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En voyage, tome II (Hugo, éd. 1910)/Alpes et Pyrénées/A/1

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Texte établi par G. SimonLibrairie Ollendorff (p. 175-190).
lucerne. — le mont pilate.


Lucerne. — 10 septembre, minuit.

Je vais probablement passer la nuit à t’écrire, chère amie, car j’ai la tête pleine de spectacles et le cœur plein de tendresse.

Je suis arrivé à Lucerne de nuit comme à Zurich[1], mais Lucerne est aussi calme que Zurich est agitée.

Je me suis logé à la pension Lichman, excellent hôtel installé dans une belle vieille tour, à mâchicoulis, ma foi ! J’ai soupé, j’ai demandé une chambre, j’ai ouvert ma fenêtre, et je t’écris.

Quand le paysage qui remplit ma croisée ouverte en vaut la peine, j’en fais un croquis et je te l’envoie. Aujourd’hui il est admirable, malgré la nuit, et peut-être en partie à cause de la nuit.

J’ai sous les yeux le lac des Quatre-Cantons, la merveille de la Suisse. L’eau du lac vient jusque sous ma croisée battre doucement les vieilles pierres de la tour. J’y entends sauter les poissons avec un bruit faible. L’obscurité est profonde. Cependant je distingue à ma droite un pont de bois vermoulu à toiture aiguë qui va se rattacher à une grosse tour d’un superbe profil. Des lueurs vagues courent sur l’eau. Quelques hauts peupliers noirs se reflètent dans le lac sombre vis-à-vis de moi, à cinq cents pas de ma tour. Une large brume, versée par la nuit sur le lac, me cache le reste. Cependant elle ne monte pas assez haut pour m’empêcher de voir le développement sinistre du mont Pilate posé devant moi dans toute son immensité. Au-dessus des trois dents de son sommet, Saturne, avec quatre belles étoiles d’or au milieu desquelles il est placé, dessine dans le ciel un gigantesque sablier. Derrière le Pilate et sur les rives du lac se pressent pêle-mêle une foule de vieux monts chauves et difformes, Titus, Prosa, Crispalt, Badus, Galenstock, Frado, Furka, Mutthorn, Beckenriederberg, Urahorn, Hochstollen, Rothhorn, Thierstock et Brünig. J’entrevois confusément tous ces géants goîtreux et bossus accroupis dans l’ombre autour de moi.

De temps en temps le vent m’apporte à travers les ténèbres un bruit de clochettes éloignées. Ce sont les vaches et les chèvres qui errent en secouant leurs grelots dans les pâturages aériens du Pilate et du Rigi, et cette douce musique qui vient jusqu’à moi tombe de cinq ou six mille pieds de haut.

J’ai vu dans ma journée trois lacs, le lac de Zurich que j’ai quitté ce matin, le lac de Zug qui m’a gratifié d’une excellente anguille pour mon déjeuner, et le lac de Lucerne qui vient de me donner à souper avec ses admirables truites saumonées.

Vus à vol d’oiseau, le lac de Zurich a la forme d’un croissant qui appuie l’une de ses pointes à Zurich et l’autre à Uznach, le lac de Zug a la forme d’une pantoufle dont la route de Zug à Art ferait la semelle, le lac des Quatre-Cantons figure jusqu’à un certain point une patte d’aigle brisée dont les fractures font les deux golfes de Brunnen et de Buochs, et dont les quatre ongles s’enfoncent profondément, l’un dans Alpnach, l’autre dans Winkel, le troisième dans Lucerne et le dernier dans Küssnacht, où Tell a tué Gessler. Le point culminant du lac est Fluelen.

Avant de quitter le lac de Zurich, je me suis réconcilié avec lui. C’est qu’il était vraiment beau à voir du haut de la côte d’Albis. Les maisons blanches brillaient sur la rive opposée comme des cailloux dans l’herbe, quelques bateaux à voiles ridaient l’eau étincelante, et le soleil levant enlevait l’une après l’autre de la surface du lac toutes les brumes de la nuit, que le vent portait diligemment à un gros tas de nuages amoncelés dans le nord. Le lac de Zurich était magnifique ainsi. Cependant je n’y reviendrai plus.

Quand je te dis que j’ai vu trois lacs dans ma journée, je suis bien bon, car j’en ai vu quatre. Entre Albis et Zug, au milieu des sierras les plus pittoresques du monde, au fond d’un ravin très sauvage, très boisé et très désert, on aperçoit un petit lac d’un vert sombre qui s’appelle Türlersce et dont la sonde n’a pu trouver le fond. Il paraît qu’un village riverain s’y est écroulé et englouti. La couleur de cette flaque d’eau est inquiétante. On dirait une grande cuve pleine de vert-de-gris. — Mauvais lac ! m’a dit un vieux paysan en passant.

