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Essais et notices - La Philosophie en Sicile

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ESSAIS ET NOTICES.

LA PHILOSOPHIE EN SICILE.
Storia della filosofia in Sicilia da’ tempi antichi al sec. XIX, libri quattro, di Vincenzo di Giovanni, 2 vol. in-12 ; Palermo.

La Sicile a vu naître et fleurir dans les temps anciens et modernes un grand nombre de philosophes, quelques-uns d’une haute valeur et d’une incontestable originalité. Cependant il n’y a pas, à proprement parler, une philosophie sicilienne comme il y a une philosophie grecque, romaine, française, allemande, anglaise et italienne. La philosophie en Sicile a été dans l’antiquité un rameau détaché de la philosophie grecque ; plus tard, elle a subi les diverses influences des civilisations qui se sont succédé dans l’île ; plus tard encore et aujourd’hui même elle n’est rien de plus qu’une branche de la philosophie italienne. A aucune époque, malgré l’éclat des génies individuels qu’elle a produits ou qu’elle s’est assimilés, on ne trouve en Sicile un ensemble et un corps de doctrines autochthones, si j’ose dire, qui puissent constituer une philosophie nationale. Il suit de là que l’Histoire de la philosophie en Sicile, qu’a entrepris d’écrire M. Vincenzo di Giovanni, a quelque peine à revêtir une unité qui vienne d’autre chose que de la communauté du sol où les divers maîtres ont vécu, enseigné ou écrit. Il y a là moins une école qui se développe qu’une suite de noms et une galerie de philosophes. Ce n’est pas la faute de l’auteur, c’est celle de la matière même qu’il traite, et où manque le lien logique qui relie entre elles écoles et doctrines, et en fasse un corps pour ainsi dire organique.

M. di Giovanni, professeur de philosophie au séminaire et au lycée Victor-Emmanuel de Païenne, archéologue et lettré délicat, s’est fait connaître par une édition des Œuvres philosophiques de Miceli de Montréal et par nombre de travaux personnels. M. di Giovanni appartient à la grande tradition du christianisme libéral. Il a un autre caractère, moins utile peut-être à un philosophe et à un historien, à savoir un patriotisme très vif et très accentué. Il est Sicilien et il adore son pays. Le patriotisme est une noble passion, mais parfois difficile à concilier avec les exigences de l’impartialité. L’histoire en effet n’est œuvre ni de parti ni de sentiment. Çà et là dans les livres de M. di Giovanni, on peut noter une complaisance pour les « choses siciliennes, » qu’un étranger comprend, mais qu’il ne partage pas toujours. M. di Giovanni a entrepris de mettre en lumière les titres littéraires de son pays. Il écrit dans sa préface : Mi sono rivolto ad illustrare quanto ho potuto le cose siciliane. Nous le dirons sans malice, il paraît en effet quelquefois moins les raconter que les illustrer.

Le premier volume de son ouvrage est consacré à l’histoire des philosophies antique, scolastique et moderne, le second à l’histoire de la philosophie contemporaine en Sicile. Dès le début, on voit percer le zèle patriotique que nous avons signalé. Selon M. di Giovanni, le mouvement philosophique qui précéda Socrate fut en grande partie l’œuvre des Grecs siciliens. Cette proposition ne peut être admise aisément. C’est de l’Ionie en effet que les fondateurs de l’école italique et de l’école d’Élée passèrent dans l’Italie méridionale. Pythagore, comme on sait, est né à Samos, et Xénophane à Colophon. Le caractère des spéculations de Pythagore et de Xénophane est fort différent sans doute de celui des spéculations de Thalès et d’Héraclite, et on ne peut guère soutenir qu’il y ait eu filiation des ioniens aux pythagoriciens et aux éléates. Il reste cependant que le littoral et les îles de l’Ionie demeurent le véritable berceau de la philosophie grecque. Les considérations ethnographiques dans lesquelles l’auteur est entré au sujet des premiers habitans du midi de la Péninsule ne semblent pas pouvoir prévaloir ici contre les indications de la chronologie.

