Fables canadiennes/03/L’abeille et l’enfant gourmand

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FABLE IV

L’ABEILLE ET L’ENFANT GOURMAND

 La gourmandise, d’ordinaire,
 Est la passion de l’enfant,
 Qui prête un charme imaginaire
 Au fruit qu’on lui défend.
 À ce mal donnons le remède
 En la convenable saison,
 Mais il ne faut pas qu’on excède
 Ce que demande la raison.

Un enfant renommé pour sa gloutonnerie
 Et ses mauvais desseins,
 Découvrit des essaims
Cachés dans les buissons, au bord de la prairie :

— Du miel ! s’écria-t-il, et pour un bon repas !…
 L’eau m’en vient à la bouche !…
C’est à peine chez nous si l’on veut que j’en touche ;
J’en goûte un peu parfois, mais je n’en mange pas.

Sur un tronc, aussitôt, lestement il se juche
 Et porte sur la ruche
 Une indiscrète main.
 Une abeille, soudain,
 Lui dit, tout en colère :

 — Va-t’en, petit gourmand ;
 Peux-tu croire, vraiment,
 Que ma bonté tolère
 Une telle action ?
 Tu mérites punition.

 Et, sans attendre de réplique,
 Dans son transport

 Elle le pique
En se condamnant à la mort.


Au pauvre donnez une obole :
Il est beau de s’apitoyer ;
Mais contre l’effronté qui vole
Défendez bien votre foyer.