Plus on avance, plus les horizons deviennent extraordinaires. À Albis il semble qu’on ait sous les yeux quatre chaînes de montagnes superposées ; au premier plan les Ardennes vertes, au second plan le Jura sombre et à brusques courbures, au troisième étage les Apennins chauves et abrupts, au fond, au-dessus de tout, les blanches Alpes. On croit voir les quatre premières marches de l’ancien escalier des Titans.

Puis on redescend dans les vallées, on s’enfonce dans les forêts ; les branchages chargés de feuilles font sur la route une voûte réticulée dont les crevasses laissent pleuvoir le jour et la chaleur, quelques rares cabanes montrent à moitié leurs façades de bois blond, ragoûtantes et gaies, avec leurs croisées à vitres rondes qu’on dirait grillées de gros tulle ; un paysan bienveillant passe avec son chariot attelé de bœufs ; les ravins font de larges coupures dans la futaie, le regard s’échappe par ces tranchées, et, s’il est midi, si le temps est beau, il se fait de toutes parts un magnifique échange d’ombres et de rayons entre le ciel et la terre, les larges rideaux de brume qui pendent sur l’horizon se déchirent çà et là, et, par la déchirure, les montagnes éloignées vous apparaissent tout à coup comme dans un miroir magique au fond d’un gouffre de lumière.

Zug, comme Bruck, comme Baden, est une charmante commune féodale, encore enceinte de tours, avec ses portes ogives blasonnées, crénelées, robustes, et toutes meurtries par les assauts et les escalades. Zug n’a pas l’Aar comme Bruck, Zug n’a pas la Limmat comme Baden, mais Zug a son lac, son petit lac, qui est un des plus beaux de la Suisse. Je me suis assis sur une étroite estacade ombragée de tilleuls, à quelques pas de mon auberge ; j’avais devant moi le Rigi et le Pilate, qui faisaient quatre pyramides monstrueuses ; deux montaient dans le ciel et deux se renversaient dans l’eau.

Les fontaines de pierre, les maisons peintes et sculptées abondent à Zug. L’auberge du Cerf a quelques vestiges de Renaissance. À Zug la fresque italienne prend déjà possession de presque toutes les murailles. Dans tous les lieux où la nature est très ornée, la maison et le costume de l’homme s’en ressentent ; la maison se farde, le costume se colore. C’est une loi charmante. Nos guinguettes de la Cunette et nos paysans-banlieue vêtus de guenilles seraient des monstres ici.

J’ai vu sur une porte à Zug un bas-relief qui représente un troglodyte, avec sa massue. Au-dessous est gravée la date : 1482. Sur une autre porte est inscrite cette légende plus engageante que le troglodyte : Pax intrantibus, salus exenuntibus 1607. (Mon Charlot, explique ce latin à ta bonne mère.)

L’église de Zug est meublée comme une église de Flandre. Les autels à colonnes torses, les lames sépulcrales coloriées et dorées sont appliqués à tous les murs. Un bedeau m’a introduit dans le trésor de l’église qui est splendide, et qui regorge d’argenteries et d’orfèvreries, quelques-unes extrêmement riches, quelques autres extrêmement précieuses. Pour trente sous j’ai vu des millions.

Il y a quinze ans, le chemin de Zug à Art était un sentier impraticable où trébuchait le meilleur cheval. C’est maintenant une grande route excellente, laquelle ne cahote pas même l’espèce d’omnibus-charrette qui la parcourt avec des cargaisons de voyageurs le sac sur le dos. J’avais loué à Zurich un petit cabriolet à quatre roues qui trottait le plus agréablement du monde sur cette jolie route, ayant des escarpements d’arbres et de rochers à gauche, et à droite l’eau du lac à peine ridée par un souffle.

Le lac est gracieux quand on quitte Zug, il devient superbe quand on approche d’Art. C’est qu’au-dessus d’Art, qui est un grand village du canton de Schwyz, il y a le Rossberg, que les gens du pays appellent le Sonnenberg (montagne éclairée par le soleil), et le Rigi qu’ils nomment le Schattenberg (montagne exposée à l’ombre).

Le Rossberg a quatre mille pieds de haut, le Kigi en a cinq mille. Ce sont les deux plus hautes montagnes de brèche qu’il y ait dans le monde. Le Rossberg et le Rigi n’ont aucun rapport géologique avec les Alpes qui les entourent. Les Alpes sont de granit ; le Rigi et le Rossberg sont faits de cailloux roulés dans une fange aujourd’hui plus dure que le ciment, ce qui donne aux rochers tombés près de la route un air de pans de murs romains. Ces deux énormes montagnes sont deux tas de boue du déluge.

Aussi il advient parfois que la boue se délaie et s’écroule. Cela est arrivé notamment en 1806, après deux mois de pluie. Le 2 septembre, à cinq heures du soir, un morceau du sommet du Rossberg, de mille pieds de front, de cent pieds de haut et d’une lieue de long, s’est détaché tout à coup, a parcouru en trois minutes une pente de trois lieues et a brusquement englouti une forêt, une vallée, trois villages avec leurs habitants et la moitié d’un lac. Goldau, qui a été broyée ainsi, est derrière Art.

