fasse, on n’est pas soi-même, et on n’est pas Cooper. On a plus de verve et on précipite les incidents dramatiques ; mais, par cela même, on n’attache pas, on ne persuade pas autant ; et ce grand fonds de vérité saine, cette pureté d’âme et de forme, cette individualité tranquille d’un génie fécond et bien portant, on ne Ta pas, et on ne peut pas se l’inoculer.

Août 1856.