De la doctrine des Wesleyens à l’égard de la perfection

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DE LA

DOCTRINE DES WESLEYENS,

à l’égard de la perfection

et de leur emploi de l’écriture sainte

sur ce sujet.
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LAUSANNE,
imprimerie et librairie de marc ducloux,
éditeur.

1840.

AVIS.


On ne met point de nom d’homme en tête de ce petit traité, parce que sa rédaction a nécessité le travail d’une seconde personne et que le développement des pensées a été l’œuvre de plus d’un seul esprit. Malgré les soins de cet ami, il est probable que les anglicismes qui s’y trouvent feront aisément deviner celui qui en a écrit le fond, et qui du reste, n’a le désir, ni de se tenir caché, ni de se mettre en avant. Si un peu plus de deux jours ont suffi pour terminer l’ébauche de ce petit traité, les corrections du style ont demandé beaucoup plus de temps ; telle est la cause qui a retardé cette publication. On n’a voulu s’attacher qu’à replacer sous leur véritable jour les textes, qui, comme l’expérience le prouve, présentaient pour les âmes sincères, le plus de difficulté. C’est dans ce but que l’on a préféré la forme du dialogue. En effet, des conversations, dont celle-ci est le résumé, ont été l’occasion de ce travail. Cette forme offrait plus de facilité pour présenter les objections de la contre-partie, et les textes qu’elle met en avant. On a donné une réponse à tout ce qu’elle a tiré d’important de la Parole : On espère n’avoir rien omis à cet égard. L’objet de ce travail est d’éclairer les âmes ; on n’a pas eu la vaniteuse prétention de remporter une victoire. Il nous a semblé que la meilleure réponse à l’ensemble de l’ouvrage qui a fourni quelques-uns des arguments auxquels il était nécessaire de répondre, est le caractère et le ton de cet ouvrage même. Il nous a donc paru essentiel de nous en tenir seulement à avertir les âmes simples de la manière dont la Parole de Dieu y a été citée. C’est, en effet, à ce but que nous nous sommes arrêtés.

Il est une remarque importante que l’on peut ajouter ici et qui a été omise dans le corps du traité. Les sources où M. Wesley a puisé cette doctrine, ne sont nullement la Bible ; il le confesse sincèrement lui-même. Il a cru trouver que la Bible appuyait ses idées, mais ce n’est pas là qu’il les a prises. Les auteurs qui l’ont introduit dans ce chemin furent l’Évêque Taylor, Law et Thomas a-Kempis. Ce n’est que quatre ans après l’étude du premier de ces écrivains, et quand il était déjà pleinement imbu de ses doctrines, qu’il a pris la Bible comme l’unique étendard de la vérité.

Les chrétiens français connaissent peu les écrits de Taylor et de Law. Thomas a-Kempis est assez connu par son Imitation de J. Christ. C’est un catholique qui, selon ses lumières, est pieux, mais dans les pages duquel la croix de Christ parait à peine une seule fois, comme expiation et comme moyen de salut. On doit croire que c’était un homme qui cherchait à aimer Dieu, mais qui connaissait aussi peu que possible et l’amour de Dieu et la vérité de la Bonne Nouvelle.

Law et Taylor, quoique protestants de nom, lui étaient encore inférieurs ; ils étaient moins humbles que lui, et si cela se peut, encore plus ignorants de l’Évangile. Tous les deux étaient mystiques. Taylor était en même temps l’un des hommes les plus superstitieux, et ni l’un ni l’autre n’avaient la moindre idée de la Grâce. Personne ne les accuse de manquer de sincérité, mais aucun des chrétiens qui les a lus ne doute de leur entière ignorance de l’Évangile. Voilà les trois sources où M. Wesley avoue qu’il a tout premièrement puisé la doctrine qu’il a introduite dans l’Église. Leur influence se fait évidemment sentir dans ses idées sur la perfection. Nous verrons plus tard dans l’exposition qu’il en fait, qu’il n’y a pas même une allusion à l’amour de Dieu pour nous.

Le zèle dont Dieu remplit plusieurs âmes, lors de l’apparition de M. Wesley, fut terni par ces vues qui découlaient de sources bien éloignées de la Parole de Dieu. Mais un grand nombre de ceux qui prirent part au réveil, et qui travaillèrent avec autant et même avec plus de bénédiction, ne les reçurent jamais.


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A. Bon jour mon frère ! Je suis bien aisé de vous voir : je l’ai même désiré, car on m’a dit que vous aviez adopté ces nouvelles opinions ; et j’aimerais savoir de votre propre bouche où vous en êtes ; pour ce qui me concerne, en me tenant à la Parole de Dieu, je ne peux pas les recevoir.

N. Pourquoi dites-vous : nouvelles opinions. C’est la vérité de Dieu ; Dieu ne commande-t-il pas d’être saint comme il est saint, parfait comme notre Père qui est dans les Cieux est parfait ? Voudriez-vous donc qu’on prêchât le péché, et que l’on dît aux chrétiens : qu’ils doivent pécher jusqu’à la fin de leur vie et se faire ainsi un sauveur de la mort ? Quant à moi, grâce à Dieu, je ne puis admettre de telles choses ; je dois être affranchi du péché ; et si je ne le suis pas encore, comme Dieu me l’a promis, il accomplira sa promesse. Il l’a commandé, et il ne commande rien qui ne puisse s’accomplir. La Parole de Dieu est remplie d’exhortations à la perfection. Et voyez les fruits de cette Doctrine : quelle sainteté ! quel zèle ! quel amour ! et cela par un corps de douze cent mille chrétiens : admirable témoignage rendu à la Grâce de Dieu !

A. Doucement, cher ami ! Vous avez avancé tant de choses à la fois, qu’il faut un peu de temps pour vous répondre. Quant aux fruits dont vous parlez, je ne suis pas de votre avis. Je n’aime pas qu’on se vante de la sorte. Je reconnais ensuite volontiers qu’il y a de chères âmes parmi les Wesleyens : puis l’Église actuelle de Christ, en général, est dans un si pauvre état, elle a si peu d’affranchissement et de joie, il y a, selon moi, parmi les chrétiens, des défauts si évidents dans la manière de présenter l’Évangile, que je ne suis pas étonné que bien des âmes soient entraînées par une doctrine qui prétend offrir quelque chose de meilleur. En parlant avec plus de liberté, par exemple, de l’amour de Dieu pour les pécheurs, en présentant plus positivement Christ comme moyen d’affranchissement, elle peut, à quelques égards, remplir des lacunes qui existent dans les prédications actuelles. Mais comment une doctrine peut-elle faire du bien quand son ensemble est faux ? Voici comment. On dit que « l’on ne doit pas chercher la sanctification par des efforts humains, mais qu’en recevant Christ pour notre sanctification, le germe du péché est extirpé, que l’on est parfaitement saint et sans péché ni mauvaise convoitise. » Il est vrai que ce n’est pas par des efforts humains que l’on parviendra jamais à la sanctification : mais en regardant à Christ, on trouvera une source abondante de vie et de sainteté. Et je conviens qu’une âme qui est sous la Loi, et qui gémit sous le poids de ses misères, ne trouvera pas de bénédictions, en faisant des efforts presqu’inutiles pour sa délivrance. Mais tout ceci n’empêche pas que l’ensemble de la doctrine ne soit faux. Car il est faux, qu’en recevant Christ pour notre sanctification, nous puissions parvenir, ici-bas, à la perfection et à extirper entièrement le péché de notre nature. C’est une erreur qui se lie à une foule d’autres qui détruisent les vérités et les consolations de l’Évangile les plus précieuses, et qui nuit extrêmement à la sanctification elle même.

N. Mais comment peut-elle nuire à la sanctification ? Nous avons douze cent mille témoins qui démontrent le contraire.

A. Je reviens donc à ce que vous m’avez dit en commençant : je voulais, pour le moment, reconnaître le bien qui, pour une âme sincère, peut résulter de ces nouvelles vues. Il est difficile et surtout pénible de parler d’un corps de Chrétiens ; mais quand ils se vantent outre-mesure, afin d’exercer, par ce moyen, une plus grande influence sur les âmes, cela devient indispensable. Or je dois vous déclarer que les fruits du Wesleyanisme ont produit sur moi un effet absolument contraire. La plupart des membres du Corps Wesleyen ne sont pas Chrétiens du tout. Ils admettent tous ceux qui disent préférer au monde le ciel et le salut de leurs âmes : et la plupart de ceux que j’ai vus attachés à leur système n’étaient pas convertis.

N. Mais ceci change déjà tout. Je les croyais une Église de disciples.

A. Non, c’est une société et non pas une Église ; et quant à la sanctification, je connais peu de corps de Chrétiens qui ait autant de prétentions, et si peu de vie. Ils s’occupent tellement à augmenter leur nombre, que, comme corps, la vraie sanctification a disparu du milieu d’eux.

En Angleterre, ils sont divisés en cinq sectes entièrement désunies, et séparées les unes des autres. Quelques-unes se sont séparées du corps principal à cause de sa mondanité et de son manque de vie ; et d’autres séparations ont eu lieu par la mondanité même. Il y a peu d’années, au sujet d’une question d’orgues dans une chapelle à Leeds, et au sujet de la formation d’un Institut pour l’éducation des prédicateurs, il y eut une scission éclatante. Ils se sont réciproquement attaqués par des affiches sur les murailles ; ils ont tenu des assemblées publiques pour discuter leurs propres affaires ; elles ont été parfois si orageuses, qu’elles ont presque demandé l’intervention de la Police. En Amérique, ils sont divisés en plus de sectes qu’en Angleterre, mais je les connais moins. Or tout en reconnaissant qu’il y a des âmes pieuses au milieu d’eux, je crois, qu’en Angleterre, de toutes les dénominations c’est peut-être le Corps le moins vivant, le moins sanctifié en Christ, et le plus rempli d’orgueil. Ils sont très ignorants de la Parole de Dieu, adorateurs de l’homme et spécialement de leur chef M. Wesley ; adorateurs dis-je, de l’homme, au delà de tout ce que j’ai vu ailleurs. Ils citent leurs cantiques et les ouvrages de Wesley ou de M. Dela Flèchère cent fois pour une qu’ils citent la Bible. Ils sont encore extrêmement étroits, car s’ils aperçoivent en quelqu’un, la moindre tendance vers la doctrine de l’Élection ou de la Plénitude du Salut de Christ, et vers celle de la Persévérance des Saints, tout lien avec lui est rompu, tout est sacrifié pour écarter de telles idées. Ils le font, du moins, lorsqu’ils sont assez forts pour le faire impunément, car dans d’autres circonstances ils sont très doux et très faciles. Je n’ai qu’une chose à ajouter, le caractère social de leurs habitudes attire bien des âmes qui ne connaissent rien de leurs doctrines. Je ne leur impute point du tout ceci comme une faute, ils peuvent le pousser à l’excès. Mais une influence analogue a existé dans les meilleurs temps de l’Évangile, et le christianisme ordinaire ne pourvoit pas aux besoins des âmes à cet égard.

Mon jugement sur le Wesleyanisme, est celui-ci : L’État de ruine de l’Église, il y a un siècle, fut l’occasion d’un mouvement remarquable. Des hommes vraiment dévoués furent poussés à prêcher, et à appeler les âmes à la repentance. Mais au lieu de suivre la Parole, plusieurs se sont formés un système de doctrine et de discipline : doctrine, qui en admettant le salut par Jésus, en a mis de côté presque toutes les vérités les plus précieuses : discipline admirable sous le point de vue humain, comme celle des Jésuites, pour l’agrandissement de leur société ; mais, pour les âmes, nuisible au plus haut degré. Je suis pleinement convaincu, que des chrétiens non membres de leur société mais qui les ont connus à fond, ne vous rendront pas le témoignage que les Wesleyens se rendent à eux-mêmes. Voilà ce que j’avais à dire sur l’homme et sur ses voies. Je ne l’eusse pas dit, si ces amis ne se fussent pas prévalus si excessivement de leur nombre et de leur piété.

Passons maintenant à la Doctrine de la Parole de Dieu. Je vous observerai, avant tout, que le reproche que vous avez appris à faire aux prédicateurs de l’Évangile, ne me paraît point être le fruit de l’Esprit de Dieu, comme de dire, par exemple, qu’ils prêchent le péché. Croyez-vous donc que tous ceux qui n’ont pas reçu les doctrines Wesleyennes aiment ou prêchent le péché ?

N. Pas précisément ; mais vous dites qu’un Chrétien péchera jusqu’à la fin, et que c’est la mort qui nous sauvera du péché.

A. Mon cher ami ! Ce n’est pas ce que je dis, mais bien que la racine du péché subsistera en nous jusqu’à ce que nous ayons délogé de ce corps, ou jusqu’à ce que nous soyons transmués, parce que nous attendons l’adoption, c’est-à-dire, la rédemption du corps, Rom. 8. 23, laquelle n’est pas encore arrivée. Mais je ne dis pas que l’on doive marcher selon ce mauvais principe : tout au contraire, on doit marcher selon l’esprit, quoique la chair subsiste encore.

N. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par la chair. Il est dit : 1 Thess. 5. 23, que le Dieu de Paix nous sanctifie entièrement, corps, âme, et esprit. Dieu est fidèle et il le fera. Or qu’y a-t-il de plus dans l’homme que le corps, l’âme et l’esprit ? Et si l’on doit toujours marcher selon l’esprit, Galat. 5. 16, nous tombons alors dans une dispute de mots.

A. Nullement, car dès que vous avez affirmé que l’on peut être parfait et qu’en vous il n’y a plus de péché, une foule de choses, que la Parole de Dieu appelle péché, cessent de l’être entière ment pour vous : le contraste, entre votre état et ce que Jésus Christ est, devient moins sensible dans votre âme ; vous atténuez le péché ; la vraie sanctification souffre proportionnellement, et la distinction entre le péché et les péchés est entièrement anéantie. C’est parce que votre doctrine atténue l’idée du péché, parce qu’elle détruit la règle, et parce qu’elle baisse la mesure de la sanctification, que je m’y oppose de toutes mes forces. Ce n’est pas ici une différence sur un point de connaissance seulement ou de spéculation, mais sur cette question : Qu’est-ce que le péché ? Question évidemment fondamentale, et de la plus haute importance dans la pratique.

