Correspondance 1812-1876, 5/1864/DXLVI

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DXLVI

À MAURICE SAND, À NOHANT


Paris, 21 février 1864.


Chers enfants,

Je croyais bien avoir répondu à votre question. Comment, si je veux être marraine de mon Cocoton ? Je crois bien ! Si c’était comme catholique, je dirais : « Non ! ça porte malheur. » Mais l’Église libre, c’est différent, et vous ne deviez pas douter un instant de mon adhésion.

On commence à travailler sérieusement à l’Odéon. Mais on a perdu tant de temps, que nous ne serons pas prêts avant la fin du mois, et peut-être le 2 ou le 3 mars. Voilà ce qu’ils reconnaissent aujourd’hui. Mais je ne veux pas vous ennuyer de mes ennuis ; ils ne sont pas minces, et vous seriez étonnés de la provision de patience que je fais tous les matins pour la journée.

J’ai été voir le prince hier matin, j’ai demandé a voir son fils[1] ; il a fait dire à la bonne de l’amener. L’enfant est arrivé avec une personne en petite robe de laine écossaise que j’ai failli ne pas regarder, quand je me suis aperçue que c’était la princesse elle-même qui m’amenait son jeune homme, toute seule et très gentiment. L’enfant est très beau et très joli, avec un air mélancolique et timide.

Il tiendra de sa mère plus que de son père. Il est très mignon et obéissant comme une fille.

Je me porte bien, toujours sans appétit ; ça ne pousse pas à Paris.

La vente de Delacroix produit près de deux cent mille francs en deux jours. Les moindres croquis se vendent deux, trois et quatre cents francs. Ce pauvre homme vendait des tableaux pour ce prix-là !

Bonsoir, mes enfants chéris ; je vous bige bien tendrement.

  1. Le prince Victor.