Fables canadiennes/05/Le renard et le loup-cervier

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C. Darveau (p. 309-310).

FABLE VIII

LE RENARD ET LE LOUP CERVIER

Un renard glapissait d’une façon bien triste :
Il s’était pris au piège. Un loup-cervier touriste,
Curieux de savoir la cause de ses cris,
Pour le venir trouver s’écarta de sa route.

— Voyez, dit le renard, comme me voilà pris ;
 Ah ! je méritais mieux sans doute !
 Je suis victime du devoir ;
On vous disait malade et je courais vous voir.

 
 — Ma griffe est forte,
Répond le loup-cervier que le plaisir transporte,
Ma griffe est forte et je suis bien adroit ;
Je ne saurais laisser renard au cœur si droit
 Dans un danger si redoutable ;
 Il faut être plus charitable.
Je vais ouvrir le piège ; allons, pauvre captif,
 Ôtez-vous, soyez vif.

Le loup-cervier, alors, par un effort suprême,
 Ouvre le piège un peu ;
Il sauve le renard, mais il se prend lui-même.

— Adieu !
 Lui dit avec artifice
 Le renard en partant ;
 J’admire fort ton sacrifice
 Mais n’ose pas en faire autant.


Ne faites pas le bien pour de vils honoraires
Écoutez votre cœur, mais aussi la raison.
Si de flatteurs discours vous rendent téméraires
Vous ne serez payés que par la trahison.