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L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/52

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 248-250).


CHAPITRE LII.

QUE L’HOMME NE DOIT PAS SE JUGER DIGNE DES CONSOLATIONS DE DIEU, MAIS PLUTÔT DE CHATIMENT.

1. Le F. Seigneur, je ne mérite point que vous me consoliez et que vous me visitiez : ainsi vous en usez avec moi justement, lorsque vous me laissez pauvre et désolé.

Quand je répandrais des larmes aussi abondantes que les eaux de la mer, je ne serais pas encore digne de vos consolations.

Rien ne m’est dû que la verge et le châtiment : car je vous ai souvent et grièvement offensé, et mes péchés sont sans nombre.

Après donc un strict examen, je me reconnais indigne de la moindre consolation.

Mais vous, ô Dieu tendre et clément, qui ne voulez pas que vos ouvrages périssent, pour faire éclater les richesses de votre bonté en des vases de miséricorde[1], vous daignez consoler votre serviteur au delà de ce qu’il mérite, et d’une manière toute divine.

Car vos consolations ne sont point comme les vaines paroles des hommes.

2. Qu’ai-je fait, Seigneur, pour que vous me donniez quelque part aux consolations du ciel ?

Je n’ai point de souvenir d’avoir fait aucun bien ; toujours, au contraire, je fus enclin au vice, et lent à me corriger.

Il est vrai, et je ne puis le nier. Si je parlais autrement, vous vous élèveriez contre moi, et personne ne me défendrait.

Qu’ai-je mérité pour mes péchés, sinon l’enfer et le feu éternel ?

Je le confesse avec sincérité : je ne suis digne que d’opprobre et de mépris ; je ne mérite point d’être compté parmi ceux qui sont à vous. Et bien qu’il me soit douloureux de l’entendre, je rendrai cependant contre moi témoignage à la vérité, je m’accuserai de mes péchés, afin d’obtenir de vous plus aisément miséricorde.

3. Que dirai-je, couvert, comme je le suis, de crimes et de confusion ?

Je n’ai à dire que ce seul mot : J’ai péché, Seigneur, j’ai péché ; ayez pitié de moi, pardonnez-moi.

Laissez-moi un peu de temps pour exhaler ma douleur, avant que je m’en aille dans la terre des ténèbres, que recouvre l’ombre de la mort[2].

Que demandez-vous d’un coupable, d’un misérable pécheur, sinon que, brisé de regrets, il s’humilie de ses péchés ?

La véritable contrition et l’humiliation du cœur produisent l’espérance du pardon, calment la conscience troublée, réparent la grâce perdue, protègent l’homme contre la colère à venir ; et c’est alors que se rapprochent et se réconcilient dans un saint baiser Dieu et l’âme pénitente.

4. Cette humble douleur des péchés vous est, Seigneur, un sacrifice agréable, et d’une odeur plus douce que celle de l’encens.

C’est le délicieux parfum que vous permîtes de répandre sur vos pieds sacrés : car vous ne méprisez jamais un cœur contrit et humilié[3].

Là est le refuge contre la fureur de l’ennemi ; là, le pé cheur se réforme, et se purifie de toutes les souillures qu’il a contractées au dehors.

RÉFLEXION.

Quelques-uns recherchent avec un désir trop vif les consolations célestes, et tombent dans l’abattement dès qu’elles leur sont retirées. Mais ces grâces que Dieu accorde ou comme récompense aux âmes embrasées d’une ferveur extraordinaire, ou comme encouragement aux âmes faibles encore, pour les aider à supporter le travail de la pénitence, ne nous sont dues en nulle manière ; et toujours faut-il porter en nous la mortification de Jésus, afin que la vie de Jésus soit manifestée en nous[4]. Où serait l’expiation, où serait le mérite, si nous n’avions rien à souffrir, ou si nos souffrances étaient constamment accompagnées de l’onction divine qui les tempère, et quelquefois les rend plus douces qu’aucune joie du monde ? De nous mêmes, pécheurs misérables, nous n’avons droit qu’au supplice, et nous voudrions jouir ici-bas de la félicité du ciel ! Bénissons plutôt la miséricorde qui, aux peines de l’éternité, substitue les épreuves. du temps : bénissons le Dieu qui ne se souvient, durant notre pas sage sur la terre, de ce que nous devons à sa justice que pour l’oublier ensuite à jamais ; et disons-lui du fond de notre cœur brisés[5], mais plein de reconnaissance et d’amour : Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité, Seigneur, et purifiez-moi de mon péché ; car je connais mon iniquité, et mon péché est devant moi toujours[6].

  1. Rom. ix, 23.
  2. Job x, 20-22.
  3. Ps. l, 18.
  4. II Cor. iv, 11. 3.
  5. Ps. l, 29.
  6. Ps. l, 4, 5.