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De profundis morpionibus

La bibliothèque libre.
Anthologie hospitalière et latinesque, tome 1Chez Bichat1 (p. 216-221).

LE COMBAT DES POUX & DES MORPIONS[ws 1]

Ô Muse ! prête-moi ta lyre,
Afin qu’en vers je puisse dire
Le grand combat des morpions,
Qui eut lieu autour d’un con.1
De profundis !
De profundis morpionibus !

Cent mille poux de forte taille,
Sur une motte, livraient bataille
À nombre égal de morpions
Portant écus et mousquetons.2
De profundis !
De profundis morpionibus !


La bataille fut gigantesque,
Tous les morpions périrent presque,
Et plus d’un noble chevalier
Fut mis à bas des étriers.3
De profundis !
De profundis morpionibus !

Pour reprendre l’avantage,
Les morpions luttaient avec rage ;
Mais leurs efforts furent superflus,
Les poux gardèrent le dessus.
De profundis !
De profundis morpionibus !

À cheval sur une roupette,
Tenant à la main sa lorgnette,4
Le capitaine des morpions
Examinait les positions.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Le capitaine ; voyant plier son aile,
Dit à ses compagnons fidèles :
— « Ah ! mes amis ! Nous sommes foutus,
« Piquons une charge dans l’trou du cul. »
De profundis !
De profundis morpionibus !

Ce morpion de haute origine,
Qui revenait du bout d’la pine,
Leva sa lance et s’écria :
— « Le morpion meurt, mais n’se rend pas ! »5
De profundis !
De profundis morpionibus !


Bardé d’un triple rang de crasse,
Transpercé, malgré sa cuirasse,6
Le capitaine des morpions
Tomba sans vie au fond du con.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Pour retirer leur capitaine,
Tous les morpions firent la chaîne ;
Ils s’épuisèrent en vains efforts :
L’abîme ne rend pas ses morts,
De profundis !
De profundis morpionibus !

Un soir, au bord de la ravine,
Pleine de règles et d’urine,
L’on vit un grand fantôme tout nu,
À cheval sur trois poils du cul.
De profundis !
De profundis morpionibus !

À ce spectacle épouvantable,
Et croyant que c’était le diable,
Les femmes enceintes, en accouchant,
Pondaient d’la merde au lieu d’enfants.
De profundis !
De profundis morpionibus !

C’était l’ombre du capitaine,
De chancres et d’asticots pleine,
Qui, faute d’inhumation,
Puait le marolles et l’arpion.
De profundis !
De profundis morpionibus !


Le troupeau, sitôt, prend les armes ;
L’enterre en versant force larmes,
Comme un convoi d’un cardinal,
Ou bien d’un garde national.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Ils le suivirent au cimetière,
S’assirent en rond sur leur derrière,
La crotte au cul, la larme à l’œil,
Tous les morpions étaient en deuil.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Douze des plus jolies morpionnes
Portaient en pleurant des couronnes
De fleurs blanches et de poils du cul
Qu’avait tant aimés le vaincu.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Son cheval de guerre l’accompagne,
Quatre morpions, Grands d’Espagne,
La larme à l’œil, le crêpe au bras,
Portaient les quatre coins du drap.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Sur un superbe cénotaphe,
L’on inscrivit cette épitaphe :
— « Ci-gît un morpion de valeur,
« Tombé sans vie au champ d’honneur !7
« De profundis !
« De profundis morpionibus ! »


Sur une couille, grosse et velue,
L’on érigea une statue
À ce capitaine de morpions,
Mort si bravement au fond d’un con.
De profundis !
De profundis morpionibus !

Depuis ce temps, dans la vallée,
On entend des bruits de mêlée ;
Les morpions, pour venger le vaincu,
S’cramponnent à tous les poils du cul.
De Profundis !
De profundis morpionibus !


VARIANTES


1. Les exploits de nobles morpions,
Morts vaillamment au fond d’un con.
2. Portant cuirasse et morions.
ou bien
Qui défendaient l’entrée d’un con.
3. Et la vallée du cul au con
Était jonchée de morpions.
4. Placé dans une meurtrière,
Dans une fente du derrière,
5. C’est un général plein d’audace,
Descendant de l’antique race
Des morpions que Mars donna
À Vénus, lorsqu’il la baisa.
6. Malgré son épaisse cuirasse,
Faite de foutre et de crasse,

7. Un orateur, devant l’assistance,

Déploya toute son éloquence :
— « Ce fut, dit-il, un morpion de cœur,

« Qui mourut au champ d’honneur ! »

  1. Note Wikisource : Ce texte est une parodie de La mort, l’apparition et les obsèques du capitaine morpion de Théophile Gautier.