À trois heures, j’entrais dans l’ombre du Rigi, laissant sur les collines de Zug un soleil éblouissant. J’approchais d’Art et je songeais à Goldau ; je savais que cette jolie ville riante masquait au passant le cadavre de la ville écrasée, je regardais ce lac si paisible où miroitaient les chalets et les prairies. Lui aussi masque des choses terribles. Sous le Rigi il a douze cents pieds de profondeur, et quand elle est saisie par deux vents violents que les bateliers d’Art et de Zug nomment l’Arbis et le Wetter-Föhn, cette charmante flaque d’eau devient plus horrible et plus formidable que l’océan.

Devant moi se dressait à perte de vue le Rigi, sombre et immense muraille à pic où les sapins grimpaient confusément et à l’envi comme des bataillons qui montent à l’assaut.

De tout paysage il sort une fumée d’idées, tantôt douces, tantôt lugubres ; celui-ci dégageait pour moi une triple pensée de ruine, de tempête et de guerre, et me faisait rêver, lorsqu’une jeune fille pieds nus, qui était assise au bord du chemin, est accourue, a jeté en passant trois prunes dans mon cabriolet et s’est enfuie avec un sourire. Pendant que je prenais quelques batz dans mon gousset, elle avait disparu. Un moment après, je me suis retourné, elle était revenue au bord du chemin tout en se cachant dans la verdure, et elle me regardait de ses yeux brillants à travers les saules comme Galatée. Tout est possible au bon Dieu, puisqu’on rencontre des églogues de Virgile dans l’ombre du Rigi.

À cinq heures je sortais de l’ombre du Rigi. J’avais parcouru le coude qui fait le fond du lac de Zug, j’avais traversé Art, et je venais de quitter les bords de l’eau pour une route fort encaissée qui gravit d’un mouvement assez âpre une des croupes basses du mont Rigi. On bâtit à droite et à gauche de cette route quelques maisons neuves d’un goût médiocre. Il paraît que les belles devantures de bois passent de mode ici ; le plâtre parisien tent à envahir les façades. C’est fâcheux. Il faudrait avertir la Suisse que Paris lui-même a honte de son plâtre aujourd’hui.

Tout à coup le chemin devient désert, une masure sort d’une touffe d’arbres sur une petite esplanade. Mon cocher s’est arrêté. J’étais dans l’illustre chemin creux de Küssnacht. Il y avait cinq cent trente et un ans, neuf mois et vingt-deux jours qu’à cette même heure, à cette même place, le 18 novembre 1307, une flèche fermement lancée à travers cette même forêt avait frappé un homme au cœur. Cet homme, c’était la tyrannie de l’Autriche ; cette flèche, c’était la liberté de la Suisse.

Le soleil baissait, le chemin devenait sombre, les broussailles au haut du talus pétillaient dans la vive lumière du couchant ; deux vieux mendiants, l’homme et la femme, qui gardent la masure voisine, tendaient la main à mes sous de France ; un bateleur menant en laisse un ours muselé descendait le chemin vers Küssnacht, suivi des cris joyeux de quatre ou cinq marmots émerveilles de l’ours ; mon cocher enrayait sa carriole et j’entendais le bruit de ferraille que fait le sabot ; deux branches écartées m’ouvraient une fenêtre sur la plaine et je voyais au loin des faneurs bâtir leur meule ; les oiseaux chantaient dans les arbres, les vaches mugissaient dans le Rigi. Moi j’étais descendu de voiture, je regardais les cailloux du chemin creux, je regardais cette nature sereine comme une bonne conscience ; peu à peu le spectre des choses passées se superposait dans mon esprit aux réalités présentes et les effaçait, comme une vieille écriture qui reparaît sur une page mal blanchie au milieu d’un texte nouveau ; je croyais voir le bailli Gessler couché sanglant dans le chemin creux, sur ces cailloux diluviens tombés du mont Rigi, et j’entendais son chien aboyer à travers les arbres après l’ombre gigantesque de Guillaume Tell debout dans le taillis.

Cette masure, qui est une chapelle, marque la place même où s’est accompli ce sublime guet-apens. Excepté la porte, qui est faite d’une vieille membrure d’ogive, la chapelle n’a rien de remarquable. Un intérieur délabré, de misérables fresques sur le mur, un pauvre autel décoré d’une friperie italienne, des vases de bois enluminés et des fleurs artificielles, deux mendiants qui baragouinent et qui vous vendent pour quelques sous le souvenir de Guillaume Tell, voilà le monument du chemin creux de Küssnacht.

Une madone est sur l’autel ; devant cette madone est ouvert un livre où les passants peuvent enregistrer leurs noms. Le dernier voyageur entré dans la chapelle y avait écrit ces deux lignes qui m’ont plus touché que toutes les déclarations de guerre aux tyrans dont le livre est rempli : — « Je prie humblement notre sainte mère de Dieu de daigner, par son intercession, faire recouvrer un peu de vue à ma pauvre femme. » Je n’ai rien écrit sur le livre, pas même mon nom. Au-dessous de cette douce prière la page était blanche. Je l’ai laissée blanche.

