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L’épluchette/Rien des anges

La bibliothèque libre.
Gérard Machelosse (p. 20-21).


Rien des anges

Simplice, une fois, à l’église
Emmena le jeune Moïse
Son petit frère de quatre ans,
Pour soulager maman Deschamps ;
Moïse faisait du tapage,
Car à quatre ans on est peu sage.
On ne l’est pas même des fois
Quand des ans nous sentons le poids.
Simplice à Moïse dut faire
L’ordre bien strict de se taire
En pénétrant dans le lieu saint,
Lui confiant dans ce dessein
Qu’il verrait tout à l’heure un ange.
À ces mots Moïse s’arrange
Pour être bon petit garçon.
Simplice entreprend oraison,
Récite litanie et prière.
Ce pendant que son petit frère
Commence à se lasser enfin
Et tarde bien d’en voir la fin,
Mais Simplice songe alors à faire
Le chemin sacré du Calvaire
Et l’enfant de grogner tout bas :
— Ousqu’il est l’ange ? J’en vois pas !

J’veux l’voir moé ! — Voyons, Moïse !
On va faire l’tour de l’église,
Dit Simplice, et tu le verras
Après. L’enfant traîne le pas
À demi satisfait derrière
Sa sœur tout à sa prière.
Finalement il n’en peut plus,
Les anges ne sont pas venus.
Très haut à sa sœur qu’il dérange,
Il lance : — Ousqu’il est l’ange, dis ?
Elle fait : — Chut !… cesse ces cris !
— Ben, j’en vois pas un yâbe d’ange !