L’Inde après le Bouddha/Livre 5/Chapitre 1

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LIVRE V
Transformation et diffusion des doctrines Indiennes
CHAPITRE I
LE YOGA DE PATANJALI

Nous avons vu, dans l’Exposé des six systèmes philosophiques orthodoxes (1er volume), la naissance de la Sankya théiste. À son origine, elle ne fut que la confirmation du dogme Brahmanique de l’Âme Universelle et de l’Ascétisme tel qu’il est défini par Manou[1]. Après l’avènement du Bouddhisme, Patanjali ou sa secte en fit, sous le nom de Jnânayoga (Union par la connaissance) un système de pratique religieuse qui fut, avec les règles déjà tracées par Manou, le premier catéchisme du mysticisme dans l’Inde. Ce système se répandit dans tous les pays où dominait le Brahmanisme et y eut une grande faveur jusqu’au moment où il fut d’abord doublé et ensuite remplacé pour une part de plus en plus forte par le Karmajoga (l’Union par les mérites) du Baghavat gita qui fut le mysticisme appliqué à la vie courante dans le siècle. Comme la plupart des sectes ou Écoles mystiques ont emprunté plus ou moins à celles de l’Inde[2], il importe à un point de vue général aussi bien qu’au point de vue particulier de l’histoire religieuse de l’Extrême-Orient, d’exposer d’abord les doctrines mystiques de l’Inde dans l’ordre de leur genèse qui est en même temps l’ordre chronologique.

Rappellons d’abord que le mot Yoga, dans son sens spécial, désigne : « l’état d’union spirituelle ou mentale avec l’Être suprême.

Son objet et sa conclusion sont, d’après Manou et Patanjali, une absorption, même pendant cette vie, dans l’Être suprême, qui équivaut à la délivrance finale.

Les Soutras du Jnanayoga qui ont pu être recueillis sont rassemblés dans quatre traités intitulés :

I. Définition de la contemplation ou concentration de la pensée. (Samâdhi).

II. Moyens de réaliser la contemplation (Samâdhi Prapti).

III. Pouvoirs surnaturels qu’elle procure (Vihhuti).

IV. L’Extase ou l’Isolement de l’Âme (Kaivalya).

I. — Définition de la contemplation.

On distingue deux états gradués de contemplation :

Dans le premier, Samprajnata ; la raison opère encore, mais tout l’effort du jogui est employé à détruire la conscience de l’existence individuelle et à amener l’esprit à l’oubli absolu de la réalité de toute matière extérieure et à la complète conviction que l’âme est d'ores et déjà unie et confondue avec l’Un suprême. Les objets de la contemplation sont alors : Soit la nature, c’est-à-dire tout l’univers, soit notre âme propre.

On admet que le Samprajnata comporte quatre degrés :

1. Au premier degré, on efface la distinction entre une chose et le nom qui la désigne[3]. À force de répéter intérieurement le nom, en ayant dans le même temps la chose présente à l’esprit, on finit par confondre les deux dans une identité ; ainsi le Yogui quand il prononce intérieurement le mot Iswâra (l’Être suprême) a son image fortement imprimée dans l’esprit.

2. Au second degré, par une application constante dans ce sens, toute distinction de forme, de temps et de lieu disparaît, et, à l’occasion on se croit être soi-même quoique ce soit, et cela dans un temps et en un lieu quelconque.

3. Au troisième degré, en associant ensemble constamment la Nature (prakriti) et l’Esprit (purusha) jusqu’à ce que l’on se figure le dernier comme existant seul dans chaque objet, on perd le sentiment de l’existence de la matière en général et de son propre corps en particulier et on est mentalement sans corps (videha).

4. Au quatrième degré, la propre existence (ahankâra), ne semble plus qu’un reflet de notre sens intérieur (manas) et l’être suprême se manifeste seul.

L’Asamprajnatâ ou second état de contemplation, se définit ainsi :

La raison (faculté de raisonner) a disparu ; elle est comme absente ou totalement éclipsée. Il y a abstention complète d’action et dépensée ; c’est le culmen ou le summum de l’abstraction mentale ; on a perdu même le » ’. conscience de l’existence individuelle et mentalement on ne fait plus qu’un avec l’Être suprême.