De l’esplanade devant la chapelle, on voit un coin du lac des Quatre-Cantons. En me retournant, j’ai aperçu, sur une éminence couverte de ronces, au pied du Rigi, un tronçon de tour qui a l’aspect d’un pignon démantelé, et qui sort des broussailles comme une dent. Cette ruine, c’était la forteresse de Küssnacht, le donjon habité par Gessler, le cachot préparé pour Guillaume Tell. Guillaume Tell n’y est pas entré, Gessler n’y est pas rentré.

Un quart d’heure après j’étais à Küssnacht. L’ours dansait sur la place, les commères riaient aux fontaines, trois chaises de poste anglaises débarquaient devant l’hôtel maniéré et confortable qui dérange les devantures gothiques des cabanes du quinzième siècle. Deux vieilles femmes soignaient des tombes dans le cimetière devant l’église. C’est là que j’ai fait arrêter ma carriole. J’ai visité l’église, insignifiante comme édifice, mais très coquette et très ornée.

À Zurich les églises sont nues, ici, comme à Art, comme à Zug, elles sont parées, et parées avec exagération, avec violence, avec colère. C’est une réaction des églises romaines contre les temples calvinistes ; c’est une guerre de fleurs, de volutes, de pompons et de guirlandes que font les cantons catholiques aux cantons protestants.

Les cimetières en particulier sont remarquables. Sur chaque fosse il y a une pierre, et de cette pierre sort une croix rococo en fer ouvragé très vernie et très dorée. L’ensemble de toutes ces croix donne au cimetière l’aspect d’un gros buisson noir à fleurs jaunes.

La route de Küssnacht à Lucerne côtoie l’eau comme celle de Zug à Art. Le lac des Quatre-Cantons est encore plus beau que le lac de Zug. Au lieu du Rigi j’avais devant moi le mont Pilate.

Le mont Pilate m’a occupé toute la journée. Je l’ai rarement perdu de vue dans le trajet de Zurich ici. En ce moment je le distingue vaguement devant ma fenêtre.

C’est une montagne étrange que le Pilate. Elle est d’une forme terrible. Au moyen-âge on l’appelait le mont brisé, Fracmont. Il y a presque toujours un nuage sur la cime du mont Pilate ; de là vient son nom de mons Pileatus, mont enchapassé. Les paysans lucernois, qui savent mieux l’évangile que le latin, font du mot pielatus le nom Pilatus et en concluent que Ponce-Pilate est enterré sous cette montagne.

Quant au nuage, au dire des bonnes femmes, il se comporte d’une façon bizarre ; présent, il annonce le beau temps ; absent, il annonce la tempête. Le Pilate, en géant singulier qu’il est, met son chapeau quand il fait beau et l’ôte quand il pleut. Si bien que cette montagne-baromètre dispense quatre cantons de la Suisse d’avoir à leurs fenêtres de ces petits ermites à capuchons mobiles que fait vivre une corde à boyau. Le fait du nuage est certain ; je l’ai observé toute la matinée ; pendant quatre heures le nuage a pris vingt formes différentes, mais il n’a pas quitté le front de la montagne. Tantôt il ressemblait à une grande cigogne blanche couchée dans les anfractuosités du sommet comme dans un nid ; tantôt il se dressait sur quatre pieds, ouvrait une gueule, et l’on eût dit un dogue qui aboie ; tantôt il se divisait en cinq ou six petits nuages et faisait à la montagne une couronne d’aigles planant en rond.

Tu comprends qu’un pareil nuage sur une pareille montagne a dû faire naître bien des superstitions dans le plat pays. Le mont est à pic, l’escarpement est laborieux, il a six mille pieds de haut, beaucoup de terreurs entouraient le sommet ; aussi a-t-il fait hésiter longtemps les plus hardis chasseurs de chamois. — D’où pouvait venir cet étrange nuage ? — Il y a deux cents ans, un esprit fort, qui avait le pied montagnard, s’est risqué et a gravi le mont Pilate. Alors le nuage s’est expliqué.

Sur le sommet même de la montagne il y a un lac, un petit lac, verre d’eau de cent soixante pieds de long, de quatrevingts pieds de large et d’une profondeur inconnue. Quand il fait beau, le soleil frappe ce lac et en tire un nuage ; quand le temps se gâte, plus de soleil, plus de nuage.

Le phénomène expliqué, les superstitions n’ont pas disparu. Au contraire. Elles n’ont fait que croître et embellir. C’est que la montagne visitée n’était pas moins effrayante que la montagne inexplorée.