Quand vous dites : le corps, l’âme, l’esprit, voilà l’homme tout entier : je réponds : Hélas ! non. Avant sa chute, il y avait, en Adam, le corps, l’âme et l’esprit : et après sa chute, il y avait de plus une volonté rebelle contre Dieu, il y avait le péché, que la parole de Dieu appelle la chair. (Matth. 26 v. 41 etc.) Il y avait quelque chose qui lutte contre l’esprit, Galat. 5. 17, et qui ne peut pas être soumis à la loi de Dieu. Rom. 8 v. 7. Et voilà cette vérité, que ceux qui prêchent la perfection, ont soin de cacher soigneusement ; vérité qui se lie à toute la doctrine du Nouvel homme. Or cette manière de parler : Je ne sais ce que c’est la chair : parole qui est dans la bouche de tous ceux qui ont reçu cette doctrine, est déjà une triste preuve de l’effet qu’elle produit. Car il est certain qu’il y a peu d’expressions plus usitées dans la Parole de Dieu que celle de la chair, ou un sujet qui y soit plus souvent et plus soigneusement traité : car c’est le principe qui lutte contre l’Esprit de Christ, dans l’homme où l’Esprit de Christ habite, et qui ne peut pas être soumis à la Loi, si nous sommes sous la Loi.

N. Oui, aussi longtemps que la chair existe, elle ne peut pas être soumise à la loi de Dieu. Mais nous sommes sous la loi d’amour ; et Christ et Bélial ne peuvent pas habiter ensemble dans le même temple de notre corps.

A. Je n’aime pas que l’on cite inexactement la Parole de Dieu, comme vous le faites, pour donner ainsi l’apparence de son autorité à une idée qui n’est pas la sienne. Il est clair que Christ et Bélial subsistent ensemble ; ils étaient ensemble dans le monde, dont Bélial lui-même était le Prince, quand Jésus vivait sur la terre. Mais la Parole dit : 2 Cor. 6. v. 15, qu’il n’y a point de communion entre Christ et Bélial ; ce qui est une tout autre chose. Notre corps n’est pas le temple de Bélial, notre corps est le temple du St. Esprit seul, quoique la racine du péché soit toujours en nous. Et c’est là, la différence essentielle entre nous et Jésus Christ selon la chair. Il était né du St. Esprit, même quant à sa chair, et nous, nous sommes échauffés dans l’iniquité, Ps. 51. v. 5. Vous l’avouerai-je ? Il me semble qu’il y a dans vos citations inexactes quelque chose de profondément triste, car vous jetez ainsi de la poudre aux yeux de ceux qui ne sont pas bien instruits dans les Saintes Écritures.

Quand vous dites que nous sommes sous la loi d’amour, c’est bien ; du moins l’expression ne me déplaît pas ; mais comme je connais ce qu’elle signifie dans votre doctrine je vous avoue qu’elle exprime une idée qui me navre.

Nous avons une mesure beaucoup plus haute de la sanctification parle déchirement du voile. Hébr. ch. 6 v. 19 et ch. 10. v. 20. Rendus participants de la nature divine, nous jugeons comme péché, tout ce qui n’était pas en Christ ici-bas et que Christ ressuscité ne peut pas sanctionner. Je vois en même temps la parfaite sanctification de nos personnes par le sang de l’Agneau. Au lieu de cela, on fait de l’Évangile un moyen de diminuer notre responsabilité ; on nous enseigne à traiter à la légère des choses qui seraient des péchés condamnés sous la Loi. La lumière de la sainteté de Dieu doit nous faire juger tout ce qui n’est pas selon cette lumière ; au lieu de cela, on nous dit que, par cette loi d’amour, ces choses ne nous sont pas imputées comme des péchés, que ce ne sont pas précisément des péchés. L’Évangile devient, par ce moyen, non pas un salut accompli par la Grâce, mais seulement une loi moins rigoureuse. On atténue le péché, comme je vous l’ai déjà dit, et cela jusqu’à un degré presqu’inconcevable.

Et lorsque vous dites : aussi longtemps que la chair existe : où trouvez-vous, dans la Parole, que la chạir a cessé d’exister ? J’y vois, Gal. 5, v. 17, que la chair désire le contraire de l’Esprit et l’Esprit le contraire de la chair, et que ces choses sont opposées l’une à l’autre. J’y trouve bien 2 Cor. ch. 11 v. 7, que Paul avait besoin d’une écharde dans la chair, d’un messager de satan pour le souffleter, de peur qu’il ne s’énorgueillît à cause de l’excellence de ses révélations. Il paraît donc évident que placer un homme au troisième ciel ne changeait nullement la nature et la tendance de la chair dans son opposition et dans son ingratitude envers Dieu. Pierre en fait aussi l’humiliante expérience Galat. 2 v. 11, car quoique rempli du St. Esprit, il cesse de manger avec les Gentils et n’agit point avec droiture. Au lieu de traiter ces choses comme si elles n’étaient pas des péchés, Paul s’y opposa fortement et il reprit St. Pierre, en face, et en présence de tous. Galat. ch. v.14.

N. J’admets, que dans quelques Chrétiens, il y a un combat avec la chair, que tout ce qu’ils peuvent faire c’est de dominer le péché ; mais il y en a, qui ayant reçu Christ pour leur sanctification, sont morts au péché et n’ont plus de combats. Ils ont crucifié le vieil homme avec ses affections et avec ses convoitises. Plusieurs passages le disent expressément ; et quand vous citez les Galates, vous devez vous souvenir qu’ils étaient déchus de la Grâce, et l’on ne doit pas s’autoriser d’un tel état pour prouver ce que peut être un Chrétien qui a pleinement reçu Christ. Dans la même Épître ch. 6. v. 14. Paul en parlant de lui-même dit, qu’il avait crucifié le vieil homme, ch. 2 v. 20. que ce n’était pas lui qui vivait mais Christ qui vivait en lui ; et il dit : faites votre compte que vous êtes morts ; et comme l’apôtre Jean l’affirme, ils ne peuvent pécher, parcequ’ils sont nés de Dieu, 1 Jean 3 v. 9.

A. Vous admettez donc, en pleine contradiction avec ce que vous avez dit tout-à-l’heure, que ce que vous appelez Bélial, et l’esprit de Christ subsistent ensemble dans la même personne. Car s’il y a des combats dans les Chrétiens et si la chair peut désirer le contraire de l’esprit, il est évident que votre principe est entièrement faux.

Si vous dites, que ce n’est pas le combat contre l’Esprit, mais celui d’un homme dont la conscience est seulement réveillée, je vous réponds avec la Parole : la chair désire le contraire de l’Esprit, et non pas seulement le contraire de la conscience. Il y a plus : encore que ce principe soit appliqué aux Galates, il est ajouté de la manière la plus générale : que ces choses sont opposés l’une à l’autre. Et quand il dit : de sorte que vous ne faites point les choses que vous voudriez, c’est seulement une conséquence qu’il en tire pour les Galates. Or l’Apôtre n’ajoute pas : mais vous pouvez sortir de cet état, mais il introduit ici un tout autre principe. Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes point sous la Loi. ch. 5. v. 18.

Il est si peu vrai que l’Apôtre, qui sans nul doute était éminemment fidèle, parle seulement de lui-même ou de son état de sanctification, en disant : Je suis crucifié avec Christ, ch. 2 v. 20, qu’il affirme que tous les Chrétiens sont crucifiés avec Lui. Dans cette même épître ch. 5 v. 24 il affirme que ceux qui sont de Christ ont crucifié la chair avec ses affections et ses convoitises. Il n’est donc ici nullement question d’un degré de sanctification, ou de la réception de Christ par quelques âmes pour leur sanctification, mais de ce qui est vrai de tous les Chrétiens. Cette vérité est clairement enseignée dans le chap. 6 des Romains vers. 1 à 11, où Paul dit : que nous tous, remarquez cette expression, que nous sous qui avons été baptisés en J. Christ, nous sommes morts ensemble avec Christ, que notre vieil-homme a été crucifié avec Lui, afin que le corps du péché soit détruit ; et que celui qui est mort est quitte du péché. Mais l’Apôtre en tire cette conséquence claire et simple, non pas, vous n’avez donc plus en vous de mauvaises convoitises ; non pas, vous êtes absolument morts à tout mouvement de péché ; mais que le péché ne règne donc point en votre corps mortel pour lui obéir en ses convoitises. Conclusion triste, misérable et incompréhensible pour ceux qui prétendent que le péché n’existe plus dans un homme qui est crucifié avec Christ : conclusion que nous recevons de tout notre cœur, par la Grâce, mais conclusion tout autre que celle que vous en tirez. Elle est même incompatible avec votre interprétation sur ce passage. Si le péché n’est plus en nous, c’est une pauvre conséquence que de dire : qu’il ne doit pas règner : et dire qu’il ne doit pas règner, est incompatible avec l’idée qu’il n’existe pas. La conclusion que tire le St. Esprit, et que nous venons de vous faire observer, est constamment celle de la Parole de Dieu dans des passages semblables. Paul dit aux Colossiens ch. 3 v. 3 : Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu, puis il en conclut ceci au verset 5 : mortifiez donc vos membres qui sont sur la terre. Et pour savoir comment le Chrétien est mort, il n’y a qu’à lire les versets 11, 12 et 20 du chapitre 2 de la même Épître. Être mort, est donc réellement vrai de tous les Chrétiens, selon la pensée de Dieu.

Il y a une négligence très coupable à citer de tels passages, en faveur d’un état de perfection de quelques Chrétiens. Il en faut dire autant, de ce que vous avancez de la première Épître de Jean ch. 3 v. 9. Quand j’examine ce passage, au lieu de trouver que l’Apôtre y parle de Chrétiens qui ont reçu Christ, pour leur sanctification, d’une manière particulière et qui les rend parfaits ; je trouve, comme dans les passages que nous avons examinés, qu’il s’agit ici de tous les Chrétiens, car comme marque distinctive entr’eux et les enfants du Diable, il met en avant le caractère de la nature qu’ils ont reçue de Christ, et par conséquent celui de leur vie et de leur conduite etc. v. 9. La citation d’un tel passage démontre, encore une fois, une bien grande négligence, pour ne pas dire plus.

N. Pensez-vous donc que nous devions toujours continuer de pécher ? N’est-il pas dit de beaucoup de fidèles, même avant la venue de Jésus-Christ : qu’ils étaient parfaits. Il est si peu vrai que c’est par la mort que nous sommes sauvés, qu’Énoch et Élie ont été enlevés sans passer par la mort. Job était parfait, Noé était parfait. Il était ordonné à Abraham et aux Juifs d’être parfaits. St. Paul dit aux Philippiens ch. 3 v. 15 : Tout autant donc que nous sommes de parfaits. Il y a plus de cent passages qui affirment la même vérité. Le Seigneur lui-même a dit : afin qu’ils soient perfectionnés en un. Jean ch. 17. v. 23 : et Paul dit aux Éphésiens ch. 5 v. 27 en parlant de l’Église : afin qu’il se la présentât glorieuse, n’ayant ni tâche, ni ride, ni rien de semblable et qu’elle fut au contraire sainte et irrépréhensible. En vérité, il y a un si grand nombre de passages qui parlent de la perfection, que je ne comprends pas comment vous pouvez la nier, ou attribuer à la mort, ce que la Parole de Dieu applique si clairement à notre état, pendant que nous sommes dans cette vie : car il est dit à Abraham : marche devant ma face et sois parfait : Genèse 17. 1. Et il est clair que l’écharde qui fut mise dans la chair de Paul et dont vous avez parlé, n’était pas un péché, car Dieu l’eut pas pu l’éprouver de la sorte.

A. Je me hâte de vous répondre, que je suis pleinement de votre avis quand à l’écharde de Paul ; ce n’était nullement un péché, mais quelque châtiment, quelque chose d’extérieurement pénible, que Dieu lui envoya, pour arrêter l’action du péché et pour l’empêcher de nuire aux travaux de l’Apôtre. Toute la conséquence que je tire de ce passage de St. Paul, c’est que d’être élevé jusqu’au troisième ciel, ne change pas la chair ; que la chair toujours la même peut s’enorgueillir, même de cette profonde connaissance de Dieu ; que le remède n’est pas dans un changement de nature, mais dans quelque moyen de mâter et de dompter cette nature toujours mauvaise. Le passage de Paul est un témoignage très clair à cet égard.

Quand vous me demandez, si nous devons continuer de pécher : je dis, non, certainement non, La ruse de Satan que je voudrais vous faire découvrir, et par laquelle il se joue de la simplicité des âmes, votre demande la manifeste avec évidence.

Les fauteurs de cette Doctrine font tout ce qu’ils peuvent pour confondre le péché et les péchés ; c’est-à-dire, qu’ils confondent ce que nous commettons en suivant notre mauvaise nature, avec cette nature elle-même, pour nier ensuite entièrement l’existence du péché dans l’homme qui a revêtu Christ. Je ne dis point que nous devions pécher, car nous devons marcher selon l’Esprit et non selon la chair. Rom. ch. 8. Mais je dis d’un autre côté que le péché est dans notre nature. Le précepte de ne pas marcher selon la chair démontre que la chair est une chose mauvaise en elle-même : toutefois la chair n’est ni une tentation, ni satan, mais quelque chose dans l’homme qui n’est pas, du tout, un péché commis ; mais quelque chose qui dans notre nature dégradée et corrompue, ne peut pas, selon ce qui est écrit : se soumettre à la loi de Dieu. Rom. ch. 8. v. 7. Or nous ne devons jamais vivre selon ce principe, et Dieu est fidèle qui ne permettra pas que nous soyons tentés au de-là de nos forces. 1 Cor. ch. 10. v. 13. Et c’est, là, la différence qui existe entre Christ et nous, quant à son humanité. Il était né de Dieu, selon la chair, et nous, nous ne le sommes pas.