À la contemplation ainsi décrite Samprajnata et Asamprajnata, il y a une préparation qui consiste :

Dans le renoncement à tous intérêts mondains, aux espérances, aux désirs, à l’amour, à la haine ; par ce renoncement on surmonte les cinq obstacles au Yoga (l’Union) qui sont ; la douleur, le chagrin, la peur, la perte du souffle et l’expiration.

2° Dans le Pranayama : cet exercice consiste à concentrer le plus possible l’air dans le corps en retenant l’expiration[4] et à fixer dans le même temps la pensée sur un point particulier des organes des sens, comme le bout du nez, l’extrémité de la langue, le conduit de l’oreille etc., jusqu’à ce qu’on arrive à identifier ce point avec l’Être suprême (à se figurer l’Etre suprême sur ce point). Ou bien encore on fixe la pensée sur quelque objet extérieur comme le soleil, la lune, le feu, etc., ou sur son propre cœur, ou au fond de la gorge ou le sommet du crâne. On suppose alors que le cœur (le manas) est le siège de l’âme et que celle-ci à la mort s’élève par la gorge jusqu’au palais et au crâne, et, sortie de là emprunte un rayon du soleil jusqu’à la lune, en traversant le feu, s’en va au soleil et de là à l’Être suprême. Et concentrant la pensée sur ces lieux ou objets, le Yogui se figure qu’il accomplit présentement ce voyage et il se trouve ainsi mentalement « délivré. »

3° À répéter indéfiniment les noms et les attributs de la divinité ; par là on arrive à les identifier avec l’Être auquel ils se rapportent, de telle sorte qu’il se trouve finalement présent, (ou qu’on finit par être en sa présence.)

Une fois préparé par ce triple exercice, le Yogui doit travailler à acquérir la connaissance parfaite en passant par huit stages gradués :

1. Yama gouvernement de soi-même qui consiste : dans l’abstention de toute nuisance à autrui, de toute tromperie, de toute extortion ; dans le règlement des sens et la fuite du plaisir[5].

2. Niyâma. Répression de soi-même qui comprend : pureté de l’esprit et du corps, gaieté et Stoïcisme à toute épreuve ; austérité religieuse ; répétition des incantations ; rattachement de toutes les cérémonies et actes religieux à l’Être suprême (c’est-à-dire qu’on fait remonter à l’Être suprême tout culte rendu à des dieux ou objets quelconques.

3. Asana, posture ascétique : mettre le corps dans vingt-quatre situations de plus en plus gênées mais dans lesquelles le Yogui arrive par degrés à se trouver à l’aise.

4. Pranayama, comme ci-dessus[6].

5. Pratyâhâra, domination complète des sens et des organes[7].

Méditation exclusive sur l’Être suprême seul ; les sens sont fermés à toute impression par les objets extérieurs, de même que tous les membres de la tortue rentrent sous sa carapace.

III. — Possession de pouvoirs surnaturels.

Ces cinq stages sont couronnés par les trois suivants :

6. Dhârana état d’abstraction absolue dont rien ne peut faire sortir.

7. Dhyâna méditation exclusive sur l’être suprême.

8. Samâdhi concentration incessante de la pensée qui ôte le sentiment de tout ce qui est extérieur et même de l’individualité propre, pour fixer l’esprit complètement et irrévocablement sur l’Être Unique. Ces trois derniers stages constituent le Sanayama concentration parfaite : le Yogui consommé dans le Sanayama possède d’innombrables pouvoirs surhumains dont voici les trente-quatre principaux.

En fixant l’esprit sur les objets énoncés à gauche de la page ;

On obtient les résultats énumérés à droite symétriquement à ce qui l’est à gauche.

