Fables canadiennes/04/L’oiseau-mouche et le chêne

La bibliothèque libre.
C. Darveau (p. 286-287).

FABLE XXI

L’OISEAU-MOUCHE ET LE CHÊNE

Un petit oiseau-mouche aux deux ailes d’ébène,
 À la gorge de pourpre et d’or,
 Prenant dans les airs son essor,
Vint s’abattre, joyeux, sur la cime d’un chêne.
Dans le même moment un grand souffle passa,
 Précurseur de l’orage,
 Qui saisit avec rage
 L’arbre superbe et le cassa.

L’oiseau, tout étonné, rouvrit son aile vive
 Avec un gai bourdonnement,
 Et s’écria naïvement :

— Je regrette, crois-moi, le malheur qui t’arrive
 Un peu par ma témérité…
 Je sais qu’il n’est pas mérité.
Avant que de venir me percher sur ta cime
 Qui s’abîme,
 J’aurais dû me douter
 Que tu ne pouvais me porter.


Plus d’un, comme cet oiseau-mouche,
Pense écraser tout ce qu’il touche
Qui n’a de grand, en vérité,
Que son extrême vanité.