Outre le lac, on avait trouvé sur le mont Pilate des choses prodigieuses ; d’abord un sapin unique dans toute la Suisse, un sapin colossal qui a neuf branches horizontales et qui, sur chacune de ces branches, porte un autre grand sapin, ce qui doit lui donner la figure d’un créquier gigantesque ; puis, dans l’Alpe de Bründlen, qui est la croupe voisine des sept pics du sommet, un écho qui semble plutôt une voix qu’un écho, tant il est complet et tant il répète les paroles jusqu’aux dernières syllabes et les chants jusqu’aux dernières notes ; puis enfin, dans un précipice épouvantable, au milieu d’une paroi à pic de roche noire de plus de six cents pieds de haut, la bouche d’une caverne inaccessible ; et, à l’entrée de cette caverne, une statue surnaturelle en pierre blanche d’environ trente pieds de haut, assise et accoudée sur une table de granit, jambes croisées, dans l’attitude redoutable d’un spectre qui garde le seuil de l’antre.

Il paraît certain que la caverne traverse toute la montagne et va aboutir de l’autre côté, au-dessous de l’Alpe de Temlis, à une ouverture qu’on nomme le trou de la Lune (parce que, dit Ebel, on y trouve beaucoup de lait de lune).

Ne pouvant escalader la muraille de six cents pieds de haut, on a essayé de tourner la statue et d’entrer dans son repaire par le trou de la Lune. Ce trou a seize pieds de diamètre dans un sens et neuf dans l’autre. Il en sort un vent de glace et un torrent. C’était déjà fort dangereux. On s’est aventuré pourtant. On a traversé à tâtons des salles voûtées, on a rampé à plat ventre sous des plafonds horribles pêle-mêle avec des ruisseaux. Peines perdues. Personne n’a pu pénétrer jusqu’à la statue. Elle est toujours là, intacte dans le sens étroit du mot, contemplant l’abîme, gardant la caverne, exécutant sa consigne et rêvant à l’ouvrier mystérieux qui la taillée, Les gens de la montagne appellent cette figure saint-Dominique.

Le moyen-âge et le seizième siècle ont été préoccupés du Pilate autant que du Mont-Blanc. Aujourd’hui personne n’y songe. Le Rigi est à la mode. Les sombres superstitions du mont Pilate sont tombées dans les bonnes femmes et y croupissent. Le sommet n’est plus redouté que parce qu’il est malaisé d’y monter. Le général Pfiffor y a fait des observations barométriques et affirme qu’avec une lunette on y voit le Munster de Strasbourg.

Une singulière peuplade de bergers s’y est cantonnée et y habite. Ce sont des hommes oisifs, forts et simples, lesquels vivent centenaires et méprisent profondément les fourmis humaines qui sont dans la plaine.

Cependant il y a encore à Lucerne de vieilles lois qui défendent de jeter des pierres dans le petit lac qui est au sommet du Pilate, par ce motif fantastique qu’un caillou en fait sortir une trombe, et que, pour une pierre qu’on lui jette, ce lac rend un orage qui couvre toute la Suisse.

Depuis cent ans, tout terrible qu’il est, le mont Pilate s’est couvert de pâturages. Ainsi ce n’est pas seulement une montagne formidable, c’est une énorme mamelle qui nourrit quatre mille vaches. Cela fait un orchestre de quatre mille clochettes que j’écoute en ce moment.

Voici l’histoire de ces vaches des Alpes. Une vache coûte quatre cents francs, s’afferme de soixante-dix à quatrevingts francs par an, broute six ans dans les montagnes, fait six veaux ; puis, maigre, épuisée, exténuée, quand elle a donné toute sa substance dans son lait, le vacher la cède au boucher ; elle passe le Saint-Gothard, redescend les Alpes par le versant méridional, et devient bœuf dans la marmite suspecte des auberges d’Italie.

Du reste, si cela continue, le miraculeux mont Pilate se fera prosaïque comme une cathédrale badigeonnée. Une compagnie française a acheté récemment une forêt de mélèzes qui est à une demi-lieue du sommet, y a pratiqué une route carrossable, et à cette heure la commandite tond le géant. — En outre, un guide m’a affirmé à Küssnacht qu’en 1814 un chasseur de chamois, nommé Ignatius Matt, était entré dans la caverne avec des échelles et des cordes, et, au péril de sa vie, il est vrai, avait hardiment abordé la sombre sentinelle de pierre.

Je dois dire qu’une des vieilles femmes du cimetière, qui écoutait l’histoire du guide, a protesté énergiquement, déclarant qu’Ignatius Matt n’était qu’un fat, qu’il s’était vanté d’une bonne fortune impossible et que la statue du Dominick loch était encore vierge. — En cette matière, je crois les vieilles femmes.

J’ai fait les trois lieues de Küssnacht à Lucerne en une heure et demie au grand trot. Je n’en suis pas moins arrivé à Lucerne à la nuit close. Mais la promenade des bords du golfe de Küssnacht au crépuscule est admirable.