Quant à Énoch et à Élie, s’ils ne moururent point, c’est parce qu’ils furent transmués, ce qui revient au même, car la chair et le sang ne peuvent pas hériter le royaume de Dieu. 1 Cor. ch. 15. v. 50. La mort ne nous sauve pas ; toutefois il est également vrai que nous qui avons les prémices de l’Esprit, nous ne sommes pas encore rendus participants de la plénitude du Salut, car nous attendons l’adoption, c’est-à-dire, la rédemption du corps. Rom. 8. 23. Nous n’en avons point encore pris possession. Cependant il y a déjà une immense différence entre mon habitation dans ce corps et celui où j’en serai dépouillé après cette vie, comme il en existe une entre ce dernier état et celui où la rédemption de ce corps sera accomplie en la résurrection. Après la mort je suis dépouillé, mais je ne suis pas encore revêtu. Absent du corps, je suis déjà présent avec le Seigneur. 2 Cor. ch. 5. v. 8. Quoiqu’alors je ne sois pas parfait dans la gloire, je suis cependant affranchi de ce corps, qui n’a point encore part à la résurrection, dont je jouis déjà dans mon âme par le St. Esprit. Ce corps qui me faisait gémir sur la terre, mais non pas, il est vrai, sans consolation, ce qui faisait soupirer tous ceux qui avaient les prémices de l’Esprit, a cessé d’être pour tous un sujet de gémissement. Ce qui nous tenait attachés ; de fait et non de cœur, à la création qui est encore assujettie à la servitude de la corruption, ne nous retient plus, le lien n’existe plus. Si le terme de notre espérance n’est pas d’être dépouillés, dans le voyage, nous déposons du moins, par la mort, un fardeau, un vêtement souillé, afin que nous puissions déjà jouir de la présence du Seigneur, sans aucun empêchement ; et afin que l’air pur et que la douce chaleur de sa présence puisse pénétrer notre âme dégagée alors de tout obstacle.

Là mort n’est donc pas mon sauveur. En mourant je suis déjà sauvé par la mort et par la résurrection de J. Christ. Je suis déjà ressuscité avec lui ; c’est un fait déjà accompli dans mon âme, qui par le St. Esprit en éprouve la bien-heureuse influence et qui triomphe déjà en une espérance qui ne confond point. Le dépouillement de ce corps n’ajoute rien à mes droits en la présence de Dieu, car j’y suis, par la foi, ce que Jésus y est. Je suis seulement dépouillé d’un corps qui n’avait point de part à la rédemption, pour être introduit auprès de Jésus, devant la face de mon Père céleste ; en attendant ce qui reste, c’est-à-dire qu’il me revête d’un corps glorieux fait à la ressemblance de J. Christ glorifié.

J’ai encore à vous reprocher la même négligence dans votre manière de citer les passages : à cette occasion, je vous ferai observer sérieusement que quand on les cite en les détournant de leur but et de leur vrai sens, non seulement on est soi-même trompé, mais il est évident que l’on n’est pas conduit par l’Esprit de Dieu. Toute confiance est ruinée ; et pour peu que cela se répète souvent et dans un but qui n’est pas la vérité, je vous avoue que j’en acquiers la conviction que celui qui le fait est l’instrument, sans doute à son insçu, mais l’instrument de l’Ennemi. Ah ! nous mettons trop de côté l’action soit de l’Esprit de Dieu soit de l’Adversaire. Je ne m’arrête point à l’homme, mais, je le répète, quand je vois la Parole de Dieu citée d’une manière évidemment fausse, et toujours dans un même but, je ne saurais y reconnaître aucune autre œuvre que celle du Tentateur. Vous rappellerai-je la citation de vos passages sur l’état de mort, où vous dites que se trouve le Chrétien parfait ? eh bien, plus je les lis, moins je trouve qu’ils s’appliquent à votre doctrine ; plus je vois que sans en excepter un seul, ils sont dits de tous les Chrétiens, auxquels pour conséquence le St. Esprit adresse des exhortations analogues, mortifiez vos membres qui sont sur la terre, que le péché ne règne pas dans vos corps mortels : et il en est de même du chap. 8 des Romains vers. 10 à 12 que vous n’avez pas cité.

J’ai encore à vous répéter la même plainte, à l’occasion de deux passages que vous venez d’avancer. Il se présentera à l’Église, dites-vous, sans tâche, ni ride, ni rien de semblable. Mais cette présentation aura lieu dans la gloire, lorsque tous les enfants de Dieu seront glorifiés. Ce passage est donc contre vous, il ne renferme pas votre doctrine : car c’est là-haut, par la résurrection, qu’ils seront sans tache, ni ride, ni rien de semblable, et non point ici-bas. Il en est de même lorsque vous dites : qu’ils soient perfectionnés en un. Jean 17. v. 23. Vous omettez ce qui précéde et qui détermine le sens de ce passage : la gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée, afin qu’ils soient perfectionnés, ou consommés en un. vers 22.

Quant aux exemples que vous avez donnés en faveur de votre doctrine, je ne prendrai que celui de Job, parce que nous avons son histoire en détail. Le principe que vous avancez me semble y être discuté fort au long. Job n’avait pas son égal sur la terre. Si donc nous trouvons, dans le cas d’un tel homme, que votre idée qu’il fut sans péché est entièrement fausse, tous les exemples que vous citez tombent en même temps.

La question qui est posée dans le livre de Job est celle-ci : Un homme rempli de Grâce, un homme parfait, est-il totalement exempt de péché, en sorte qu’il puisse se présenter devant Dieu, comme n’ayant plus le péché ? Ou, au contraire, est-il vrai que le péché soit encore en lui ? et si par grâce, il a marché d’une manière digne de sa vocation, ne doit-il pas alors reconnaître et approfondir de plus en plus son état devant Dieu ? Au lieu de se complaire dans la Grâce qui lui a été donnée, ne doit-il pas se juger lui-même, en oubliant les choses qui sont derrière lui, c’est-à-dire tous ses progrès spirituels, pour ne s’en tenir jamais, qu’à Dieu seul, en fixant ses regards en avant, dans une humilité qui dans la plénitude de confiance en Dieu, se juge cependant toujours ? Je ne dis pas qu’il doive seulement veiller, mais se juger toujours ; c’est-à-dire, que, devant Dieu, il doit toujours avoir la conscience de la nature qui existe en lui, encore qu’elle n’agisse pas, ce qui pour la reconnaître n’est point nécessaire. Or Job était un homme rempli de Grâce : Il raconte son expérience. On y voit évidemment qu’il avait le sentiment, non de la Grâce de Dieu, ou de celle qui est en Dieu, mais de la grâce qui était produite en lui. Il contemplait la manne qui avait été mise entre ses mains ; il la gardait pour le lendemain ; dès-lors elle se corrompait, et elle engendrait des vers. Dieu, avant Job, avait vu tout cela, et il lui envoya graduellement des épreuves, jusqu’à ce qu’elles fissent ressortir le péché ; et que de son cœur, où il était, elles le missent dans sa conscience. S’étant retourné sur son propre cœur, la chair s’empara des effets de la grâce, et le pauvre Job se complut en lui-même. Sa conscience et son cœur en devinrent moins impressionnés par la pleine bonté et par la parfaite sainteté de Dieu. Car il s’occupa de sa bonté à lui, et celle de Dieu dut s’effacer en proportion. Il s’occupa de sa propre sainteté, et celle de Dieu eut d’autant moins de prise sur sa conscience. Mais Dieu qui l’aimait lui envoya assez d’épreuves pour lui manifester ce qui était dans son cœur, et pour le ramener à la contemplation de la bonté et à la perfection de Dieu seul. Voyez au chapitre 29e combien Job avait le sentiment de sa propre sainteté et de la grâce qui habitait en lui ? « L’oreille qui m’entendait disait que j’étais bienheureux, et l’œil qui me voyait me rendait témoignage ; la bénédiction de celui qui s’en allait périr venait sur moi, et je faisais que le cœur de la veuve chantait de joie. J’étais revêtu de la justice ; elle me servait de vêtement, et mon équité m’était comme un manteau, et comme une tiare etc, etc, »

En effet, Job était un homme rempli de Grâce ; mais, hélas ! il le sentait, et son cœur avait besoin d’apprendre à mieux connaître ce qu’il était devant Dieu. Les épreuves arrivent ; Job demeure exemplaire dans son adversité, comme dans sa prospérité. La racine du péché n’est pas encore atteinte. Il devient alors plus illustre par sa patience que par sa bonté elle-même ; car l’Écriture lui rend ce témoignage : Vous avez entendu parler de la patience de Job. Jacques ch. 5 v. 11. Dieu permet enfin que ses amis viennent lui apporter des consolations. Ah ! que de misères nous pouvons supporter dans la solitude, mais qui réveillent notre orgueil, sitôt que nos amis en deviennent les témoins. Les compassions de l’homme suscitent souvent notre impatience. Et Job, si distingué par sa patience, maudit enfin le jour où il naquit. Quelle fut, plus tard, la conséquence de toutes ces épreuves, et de toutes les convictions que Job en recueillit ? Au lieu de répéter que l’œil qui le voyait déposait en sa faveur, dès qu’il a contemplé le Seigneur, il s’écrie : Maintenant mon œil t’a vu, c’est pourquoi j’ai horreur de moi même, et je me repens sur le sac et sur la cendre. ch. 42 v. 5. Voilà l’histoire de l’homme parfait selon la Bible.

Vous me direz, peut-être, que je me réjouis dans le mal, et que je cherche à noircir les saints les plus éminents. Non, mais, avec tous ces saints, je me réjouis en Dieu plutôt qu’en l’homme ; ayant appris avec eux, que si je me disais parfait, ma bouche me condamnerait.

N. Mais je reconnais hautement que c’est la grâce de Dieu qui le produit en moi.

A. Cela est possible. Mais en parlant de votre perfection, vous vous arrêtez à l’effet qui est produit en vous, et non à la source qui est en Dieu. Vous n’oubliez pas vos progrès, c’est-à-dire, les choses qui sont derrière vous, pour courir seulement vers le prix de notre céleste vocation. C’est, à votre insçu, l’esprit du pharisien. Le pharisien commence par rendre grâces ; or ce qui signale l’esprit pharisaïque n’est point de ne pas rendre grâces à Dieu de ses bénédictions, mais en voici l’élément. Au lieu de dire : je te rends grâces de ce que tu es, il dit : je te rends grâces de ce que je suis. Le pharisien pense à la grâce qui est donnée et il s’exalte, au lieu de penser à la grâce qui donne et qui pardonne.

N. Mais qu’opposerez-vous aux passages que je vous ai cités, et qui parlent de la perfection ? Vous n’y avez pas répondu.

A. Je ne les ai pas oubliés, car c’est la portion de votre doctrine qui se peut le moins défendre, et qui prouve qu’elle est entièrement opposée à la vérité et à la sainteté de Dieu. Vous y atténuez la sainteté d’une part et le péché de l’autre, en met tant Dieu beaucoup trop de côté.

Vous me dites : soyez saints comme Dieu qui vous a appelés est saint. 1 Pierre 1. 15, 16. Mais le passage dit : soyez saints comme il est saint. Or chaque Chrétien reconnait la force de cette exhortation. Je vous répète donc que citer de tels passages, c’est jeter de la poudre aux yeux des simples ; car vous savez très-bien vous-même que personne n’est saint comme Dieu est saint. En effet, quand j’examine ce que vous entendez par être parfait, comme votre Père qui est aux cieux est parfait, et saint comme Dieu est saint, je trouve, dans votre opinion, que les plus pieux sont coupables d’erreurs qui sont des déviations de la loi parfaite, et qui exigent l’expiation du sang de Christ, sans lequel ils seraient exposés à la damnation éternelle. Mais, je vous en prie, que signifie être parfait, comme notre Père qui est aux cieux est parfait, si les plus pieux font des choses qui, sans le sang de Christ, les exposeraient à la damnation éternelle ? Aurions-nous pu croire, si nous ne l’avions sous nos yeux, que l’on puisse affirmer qu’un homme, qui fait des choses qui méritent la condamnation éternelle, soit tellement sans péché, que le germe du péché en lui soit tellement extirpé, qu’il soit parfait comme son Père qui est dans les cieux est parfait. Et si l’on dit, qu’il y a une perfection divine à laquelle ni homme ni ange ne puisse parvenir, pourquoi ce moquer de nous par de telles prétentions que l’on met ensuite au rabais ? Vous dites qu’un homme parfait a tous les sentiments de Jésus Christ, et qu’il marche toujours comme Jésus a marché ; néanmoins le plus pieux fait des choses qui méritent la condamnation éternelle. En vérité, c’est une confusion presqu’inouie dans laquelle vous voudriez nous introduire.

N. Ce n’est pas moi, mais c’est Jésus qui dit soyez parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait. Matth. ch. 6 v. 48. Et celui qui dit qu’il demeure en lui, doit marcher comme Christ a marché, 1 Jean ch. 2. v. 6. Et ailleurs : tel que Dieu est, tels nous sommes en ce monde. 1 Jean ch. 4 v. 17.

A. Je sais bien que ces mots se trouvent dans les Saintes Écritures, mais vous vous en servez pour nous dire qu’il y a des Chrétiens qui sont sans péché, parfaitement purifiés de tout péché, et dépouillés de l’existence du péché dans la nature : Mais la Parole de Dieu ne se sert point de ces expressions dans ce but. Lorsqu’il est dit : soyez parfaits comme votre Père qui est aux cieux est parfait, Matth. 5. 48. Jésus explique lui-même ce passage par ce qui précède. Cette perfection consiste à agir selon l’amour et non pas selon la loi du talion qui dit : œil pour œil et dent pour dent : c’est agir envers les hommes selon le principe de la conduite de Dieu envers nous, selon la grâce de notre Père céleste. Il n’est nullement, ici, question de la racine du péché dans la nature.

