Essai de psychologie/Chapitre 70

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Chapitre 70

Des dispositions naturelles de l’esprit.


Le matériel de la mémoire, de l’imagination, de l’attention, de la réflexion, du génie est une certaine nature de fibres, une certaine disposition du cerveau.

Le spirituel de ces facultés est un certain exercice de la force motrice de l’ame, d’où naissent différentes idées & différentes combinaisons d’idées ; ou pour parler plus exactement, c’est l’ame elle-même en tant qu’elle agit sur différens points du sensorium et qu’elle modifie différemment son action. Le degré de perfection de chaque faculté répond donc à l’état des fibres qui sont les instrumens de cette faculté.

L’expérience seule manifeste cet état. Elle apprend quels sont les objets qui agissent sur le cerveau avec le plus de force ; quels sont les mouvemens que les fibres contractent avec le plus de facilité.

Les idées attachées à ces mouvemens seront celles que l’ame aimera le plus à reproduire & à combiner, parce qu’elle le fera avec moins de travail.

Il en est des fibres qui servent aux opérations méchaniques, comme de celles qui servent aux opérations intellectuelles. Elles ont, ainsi que ces dernieres, leurs déterminations primitives, que l’expérience découvre, & en vertu desquelles le corps est plus ou moins propre à certains mouvemens & à certaines suites de mouvemens.

Du commerce mutuel de ces deux ordres de fibres naît l’harmonie qui regne entre les sens & les membres.

L’effet de cette harmonie est un tel accord entre les impressions d’un ou de plusieurs sens & les mouvemens d’un ou de plusieurs membres, que les uns répondent aux autres.

Le plus ou le moins de justesse d’un ou de plusieurs sens, leur accord plus ou moins parfoit avec un ou plusieurs membres, la souplesse plus ou moins grande de ces derniers décident du plus ou du moins de disposition à certaines professions ou à certains arts.

L’extreme justesse de l’oreille, son accord parfoit avec l’organe de la voix, la grande flexibilité de cet organe forment une disposition naturelle pour le chant. Un coup d’œil sûr & prompt, une imagination qui saisit & retrace avec force et justesse les images qui se peignent au fond de l’œil, l’aptitude de la main à exprimer par ses mouvemens les traits de ces images sont des dispositions naturelles pour le dessin.

Une heureuse mémoire conduit à l’étude des faits. Un grand fonds d’imagination & un penchant marqué pour l’harmonie sont le germe du poëte. Une attention soutenue & beaucoup de cette sorte d’imagination qui saisit les propriétés d’une figure, les rapports & les combinaisons des nombres & des grandeurs annoncent le géometre.