Aller au contenu

Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament/Tome I/Avertissement

La bibliothèque libre.
AVERTISSEMENT
SUR CETTE TROISIÈME ÉDITION.

Voulant laisser subsister la Préface de la première édition, à cause de la nature même des observations qu’elle renferme, nous nous bornerons ici à donner quelques explications sur les changements que nous avons faits dans cette troisième. Mais qu’il nous soit permis d’exposer auparavant les témoignages flatteurs dont notre premier travail a été l’objet. Nous espérons qu’ils seront un motif puissant pour exciter la confiance des lecteurs qui ne le connaissent pas encore ; et en même temps la réponse la plus convenable à certaines insinuations de quelques écrivains français qui semblent n’en avoir qu’une bien légère connaissance. Nous commencerons volontiers par celui d’un des orientalistes les plus savants des temps modernes, d’un homme aussi profondément versé dans la science sacrée que dans les lettres profanes, d’autant qu’il présente une analyse assez détaillée de tout le plan de notre ouvrage. « Il était absolument nécessaire, dit feu M. Etienne Quatremère, que l’on offrît au public instruit, et surtout aux jeunes élèves des séminaires, un ouvrage qui, dans un petit nombre de volumes, exposât d’une manière succincte, mais cependant avec les développements nécessaires, tout ce qui concerne la critique sacrée, la défense de l’authenticité des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, les lois, les usages des Hébreux, enfin tout ce qui peut contribuer à faire comprendre et respecter les ouvrages qui contiennent les fondements sur lesquels repose la religion. M. Glaire s’est chargé de ce soin, auquel il semblait naturellement appelé. Depuis bien des années il a professé successivement, tant au séminaire de Saint-Sulpice qu’à la faculté de théologie de Paris, l’hébreu et l’interprétation de l’Ecriture sainte ; lié, par une amitié sincère, avec des ecclésiastiques instruits, il a eu surtout l’avantage de connaître feu M. l’abbé Garnier[1], qui, non content de l’aider de ses conseils, lui avait communiqué une partie de ses travaux sur l’Ecriture sainte, ainsi qu’il le reconnaît avec cette bonne foi, cette candeur, qui conviennent au vrai mérite ; ayant acquis la connaissance des principales langues de l’Orient, entre autres celle de l’arabe qu’il avait puisée dans les doctes leçons de feu M. Silvestre de Sacy ; s’étant attaché avec un soin scrupuleux à lire, à analyser, outre les traités des Pères et des auteurs ecclésiastiques, les ouvrages composés soit par des catholiques, soit par des protestants, sur les diverses parties de l’érudition biblique, il se trouvait, mieux que personne, en état de donner, sur cette matière, un traité suffisamment approfondi, qui présentât un résumé bien fait de toutes les observations, de toutes les découvertes qui ont eu pour objet la critique sacrée, mais de manière à ne rien dire qui ne pût être approuvé par l’orthodoxie la plus scrupuleuse. L’ouvrage a obtenu un succès éclatant et qui a presque, on peut le dire, dépassé les espérances de l’auteur. Une première édition tirée à un grand nombre d’exemplaires a été, dans l’espace de quelques années, complètement épuisée. La seconde édition s’écoule avec une égale rapidité ; et bientôt il faudra songer à en donner une troisième. De plus, l’ouvrage a été traduit en italien. Félicitons M. Glaire d’un succès si flatteur ; mais surtout applaudissons-nous de voir des études aussi éminemment utiles pour la religion se ranimer dans les pays catholiques, et y reprendre une importance qui n’aurait peut-être jamais dû s’affaiblir[2]. »

Après avoir énuméré les volumes dont l’ouvrage se compose, et indiqué l’objet de chacun de ces volumes, M. Quatremère ajoute : « Ce cadre, comme on le voit, est extrêmement vaste, et renferme toutes les matières qui, chez les Allemands, sont contenues dans les deux genres d’ouvrages désignés par les titres de Einleitung (Introduction), et Biblisch Archæologie (Archéologie biblique). M. Glaire s’est acquitté de cette tâche honorable qu’il s’est imposée, avec une véritable bonne foi, avec un vrai talent. Ne pouvant pas, comme on peut le croire, offrir, sur chaque point, un traité complet, puisqu’il aurait fallu multiplier les volumes, il a voulu présenter, d’une manière aussi concise, mais aussi substantielle que possible, tout ce qui est vraiment nécessaire pour la parfaite intelligence des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ayant lu avec soin presque tout ce qui a été écrit sur chaque matière, il en reproduit un extrait fidèle ; il ne passe pas sous silence les objections, mais il les rapporte textuellement, et y oppose des réfutations judicieuses. Enfin, cet ouvrage, tel qu’il est, et avec les améliorations que des éditions successives ne peuvent manquer d’y introduire, forme un travail vraiment utile, qui doit exercer une heureuse influence sur les progrès futurs des études bibliques et sur la direction savante des recherches théologiques. »

À Rome, plusieurs savants religieux nous ont assuré que nos livres servaient très-avantageusement la religion. L’illustre cardinal A. Maï en a porté le même jugement. Un très-habile professeur du Collège romain, le R. P. Passaglia, jésuite, a souvent dit dans son Cours que nos ouvrages, qui se distinguent par la pureté des doctrines, étaient le meilleur antidote qu’on pût opposer au rationalisme biblique.