2. Les mots ou la nomenclature — la possession de toutes les sciences.

3. Les lignes des mains. — la connaissance de nos existences antérieures.

4. Le cœur des autres — la connaissance de leurs pensées.

5. Nous-même. — le pouvoir de nous rendre invisibles.

6. Nos propres actions — la connaissance de leurs conséquences futures.

7. La compassion et la sympathie — la bienveillance pour tous les êtres (on reconnaît ici l’influence du bouddhisme).

8. La force — force parfaite.

9. Le soleil — le pouvoir de tout voir comme lui.

10. La lune — la connaissance des lois de l’astronomie.

11. L’Étoile polaire — la connaissance des constellations.

12. Le cœur et l’estomac — la connaissance de l’anatomie.

13. Le fonds de la gorge — l’apaisement de la faim et de la soif.

14. Le larynx — le maintien de la posture ascétique.

15. L’Universalité des Manas — la connaissance des pensées présentes ou futures.

16. Le siège de l’esprit — la connaissance des pensées

17. L’état du Yogui émancipé (délié) — la connaissance et la vue de l’esprit séparé de la matière.

Les pouvoirs suivants font aussi partie du titre IV.

IV. — De l’Extase ou Isolement de l’Âme.

Sous ce titre, on décrit l’état de délivrance même pendant la vie (Jivanmukti), l’Union la plus haute avant la réabsorption dans l’Etre suprême. Le corps existe encore, et par suite l’âme en lui ; mais tout lien entre les deux est rompu ; l’âme peut quitter le corps et y revenir à volonté en faisant toute excursion qu’il lui plaît[8]. Dans cet état elle possède les huit derniers pouvoirs ou dons surnaturels.

18. Celui de prendre possession du corps d’un vivant ou d’un mort et de le faire agir comme s’il était son propre corps.

19. Une subtilité ou ténuité extrême, infinie.

20. Un éclat ou rayonnement incomparable.

21. La faculté d’entendre les sons émis à toute distance et même dans les autres mondes.

22. Celle de se transformer dans l’un quelconque ou l’ensemble des cinq éléments.

23. Celle de passer et de pénétrer partout (Le Dharma Nada dit cependant deux fois : Il n’y a pas de chemin à travers l’air).

24. Le pouvoir de changer le cours de la nature.

25. L’obtention de la délivrance finale (la réabsorption dans l’âme Universelle).

On donne encore une autre liste des huit derniers dons ou pouvoirs.

1. Animan, faculté de réduire le corps à la grandeur d’un atome,

2. Mahiman ou Gariman, augmenter à volonté de grandeur et de poids.

3. Laghman, rendre le corps léger à volonté.

4. Atteindre ou toucher un lieu quelconque quelque éloigné qu’il soit.

5. Prâkâmya, exercice illimité de la volonté.

6. Tsitra, obtenir un pouvoir absolu sur soi et les autres.

7. Vâsita, assujettir les éléments.

8. Ramavasagita, pouvoir de supprimer tous les désirs.

Résumé.

En résumé le Yogui de Patanjali passe par quatre états principaux.

Dans le premier, il apprend les règles du Yoga.

Dans le second, il acquiert la connaissance parfaite.

Dans le troisième, par la vertu de cette connaissance, il maîtrise l’influence matérielle des éléments primaires.

Dans le quatrième état, il détruit en lui-même toute conscience, de personnalité et d’invidualité (ahankara) propres, et alors son âme est affranchie et séparée de la matière.

Sous le nom d’Union spirituelle, le Baghavat Gita admet comme Patanjali le Yoga par la connaissance, en ayant soin de faire consister la connaissance principalement dans la possession et direction de soi-même et la répression des sens, dans une iinpeAurbahle égalité d-âme et le stoïcisme, dans la dévotion à l’être suprême et dans l’investigation consciencielle.

L’Ascétisme de Manou et le mysticisme de Patanjali, impliquent, le premier surtout, l’isolement du monde et l’abstention de l’action[9].

Le Karmajoga du Baghavat Gita est au contraire la Dévotion, l’Union mystique, en restant dans le monde et y exerçant l’activité nécessaire.