M. di Giovanni a présenté un tableau très complet et très brillant de la culture antique en Sicile : l’éléatisme et le pythagorisme fondus dans l’enseignement d’Empédocle, la poésie gnomique y prenant corps dans la comédie morale d’Épicharme, la rhétorique trouvant ses premiers maîtres dans Corax, Tisias et Gorgias le Léontin, enfin sur cette terre privilégiée, bien avant qu’Athènes devînt le centre d’attraction et le foyer commun de toutes les œuvres de l’esprit, les arts, les sciences, la poésie, la morale et la philosophie florissant dans la plus belle et la plus riche harmonie, toute la vertu et toute la force du génie grec condensées en Sicile, tous les dons de l’esprit s’y épanouissant avec une richesse merveilleuse. Ce grand éclat s’éteignit avec la conquête romaine. La Sicile perdit en même temps sa fécondité et son indépendance. Tant qu’elle fut maîtresse d’elle-même, elle garda une place brillante dans le chœur de la littérature et des arts de la Grèce. Une fois chose romaine, elle devint stérile ou peu s’en faut. Son dernier grand homme tomba avec Syracuse, dont il avait retardé la chute. Après Archimède, la Sicile ne compte guère, dans la période antique, que des esprits de second ordre, exégètes et commentateurs d’Aristote et des néoplatoniciens. La philosophie des pères de l’église ne peut guère nommer non plus aucun docteur sicilien. Il est possible que saint Pantène, fondateur de l’école catéchétique d’Alexandrie, soit né en Sicile, — on ignore en quelle ville précisément ; — mais il est certain qu’il n’y résida pas. On compte encore comme Sicilien Firmicus Maternus, l’auteur du traité De errore profanarum religionum ; mais c’est un polémiste de peu d’autorité.

Pendant le moyen âge, la Sicile fut successivement foulée ou occupée par les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Normands, les Angevins, les Aragonais et les Espagnols. Elle fut le théâtre de luttes fréquentes et n’offrit nulle part un centre de culture comparable aux écoles de Bologne et de Padoue. Entre les diverses branches des connaissances humaines, les Arabes estimaient peu la philosophie. La philosophie, comme on l’a prétendu, était-elle antipathique en effet au génie sémitique ? Nous ne savons ; mais elle paraît avoir été suspecte et peu populaire parmi les Arabes. Les seuls et vrais philosophes arabes semblent être des théologiens, des commentateurs du Coran et des sectaires. Les quelques aristotéliciens arabes sont des exégètes de seconde ou de troisième main, souvent infidèles sans le savoir et involontairement originaux, quand ils le sont. L’Aristote arabe, demi-syrien et demi-alexandrin, est un Aristote contrefait et qui ne ressemble guère au véritable Aristote. En traversant différentes traductions, celui-ci est devenu méconnaissable. On peut donc le dire, le mouvement des idées auquel président les Arabes, et plus tard l’empereur allemand Frédéric II, roi de Sicile, n’est rien moins que philosophique. De même les controverses du moyen âge entre les réalistes et les nominalistes eurent certainement un écho en Sicile, où les thèses réalistes parurent s’ajuster mieux au génie fin, subtil et idéaliste des Siciliens ; mais ce ne fut qu’un écho qui reproduisit en l’affaiblissant le bruit un peu vain des autres écoles européennes. Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’arrêter sur aucun des noms et des ouvrages dont M. di Giovanni a recueilli pieusement le souvenir. L’esprit et la méthode du moyen âge durèrent en Sicile plus longtemps que partout ailleurs. Les penseurs qui, à l’aurore des temps modernes, ouvrirent la porte à une philosophie plus indépendante, et apprirent à l’Europe, si l’on peut dire, l’usage de la libre raison, sont pour la plupart Italiens. Aucun d’eux, ni Pomponazzi, ni Telesio, ni Patrizzi, ni Vanini, ni Giordano Bruno, ni Campanella, ne paraissent avoir eu d’influence, sur Ja direction des esprits en Sicile. C’étaient, il est vrai, plutôt de brillantes individualités que des chefs d’école ; c’étaient des agitateurs d’idées plutôt que des guides et des initiateurs véritables. Plusieurs même paraissaient n’avoir secoué le joug d’Aristote que pour embrasser l’idéalisme transcendant des néo-platoniciens ; d’autres associaient au positivisme épicurien les chimères de l’astrologie ou de l’alchimie.

