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Croyances et légendes du centre de la France/Tome 1/Résumé

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RÉSUMÉ ANALYTIQUE

DE L’OUVRAGE


Après l’éloquente préface qui précède, et dont il ne nous appartient pas de faire l’éloge autrement qu’en exprimant à son auteur notre profonde gratitude, le public est fixé sur la valeur de l’œuvre que nous lui présentons.

On ne saurait rien ajouter à cette appréciation sérieuse et non banale, tracée par la plume enchanteresse qui, la première, a mis en relief et fait connaître le Centre de la France.

Toutefois, la reconnaissance nous fait un devoir de ne pas garder le silence sur un jugement remarquablement motivé qui, à une époque déjà lointaine, fut porté sur les Souvenirs du vieux temps. Cette analyse de notre livre est due à une personne inconnue non moins que modeste, mais dont le goût délicat et sûr nous donnait, dès alors, confiance entière dans le succès de la publication que nous réalisons aujourd’hui. Voici la gracieuse lettre que Mlle Élodie Godin, de Cluis, écrivait, en novembre 1862, à l’auteur, qui lui avait communiqué son manuscrit alors incomplet :

Cher Monsieur,

Je vous suis extrêmement reconnaissante d’avoir eu l’idée de me communiquer votre très-remarquable manuscrit. Je regrette beaucoup de ne pouvoir mettre mon appréciation à la hauteur de votre ouvrage ; mais, si petite que soit mon opinion, la voilà dans toute sa sincérité.

Après une lecture très-attentive et très-sérieuse, j’ai été frappée de la perfection de votre ouvrage.

Il me semble que les défauts habituels de ces sortes de recueils sont l’incohérence, l’aridité et la trivialité de certains détails, la monotonie et le pédantisme. Dans les Souvenirs du vieux temps, tout se suit et tout intéresse. Le charme du style rend tout attrayant ; les légendes sont de petits chefs-d’œuvre ; mais je n’en suis pas encore aux légendes.

Le livre Ier, Fêtes populaires, etc., doit être celui qui a coûté à l’auteur le plus de recherches ; c’est le plus savant ; celui où les traditions d’un autre âge, se continuant à travers les siècles, sont le plus suivies dans leurs transformations. Je trouve qu’il y a quelque chose de très-élevé et de très-poétique dans l’idée qu’a eue l’auteur de nous montrer l’immobilisation des mêmes usages se perpétuant sous des noms divers à travers la longue suite des vicissitudes humaines. Tout me paraît très-profond, très-ingénieux et très-juste.

Les livres IIe et IIIe, Féeries, Diableries, etc., sont entre tous mes préférés ; il n’y a qu’à admirer. Il est impossible de trouver rien de plus charmant que les légendes et les chapitres qui les encadrent. Le style de l’auteur a la netteté, l’élégance, la fine bonhomie, la grâce, le charme, la simplicité un peu railleuse, toutes les qualités qu’on peut souhaiter et envier.

Je voudrais dire celles des légendes qui me plaisent le plus ; mais elles sont toutes si charmantes qu’on ne peut guère choisir. Pourtant, j’ai une grande prédilection pour Jean le Chanceux ; je l’ai lu deux ou trois fois ainsi que le Métayer Loup-Brou, les Deux Procureurs, l’Oiseau de la mort, le Serpent au diamant, le Devin, et cette admirable histoire du Sorcier malgré lui, qui débute par un paysage digne de Walter Scott.

Les livres IVe et Ve, Mœurs et Coutumes, etc., sont très-finement travaillés et sont destinés, je crois, à avoir un grand succès. On trouve là toutes ces coutumes gracieuses ou bizarres, toutes ces locutions naïves qui ont tant contribué au succès des romans de George Sand. On ne peut rien faire de plus complet. C’est extrêmement intéressant, et je ne trouve pas une seule objection à faire.

Livre VIe, Légendes historiques : l’étude sur Charlotte d’Albret est belle ; mais je préfère encore celle sur Catherinot. Le style est vraiment ravissant, on ne peut se lasser de le dire, et lorsque l’auteur prend la parole, ce qui lui arrive trop rarement au gré du lecteur, c’est toujours avec une bonhomie spirituelle, parfois un peu attendrie, qui fait un plaisir extrême, comme ici, par exemple, la fin de la notice sur Catherinot. Les détails sur les brigands de 1789 sont très-caractéristiques et très-curieux. C’est une véritable étude de l’état des esprits en temps de troubles.

La poésie est restée à la fin du volume comme l’espérance au fond de la boîte de Pandore, et ce serait grand dommage qu’on ne vînt pas l’y chercher…

Ce qui caractérise surtout cet ouvrage, c’est qu’il est complet. On devine la patience, la persévérance que l’auteur a mises à poursuivre une bonne et excellente idée, celle de réunir toutes ces traditions, toutes ces coutumes, tous ces souvenirs qui vont s’effaçant de jour en jour. Il a poursuivi son but à travers les incidents de chaque jour, à travers toutes les agitations de la vie. Son manuscrit a dû être son ami, son confident, son consolateur. Il a le droit d’être fier de son œuvre, elle mérite tous les soins qu’il lui a donnés ; elle serait sa récompense, si cette occupation habituelle n’avait pas été elle-même un plaisir.

J’espère, cher Monsieur, que vous vous déciderez à faire imprimer ce précieux manuscrit ; il serait vraiment trop malheureux de laisser à jamais ignorés de si savantes et si remarquables recherches ; je suis persuadée que cet ouvrage aurait un véritable succès. Il a la science qui plaît aux gens sérieux et le charme qui séduit les personnes frivoles, il aurait certainement toute la vogue qu’ont eue les récits d’Émile Souvestre. Je vous assure que je serai bien heureuse le jour où j’en recevrai un exemplaire, et je souhaite de tout mon cœur que ce soit bientôt.

A. L. L.