« L’action », dit le Bien-Heureux, « vaut mieux que l’inaction, et on ne peut jamais s’en dispenser complètement, ne fût-ce que pour entretenir la vie. »

« Même dans l’intérêt des hommes, tu dois agir, car tu leur dois l’exemple du bien. C’est ainsi que, moi que rien n’oblige à l’action, j’agis sans cesse pour que les Êtres m’imitent. »

L’Union mystique consiste à vivre détaché du monde illusoire dans le monde même, les yeux toujours fixés uniquement sur l’être suprême, tout en lui, lui rapportant tout à titre d’adoration et d’accomplissement du sacrifice, m’obéissant jamais à un mobile intéressé, c’est-à-dire étranger à l’adoration elle-même pour elle-même, et ne se préoccupant aucunement du résultat de l’accomplissement de l’œuvre obligée.

Rien d’extrême et de forcé dans cette dévotion.

La dévotion qui triomphe de la triple douleur naît de la modération dans le manger, dans la récréation, dans le sommeil, dans la veille, etc.

Le dévot qui par des efforts incessants et acharnés s’est purifié de tous ses péchés, et a conquis la perfection après plusieurs renaissances est détaché de tous ses liens avec la matière et arrive au but suprême (l’Esprit Unique). »

« Le solitaire (Sanyassi) qui pratique l’Ascétisme absolu, le disciple de Pantajali qui s’applique uniquement à la connaissance et le simple fidèle qui se borne à accomplir les devoirs de la Caste et les cérémonies du culte errent tous trois par exclusivisme et restriction. »

« Le dévot (Yogui du Karma) réunit dans une mesure juste et vraie les conditions et mérites séparés des trois ; la pratique des exercices ascétiques, l’acquisition de l’Union spirituelle et l’accomplissement à titre de sacrifice des œuvres, de l’aumône, et de la mortification. Comme, à tout cela, il ajoute la dévotion (définie ci-dessus), il est supérieur à l’adoration de chacune des trois autres catégories en tant que limitée à ses exercices particuliers[10]. »

« Mais parmi les Dévots eux-mêmes (les Yoghis de l’Union mystiques), le plus excellent à mes yeux est celui qui me cherchant le plus intimement par son esprit (par l’union la plus étroite) m’adore rempli de foi[11]. »

Ainsi nous pouvons, avec le Baghavat Gita, distinguer déjà dans l’Inde quatre Mysticismes.

Celui des Ascètes et des Sanyassis décrit dans Manou qui remonte plus haut que le Sankya. Le Yoga de Patanjali par la connaissance ; il ne diffère guère du précédent que par son accessibilité et sa vulgarisation ; c’est à lui que le présent Chapitre est spécialement consacré.

Le Karma Yoga ou Union mystique, où Dévotion beaucoup plus vulgarisée encore et accessible que le précédent ; le détachement du monde dans le monde même ; il réunit à l’Ascétisme et à la connaissance, les œuvres désintéressées offertes comme un sacrifice. Il va recevoir de nouveaux développements au Chapitre suivant.

Enfin là dévotion par le cœur et par la foi, la Baktî, qui ne fait guère encore que poindre, mais qui bientôt occupera la première place dans l’Hindouïsme.

On peut voir par des passages fort rapprochés, mais appartenant évidemment à des époques très différentes du Livre VII du volume III du Baghavata Pourana, les caractères différents qu’a revêtus l’Ascète ou Yogui Indien suivant les temps et les doctrines auxquels ils correspondent. Au Chapitre 12, intitulé « des ordres » (les quatre situations des Brahmanes), nous retrouvons exactement l’Ascète de Manou, que nous avons reproduit dans « l’Inde avant le Bouddha ».

Le Chapitre suivant nous montre dans sa première partie, encore l’Ascète de Manou et de Patanjali, mais sans fanatisme, ni extravagance, ni suicide religieux et dont la doctrine porte la trace de l’empreinte qu’a faite le bouddhisme par sa théorie des causes (verset 4, mots en italique).