La philosophie de la renaissance avait été tout italienne. La philosophie moderne est presque exclusivement française en Italie même et en Sicile. Galilée sans doute peut être mis en face de Descartes. C’est un génie de même ordre, aussi pénétrant, quoique moins étendu ; mais c’est un grand savant et non un chef d’école. Il a élargi la sphère de l’observation physique, il a par son exemple enseigné à laisser les textes pour interroger le grand livre de la nature, il a fait de belles découvertes : on ne peut pas dire qu’il ait produit ni un système nouveau ni un mouvement d’idées philosophiques original. Fortunato Fideli et Alphonse Borelli, mathématiciens et physiologistes siciliens, et dont le dernier paraît avoir fondé la statique animale, sont rattachés par M. di Giovanni à l’enseignement de Galilée. Le savant professeur de Palerme veut dire sans doute qu’ils portèrent dans leurs recherches la liberté d’esprit et la méthode que Galilée avait pratiquées. Cette liberté d’esprit et cette méthode ne constituent pas à proprement parler une école. Fardella de Trapani, qui enseigna à Padoue vers 1700, peut, à plus juste titre, ce semble, être considéré comme cartésien. Encore en effet qu’il n’ait pas vu dans la doctrine de Descartes le dernier mot de la philosophie, il n’a pas laissé cependant de s’en porter l’interprète et le défenseur, et a surtout embrassé sa méthode avec zèle. M. di Giovanni restitue au cartésianisme sicilien un de ses plus fermes disciples dans la personne de Thomas Campailla et cite plusieurs beaux passages de son poème philosophique intitulé Adam ou le Monde créé, qui sont en effet de pure inspiration cartésienne. Jusqu’à la mort de Campailla (1740), le cartésianisme, bien que suspect dans les écoles de la compagnie de Jésus, domina en Sicile. C’est à ce moment que les idées de Leibniz commencèrent à s’y introduire. En 1750, les bénédictins de Saint-Martin professaient publiquement les doctrines de Leibniz, déjà répandues dans les principales écoles de l’île, à Palerme, à Catane, à Cephalù et à Montréal. Déjà, vers 1730, Muratori regrettait que Campailla se fût mis aussi servilement sous la tutelle de Descartes : Dico bene che gli uomini grandi corne il signor Campailla hanno da mettersi in maggior liberta di pensare ; e certo é che oggi é cadula di pregio oltramonti la si famosa scuola cartesiana.

Le marquis de Natale fit pour la doctrine de Leibniz ce que Campailla avait fait pour celle de Descartes. Il l’exposa en vers. C’était une nouveauté. Le pouvoir était soupçonneux. Les jésuites, toujours à l’arrière-garde du mouvement des idées, firent poursuivre et supprimer cette œuvre. Cependant le branle était donné. Vincenzo Flerès, Gambino Judica et beaucoup d’autres à Palerme, à Catane, dans les séminaires et dans les cloîtres, expliquaient et enseignaient avec une juste indépendance les opinions de Leibniz.