Ce mot de perfection est employé en rapport avec les trois grandes révélations de Dieu. Car il s’est fait connaître à Abraham comme le Tout-Puissant, aux Juifs comme l’Éternel, et aux chrétiens comme Père. Dieu dit à Abraham : Je suis le Tout-Puissant, marche devant ma face, et sois parfait. Genèse ch. 17 v. 1. Ce qui signifie qu’il devait marcher devant Dieu, en se confiant toujours à sa Toute-Puissance. Abraham ne l’a point fait, il a manqué à cet égard, car il a menti, Genèse ch. 20 v. 2, précisément parce qu’il ne se confia point à la Toute-Puissance de Dieu. Ici encore, il n’est nullement question du péché dans la nature déchue d’Abraham, mais d’agir dans une pleine confiance dans la Toute-Puissance de Dieu. En effet, Abraham avait encore du péché, et il fit une chute.

Il est dit aux Israëlites : Vous serez parfaits avec l’Éternel votre Dieu. Deutéron. ch. 18 v. 13. Or il s’agissait, ici, de ne pas imiter les abominations des Cananéens dans leurs idolâtries ; mais il n’y était nullement question de l’état de purification de tout péché, du cœur de tel ou tel Israëlite. Le contraire est tellement vrai que dans le même Livre, Deuter. ch. 29 v. 4. Moïse leur dit : Mais l’Éternel ne vous a point donné un cœur pour entendre, ni des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agissait donc seulement de leur fidélité envers l’Éternel leur Dieu, en rejetant toute espèce d’idolâtrie.

N. Mais la plénitude de la Grâce n’existait pas alors, car il est dit : que le St. Esprit n’avait pas encore été donné. Mais quand l’amour de Dieu est répandu dans le cœur par le St. Esprit, c’est alors que nous parvenons à l’État de perfection.

A. Pourquoi donc avez-vous cité ces passages comme s’ils appuyaient votre doctrine de la perfection ? Mais j’en viens au troisième passage, soyez parfaits, comme votre Père qui est aux cieux est parfait, Matth. 5. 48. Remarquez qu’il y a déjà une différence dans les expressions. Il n’est point dit, soyez parfaits devant moi, ou, avec ton Dieu, comme cela fut dit à Abraham et aux Israëlites, parce que le nom de Père nous révèle la plénitude de la Grâce. Selon ce beau Nom, ils étaient déjà Enfants, acceptés en Christ comme Christ est accepté du Père ; ils étaient déjà rendus agréables dans le Bien-aimé ; justes devant Dieu comme J. Christ est juste ; aimés comme J. Christ est aimé. Or il n’est pas dit : présentez à Dieu, un caractère de perfection, tel que par ce moyen vous en soyez acceptés, et que vous lui soyez agréables : Mais vous êtes les enfants de votre Père céleste, manifestez donc son caractère au monde, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les gens de bien, et il envoie sa pluie sur les justes et sur les injustes. Il agit selon sa grâce et non selon la Loi ; vous pécheurs sauvés ! vous en êtes et soyez en les témoins. Les péagers aiment ceux qui les aiment ; mais votre Père céleste aime ses ennemis. Agissez d’après cette règle et soyez parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait. Il n’est pas dit : Soyez parfaits, avec lui, ou, devant lui, comme si vous étiez sans péché ; mais, comme lui, agissez dans l’amour envers vos ennemis. Je le répète donc encore, il ne s’agit pas ici de savoir, si le péché est ou n’est pas dans la chair, mais du principe qui doit diriger la conduite des enfants de Dieu., en opposition avec le principe de la loi ou de la justice naturelle. Mais si : être parfait comme mon Père céleste, doit s’appliquer à l’absence du péché de ma nature, si cela veut dire que je lui ressemble parfaitement à cet égard, comme la perfection, selon vous, laisse encore des choses qui nous exposent à la damnation éternelle, il en serait donc de même de la perfection de Dieu. Impiété et absurdité trop grossière pour s’y arrêter un moment.

J’ai avancé que vous atténuiez le péché et la sainteté pour les niveler à l’état de votre âme. Vous dites que l’homme n’est plus actuellement tenu d’accomplir la loi Adamique ni la loi Mosaïque, mais seulement la loi d’amour qui tolère de nombreuses erreurs et des déviations de la loi parfaite. Si vous disiez que vous ne pouvez pas être ce qu’Adam était (quoiqu’on m’ait affirmé le contraire) ; et que nous ne pouvons pas accomplir la loi de Moïse parce que nous sommes des pécheurs ; si vous ajoutiez que nous devons en être humiliés, parce que c’est le péché qui en est la cause, je n’aurais rien à objecter. Mais vous prétendez que nous ne sommes pas tenus d’accomplir ces deux lois ; par ce moyen, vous diminuez la mesure de la sainteté ; et au lieu de confesser ces choses et de vous en humilier, vous dites que ce ne sont pas des péchés. Cela est si vrai, que vous me dites même, que des déviations de la loi parfaite ne sont pas proprement des péchés, quoiqu’elles nous exposent à la damnation éternelle. Selon vous, il n’y a proprement de péchés que les violations volontaires de la loi divine. Il en résulte que les convoitises, par lesquelles Paul était convaincu de péché, n’en étaient réellement pas : les fautes et les péchés de négligence ne le sont pas davantage, sauf les péchés volontaires, pour lesquels il est dit dans l’Épître aux Hébreux, qu’il n’y a plus de sacrifice ; tout le reste n’est plus du péché ni des péchés. En sorte que quand Paul s’écrie : Rom. ch. 7. Je ne fais pas ce que je veux, et ce que je veux, je ne le fais pas, il avait grand tort de prendre cela pour des péchés, et encore plus d’en être attristé de la sorte.

N. Mais le chapitre 7e de l’Épître aux Romains ne décrit pas l’état d’un homme régénéré.

A. Je ne suis pas de votre avis. J’admets que Paul y dépeint, non l’état d’affranchissement, mais le jugement de la chair, en présence de la Loi. Au reste, ce n’est pas maintenant la question qui doit nous occuper. Que ce soit un homme régénéré ou non qui parle, si le péché n’est que la transgression volontaire de la Loi divine, il est clair que le péché dans la chair, dont parle ici l’Apôtre, n’est plus qu’une illusion : car qu’y a-t-il de moins volontaire que de faire ce qu’on ne veut pas ? Si donc, il faisait des choses qu’il ne voulait pas, ce n’était plus une transgression volontaire ; et il avait grand tort, je le répète, d’en être angoissé de la sorte.

N. Mais au 8e chapitre il déclare qu’il en était affranchi.

A. Sans doute. Mais, selon votre système, ce n’était plus du péché, car il déclare que c’était si peu volontaire, que ce n’était pas lui qui le faisait, mais le péché qui demeurait en lui. Cher ami ! Toutes les expériences du Nouveau Testament sont bien contraires à votre doctrine. Et votre définition du péché, qui n’est plus que la transgression volontaire de la Loi divine, nie absolument l’existence du péché dans la chair, l’existence du péché qui demeure en nous, quand même il est dominé par l’Esprit. C’est une définition qui atténue l’idée du péché, pour nous rendre contents de nous-mêmes, au lieu d’adorer la grâce et la bonté de Dieu.

Certainement la convoitise est le péché ; les erreurs, qui se trouvent dans mon accomplissement des devoirs de l’amour, proviennent du péché qui est en moi. Ces choses n’existaient pas en Christ, parce qu’il était sans péché. Il s’attendait toujours et parfaitement à la volonté de Dieu, il n’agissait jamais, comme je le fais quelquefois, avec précipitation. Cet empressement de la chair, même quand je fais le bien de tout mon cœur, ne me sera pas imputé, non, parce que ce n’est pas du péché, mais à cause de l’expiation de Christ. Néanmoins ces choses sont les conséquences d’une nature qui est en moi, et qui ne se trouvait pas en Jésus Christ qui était parfait, non seulement comme Dieu, mais encore comme homme. Il y a un principe qui agit en moi, pour produire le mal, et qui n’était pas en lui. Je ne serai pas jugé, selon ce principe, car Jésus en a porté la coulpe et l’a expié ; mais c’est précisément pour cela que, moi, je le juge.

Enfin le passage que vous avez cité : tel que Dieu est, tels nous sommes en ce monde. 1 Jean ch. 4 v. 17. est tout autre que vous ne le faites. Et d’abord, c’est de Christ et non de Dieu dont il est toujours question. Il est dit au chap. 3 v. 3 de la même Épître : Celui qui a cette espérance en lui se purifie comme lui aussi est pur : et quelle est cette espérance ? c’est que nous serons tels qu’il est, quand nous le verrons. vers. 2. Ainsi, tel qu’il est, c’est être tel que Jésus est maintenant dans la gloire, et non pas tel qu’il était, ce qui n’est jamais dit dans la Parole. Or il est certain que dans notre état actuel nous ne sommes pas tel qu’il est.

Si nous examinons attentivement tout ce passage 1 Jean 4. 17, nous y verrons très clairement ce que le St. Esprit veut nous enseigner. Il est dit au verset 9 : En ceci est manifesté l’amour de Dieu pour nous, que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui ; et au verset 17 : En cela est consommé l’amour par rapport à nous, afin que nous ayons assurance pour le jour du Jugement, en ce que tel qu’il est nous sommes tels dans ce monde. Or l’amour consommé envers nous ne nous fait pas dire : afin que nous soyons telle chose en nous-mêmes, mais afin que nous ayons assurance pour le jour du jugement. Et qu’est-ce qui nous donne cette assurance ? C’est que Dieu a manifesté son amour, en envoyant son Fils dans le monde ; et il a accompli ou consommé cet amour, en nous plaçant en Christ lui-même, devant sa face. Unis à lui, dès ici-bas, nous sommes, non pas tel qu’il est personnellement dans la gloire, mais parfaitement tel qu’il est devant Dieu, et cela par une union réelle qui nous communique sa vie et qui nous rend agréables dans le Bien-aimé. Nous sommes aimés comme il est aimé, justes comme il est juste. En principe et en espérance, nous sommes faits participants de sa gloire. Et cette vie nous est communiquée ici-bas, de sorte que nous y marchons dans la certitude d’être acceptés comme J. Christ est accepté, et d’être aimés comme il est aimé. Qui nous touche le touche, et il peut dire lui-même en parlant de nous : Pourquoi me persécutes-tu ? Actes 9. 4.

Dieu, en Christ, manifeste son amour envers. l’homme : mais l’homme, en Christ, est présenté à Dieu dans la perfection de l’acceptation de Christ, et il en jouit dans la nature qui lui a été communiquée et par laquelle il y participe. La nature que nous avons reçue est la nature de Christ lui même, elle se manifeste, dans nos démarches selon ses propres principes. Oui, nous participons à la nature divine, nous sommes un avec le Second Adam. Or cette nature ne change pas le vieil homme, mais elle le juge dans toutes ses pensées et dans toutes ses voies.

N. Mais je ne dis point que la convoitise ne soit pas le péché, c’est le désir qui n’est pas le péché ; et quand vous prétendez que nous ne pouvons pas observer la Loi, il est écrit : que la justice de la Loi est accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit. Rom. ch. 8. v. 4. En effet, Dieu ne commande jamais à l’homme ce que l’homme ne peut pas accomplir. Et dans cette Épître de St. Jean, que vous autres imperfectionnistes n’aimez pas trop, il est dit huit fois : que celui qui est né de Dieu ne péche point.

A. Vous avez certainement dit : que la convoitise n’est pas le péché, et votre définition le dit expressément ; car, la convoitise, dans ma nature, n’est pas une transgression volontaire de la loi divine.

N. Si je vous ai dit que la convoitise n’est pas le péché, c’est parce que St. Jacques déclare que quand la convoitise a conçu elle enfante le péché, Jacques ch. 1. v. 13. et vous confondez les tentations avec les convoitises.

A. Hélas ! dans quelle incertitude et dans quelles contradictions l’erreur peut plonger l’esprit de l’homme ! Quant au raisonnement que vous tirez de St. Jacques, cet Apôtre lui-même affirme, que nous sommes tentés, quand nous sommes attirés et amorcés par nos propres convoitises.

N. Non. La traduction véritable de ce passage ne doit pas dire : par nos convoitises, mais, par nos désirs.

A. Vos distinctions sont déplorablement subtiles et dangereuses. C’est ainsi que l’on badine avec le poison. Je cherche vainement cette différence ; car le mot que vous traduisez par désir, est le même mot grec que Paul emploie dans le chapitre 70 des Romains pour exprimer la convoitise par la quelle il était convaincu de péché. Et observez, qu’il est dit là, que le péché a produit la convoitise. Il est vrai que la convoitise quand elle a conçu enfante le péché comme acte, mais il est tout aussi vrai que le péché qui est dans la nature produit toutes sortes de convoitises. Selon votre définition du péché, qui est entièrement antiscripturaire, vous pouvez raisonner sur ce sujet, mais vous vous trouverez constamment en opposition avec les déclarations de la Parole de Dieu. La tentation peut, sans doute, être séparée du péché. Quand j’ai horreur du mal et que le nouvel homme repousse avec indignation un objet que Satan me présente, ou quelque flatterie ; c’est une tentation et non pas un péché. Mais la convoitise en moi est toujours le péché. Je ne dis pas qu’elle me soit imputée, mais c’est uniquement et absolument à cause du sang de J. Christ. Mais le nouvel homme la juge comme étant du péché. Malheur à moi si je ne la juge pas.

N. Mais Christ avait des désirs.

A. Oh ! Voyez à quoi vous êtes réduit, de faire descendre J. Christ jusques à votre état pour vous exalter vous-même. C’est un épouvantable principe. Non, non, vous n’oseriez pas dire que J. Christ possédât des désirs semblables à ceux qui se trouvent dans notre nature déchue. Vous me répondrez, qu’il y a des désirs qui ne sont pas déréglés. Je l’admets. Il y a, par exemple, la faim, résultat de besoins que notre Père céleste reconnait exister en nous. Mais voudriez-vous comparer ces désirs qui se trouvent dans le cœur humain et qui occasionnent, selon vous, dans les plus pieux des erreurs qui demandent le sang de Christ ; aux désirs qui se trouvaient dans le cœur de ce Sauveur adorable ? N’est-il pas vrai que toutes les pensées de Christ provenaient du St. Esprit, bien qu’il ressentit encore les besoins et les souffrances d’un homme ? Est-ce donc que ces désirs mauvais qui se trouvent en nous, et qui ont besoin d’être réprimés, et, qui, s’ils ne le sont pas, produisent le péché, se trouvaient dans le cœur de J. Christ ?

