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Chansons posthumes de Pierre-Jean de Béranger/Le Premier Papillon

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Le Premier Papillon


LE PREMIER PAPILLON


Air :


            Toi, le premier que je vois,
            Salut, papillon des bois !

        Gai papillon, quelles nouvelles
        Nous apportes-tu sur tes ailes ?
Aux affligés promets-tu le printemps,
        Cet ami que pour eux j’attends ?
                            LE PAPILLON.
        Au feu du ciel tout se rallume.
        Vieillard, regarde : il resplendit.
        Déjà chaque bourgeon verdit
        Et partout l’herbe se parfume.

            Toi, le premier que je vois,
            Salut, papillon des bois !

        Gai papillon, quelles nouvelles ?
        Combien tardent les hirondelles !
Leurs cris de joie, en revoyant leurs nids,
        Diraient : Espérance aux bannis !
                            LE PAPILLON.
        Ces messagères que l’on guette
        Vont arriver ; et, ce matin,
        J’écoutais un écho lointain
        Répéter un chant de fauvette.

            Toi, le premier que je vois,
            Salut, papillon des bois !

        Gai papillon, quelles nouvelles ?
        Les fleurs encore éclôront-elles ?
Les verrons-nous émailler le gazon
        De la tombe et de la prison ?
                            LE PAPILLON.
        Aux papillons comme aux fillettes,
        Oui, des fleurs vont s’offrir d’abord.
        Vois-tu, sous le feuillage mort,
        Briller l’œil bleu des violettes ?

            Toi, le premier que je vois,
            Salut, papillon des bois !

        Gai papillon, quelles nouvelles ?
        Aurons-nous assez de javelles
Pour tant de faims dont le cri vient d’en bas
        Troubler le riche à ses repas ?
                            LE PAPILLON.
        À peine le réveil commence.
        J’ignore, en vos champs assoupis,
        Combien Dieu bénira d’épis ;
        Mais j’entends germer la semence.

            Toi, le premier que je vois,
            Salut, papillon des bois !

        Gai papillon, quelles nouvelles ?
        Quand de l’ange aurons-nous les ailes,

Ou dans le sang, mer à flux et reflux,
        Quand ne se plongera-t-on plus ?
                            LE PAPILLON.
        Vieillard, qu’un homme te réponde.
        Au soleil je voltige en paix ;
        Du suc des fleurs je me repais.
        Adieu ! Je plains bien votre monde.

            Toi, le premier que je vois,
            Adieu, papillon des bois !