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L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/09

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 147-149).


CHAPITRE IX.

QU’IL FAUT RAPPORTER TOUT A DIEU COMME A NOTRE DERNIÈRE FIN.

1. Mon fils, je dois être votre fin suprême et dernière, si véritablement vous désirez être heureux.

Cette vue purifiera vos affections qui s’abaissent trop souvent jusqu’à vous et aux créatures.

Car, si vous vous recherchez en quelque chose, aussitôt vous tombez dans la langueur et la sécheresse.

Rapportez donc principalement tout à moi, parce que c’est moi qui vous ai tout donné.

Considérez chaque bien comme découlant du souverain bien ; et songez que, dès lors, ils doivent tous remonter à moi comme à leur origine.

2. En moi, comme dans une source intarissable, le petit et le grand, le pauvre et le riche, puisent l’eau vive, et ceux qui me servent volontairement et de cœur recevront grâce sur grâce.

Mais celui qui cherchera sa gloire hors de moi, ou sa jouissance dans un autre bien que moi, sa joie ne sera ni vraie ni solide, et son cœur toujours à la gêne, toujours à l’étroit, ne trouvera que des angoisses.

Ne vous attribuez donc aucun bien, et n’attribuez à nul homme sa vertu ; mais rendez tout à Dieu, sans qui l’homme n’a rien.

C’est moi qui vous ai tout donné, et je veux que vous vous donniez à moi tout entier : j’exige avec une extrême rigueur les actions de grâces qui me sont dues.

3. Ceci est la vérité qui dissipe la vanité de la gloire. Là où pénètrent la grâce céleste et la vraie charité, il n’y a plus de place pour l’amour-propre, ni pour l’envie qui torture le cœur.

Car l’amour divin subjugue tout et agrandit toutes les forces de l’âme.

Si vous écoutez la sagesse, vous ne vous réjouirez qu’en moi, vous n’espérerez qu’en moi, parce que nul n’est bon que Dieu seul, à qui, en tout et par-dessus tout, est du à jamais la louange et la bénédiction.

RÉFLEXION.

Tout bien découle de Dieu, qui est le bien suprême, et tout ce qu’il fait est bon[1], parce qu’il le tire de lui. Il n’y a dans le monde d’autre mal que le péché ; car la peine du péché n’est pas un mal, puisque, supportée patiemment, elle l’expie, et que toujours elle rétablit l’ordre que le péché avait troublé. Ainsi nous tenons de Dieu la vie, l’intelligence, l’amour, qui doit remonter perpétuellement vers sa source, et de nous-mêmes nous ne pouvons rien, pas même dire : Mon Père ! [2] car nous ne savons pas prier, et c’est l’esprit qui demande en nous avec des gémissements ineffables[3]. L’unique chose qui nous appartienne, c’est le péché ; il est le fruit de notre volonté libre, et son salaire est la mort[4]. Élevons-nous tant que nous voudrons dans notre pensée, voilà ce que nous sommes ; nous n’avons rien de plus que ce que Dieu nous donne dans sa bonté et sa miséricorde toute gratuite. Donc à nous le mépris, la confusion, la honte, en nous trouvant si misérables ; et à Dieu la bénédiction, l’honneur, la gloire, la puissance[5], comme les saints le chantent dans le ciel, au pied du trône de l’Agneau.

  1. Gen. i, 4 et seq.
  2. Rom. viii, 15.
  3. Rom. viii, 26.
  4. Rom. vi, 23.
  5. Apoc. v, 13.