Cher ami ! plus je sonde votre doctrine et sa tendance à réduire tout au même niveau, Dieu, Christ qui ne connaissait pas le péché, et nous pauvres et chétives créatures, déchues de notre état, primitif ; plus je vois qu’au lieu d’être une doctrine de sanctification, c’est une doctrine, qui tout en prétendant relever votre état, rabaisse tout ce qui est digne d’être exalté, élève tout ce qui devrait être abaissé, et détruit les limites du bien et du mal.

Vous me dites encore : que Dieu ne commande rien que l’homme ne puisse accomplir. Où trouvez-vous cela dans la Bible ? La loi, par exemple, a été donnée aux Israëlites, c’est-à-dire, à l’homme dans la chair : Est-ce que l’homme a pu l’accomplir ?

N. Non, mais nous le pouvons par l’Esprit de vie qui est en Jésus Christ.

A. Dans un sens cela est vrai, mais cela ne prouve nullement ce principe dont vous faites tant de cas, que Dieu ne commande rien à l’homme qu’il ne puisse pas accomplir. La loi était donnée à l’homme dans la chair, et le Nouveau Testament m’enseigne très clairement, que Dieu n’a pas donné la Loi dans la pensée que l’homme pût la garder. Ce sont bien, là, les prétentions du cœur charnel, mais la Parole me dit : que la loi de Dieu fut donnée pour convaincre l’homme de péché, parce qu’il ne l’observait pas, afin que le péché devint par le commandement excessivement péchant. La Loi est intervenue, dit l’apôtre, afin que l’offense abondât, le péché ayant pris occasion par le commandement a produit en moi toutes sortes de convoitises, parce que, sans la Loi, le péché est mort. Rom. 7. v. 8. Remarquez ici, en passant, que le péché produit des convoitises, il est quelque chose qui en est la source, bien que le péché commis soit encore à la suite de la convoi tise. Quand la Loi dit : tu ne convoiteras point, c’est alors que Paul connut le péché. La puissance du péché, c’est la Loi, a dit ailleurs le même apôtre. 1 Cor. ch. 15 v.46. Je trouve donc, qu’en donnant la Loi, Dieu le fit pour convaincre l’homme du péché qui était en lui, et non, selon votre principe, dans la pensée que l’homme put l’observer et qu’il l’observerait.

N. Mais il est dit : Dieu a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la Loi fut accomplie en nous, qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit. Rom. ch. 8. 3 et 4.

A. Cela est vrai ; cependant l’iniquité de la chair est encore signalée ici, comme étant toujours la même dans la nature ; mais nous avons été affranchis de la Loi du péché et de la mort, par la nouvelle vie que nous avons en J. Christ, et qui est appelée ici l’esprit de vie qui est en J. Christ. Nous pouvons donc en marchant selon cette vie nouvelle, nous pouvons, dis-je, ne pas manquer à ses com mandements actuels, tout en jugeant et cela par ce que nous jugeons la chair. Mais dès que nous pensons et que nous agissons selon la chair, la Loi n’est plus accomplie. D’un autre côté, Dieu en nous donnant cette vie, dans laquelle nous marchons dans l’amour, nous a en même temps communiqué la connaissance d’un état qui nous convainc que nous sommes encore bien loin de J. Christ, c’est-à-dire, de la perfection du modèle qui nous est proposé. Je sais que quand Il apparaîtra, je lui serai semblable, car je le verrai tel qu’il est, 1 Jean ch, 3 v.2, 3 et quiconque a cette espérance en lui, ne regarde pas seulement à la Loi, mais il se purifie, comme lui aussi est pur. Si donc Dieu nous accorde la force de marcher dans ses voies, cette force nous est donnée par le moyen d’une connaissance qui nous fait comprendre en même temps que nous ne pouvons pas, ici bas, parvenir à cela même que nous connaissons. Ainsi au lieu d’un but que nous pouvons atteindre, pour nous encourager, Dieu nous présente ce qui, plus tard, sera certainement accompli en nous, mais qui nous tient toujours dans l’humilité, toujours dans le sentiment que nous ne sommes pas tout ce que nous voudrions être. Mais cela même nous fait toujours avancer vers le but. Votre principe qui a l’apparence de n’exiger que ce qui est juste et convenable, est donc entièrement opposé aux pensées de Dieu, il tient à la propre justice qui, au lieu de se tenir ferme dans la grâce que Dieu nous a faite, aime beaucoup mieux se dire : J’ai atteint le but.

Dieu nous a pleinement fait grâce au commencement de notre carrière, et, pour la fin, il nous a proposé une gloire dont la force est en nous par la communication de la vie de Christ, mais la nature et l’excellence même de cette gloire nous fait voir que ce n’est pas une chose à laquelle nous puissions parvenir ici-bas. Nous nous réjouissons dans l’espérance de la gloire de Dieu, Rom. 5. 2, nous sommes sauvés en espérance, Rom. 8. 24. ; et dans la confiance de la certitude de la Grâce de Dieu, nous courons vers le but, vers le prix de la céleste vocation en J. Christ.

N. Mais il est dit que nous sommes affranchis du péché lui-même, et non pas seulement de la loi du péché.

A. Si vous aviez lu le passage, vous auriez vu que l’apôtre en disant affranchi, les prévient qu’il parle à la façon de l’homme, à cause de l’infirmité de leur chair. Il dit affranchi en contraste avec l’esclavage, c’est pourquoi il ajoute par opposition : qu’ils sont asservis à Dieu. Rom. 6, 16. 23. C’est une simple comparaison entre un esclave et un affranchi, qu’il introduit pour se faire mieux comprendre. Et remarquez bien que ce n’est pas seulement l’état d’un chrétien parfait, mais de tous les chrétiens, sans exception : de sorte que ce passage ne s’applique, en aucune manière, à votre doctrine.

J’en dis tout autant de vos huit passages de St. Jean, dont l’Épître est aimée de tous ceux qui aiment Dieu, malgré les reproches déplacés de ceux qui méprisent ainsi leurs frères. Mais vos huit passages prouvent-ils que quelques chrétiens aient atteint la perfection, de sorte qu’ils ne péchent plus tandis que d’autres n’ont pas atteint ce but ? Nullement. Ils s’appliquent à ceux qui sont nés de Dieu. Celui qui péche est du Diable, et il n’a pas connu Dieu, 1 Jean ch. 3, de sorte que, selon la citation de vos passages, tout homme qui n’est pas parfait est du Diable. Quiconque est né de Dieu ne péche point et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu : ceci est donc vrai de tout chrétien, et je ne comprends pas comment quel qu’un, si peu exercé qu’il soit sur cette question, puisse faire accorder de telles citations avec un cœur simple, à moins d’une singulière préoccupation d’esprit. Vous me répondrez que plusieurs écoliers dans une même classe peuvent avoir fait des progrès fort différents : mais ceci est dit de la classe toute entière et ne s’applique pas au plus ou moins de progrès des écoliers.

N. Mais n’est-il pas dit : Tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même ?

A. Je vous ai déjà répondu en principe. Dieu commande nécessairement ce qui doit être, et non pas ce que l’homme peut faire ; car ce commandement, qui est l’essence de la Loi, était donné à l’homme dans la chair, quand il était privé de toute force. Et nous avons vu que, bien que ce soit, là, la Loi éternelle des êtres parfaits, quand elle est imposée à ceux qui sont déjà sous le péché, elle devient un ministère de mort et de condamnation. 2 Cor. 3.

N. Je l’admets ; mais nous qui sommes sous la Grâce nous pouvons l’accomplir.

A. Je vous ai également répondu sur ce point. Sous la Grâce, une vie nouvelle nous a été donnée ; c’est la vie de Christ en nous, qui voit et contemple J. Christ glorifié, et qui sait que, quand il apparaîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est. Or cette vie juge de toutes choses en nous, selon la perfection de notre état futur, dans la résurrection ; elle reconnaît que nous n’avons pas encore obtenu la rédemption de nos corps : elle juge en nous le vieil homme, sa racine, son tronc et ses branches : Mais, en même temps, le chrétien se purifie comme J. Christ lui-même est pur. Remarquez, qu’il ne dit pas seulement : qu’il tend à croître selon Christ, mais qu’il se purifie, comme Il est pur. Il ne dit pas : qu’il est purifié, mais qu’il se purifie, selon la ressemblance de Christ glorifié : et sachant que la rédemption de son corps n’est pas encore arrivée, il ne rêve pas perfection ici-bas.

N. Je crois comprendre votre pensée. Le chrétien a déjà dans son âme la vertu de la résurrection. Rien de tout ce qui n’est pas selon la puissance de la résurrection ne peut le satisfaire. Il ne se persuade pas d’avoir atteint le but, quoiqu’il poursuive une purification de lui-même telle qu’il la voit en Christ, dont il possède la vie, et dans l’image duquel il est déjà transformé de gloire en gloire. 2 Corinth. 3 v. 18. Mais il me semble qu’il est décourageant de dire à une âme : Vous ne pouvez jamais atteindre le but !

A. Mais l’âme est certaine d’atteindre le but ; et il est évident qu’au lieu de la décourager, c’est, selon Dieu, le moyen de la pousser en avant : car celui qui a cette espérance en Lui, se purifie comme lui aussi est pur. 1 Jean 3. 3. Et Paul dit : Je ne me persuade pas d’avoir atteint le but, mais je fais une chose, c’est qu’oubliant les choses qui sont derrière moi, et m’avançant vers celles qui sont devant moi, je cours vers le prix de la céleste vocation en J. Christ, Galat. ch. 3. v. 14. Cette vue, selon votre système qui rabaisse tous les privilèges du Christianisme, cette vue peut décourager ; mais c’est parce que votre christianisme est en grande partie un christianisme d’homme et non pas de Dieu, un christianisme qui travaille pour obtenir la vie éternelle et non parce que Dieu nous l’a donnée. Ce qui vous manque, ce n’est pas de pouvoir dire j’atteindrai, ici-bas, le but : mais c’est de savoir répéter avec l’apôtre : c’est pour cela que j’ai été saisi par J. Christ. Philip. 3. 12. Ce qui vous manque, c’est de croire que, par grâce, nous avons en nous la vie de Jésus lui même, la vie éternelle, par notre union avec lui : que toutes choses sont à nous ; que nous sommes les cohéritiers de Christ ; que nous sommes assurés de l’amour de Dieu, que nous en sommes aimés, comme J. Christ en est aimé. C’est pourquoi, avec joie et avec allégresse de cour, nous poursuivons, ici-bas, la réalisation de cette gloire. Par la force du St. Esprit, nous sommes transformés en la même image de gloire en gloire ; par la foi, nous sommes déjà rendus participants d’une perfection qui nous sera donnée, en plénitude, lorsque Jésus Christ reviendra. Nous avons notre bourgeoisie dans le ciel, d’où nous attendons notre Seigneur Jésus Christ, qui transformera notre corps vil, pour le rendre conforme à son corps glorieux, par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses, Philip. 3. 21. ;

Non, nous ne disons pas qu’il faille broncher ; car, en théorie, pour quelle raison pourrions-nous ne pas marcher à tout moment selon l’Esprit ? mais par l’expérience, nous savons que nous bronchons tous en beaucoup de choses : Jacques 3. 2. Mais tout en confessant et notre faute, et que nous sommes sans excuse, nous savons que Dieu est fidèle et qu’il ne permettra pas que nous soyons tentés au delà de nos forces. Dieu qui nous aime et qui tire le bien du mal, quoiqu’il ne le justifie jamais, Dieu, dis-je, nous humilie soit par son Esprit, soit par des châtiments ; et il nous fait comprendre plus profondément les immenses richesses de sa Grâce. Je ne parle pas même ici des chûtes extérieures ; et je suis bien loin de prétendre, que des fautes soient nécessaires pour nous instruire ; mais, de fait, nous trouvons dans les soins tendres et fidèles de notre Dieu, que sa grâce nous suffit et que sa force s’accomplit dans notre faiblesse.

Mais votre doctrine arrête le cœur sur des choses rapetissées, et en croyant les avoir réalisées, votre christianisme devient rabaissé et orgueilleux. Votre vigilance ne provient pas de la confiance dans l’amour de Dieu et de la joie de sa sainteté et de sa communion, mais de la crainte ; car un de vos hommes parfaits peut finalement se trouver dans l’enfer. En effet, un de vos docteurs les plus fameux, et qui était certainement un enfant de Dieu, a été parfait quatre fois : il est retombé (et la raison en est assez curieuse) parce que dans cet état de perfection, il y avait des infidélités dans sa conduite : il avait par conséquent perdu ce qui lui avait été donné : et vous nous dites de nous garder des hommes, qui professent qu’une fois en grâce, nous sommes toujours en grâce et infailliblement dans la gloire.

J’admets que la présence du St. Esprit donne une heureuse inconséquence à des âmes qui sont dans ce systême, et j’en bénis le Seigneur. M. Wesley qui croyait au commencement qu’un homme parfait ne pouvait pas déchoir de cet état, affirmait plus tard, que c’était une grande erreur.

N. Mais nous voyons des âmes qui sont dans cet état de perfection et de joie divine, elles sont consommées dans l’amour : l’amour est perfectionné en elles ; elles sont remplies du St. Esprit et de toute la plénitude de Dieu. Jésus Christ, d’ailleurs, en qui il n’y avait point de péché, nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces.

Je vois bien que vous avez un principe qui en vertu de notre union avec Christ, place la perfection plus haut, et nous la présente telle que nous ne pouvons pas la réaliser sur la terre. Selon votre principe, bien que nous suivions de cœur Jésus Christ, le vieil homme demeure dans sa nature tel qu’il est, quand même il serait comprimé de manière à ne pouvoir agir. Néanmoins, je ne puis pas abandonner mes vues sur la perfection ici-bas ; c’est un état si joyeux et si désirable ! J’ai vu des âmes si bénies et si sanctifiées !

