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Choses vues/1851/Les bourdonnements de l’Assemblée

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Ollendorf (Œuvres complètes. Tome 26p. 77-78).
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1851


LES BOURDONNEMENTS DE L’ASSEMBLÉE.


Mai.


CE QU’ON ENTEND SUR LA MONTAGNE.


— Tiens ! c’est ce cafard qui préside aujourd’hui ? — C’est le général Bedeau ! — Général, non. Bedeau, oui. — Dis donc, Noël Parfait ! — Quoi ? — Dombidau est-il à son banc ? — Non, Groseille[1] n’est pas là. — À propos, Lagrange se bat-il ? — Oui. — Cette idée ! il nous a réunis tout à l’heure quatrevingts dans l’ancienne salle pour nous demander s’il devait se battre. Il croit que l’Élysée veut le faire tuer. Du reste, il est furieux. Il se battra à cinq pas. — C’est lui qui a raison. — Non, c’est le colonel Laborde. — Non, c’est Pierre Bonaparte. — Ah ! bah ! tous ces princes-là ! — Jules Favre ! — Eh bien ! — Es-tu du banquet de demain, pour le 4 mai, à la barrière des Martyrs ? — Non. On ne m’a pas averti, et puis je ne connais pas ça. — Y va-t-on ? — Michel[2] n’en a pas grande envie. — On dit Miot et Greppo pris en flagrant délit dans le conciliabule du comité de résistance. — Eh non, ils étaient à leur banc il n’y a qu’une minute. — À propos, avez-vous entendu cette canaille de Mouchy tout à l’heure ? Il a appelé Dupont M. de Bussac[3]. Sont-ils insolents, ces grands seigneurs !




CE QU’ON ENTEND SUR L’AUTRE MONTAGNE. — (À DROITE.)


— M. Lebœuf, avez-vous lu la Presse aujourd’hui ? — Ce brigand de Girardin ! — La France ne sera tranquille que lorsqu’il n’y aura plus de journaux. — Pas un seul ! — Excepté le Moniteur. — Et encore à la condition qu’il ne mettra que les actes officiels. — À l’ordre ! À l’ordre ! — À l’ordre ! Hein, qu’est-ce qu’on a dit ? — Je ne sais pas. — Gueulent-ils, à gauche ? — Le petit Thiers n’est pas là ? — Non. — Il n’est pas exact, le petit. — Qui est-ce donc qui vote pour lui ? — C’est Janvier. — Tiens ! cette canaille de Lamartine n’y est pas. — Non, mais cette canaille d’Hugo y est. — Kerdrel, je donnerais tous les poëtes pour deux sous. — Et tous les avocats pour deux liards. — Dupin est donc parti pour son congé ? — Il sent venir la révision. Il flaire les coups d’état. Quand la maison branle, les rats s’en vont. — À l’ordre ! À l’ordre ! — Hein, qu’est-ce qu’on a dit ? — Je ne sais pas.


  1. M. Dombidau de Crouseilhes, autrefois le baron de Crouseilhes, pair de France, conseiller à la Cour de cassation, aujourd’hui ministre de l’instruction publique. (Note de Victor Hugo.)
  2. Michel [de Bourges]. (Note de Victor Hugo.)
  3. Dupont [de Bussac]. (Note de Victor Hugo.)