Enfin Miceli (1733-1781) et son enseignement plus original ferment l’ère moderne de la philosophie en Sicile. M. di Giovanni, qui a étudié de très près et connaît à fond le système du maître de Montréal, dont il a le premier publié plusieurs importans ouvrages, s’y arrête et l’expose en quelques pages avec une savante précision. C’est une doctrine qui a quelque rapport avec celle de Giordano Bruno et celle de Spinoza, moins hardie que la première et moins abstraite que la seconde. Le fond du système, et, comme on dit, l’idée maîtresse, est l’affirmation de l’unité de l’être réel, vivant, éternellement agissant, à la fois toute-puissance, sagesse et amour. Rien n’existe qui soit par soi, Dieu seul est par lui-même. Les choses visibles et invisibles, les corps et les esprits, ne sont que des représentations extérieures, phénoménales et changeantes de ses attributs, que les états essentiels de l’être unique et vivant. La nature est comme le vêtement, l’ombre incomplète de Dieu jetée dans le temps et dans l’espace, et s’y déployant sans limite ; mais elle n’ajoute rien à Dieu, elle n’achève ni ne complète sa réalité. Il se suffit et en est indépendant. Miceli, quoique M. di Giovanni l’en défende, incline visiblement au panthéisme de Xénophane avec une teinte de mystycisme. Où est l’être en effet dans cette doctrine ? où est la réalité ? Avec Xénophane et Platon, Miceli répond : en Dieu seul, qui est l’être en soi. La nature et l’homme n’ont pas d’individualité. Ce ne sont qu’ombres, fantômes, reflets et vaines apparences. Dieu comprend en soi tout l’être. Dire que tout est Dieu n’est pas la vraie formule du panthéisme, elle est plutôt d’affirmer l’unité absolue de l’être, soit que l’infini soit absorbé dans le fini, soit que le fini soit absorbé dans l’infini. C’est à cette deuxième forme mystique du panthéisme qu’il semble qu’en dernière analyse aboutisse le système du philosophe de Montréal.

Avec Miceli, la philosophie sicilienne sortit de l’ornière des philosophies de seconde main. Pendant tout le XVIIIe siècle, elle s’était traînée à la suite de Descartes et de Leibniz, dont les opinions ne semblaient être arrivées dans l’île qu’après avoir fait le tour du monde, si l’on peut dire, et vu partout leur crédit diminuer ou se perdre. Miceli édifiait à Montréal un nouveau système au moment où partout ailleurs on paraissait las des systèmes. Il renouvelait et rajeunissait la métaphysique au moment où en Écosse on réduisait la philosophie à une sorte d’histoire naturelle de l’esprit humain. Il professait un idéalisme plein de hardiesse, alors qu’en France les meilleurs esprits oscillaient entre un sensualisme grossier ou un scepticisme frivole, avant même que Kant eût mis au jour la philosophie critique. C’est un phénomène digne d’être remarqué, que cette sorte de résurrection de l’éléatisme, d’un éléatisme mystique et chrétien dans la patrie d’Empédocle à la fin du XVIIIe siècle.

Du vivant de Miceli et surtout après sa mort, Montréal devint le foyer le plus intense de la haute culture philosophique en Sicile. Les disciples de Miceli, Barcellona, Rivarola, Zerbo, Guardi, Paul Bruno, tous ecclésiastiques comme lui, mais unissant une juste liberté d’esprit à une foi sincère, expliquèrent, propagèrent et défendirent sa doctrine, et retardèrent peut-être l’invasion du sensualisme condillacien en Sicile. Déjà en France, grâce à l’influence des psychologues écossais, les idées sensualistes perdaient peu à peu du terrain. Tedeschi fut en Sicile le représentant le plus illustre et le plus écouté de cette idéologie spiritualiste dont Laromiguière était chez nous l’interprète un peu timide. L’enseignement de Victor Cousin, qui s’efforçait de concilier Platon, Descartes, Leibniz et Thomas Reid, la haute spéculation et le sens commun, les données de l’expérience et celles de la raison, trouva dans Mancino un sage et judicieux imitateur. M. di Giovanni, dans un appendice de son second volume, a publié quelques lettres échangées entre le chef de l’école éclectique française et le professeur de l’université de Palerme qui sont fort curieuses. On y voit Victor Cousin empressé à étendre au loin cette maîtrise intellectuelle qui, en France, eut parfois les allures d’une dictature un peu jalouse, la facilité de ses scrupules, son goût de l’autorité et en même temps de la paix, ses précautions pour éviter les attaques et jusqu’aux soupçons de l’église, ses professions de respect pour l’enseignement catholique’et son souci d’effacer ou d’atténuer tel ou tel passage de ses écrits qui pouvait donner lieu aux accusations de germanisme et de panthéisme hégélien. Si l’on changeait par la pensée le nom du correspondant de Victor Cousin, et qu’on supposât que cet échange de lettres eût eu lieu avec Miceli, on croirait vraiment, à voir la hardiesse spéculative de l’un, l’esprit timoré et les scrupules de l’autre, que c’état Victor Cousin qui portait le rabat du prêtre.