En quittant Küssnacht, j’avais les yeux encore fixés sur la ruine de Gessler que déjà j’en rencontrais une autre. C’est le donjon de Neu-Habsburg, autre nid d’aigles tombé à mi-côte dans les bruyères. Je voyais de la route un grand pan de muraille qui, comme une tête renversée dont les cheveux pendent en arrière, laissait tremper le bout de ses lierres dans l’eau du golfe. En face de moi les pentes vertes de la Zinne se réfléchissaient avec leur réseau brouillé d’arbres et de cultures dans le miroir du lac déjà sombre et lui donnaient l’aspect d’une agate herborisée. Au pied du Rigi, je ne sais quel reflet renvoyait à l’eau une clarté blanche ; une petite barque qui courait à côté dans une flaque obscure s’y doublait en se reflétant et y figurait une longue épée ; la barque faisait la poignée, le batelier, la garde, et le sillage étincelant, la lame fine, longue et nue.


11 septembre, 4 heures après-midi.

Excepté l’arsenal et l’hôtel de ville, j’ai déjà tout vu à Lucerne.

La ville est bien faite, assise sur deux collines qui se regardent, coupée en deux par la Reuss qui entre dans le lac à Fluelen et qui en sort violemment à Lucerne, murée d’une enceinte du quatorzième siècle, dont toutes les tours sont différentes comme à Bâle, ce qui est une fantaisie propre à l’architecture militaire germanique, pleine de fontaines presque toutes curieuses et de maisons à volutes, à tourelles et à pignons, en général bien conservées. La verdure extérieure déborde par-dessus les créneaux.

Toutes les façades de la ville, disposées en amphithéâtre sur des pentes, voient le lac s’enfoncer magnifiquement dans les montagnes.

Il y a trois ponts de bois couverts, qui sont du quinzième siècle ; deux sur le lac, un sur la Reuss. Les deux ponts du lac sont d’une longueur démesurée et serpentent sur l’eau sans autre but apparent que d’accoster en passant de vieilles tours pour l’amusement des yeux. C’est fort singulier et fort joli.

Le toit aigu de chaque pont recouvre une galerie de tableaux. Ces tableaux sont des planches triangulaires emboîtées sous l’angle du toit et peintes des deux côtés. Il y a un tableau par travée. Les trois ponts font trois séries de tableaux, qui ont chacune un but distinct, un sujet dont elles ne sortent pas, une intention bien marquée d’agir par les yeux sur l’esprit de ceux qui vont et viennent. La série du grand pont, qui a quatorze cents pieds de long, est consacrée à l’écriture sainte. La série du pont de Kappel, qui est sur l’écoulement du lac et qui a mille pieds de longueur, contient deux cents tableaux ornés d’armoiries qui racontent l’histoire de la Suisse. La série du pont sur la Reuss, qui est le plus court des trois, est une danse macabre.

Ainsi les trois grands côtés de la pensée de l’homme sont là, la religion, la nationalité, la philosophie. Chacun de ces ponts est un livre. Le passant lève les yeux et lit. Il est sorti pour une affaire et il revient avec une idée.

Presque toutes ces peintures datent du seizième et du dix-septième siècles. Quelques-unes sont d’un fort beau caractère. D’autres ont été gâtées dans le dernier siècle par des retouches pâteuses et lourdes. La danse des morts du pont de la Reuss est partout d’excellente peinture pleine d’esprit et de sens. Chacun des panneaux représente la Mort mêlée à toutes les actions humaines. Elle est vêtue en tabellion et elle enregistre l’enfant nouveau-né auquel sourit sa mère ; elle est cocher avec livrée galonnée et elle mène gaillardement le carrosse blasonné d’une jolie femme ; un don Juan fait une orgie, elle retrousse sa manche et lui verse à boire ; un médecin saigne son patient, elle a le tablier de l’aide et elle soutient le bras du malade ; un soldat espadonne, elle lui tient tête ; un fuyard pique des deux, elle enfourche la croupe du cheval. Le plus effrayant de ces tableaux, c’est le paradis ; tous les animaux y sont pêle-mêle, agneaux et lions, tigres et brebis, bons, doux, innocents ; le serpent y est aussi ; on le voit, mais à travers un squelette ; il rampe en traînant la Mort avec lui. Meglinger, qui a peint ce pont au commencement du dix-septième siècle, était un grand peintre et un grand esprit.

Sur le pont de Kappel il y a une vue charmante, presque à vol d’oiseau, de Lucerne comme elle était il y a deux cents ans. Par bonheur pour elle, la ville a peu changé.

Je n’ai encore vu que l’extérieur de l’hôtel de ville.

C’est un assez bel édifice, quoique de style bâtard, avec beffroi coiffé d’une toiture en forme de heaume, d’un aspect amusant. De Bâle à Baden, les clochers sont pointus à tuiles de couleur ; de Baden à Zurich, ils sont peinturlurés en gros rouge ; de Zug à Lucerne, ils ressemblent à des casques, avec cimiers et visières, étamés et dorés.