A. C’est la vérité qui sanctifie ; et si votre doctrine n’est pas la vérité, malgré toutes les apparences, malgré la réalité même d’une portion de ces bénédictions, au bout du compte, ce ne doit pas être une sanctification selon Dieu. En effet, au lieu de me faire croître, ce que vous me présentez, me fait rétrograder. Par ce que vous appelez la loi d’amour et la vie de Christ, vous me ramenez à la perfection Adamique et même beaucoup plus bas : car vous ne pouvez pas nier l’existence du mal, et toute votre perfection si vantée se lie très bien avec des choses qui peuvent exposer à la damnation éternelle et qui exigent l’expiation du sang de Christ.

Vous me direz qu’il y a une perfection plus haute, perfection céleste et divine. Mais pourquoi appliquez-vous, à votre perfection terrestre, tous les passages qui parlent de la première ? Je crois, au contraire, que l’introduction du péché a changé complètement la nature de nos relations avec Dieu. Je ne pourrais plus revenir à l’état d’Adam avant sa chûte. Je participe maintenant, à la nature divine, par des promesses infiniment supérieures aux jouissances d’Adam. Je ne vois point que Dieu ait rétabli le premier Adam, mais il nous a unis au Second. Notre gloire ne consiste pas dans l’ignorance du mal, mais dans la jouissance des effets d’une victoire complète sur le mal lui-même.

Quoique la Loi, dans son essence, soit la règle de tout être pur devant Dieu, par la même raison, elle ne caractérise plus notre état devant Lui, car nous sommes bien loin d’être purs selon ce qu’elle exige. Et l’idée de grâce ne nous présente pas la créature dans sa perfection devant Dieu, mais elle est l’introduction de la nature, de la bonté et de la puissance du Créateur au milieu du mal, dont ses perfections sont victorieuses. La grâce re connaît donc le mal sur lequel elle remporte la victoire…

Par notre union avec Christ, la nature de Dieu nous est communiquée, mais le résultat final, mais la perfection, ne s’en trouvera que dans la résurrection. Jusques là, ou du moins aussi longtemps que nous sommes dans ce corps, nous devons toujours vivre selon l’Esprit. Mais nous ne devons pas nier l’existence du mal ; le nier c’est dénaturer l’essence, les richesses, les conseils, et toute la plénitude de la Grâce.

Vous me replacez devant Dieu à l’état de la création, et même bien au-dessous. Je vois au contraire ici-bas l’introduction de la vie et de la nature du créateur au sein du mal lui-même. Mais ma perfection, je la vois seulement dans ma présentation devant Dieu, lorsque la dernière victoire ayant été remportée, je serai fait à la ressemblance du second Adam, qui est l’homme accepté et glorifié, selon les conseils de Dieu le Père.

En attendant toutes les richesses de la nature de Dieu sont développés dans mon cœur et dans mon intelligence, afin que quand je serai rendu parfait je me trouve en la présence d’un Dieu que je connais pour être l’ami de ma faiblesse et la gloire de ma force. C’est dans ce but que le St. Esprit m’a été donné. Il est le sceau de ma rédemption en J. Christ. Il est les arrhes de notre héritage, pour la rédemption de ceux qu’il s’est acquis, pour la louange de sa gloire. Éphés. 1. 14. Il n’est pas, en moi, le sceau des fruits qu’il produit lui-même, mais il l’est de la rédemption qui qui a été accomplie en Jésus Christ.

Je reviens ici à quelques passages que vous avez cités. Consommés, dites-vous, dans l’amour. Lisez seulement le passage et vous verrez qu’il n’a aucun rapport avec l’absence du péché dans la chair, mais qu’il se rapporte à cette pleine confiance dans l’amour de Dieu, qui met le cœur au large avec lui, et qui nous fait jouir de sa communion dans la paix et dans la joie. Voici le passage entier. En cela est consommé l’amour par rapport à nous, afin que nous ayons assurance au jour du jugement, c’est que tel qu’il est tels nous sommes en ce monde. Il n’y a point de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait chasse la crainte, car la crainte est accompagnée de peine et celui qui craint n’est pas consommé dans l’amour. 1 Jean 4 v. 17 à 19. Vous voyez évidemment qu’il n’est pas ici question de l’absence du péché dans la chair, mais d’une entière assurance dans l’amour de Dieu ; car son amour est répandu dans nos cours, par le St. Esprit qui nous a été donné : Non que nous ayons aimé Dieu, mais parce qu’il nous a aimés. Il y a donc entre ces passages et votre doctrine une différence essentielle.

Cet amour de Dieu est répandu dans le cœur : Dieu demeure en nous et son amour est accompli et remplis du St. Esprit nous sommes donc remplis d’amour, c’est-à-dire de la conscience de son amour, et par conséquent nous aimons d’une manière divine. Mais il ne s’en suit pas que la chair soit changée. L’âme qui est remplie du St. Esprit pense à l’amour qui est en Dieu, et non pas à l’amour que nous avons pour Dieu, elle agit par conséquent dans l’amour.

Ceci me conduit à ce que vous dites de l’état de quelques âmes, quand elles sont affranchies et quand elles ont goûté cet amour ; elles en sont remplies, elles en sont absorbées : or comme la capacité du cœur est bornée, elles s’imaginent que rien d’autre n’existe et ne doit exister dans leur être. Mais le péché subsiste toujours dans leur nature. Il y a plus, quelquefois il germe, précisément parce qu’ils s’arrêtent à cet effet de l’amour en eux, plutôt qu’à la source qui l’a produit. Car dès l’instant que l’on se replie sur soi-même et sur les effets que la grâce y opère, la communion avec la source de la grâce est interrompue ; à cause de la ruse du cœur, les effets mêmes de la grâce deviennent une occasion de péché et une occasion, surtout, de tomber dans l’orgueil.

Ce n’est pas dans les effets de la grâce qu’il m’est possible de puiser de nouvelles forces, la conscience n’y est jamais mise en activité même dans notre vie spirituelle la plus élevée, tandis qu’elle l’est toujours quand nous pensons à Dieu. Et comme l’activité de la conscience, en la présence de Dieu, est toujours la cause de notre sureté pratique, dès l’instant que je me replie sur moi-même, pour contempler la grâce qui est en moi, je suis déjà sur le chemin de la chûte et bien loin de la source de ma force spirituelle. Pensez-y ! car malgré tout ce que vous dites, le cœur est rusé. Je crois que ces âmes ont confondu le sentiment de l’amour qui est répandu dans leur cœur, avec l’absence du péché. Mais le vrai moyen de tomber dans le péché, c’est précisément de s’occuper de ce sentiment.

M. Wesley distingue cet état de celui de la perfection qui, selon lui, se prouve de trois manières, par l’expérience qui est faite dans le cœur, 1° de l’absence du péché, 2° de l’amour parfait ; et 3° par le témoignage que le St. Esprit rend à l’homme parfait de son entière sanctification comme de sa justification. Mais quand je cherche, dans les Écritures les preuves de ce témoignage qui doit être rendu par le St. Esprit, je ne les trouve nulle part. Quand je les demande à M. Wesley, tout ce qu’il peut me répondre c’est que, si ces choses me sont affirmées par un homme véridique, à moins de raisons suffisantes, je ne dois pas rejeter son témoignage. Mais c’est celui que Dieu loue, et non celui qui se loue soi-même, qui est approuvé.

Quand je me tourne vers Paul, je trouve un tout autre langage. Se replie-t-il sur lui-même, sa conscience lui rend un bon témoignage. Je ne me sens coupable de rien, dit-il, mais pour tout cela, je ne suis pas justifié ; celui qui me juge, c’est le Seigneur. 1 Corinth. 4 v. 4. Encore une fois c’est en vain que je cherche dans toute la Bible, ce témoignage que le St. Esprit doit rendre à nos âmes de notre entière sanctification. J’y vois bien que nous sommes enfants, héritiers de toutes choses, les objets de l’amour parfait de Dieu, que dans sa communion nous jouissons de cet amour, que nous nous glorifions en Lui ; mais notre entière sanctification, je ne l’y trouve nulle part. C’est une idée qui ne peut absolument pas s’accorder avec la véritable perfection ; perfection qui est nôtre, dont nous jouissons déjà en espérance, mais qui ne sera accomplie qu’en la résurrection : car nous, qui avons reçu les prémices de l’Esprit, nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’adoption savoir la rédemption de notre corps. Rom. ch. 8. v. 23. Car nous savons que toute la création, à laquelle notre corps appartient encore, soupire jusquà maintenant. vers. 22. Remarquez que ces paroles ne se trouvent pas dans le chap. 7e de l’Épître aux Romains, mais dans le 8e où il est parlé de l’âme affranchie qui a reçu le témoignage du St. Esprit, et qui est affranchie parce qu’elle a reçu ce témoignage.

Quant aux autres passages que vous avez cités ; pour n’en faire qu’un seul, vous en avez réuni deux qui ne sont pas ensemble dans la Parole, afin d’en tirer une conclusion qui ait quelque apparence de vérité. Vous me dites que : celui en qui il n’y avait point de péché 1 Jean 3. 5. nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces. 1 Pierre 2. 21. Cela ne se trouve point dans le Nouveau Testament. Il est dit : 1 Pierre 2. v.21. 22. « que Christ a souffert pour nous, nous laissant un modèle afin que nous suivions ses traces. Lui qui n’a point commis de péché et dans la bouche duquel il n’a point été trouvé de fraude. » Or, il est le modèle, non de ce que nous sommes, prétention qui serait une folie, mais de ce que notre conduite doit être. Il est dit ailleurs ; « qu’il est apparu, afin qu’il otât nos péchés, et il n’y a point de péché en lui, » 1 Jean 3. v. 5. Mais il n’est pas du tout ici question de Jésus Christ comme modèle.

St. Jean déclare que si nous disons que nous n’avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n’est point en nous. 1 Jean 1. 8. Cette parole est suffisante pour détruire tout votre système. Pour échapper à la force de cette déclaration, vous la commentez en disant : « Si nous n’avons pas péché. » Mais c’est une idée entièrement différente, elle expose à nu le vice fondamental de votre doctrine, qui confond les péchés commis avec le péché qui demeure en nous, pour nier ensuite entièrement ce dernier.

Il est deux passages que j’aimerais bien vous voir comparer avec votre déplorable définition du péché qui ne consiste plus, selon vous, que dans la violation volontaire de la Loi de Dieu. Le premier est celui-ci : « Purifie moi de mes fautes cachées » : Ps. 19. v. 13. et le second dit plus expressément encore : « le sacrificateur fera propitiation, pour lui, de la faute qu’il aura commise par erreur et dont il ne se sera point apperçu, et ainsi il lui sera pardonné. Certainement il y a du péché et il s’est rendu coupable devant l’Éternel. » Lévitiq. 5. v. 13. 17.

N. Mais c’était sous la Loi.

A. Cela est vrai. Mais votre estimation du péché sera-t-elle moins scrupuleuse, moins exacte, moins sainte et moins parfaite, maintenant que nous avons une connaissance plus étendue et plus profonde de Dieu ? Voilà donc le vice de votre système qui établit que la convoitise n’est pas le péché, que des erreurs qui exposent à la damnation éternelle ne sont pas du péché, et qu’il n’y a que la violation volontaire de la Loi de Dieu qui soit un péché. Je suis convaincu, au contraire, que tout ce qui, dans mon cœur, me sépare de la communion de Dieu, parce qu’il contriste le St. Esprit, que cela, dis-je, est péché ; car cela provient de ma nature corrompue : et je ne désire pas rabaisser la hauteur de la sanctification, pour échapper à cette conviction.

Mais aussi mon assurance découle d’une tout autre source que la vôtre. Elle est fondée sur la certitude de l’amour de Dieu pour moi pécheur, et cet amour m’a été manifesté lorsque j’étais dans mes péchés. Elle est fondée sur la certitude de ma résurrection avec Jésus, par la foi de l’efficace de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts, et par laquelle je suis placé tel qu’il est devant Dieu son Père.

Je sais que vous lisez très peu dans l’Ancien Testament, mais avez-vous observé que le levain était défendu dans le gâteau qui représentait Christ, et qui était offert à l’Éternel en odeur d’apaisement, tandis qu’il était ordonné dans le gâteau du jour de la Pentecôte ? Or ce dernier était le type du rassemblement de l’Église, et à cause du levain qui représente le péché, il ne pouvait jamais être brûlé en bonne odeur à l’Éternel. Lévitique ch. 2e et ch. 7. 13.

Mon opposition à votre système, provient donc, encore une fois, de votre définition du péché et de ce que vous rabaissez la mesure de notre sanctification. Car la sanctification est et doit être fondée sur notre union avec Jésus Christ ressuscité et glorifié, qui nous enseigne à nous purifier comme lui-même est pur, et non pas, comme vous le faites, à nous dire sans péché pour confesser ensuite que nous faisons des choses qui nous exposent à la condamnation éternelle.

Si vous avez compris ce que je vous ai dit de la résurrection de Jésus Christ, vous comprendrez, sans difficulté, ce qui est contenu dans le chapitre de l’Épître aux Philippiens : c’est que le chrétien parfait, au lieu d’être parfait, ici-bas, dans ce corps, a saisi la doctrine de la résurrection ; il a été renouvelé en connaissance à l’image de celui qui l’a créé. Il ne se persuade donc pas d’avoir atteint le but, parce qu’il ne connaît aucun autre but que sa céleste vocation en Jésus Christ. Et au lieu de se persuader d’être tel que Jésus Christ notre bien-aimé Sauveur a été ici-bas, il dit dans ce sens : Si j’ai connu Christ selon la chair, maintenant je ne le connais plus de cette manière.

N. Mais vous vous opposez à nos vues sur la perfection, parce que vous demandez une sanctification plus parfaite, une perfection plus haute que nous.

A. Cela est exactement vrai. Mais nous nous y opposons aussi, parce que vous ravalez la notion du péché pour la mettre de niveau avec votre état d’imperfection. Et pourquoi ? Afin que vous puissiez dire que vous êtes parfaits, et que de cette perfection ainsi rabaissée, vous puissiez finalement en conclure, que vous n’avez plus le péché.