En 1853, S. E. le cardinal Sforza, archevêque de Naples, nous a remercié en présence du supérieur et des directeurs de son séminaire diocésain, de tout le bien que notre Introduction et nos Livres saints vengés ont fait et qu’ils faisaient encore tous les jours dans son diocèse. Nous devons ajouter que les huit volumes que forment ces deux ouvrages ont été traduits en italien, sous le patronage de Son Eminence, sans qu’on ait trouvé un seul mot à changer dans notre texte ; ce qui a fait dire au cardinal Maï en nous embrassant et en nous félicitant : « C’est la meilleure approbation que vous puissiez désirer ; car nulle part on n’est plus sévère qu’à Naples, quand il s’agit de la doctrine. »

À ces témoignages si flatteurs, nous pouvons en ajouter plusieurs autres non moins honorables. Le cardinal Gaude, mort il y a quelque temps à Rome, nous a assuré que pendant les treize années qu’il a professé l’Ecriture sainte à Macerata, il ne s’est servi que de nos ouvrages bibliques. Le savant archevêque de Santiago du Chili, Mgr Valdivieso nous a appris qu’ils avaient été traduits en espagnol, et qu’il n’en faisait point enseigner d’autres dans son diocèse. Mgr Filippi, aussi profond théologien que savant physicien, les a également adoptés pour son séminaire d’Aquila. Enfin le Révér. Docteur Joseph Dixon, professeur d’hébreu et d’Ecriture sainte au Collège de Saint-Patrice à Maynooth, regarde l’Introduction et Les Livres saints vengés, comme très-utiles : Two very useful works on the Scriptural subjects ; et il ne craint pas d’avouer qu’il les a souvent mis à contribution, quand il a composé sa propre Introduction : We have frequently, during the course of this work, profited by learned labours of this Winter, as we now gratefully acknowledge (A general Introd. etc. Dublin, 1852, 2e vol.  pag. 422).

Quant aux changements qu’ont subis les éditions précédentes, les plus considérables se rapportent presque toutes à l’Introduction générale. Ainsi, sans parler d’un certain nombre de phrases et d’expressions qui ont été présentées d’une manière plus simple et plus précise ; sans parler encore des nouvelles preuves par lesquelles nous avons fortifié des arguments déjà proposés ; genre d’amélioration qui est commun à toutes les parties de l’ouvrage, nous avons inséré dans le chapitre qui traite de la Canonicité de l’Ecriture sainte, un Tableau synoptique qui montre d’un côté la nuée de témoins qui déposent en faveur des livres deutéro-canoniques, et de l’autre, le petit nombre de ceux que les protestants allèguent contre l’autorité des mêmes livres, Ce tableau est un emprunt fait avec permission à l’excellent ouvrage intitulé : La lecture de la Bible en langue vulgaire, jugée d’après l’écriture, la tradition et la saine raison, et publié par J. B. Malou qui était alors professeur et doyen de la faculté de théologie à l’Université catholique de Louvain, et qui aujourd’hui occupe si dignement le siège épiscopal de Bruges. Outre que la liste de plusieurs versions, tant anciennes que modernes, a beaucoup été allongée, les Bibles anglo-saxonnes, anglaises et polonaises qui ne figuraient pas dans les premières éditions ont trouvé dans celle-ci la place qui leur convenait naturellement ; et comme la traduction allemande de Luther passe encore aujourd’hui pour un chef-d’œuvre aux yeux de bien des gens, nous avons cru devoir montrer comment elle a été appréciée par les protestants eux-mêmes.

Une nouvelle rédaction plus concise de certaines questions, qui jusqu’ici avaient été traitées avec de longs développements, nous a permis de signaler dans l’Introduction particulière un certain nombre de commentaires d’une date récente, et même plusieurs anciens qu’un simple oubli nous avait fait omettre, et dont la connaissance ne peut qu’être très-utile à beaucoup de nos lecteurs. Quant à la critique du Nouveau Testament en particulier, outre les travaux des savants J. D. Michaëlis, Hug, Maïer, Tholuck, Olshausen, que nous avions déjà mis si largement à contribution, nous n’avons négligé aucun de ceux qui ont paru jusqu’à ce jour en divers pays. Mais, hâtons-nous de le dire, il en est une foule que nous avons cru devoir passer sous silence : d’abord parce qu’il fallait nécessairement nous borner dans le choix ; en second lieu, le peu d’aperçus vraiment nouveaux qu’on y trouve, n’offre qu’une bien médiocre utilité. Ainsi, on ne devra pas s’étonner si, par exemple, nous n’avons rien dit des livres d’un jeune littérateur de Paris qui, croyant, dans son excessive ingénuité, que l’imagination et une certaine facilité d’écrire peuvent suppléer à la connaissance positive des langues orientales et des autres parties de la science biblique, a

osé traiter des sujets qu’il ne pourra certainement aborder avec quelques succès, qu’après avoir étudié sérieusement dix ou quinze ans encore les langues sémitiques et le sanscrit, langues dont il n’a que les premiers éléments, et avoir entièrement re- noncé à certaines idées préconçues, qui, jointes à son peu de connaissances positives, le font assez souvent tomber dans des contradictions palpables, et flotter entre des erreurs opposées, telles que l’athéisme et le déisme. Cependant ces omissions n’empêchent point que notre ouvrage ne soit véritablement au niveau de la science biblique actuelle.

Contrairement à l’usage généralement reçu quand on écrit l’hébreu sans voyelles, nous avons fait usage des points diacritiques scin, schin et du daguesch fort ou doublant. Nous avons voulu par là faciliter à une certaine classe de lecteurs l’intelligence de quelques formes grammaticales, et de la différence de signification que ce point établit dans les mots.



  1. M. l’abbé Garnier est le savant professeur d’Ecriture sainte, dont nous parlons un peu plus bas, page XIII.
  2. Journal des Savants, octobre 1845, pag. 597-598.