L’église canonicale, qui est hors de la ville, et qu’ils appellent la cathédrale, a deux aiguilles en ardoise d’une belle masse ; mais, hormis un portail Louis XIII et un bas-relief extérieur qui est du quinzième siècle et qui représente Jésus aux Oliviers couronné de fleurs de lys et repoussant le calice, l’église par elle-même ne vaut pas la peine d’être cherchée.

Sur le port il y a l’église des Jésuites qui est d’un rococo violent et tapageur, et, derrière les Jésuites, sur une petite place, une autre église qui a plus d’intérêt que toutes les autres, quoiqu’elle se cache. La nef est ornée de drapeaux peints. La chaire, du dix-septième siècle, est d’un beau travail de menuiserie ; les stalles du chœur également. J’ai remarqué aussi, à une chapelle rocaille, une magnifique grille du quinzième siècle.

Il y a de tout à Lucerne, du grand et du petit, des choses sinistres et des choses charmantes. Au milieu du port, une troupe de poules d’eau, à la fois sauvages et familières, joue avec l’eau du lac à l’ombre du mont Pilate. La ville a pris ces pauvres poules joyeuses sous sa protection. On ne peut les tuer sous peine d’amende. On dirait un essaim de petits cygnes noirs à becs blancs. Rien de gracieux comme de les voir plonger et voleter au soleil. Elles viennent quand on siffle. Je leur jette des mies de pain de ma fenêtre.

Dans toutes ces petites villes les femmes sont curieuses, craintives et ennuyées. De la curiosité et de l’ennui naît le désir de voir dans la rue ; de la timidité naît la peur d’être vues. De là, sur les façades de toutes les maisons, un appareil d’espionnage, plus ou moins discret, plus ou moins compliqué. À Bâle comme en Flandre, c’est un simple petit miroir accroché en dehors de la fenêtre ; à Zurich comme en Alsace, c’est une tourelle, quelquefois jolie, prenant jour de tous les côtés, et à demi engagée dans la façade du logis.

À Lucerne, l’espion est tout simplement une sorte de petite armoire percée de trous et placée en dehors des croisées, sur l’appui, comme un garde-manger.

Les femmes de Lucerne ont grand tort de se cacher, car elles sont presque toutes jolies.

À propos, j’ai vu le Lion du 10 août. C’est déclamatoire.
15 septembre.

Je suis encore à Lucerne, mon Adèle. Mais je viens de faire deux admirables excursions, le tour du lac et l’ascension du mont Rigi.

Je suis parti pour le Rigi le 12 au matin, après m’être fait préalablement raser par un affreux perruquier appelé Frau Nezer, qui m’a coupé le menton en trois endroits et qui m’a pris seize sous de France pour cette opération chirurgicale.

Je te conterai tout cela. Mais je n’ai pas voulu fermer ma lettre sans t’en dire un mot. Le Rigi est superbe.

Voici un petit dessin pour ma Didine. L’espèce de soucoupe qui est sur la tour est un nid de cigogne. Explique-lui cela.

Et puis embrasse ma Dédé, mon Toto et mon Charles. J’espère qu’ils travaillent bien. Je serre la main à Vacquerie.

Adieu, mon Adèle ; je t’écrirai bientôt. Dans un mois je te reverrai, et je vous embrasserai tous, mes bien-aimés.

Ton Victor qui t’aime.
— albums. —


16 septembre.

Il est six heures du matin. Il a plu à verse toute la nuit. Le soleil se lève dans un tas de brume diffuse derrière le Rigi. Toutes les montagnes voisines sont couvertes de neige. Le Pilate est magnifique ainsi avec un rayon de l’aube sur son front blanc. Les barques à quatre rames qui commencent à courir là-bas sur le lac ont l’air de grandes araignées d’eau. J’entends les filles de Lucerne qui vont au marché passer sur le pont de bois de Kappel. Les batelières rient et s’appellent. Les galériens, le carcan et la chaîne au cou, balaient le débarcadère. Les poules d’eau du lac font leur toilette sous ma fenêtre.


— notes. —


16 septembre.

Arsenal de Lucerne. — Canons battus de la pluie à la porte.

Première salle : paysan en habit de Sempach. Pavillon turc, occupant presque tout le plafond de la salle basse. — Salles supérieures : beaux vitraux des seizième et dix-septième siècles figurant les armes des cantons à toutes les fenêtres. Piques. Pertuisanes. À en croire le guide, tout est de la bataille de Sempach. Bottes de flèches de Marignan. Figures grotesquement peintes de Winckelried, de l’avoyer Gundoldingen et du duc d’Autriche. — Cotte de mailles du duc. Masse d’armes de Winckelried, à la main du bonhomme de bois. Collier pour l’avoyer, collier pour les paysans qu’on prendrait. J’ai essayé le collier destiné à l’avoyer. J’ai cherché vainement la bannière de Lucerne teinte de son sang. Arbalète de Guillaume Tell ; une corne de bœuf forme l’arc. Fausse probablement. — Canne de Voltaire. — Plume de Fontainebleau.