Dans ses trois derniers chapitres, M. di Giovanni passe en revue les nouveaux thomistes ou traditionalistes dont le père Ventura, né à Palerme, fut un des plus illustres représentans, les ontologistes, dont il étudie avec soin le dernier interprète, d’Acquisto, libre héritier du génie spéculatif de Miceli, enfin les historiens de la philosophie, Mongitore, Domenico Scina et Narbone. M. di Giovanni, par l’œuvre dont nous parlons ici et par nombre de savans écrits et d’importantes monographies, mérite bien qu’on ajoute son nom à ceux des historiens philosophes de la Sicile. Il a terminé son ouvrage par quelques pages qui ont l’éclat et l’accent d’un hymne en l’honneur de sa belle patrie. Il y met en si vif relief le travail de quatre civilisations, tant d’œuvres d’art, tant de monumens du génie humain, qu’on oublie malgré soi un présent quelque peu stérile en face d’un passé si riche et si fécond, et qu’on lui pardonne d’ajouter : « Ce drame de vingt-cinq siècles auquel nous venons d’assister, si varié de scènes et de personnages, nous a permis de voir avec une joie consolante que dans notre race ne s’est pas affaiblie cette vertu créatrice si bien propre à faire avancer les arts et les sciences, qui est surtout le caractère de la nation sicilienne, que pendant tant de siècles cette pointe d’esprit dont parlait Cicéron ne s’est pas émoussée, que nous avons gardé constamment cet esprit de sage tempérament qui est le cachet de la philosophie en Sicile, grâce auquel elle sut toujours corriger les excès des systèmes et maintenir l’harmonie entre les extrêmes… Empédocle, dans les temps antiques, rapprocha dans un juste accord ioniens et éléates ; sous le règne de la scolastique nombre de nos philosophes surent concilier péripatéticiens et platoniciens, thomistes et scotistes ; à l’âge moderne, corriger Descartes et Leibniz. Aujourd’hui encore nous savons unir et fondre ce qu’il y a de bon et de solide dans l’idéalisme et le sensualisme, dans le panthéisme et le matérialisme, dans le traditionalisme et le rationalisme, et en former une philosophie large et compréhensive qui respecte en même temps les droits de la raison et ceux de la foi, la conscience individuelle et les croyances du genre humain, qui se garde à la fois de la routine et des nouveautés aventureuses, une philosophie qui soit chose vivante et non morte, spéculative et pratique en même temps, contemplatrice passionnée du vrai et opératrice du bien. » — « En écrivant cette histoire, dit M. di Giovanni, on m’accordera que je n’ai pas appliqué mes faibles forces à un indigne objet. Je veux pouvoir dire avec Fazzello que ce qui allège le sentiment de ma faiblesse, c’est qu’à défaut d’autre honneur il me suffit d’avoir répandu un peu de lumière sur ma patrie et sur nos ancêtres. » Que M. di Giovanni, pour être complet, se soit arrêté sur des noms et des œuvres de valeur contestable, que toutes les parties de son livre n’aient pas pour un étranger un égal intérêt, que nombre de ses pages témoignent d’un zèle exclusivement sicilien, il faut le reconnaître. Mais pour qui a vu cette belle terre de Sicile et sait quelque chose de son histoire, cet amour passionné qui rattache le présent au passé est un sentiment trop naturel et trop noble pour qu’on ose le blâmer sévèrement. En publiant ces annales de la philosophie en Sicile, M. di Giovanni en somme n’a pas seulement honoré son pays, il a rendu un signalé service aux chercheurs et nos érudits de l’Europe cultivée.

B. Aubé.