Vous affirmez qu’il y a une seconde classe de chrétiens qui sont justes comme Dieu est juste, qui sont dans ce monde tels que Dieu ; puis par une inconséquence (qui cependant s’explique) vous nous dites que ces mêmes parfaits font des choses qui, sans l’expiation de Christ, les exposeraient à la damnation éternelle. J’ajouterai encore, à cette occasion, que vous tordez les passages en les séparant de leur contexte.

N. J’ai cependant encore quelques passages à vous présenter. Il est dit au chap. 46 d’Ézéchiel vers. 25 et 26 : Je vous ôterai le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair et je vous nettoyerai de toutes vos souillures. Et dans la 1e Épît. de St. Jean chap. 1. v. 7. il est écrit : que le sang de Jésus Christ nous purifie de tout péché.

A. Cher frère ! Votre premier passage est une promesse que Dieu a faite aux Juifs pour les derniers jours, comme vous pourrez le voir en lisant le chapitre qui la contient, et où elle est accompagnée de bénédictions terrestres et en particulier de ramener cette nation dans sa terre. C’est une promesse d’ôter l’endurcissement de leur cœur et de leur donner un cœur tendre et capable de recevoir les enseignements de Dieu ; mais il n’y est pas question de détruire le péché. C’est pourquoi cette promesse est aussi réalisée en nous, dès que nous sommes nés de Dieu ; car il me paraît évident que Jésus dans son entretien avec Nicodème y faisait particulièrement allusion. Jean ch. 3. Elle s’applique donc à tous ceux en qui, selon vous-même, le péché n’est pas détruit : il y est fait mention, non de la destruction radicale du vieil homme, mais de la communication de la vie de Dieu.

Quant à la purification de tout péché par le sang de Jésus Christ, il l’a faite par son expiation ; mais le changement du cœur est toujours attribué au St. Esprit et à l’eau de laquelle il est dit : Celui qui est lavé n’a besoin sinon qu’on lui lave les pieds. Jean 13, v. 10. La sacrificature de Christ s’applique particulièrement à cet office, et c’est de la continuation de l’existence du péché en nous, et de ses effets, par notre négligence, que découle la nécessité de ce sacerdoce.

N. Il y a aussi dans la prière dominicale : que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel.

A. Mais cette demande est une prière pour l’état de la terre et non pas de mon cœur. Christ qui faisait tous les jours la volonté de Dieu de cette manière, aurait pu l’adresser à son Père céleste. C’est un désir qui sera accompli lorsque le règne du Père viendra, règne qui est l’objet de la précédente supplication qui, en effet, introduit la pensée de celle qui nous occupe. Ah ! que de désirs ardents du cœur qui s’expriment par des soupirs et par des cris à Dieu et qui ne s’accompliront que par un changement entier de l’état de choses où nous nous trouvons, quand les enfants de Dieu seront manifestés !

N. Mais si je ne peux pas me dire parfait, je dois tendre, du moins, à le devenir, car il est écrit : tendons à la perfection. Hébr. 6, 1.

A. Avez-vous examiné le passage que vous venez de citer ?

N. Non, pas particulièrement, mais l’expression m’en parait bien simple.

A. Je vous ai déjà prié de lire toujours le contexte avant que de recevoir un passage comme ayant tel sens ou telle force, et afin d’y chercher l’intention du St. Esprit. Par exemple, il ne s’agit point ici de l’état de sanctification, mais de faire des progrès dans la connaissance. Paul y établit un contraste entre les élémens de la doctrine de Christ, tels qu’un Juif fidèle cât pu les comprendre avant la Pentecôte, et la connaissance que donne le St. Esprit de la plénitude de la Gloire du Fils de l’homme souverainement exalté.

J’ai encore une remarque à vous faire, à l’occasion de ce passage. Vous trouverez à la fin du chapitre précédent vers. 13 et 14 que le lait convient à des enfants, tandis que la viande solide est pour les hommes faits. Cette qualification d’hommes faits est exprimée dans l’original par le mot que l’on rend ordinairement par parfait. Car, en grec, le mot parfait signifie également homme fait. La citation de tous les passages où le mot parfait se trouve, est, en réalité un pur abus de langage. Cette expression est le plus souvent appliquée à l’état d’un homme qui a saisi pleinement toute l’étendue de la vérité qui est en Christ, tant pour les privilèges des chrétiens, que pour leur conduite : ce qui nous amène à la conviction de notre état d’imperfection. C’est pourquoi lorsque Paul dit : Tout autant que nous sommes de parfaits : il ajoute dans le même passage : Je ne me persuade pas d’avoir atteint le but. Jésus Christ l’avait pris pour la résurrection des morts. Ayant compris le dessein de Jésus, Paul courait vers ce but et il reconnaissait, par conséquent, l’imperfection de son état actuel. Je pourrais dire que le sens ordinaire du mot parfait signifie : être parvenu à notre entière stature en Christ, sans qu’il soit question de l’existence ou de l’absence du péché.

N. Mais cette idée ne repose pas seulement sur la force du mot, parfait. Il est dit, par exemple, que celui qui est accompli sera comme son maître. Luc. 6, 40.

A. Eh bien ? il n’est pas question dans ce passage de l’existence ni de l’absence du péché, mais des principes de la conduite du fidèle, c’est-à-dire, de l’entière réception des principes de son maître comme règle de conduite. Ici encore, le chrétien ne doit pas agir selon la loi du talion, ni d’après les principes des Juifs, mais d’après ceux de Jésus Christ lui-même. Voici l’exhortation entière du Seigneur : Donne à tout homme qui te demande, etc. Luc. 6, v. 30. Aimez vos ennemis, etc. v. 35. Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux, etc. v. 36. Il leur dit aussi cette comparaison : 'Est-il possible qu’un aveugle puisse conduire un autre aveugle ? ne tomberont-ils pas tous deux dans la fosse ? v. 39. Le disciple n’est point par dessus son maître, mais tout disciple accompli sera comme son maître. v.40. Vous voyez donc qu’il n’est pas question, ici, de la nature du disciple, mais de la lumière et des principes qui doivent le guider.

Pour ce qui me concerne, je n’admets aucun modèle de conduite, que le modèle parfait de la conduite de Jésus Christ lui-même. Mais Christ, dans sa nature, était sans péché, et moi, je suis échauffé dans l’iniquité ; et bien que je dépouille le vieil homme et que je revète le nouvel homme, l’œuvre de Dieu, ne consiste point à restaurer, ici-bas, le premier Adam, mais à me communiquer la vie du Second, auquel je serai rendu conforme, quand je le verrai tel qu’il est ; et jamais auparavant. En effet, on avance une multitude de passages comme s’ils s’appliquaient à nous, ici-bas, tandis que dans la Parole, ils s’appliquent à l’état de gloire ; tels que Rom. 8, v. 23. Éphés. 5, v. 25 à 27. Jean 17, v. 22. 23.

Ce que nous venons de dire de : celui qui est accompli sera comme son maître, s’applique également aux expressions qui suivent : pour le perfectionnement des saints, Éphés. 4. 12. afin que l’homme de Dieu soit accompli et parfaitement propre pour toute bonne œuvre, 2 Tim. 3, 16. 17. Le mot qu’on traduit ici par perfectionnement et parfaitement est un autre mot grec que celui qui est employé dans le passage de Paul aux Philippiens, ch. 3, v. 15., et dans d’autres endroits. Il est question non pas du péché intérieur, ou de ce qui se trouve dans notre nature, mais de l’enseignement de Christ et de la réception de tous les principes de sa doctrine, pour pouvoir pleinement édifier tous les fidèles.

N. Avez-vous lu la brochure qui a paru dernièrement ?[1]

A. J’ai examiné ce qui m’a paru la chose la plus importante, c’est-à-dire, tous les passages de la Parole de Dieu qui y sont cités. Nous avons déjà parlé des principaux d’entr’eux. Le plus grand nombre n’a aucun rapport, même apparent, avec le sujet. Par exemple, pour prouver que l’on peut atteindre à la perfection ici-bas, on cite ce passage : C’est pourquoi, comme dit le St. Esprit, si vous entendez la voix de Dieu, n’endurcissez point vos cœurs, Hébr. 3, 13. Il n’y a pas, dans toute la section, dont nous tirons ces paroles, un passage qui ait plus de rapport avec le sujet que celui-là. On avance encore, dans cet ouvrage les expressions : « être plein du St. Esprit, être rempli du St. Esprit, » pour prouver que nous devons être sans péché. Il n’est pas besoin, ce me semble, de réfuter de tels raisonnements. Il s’y trouve plusieurs passages qui s’appliquent à l’œuvre de Christ pour nous, que l’on applique à l’œuvre de Christ en nous ; comme par exemple : Par une seule oblation, il a perfectionné pour toujours ceux qui sont sanctifiés. Hébr. ch. 10. v. 14. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’agneau, qui purifie de tout péché, Apoc. 7, 14. 1 Jean 1, 7. Christ a été manifesté une seule fois, pour l’abolition du péché, par le sacrifice de soi même. Hébr. 9. 26. etc. etc.

Comme vous avez parlé de cette brochure, j’ai encore quelques remarques à vous faire. Vous observerez, d’abord, la manière dont la question y est posée : elle n’est nullement, l’amour de Dieu pour nous. La perfection de l’amour, l’accomplissement de l’amour n’y est jamais présenté comme l’amour de Dieu pour nous, mais comme un amour qui nous est demandé, qui est exigé dans les termes mêmes de la Loi. Voilà la première pensée. La perfection chrétienne consiste dans l’accomplissement, de notre part, de la plus haute exigence de la Loi : et il est ajouté comme second principe que Dieu la commande et l’exige indispensablement. J’admets entièrement que la connaissance de l’amour parfait de Dieu, 1 Jean 4, 10, produit, nécessairement en nous, une réciprocité d’amour ; il est faible sans doute, mais il est vrai, mais il est pur : car nous connaissons l’amour de Dieu, parce que nous sommes rendus participants de la nature divine, et parce que cet amour est répandu dans nos cœurs par le St. Esprit qui nous a été donné. Alors Dieu demeure en nous et nous en lui, l’amour dont il nous aime est donc répandu dans nos cœurs, et la conscience que nous en avons se manifeste dans notre amour pour lui. La clarté de sa face resplendit sur la nôtre et la nôtre en réfléchit les doux et puissants rayons. Cette réflection Lui est agréable, parce qu’Il reconnaît la source d’où elle provient. Et comme c’est par le don du St. Esprit que nous avons connu l’amour de Dieu, c’est par ce même Esprit, que l’amour de notre cœur retourne, sans effort, vers l’amour que nous avons connu en Lui.

Mais quand on vient me dire : que Dieu commande cet amour et l’exige indispensablement, on me place sous la Loi et l’on détruit le principe même de la justification, en la confondant avec la sanctification : on met de côté la grâce, ce grand principe de l’Évangile, Dieu justifie les méchants. En confondant aussi cet amour où il existe, avec la sainteté parfaite et avec l’absence du péché, on nous donne certainement la preuve d’une profonde ignorance de son propre cœur, ignorance toujours croissante ; et qui accompagne tous ceux que j’ai vus dans cette idée. Il est possible que quelques âmes, qui cherchent sincèrement la présence de Dieu, échappent à cette illusion, par ces heureuses inconséquences qui résultent de l’action du St. Esprit en nous, mais ces erreurs et ces ténèbres sont la conséquence rigoureuse du principe lui-même, elles se manifestent dans la plus grande majorité de ceux qui ont embrassé ces doctrines.

Au reste ne confondez jamais une conduite sans reproche avec l’absence du péché, c’est-à-dire avec l’extirpation du germe du péché de notre nature. Le chrétien doit certainement avoir une conduite sans reproche ; il doit toujours marcher selon l’Esprit ; il ne peut jamais se justifier d’avoir marché un seul moment selon la chair ; toutes ses facultés doivent êtres employées, non par la chair, mais par le nouvel homme, afin qu’il ne bronche pas. Il ne peut jamais s’excuser en disant : Ah ! c’est la chaïr qui est toujours là, qui a été la cause de ma chûte ! car elle a du être mortifiée, tandis que l’Esprit doit être le dominateur de toutes nos pensées. Il a du s’écrier : hélas ! j’ai manqué de vigilance, de prières, dans l’emploi des moyens de la grâce. Il n’a peut-être pas assez approfondi son cœur ; et sa misère, comme dans le cas de Job, a été permise pour son instruction. Néanmoins, il ne peut s’excuser : le sang de J. Christ expie, sans doute, le péché, mais, quant à lui, il a manqué, car Dieu est fidèle qui n’eût pas permis qu’il eut été tenté au de-là de ses forces. Et s’il ajoute : Mais je ne suis qu’un enfant ! je suis encore si faible dans la foi ! N’importe, car si la crainte et la défiance de soi-même, qui conviennent à la faiblesse, se fussent trouvées dans son cœur, il n’eût pas manqué de la sorte : s’il est tombé, c’est parce que le péché, c’est-à-dire parce que le principe de la propre volonté agissait en lui.

Permettez moi de vous signaler encore un autre défaut dans les raisonnements de ceux qui me présentent cette doctrine. Vous ne mettez en avant le cas de plusieurs fidèles de l’Ancien Testament, qui furent appelés parfaits. Je vous prouve qu’ils ont péché ; et alors vous me répliquez, que cela ne conclut rien contre ceux qui sont sous la grâce plus excellente de la nouvelle Économie. Mais alors pourquoi les citer ?