Dans un coin, costume des gardes-suisses de l’Empereur. Livrée. Il y a loin de là au sayon de Sempach. Le suisse, étrange espèce d’homme moitié Spartiate, moitié condottiere, se souciant plus de la dignité de la montagne que de la dignité du montagnard, tenant à la virginité de la neige, vendant sa personne, acceptant une cage, esclave et content, pourvu qu’il sente son nid libre.

Départ. La tempête de la nuit a jeté la Reuss hors de son lit, dévasté deux villages et détruit la route de Fluelen à Altort que j’avais traversée la veille en omnibus. — Arbres déracinés tout le long du chemin ; temps charmant d’ailleurs, route admirable, tantôt un vieux pont de bois couvert, du seizième siècle, sur un torrent, tantôt un monastère sur la cime d’un rocher, tantôt une cascade. Villages vivants, route animée, foire, chars de verroteries qui font étinceler les yeux des jeunes filles. Paysans cheminant par troupe en chantant des psaumes. — La rivière arrache la brèche presque partout et laisse le calcaire à nu. — Intlibuch, situation charmante dans les

ravins, les torrents et les collines.
Le 17.
Thun à midi. — Délicieuse approche de la ville. Le vieux château. — Visite. — C’est une prison. — Ces exquises tourelles sont des cachots. —
Soldat entrevu dans l’un, mélancoliquement tourné vers le lac. C’est un meurtrier. — Autre cachot qu’on n’ouvre pas. Grand brigand, dit le sergent en baragouin. — Vue ravissante des tourelles. — Belle charpente et grand toit. — Chant du grand brigand. Doux et grave.

Lac de Thun. — Mont Niesen. — Château de Chadow, admirable.

Le vieil Olibrius, important et sot, accompagné de deux femmes qui paraissent souffrir.

Il aimait Voltaire pour les préjugés qu’il a combattus et la philosophie qu’il a propagée. Il estimait les Jésuites parce qu’ils ont bâti un beau séminaire à Fribourg (vilaine caserne neuve et blanche, par parenthèse, que j’ai vue le lendemain et qui gâte l’aspect gothique et charmant de la ville) ; il adorait Don Carlos parce qu’il défend les vrais principes ; il détestait les jacobins ; il exécrait Buonaparte ; il abominait les romantiques ; il avait horreur de la France parce qu’elle est le pays de tout cela. Tout cet ensemble, soudé par un solide ciment d’idées absurdes, se tenait parfaitement dans la tête de ce bonhomme et poussait des saillies dans sa conversation. Il était du reste patriote suisse, tout en se déclarant lettré classique français, et je l’avais vu écrire cette phrase textuelle sur le livre des voyageurs à l’hôtel de Bellevue : que Dieu conserve notre patrie par tous les ans des pièges périculeuses !

Musique d’omnibus dans le bateau. — Anglais, allemands, suisses.

Ranz des vaches.

Valse allemande.

God save the queen.

Rien pour la France. L’Olibrius le remarque avec satisfaction, puis il se met à déclamer sur Don Carlos en style de Gazette de France avec force horions politiques, vaisseau de l’État, etc., et cela en présence du Niesen qui, vu de flanc et faisant un majestueux obstacle au soleil, redoublait de magnificence en ce moment même.

Ce que voyant, j’allai à l’homme de la musique et je lui demandai la Marseillaise.

Pour quinze sous j’eus la Marseillaise.

Après avoir enfoncé cette flèche barbelée dans le cœur de mon homme, je vins me rasseoir à ma place et je me remis à dessiner d’un air indifférent.

Lac très beau. — Grotte d’un ermite. — Cascade. — Village au haut de la montagne.

Entre Langnau et Thun, tombeau : grosse statue de bois peint en armure Louis  XIV. Épitaphe :

robertus et albertus de watwyll
generalissimus in francia colonellus,
niveus helvettæ teos nobilitatus


Le 17 au soir.

Berne. — Ville à arcades comme Turin. La cathédrale, tour et portail,

belle masse. Figures remarquables sous les voussures. Assez belle boiserie dans l’église. — 4 lancettes sur 6 conservées, fort belles. —
Beaux fonts baptismaux en marbre noir. Autel primitif en granit noir.

Fontaines innombrables et toutes charmantes. — Jeune fille qui verse de l’eau. — L’ours de Berne armé de pied en cap. — Berger jouant de la flûte. Une troupe d’enfants danse sur le bas-relief autour de la colonne.

La tour de l’horloge avec les figures peintes qui entrent et sortent pour marquer les heures.

La tour de St-Christophe. Un grand soldat de bois peint dans une immense ogive.

Les ours dans leur cave. Les galériens. Pluie. Sur un des vitraux au-dessous d’un blason qui représente une roue de moulin avec ses aubes, remarque cette inscription :

pura me movent
  1. On trouvera la lettre précédant celle-ci dans le Rhin, voyage de 1839.