Il est remarquable, qu’après le jour de la Pentecôte, on ne puisse pas mentionner le cas d’un homme qui soit dit parfait. La raison en est importante. Le don du St. Esprit nous a rendus capables de discerner et de juger le vieil homme, de condamner le péché dans la chair et de juger la nature, parce que nous avons la pleine connaissance de la relation de notre nouvel homme avec Jésus-Christ. Sous l’ancienne Économie, un homme qui gardait les commandements, les ordonnances et la Loi, sans reproche, pouvait être appelé parfait, parce qu’elle ne leur avait pas appris à distinguer le vieil homme du nouvel homme, comme nous pouvons le faire dans la plénitude de lumière que la Nouvelle Économie nous a apportée. Celui qui marchait bien était parfait. Mais la manifestation du nouvel homme, Christ ressuscité, nous a fait connaître et discerner, comme une chose qui en est distincte, le vieil homme Adam et sa condamnation. Avec Paul nous savons dire maintenant par l’Esprit : ce n’est plus moi, mais c’est Christ qui vit en moi. Galat. 2, 20. ailleurs : ce n’est plus moi, mais c’est le péché qui habite en moi. Rom. 7, 20. L’affranchissement, dont il est parlé au chapitre 8e de l’Épître aux Romains, nous a rendu capables de juger le vieil homme comme une nature condamnée de Dieu, parce que nous savons positivement que nous en avons une autre dans laquelle nous vivons et par laquelle nous pouvons porter ce jugement. Votre doctrine de la perfection consiste, au contraire, à nous ramener sous la Loi et à nous ôter la pleine lumière de Christ, afin de nous rendre contents de nous mêmes.

Mais remarquez que le principe que j’ai avancé suppose que nous marchons, selon l’Esprit, selon une règle plus haute et qui n’admet aucun modèle de conduite que la vie de Christ ici-bas, aucune autre mesure de la perfection que la gloire de Christ, là-haut, dans le Ciel. Ce que nous faisons, n’est pas ce que nous sommes. Depuis la chûte et depuis notre régénération, il faut distinguer ces deux choses. Jésus Christ est le modèle de ce que nous devons faire, mais il ne peut pas être le modèle de ce que nous sommes, car nous sommes déjà nés dans le péché, et lui ne l’était pas.

J’ajouterai encore une remarque qui se lie à ce que nous venons de dire. On n’eût jamais cru que quelqu’un pût avancer qu’un état de perfection ici-bas fut le but principal de la naissance, de la vie et du sacrifice de Jésus Christ, de la révélation chrétienne, de la prédication de l’Évangile et de l’élection scripturaire. Et qui pourrait imaginer que le Ciel, que notre conformité avec Jésus Christ en gloire, que notre présence avec lui et que la joie de sa présence, que l’absence de tout mal, de tout deuil, de toute larme, que la possession de la gloire de Dieu, que de vivre avec Jésus Christ devant sa face, en un mot, que l’union de Christ et de l’Église dans la gloire, n’entrât pour rien dans le but principal de tout ce que Dieu a fait en Christ ; et que toutes ces choses (même plusieurs passages qui en parlent) doivent être seulement rapportées à ce que nous sommes ici-bas ?

Haussez, tant que vous le voudrez, la mesure de la sainteté que nous pouvons atteindre sur cette terre, j’espère que je serai d’accord avec vous. Mais, comme je vous l’ai déjà dit, votre mesure est trop basse pour moi ; car un homme, selon vous, ne commet pas le péché, quoiqu’il fasse des choses qui l’exposent à la damnation éternelle, et c’est tout au plus si, selon vous encore, nous devons être comme le premier Adam et non pas comme le Second. Mais ne m’ôtez pas, du moins, comme but principal de l’œuvre de Christ, la présence, la gloire et le repos célestes de Dieu. Ne me dites point, comme vous le faites, que ce que je peux trouver, ici-bas, c’est le repos qui reste pour le peuple de Dieu. Hélas ! s’il en est ainsi pour vous, votre religion, cher ami ! est une religion terrestre. Au lieu de nous ouvrir le Ciel, au lieu de nous exciter par ce motif, à nous avancer indéfiniment dans la carrière de la sainteté et de la piété, au lieu de nous faire sentir, par ce qui nous donne cette nouvelle force, que nous sommes encore loin du but auquel, par la grâce, nous arriverons certainement ; vous faites tous vos efforts, pour employer la révélation entière de la grâce de Christ à rétablir le Judaïsme. Paul qui atteignit peut-être le plus haut rang parmi les combattants de la foi, nous a dit : Si nous n’avions d’espérance en Christ que pour cette vie seulement, nous serions les plus misérables de tous les hommes. 1 Cor. 15, 19 : C’est parce qu’il avait reçu les prémices de l’Esprit, qu’il gémissait en lui-même, Rom. 8, 23. qu’il combattait, non pas comme battant l’air, mais qu’il mortifiait son corps et qu’il se le tenait assujetti. 1 Cor. 9, 26. 27. Est-ce donc, là, le repos qui reste pour le peuple de Dieu ? Hélas ! quelle illusion ! Comment donc, il n’y aurait point de combats intérieurs ? J’admets si vous le voulez, que nous pouvons en venir à n’avoir plus à lutter contre un ennemi de bout et qui nous harcèle de toute sa puissance. Mais quoi ! nous n’aurions plus besoin de ces soins continuels pour garder un ennemi prisonnier, il est vrai, mais dont l’inimitié et le cœur ne sont point changés et qui peut, à tout instant, s’échapper et nous faire du mal ?

Je n’ai plus qu’une remarque à faire sur la citation des passages de la brochure dont vous m’avez parlé : c’est vous signaler une faute grâve, savoir de joindre la moitié d’un passage avec une portion d’un autre passage, comme si le St. Esprit appliquait ce dernier au sujet du premier, alors qu’il n’en est point ainsi. En voici des exemples. Cette faute me frappe dès l’épigraphe. « Vous serez parfaits » y est-il écrit, c’est une portion d’une sentence tirée de Matth. 5, 48. Tout disciple accompli sera comme son maître, autre portion de Luc. 6, 40 : et l’on y joint d’une manière encore plus étonnante ce fragment de Paul : Tout autant que nous sommes de parfaits, pensons de cette manière : pour conclure enfin par les versets : Si quelqu’un enseigne autrement et ne se soumet pas aux saines paroles de notre Seigneur Jésus Christ et à la doctrine qui est selon la piété, il est enflé d’orgueil, ne sachant rien etc.

Une âme simple, sans défiance croirait, avec bonhomie, qu’enseigner autrement s’applique à la manière de penser qui est exprimée dans le verset qui précède. Mais non ! Le commencement de la 3e citation se trouve dans le chapitre 3, v. 15. de l’épître aux Philippiens, et le dernier passage : Si quelqu’un pense autrement, etc., est tiré du ch. 6e v. 3 et 4 de la 1re à Thimothée, où le St. Esprit le dit de la fidélité des serviteurs envers leurs maîtres, et de l’honneur que les serviteurs doivent à ces derniers, s’ils sont enfants de Dieu. Que peut-on dire de telles citations ?

Quelquefois deux passages sont fondus dans une seule citation, mais c’est au lecteur d’en débrouiller les parties. On dit par exemple : Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, dans la foi qui opère par l’amour, celui-là sera sauce. Il n’y a point de tel passage dans la Parole de Dieu. L’auteur a inséré une partie de Galat. ch. 5, v. 6. au milieu d’un passage tiré de St. Matthieu chap. 24e et l’a lié par les mots dans et celui-là qui ne se trouvent ni dans l’un ni dans l’autre verset. Or celui des Galates ne se rapporte point à la persévérance qui est mentionnée en St. Matthieu : et ce dernier parle des afflictions des disciples dans la détresse de Jérusalem.

Par une seule oblation il a perfectionné à perpétuité ceux qui sont sanctifiés … si du moins ils retiennent ferme le commencement d eleur subsistance. On cite, il est vrai, les endroits d’où ces textes sont tirés, mais la condition qui se trouve dans les dernières paroles n’est nullement attachée, dans la Parole de Dieu, à la vérité qui est établie dans les premières.

Que ces exemples vous apprennent à être sur vos gardes. Et ne recevez comme citation véritable, soit pour la forme, soit comme exprimant l’intention du St. Esprit, que des passages, dont vous avez vérifié le sens, par le contexte lui même.

J’ai maintenant deux observations à faire sur l’ensemble des deux parties principales de cette brochure.

Pour faire croire que l’état d’âme qui est dé peint dans le chapitre 7e de l’Épître aux Romains, n’est que celui d’un homme irrégénéré, on cite maintenant en faveur de tout homme régénéré, tous les passages que l’on avait avancés auparavant comme caractérisant l’état d’un homme par fait en contraste avec le chrétien qui a encore des combats intérieurs. J’ai déjà admis que le ch. 7e des Romains ne dépeint pas, comme le 8e, l’état de l’affranchissement du chrétien. Mais l’on ne doit pas citer une multitude de passages pour prouver qu’il y a des chrétiens qui, après leur justification ont subi un changement plus grand que la justification même : puis, quand on veut prouver qu’un tel passage ne s’applique pas à un homme régénéré, pour faire ressortir le contraste, on cite ces mêmes passages comme s’ils ne regardaient en général, que l’homme régénéré. Un exemple éclaircira ce que je dis : Page 101e » L’homme régénéré : » J’ai été crucifié avec Christ et je vis, non plus moi, mais c’est Christ qui vit en moi etc. » Or nous avons vu que ce passage était déjà cité pour prouver que l’état de l’homme parfait est, tout à fait différent de celui de l’homme régénéré. On l’applique maintenant à ce dernier pour dé montrer que le ch. 7 aux Romains ne dépeint pas du tout l’état de la régénération.

Le Saint Esprit ne peut pas enseigner de telles inconséquences. Quel profit y a-t-il à nous plonger dans des principes qui se contredisent eux-mêmes ? Une telle confusion marche toujours de front avec de fausses doctrines.

Les assertions qui sont au commencement de l’article intitulé « Marques de la Nouvelle Naissance etc. » page 170, me paraissent entièrement contraires à ce changement instantané qui est plus grand que la justification même, et dont parle M. Wesley. Ici, c’est une affaire de degré, « a un degré moindre » dans l’état de tous. Mais, dites-moi, que veulent dire ces paroles : « au commencement de notre justification ? » Est-ce que la justification est une œuvre qui s’accomplit, en nous, progressivement ? Ici encore, tous les caractères de la perfection sont donnés comme marques de la Nouvelle Naissance.

J’en viens à ma seconde observation. Dans tout l’ouvrage de Mr. Wesley qui dépeint la perfection Chrétienne, l’amour de Dieu pour nous n’est jamais mentionné une seule fois, ni comme objet de notre reconnaissance, ni comme motif d’obéissance : le sentiment de cet amour n’y tient aucune place dans le cœur du parfait. C’est un fait assez extraordinaire ! Je trouve dans l’Épître de St. Jean ch. 4e. C’est en ceci qu’est l’amour, non que nous ayons aimé Dieu, mais que lui nous ait aimés. Doctrine remarquable dans cette Épître qui traite de l’amour parfait qui bannit la crainte : elle se trouve là, précisément pour nous garder contre l’erreur dans laquelle M. Wesley, trop confiant en lui-même, est tombé avec tous les mystiques. Erreur naturelle au cœur de l’homme, qui, quand il aime Dieu par la Grâce, se retourne ensuite sur lui-même, pour réfléchir à ce qu’il est envers Dieu, et pour oublier ce que Dieu est envers lui.

Il existe deux grandes vérités : 1° Aimer Dieu, parce qu’il doit être aimé, et réfléter ainsi son image en pureté. C’est, là, ce que la Loi exige ; mais l’homme y a manqué. 2° La Grâce nous présente l’amour de Dieu envers nous, quand nous en étions indignes. Elle nous place, en Christ sur un fondement nouveau et immuable d’une joie éternelle. Elle nous présente Dieu lui-même dans un caractère qui était inconnu à Adam, qui était impossible sous la Loi ; car la Loi exige nécessairement l’amour parfait en nous ; elle ne peut, elle ne doit faire grâce à aucun pécheur. Mais, par la puissance régénératrice de la vie de Christ, nous sommes renouvelés à l’image de Dieu ; mais nous le sommes entièrement, sur le principe d’une reconnaissance éternelle, qui seule met Dieu à sa place à l’égard de la créature, et qui met la créature déchue et vivifiée de nouveau à sa place à l’égard de Dieu. Le système Wesleyen replace formellement la créature sous la Loi qui exige, il renverse ainsi tout l’Évangile.

N. Mais M. Wesley prêchait sans doute l’amour de Dieu envers les pécheurs.

A. Je ne le nie pas, mais c’était d’une manière vague. Il le prêchait, même plus que d’autres qui publiaient la nécessité de la régénération, plutôt que l’amour. Néanmoins, il replace l’homme régénéré sous la Loi. Au reste, il y a beaucoup de confusion dans sa doctrine, car au sein de la plus haute exigence de la Loi, il admet des choses qui demandent l’expiation du sang de Christ. Quoiqu’il en soit, il démontre clairement ce que je dis, par le fait même que, dans le caractère d’un chrétien parfait, il ne mentionne point l’amour de Dieu pour nous : de l’abondance du cœur, la bouche parle. On peut faire la même observation sur la note intitulée. Marques de la nouvelle naissance, où l’auteur, comme dans l’exposition du chap. 7e de l’Épître aux Romains, confond, de nouveau, complètement l’homme régénéré avec l’homme parfait. La confusion et l’erreur se donnent toujours la main.

Permettez moi de vous citer, sur ce sujet, un passage qui m’a frappé. On parle d’ignorance, d’erreurs etc. comme distinctes du péché. Mais je lis en St. Matthieu ch. 6, v. 23. : Si ton œil est net, tout ton corps sera plein de lumière. Si donc, je suis dans l’erreur, dans les ténèbres à quelques égards, mon œil, à quelques égards aussi, n’a pas été net : Il ne reste donc plus que l’alternative : ton vil est mauvais. Des ténèbres en sont donc la conséquence. Un faux jugement provient toujours des affections égarées.

En résumé, je crois que Satan a été jaloux de l’ouvre du St. Esprit, qui faisait sentir le besoin de quelque chose de mieux. Pour en détruire l’effet, en toutou en partie, il est venu mêler son œuvre à de bons désirs qui animaient le cœur de beaucoup de chrétiens. Hélas ! c’est ce qu’il fait souvent. Demandons à Dieu qu’il nous conduise en toute vérité, et que, selon sa miséricorde et la multitude de ses compassions, il tire le bien du mal lui-même. Qu’il nous donne d’examiner toutes ces choses par la lumière de sa Parole et avec l’efficace de son St. Esprit. Amen !

  1. Exposition de la perfection chrétienne, par J. Wesley et suivie de notes, par Anthelme Boucher. Lausanne 1840.