La dernière partie nous donne l’Ascète ou Yogui moderne. On y sent encore bien plus l’influence du bouddhisme. Nous citerons les 10 premiers versets du chapitre et les sept de la fin.


BAGHAVATA POURANA
Vol. 3, L. VII, Chap. 13. — Devoirs de l’Ascète.

1. S’il est encore valide, qu’il adopte la vie errante ; et que, ne gardant rien autre chose que son corps, ne s’arrêtant dans un village qu’une nuit, il parcoure la terre avec une indépendance complète.

2. Qu’il n’ait pour vêtement qu’un lambeau d’étoffe, qu’il ne garde qu’un bâton et les autres insignes de l’ascète.

3. Que devenu mendiant, il aille seul, trouvant son plaisir en lui-même, sans abris, ami de tous les êtres, calme, exclusivement occupé de Narayana.

4. Qu’il voie cet univers tout entier dans son âme identifiée avec l’être immuable, supérieur à la Cause et aux effets ; et qu’il se voie lui-même identifié avec le suprême Brahma, dans l’univers qui, se compose de la Cause et des effets.

5 Saisissant l’esprit de son regard, reconnaissant sa présence dans le sommeil, dans la veille et dans l’état d’Union complète, et croyant, que l’asservissement (de l’esprit) et sa délivrance sont une illusion pure et non une réalité.

6. Qu’il ne désire pas l’inévitable mort ; qu’il ne recherche pas davantage la vie qui dure si peu ; mais qu’il attende le moment fixé par le temps, ce pouvoir suprême cause de la naissance et de la fin des êtres.

Qu’il ne recherche les livres qui traitent de fausses sciences ; qu’il n’embrasse pas une profession pour vivre ; qu’il renonce aux raisonnements qui produisent les disputes ; qu’il ne s’attache obstinément à aucune opinion.

8. Qu’il ne recrute pas d’élèves ; qu’il n’étudie pas de nombreux livres ; qu’il n’emploie pas de gloses et n’entreprenne pas de fonder (des écoles) quelque part que ce soit.

9. La profession d’ascète n’est pas à elle-seule une cause de mérite pour l’homme magnanime, calme et d’un esprit égal. Un tel homme, peut porter ou rejeter les signes distinctifs de son ordre.

10. Cachant ses insignes et ne laissant voir que son but, qu’il se montre aux hommes comme un insensé et un ignorant, quoiqu’il soit sage, et comme un muet quoiqu’il soit inspiré. »

C’est le portrait de l’ascète Vichouviste après le Bouddha, mais avant l’arrivée des Occidentaux ; il ressemble beaucoup à celui de Manou sauf quelques différences provenant sans doute du Bouddhisme.

On fait dire à un Ascète : (c’est le type actuel de l’Ascète).

36. Inactif, content de ce que me fournit le hasard, s’il ne me vient rien, je reste maître de moi-même, couché pendant plusieurs jours comme le grand reptile.

37. Je mange tantôt beaucoup tantôt peu, et des aliments les uns bons, les autres mauvais.

38. Quelquefois c’est une nourriture qui m’est offerte avec foi, tantôt elle m’est abandonnée par l’orgueil ; et je la prends même ayant mangé, en quelque lieu que ce soit, le jour, la nuit, à l’aventure.

39. Je porte pour vêtement du lin, de la soie, une peau, des haillons, l’écorce des arbres, ou la première chose que je trouve, jouissant de ce que m’offre le destin et l’esprit toujours satisfait.

40. Je dors quelquefois sur la terre, sur le gazon, sur des feuilles, sur la pierre, ou sur des cendres ; d’autrefois dans un palais, sur un lit ou sur le duvet sans rien, désirer autre chose.

41. Quelquefois, sortant du bain, le corps frotté de substances onctueuses, bien vêtu, portant une guirlande et des parures, je me promène en char sur un éléphant où à cheval ; d’autrefois, seigneur, je vais nu comme un démon.

42. Je ne loue pas plus que je ne blâme ceux dont les sentiments me sont naturellement contraires : je leur souhaite le bonheur et l’avantage d’être réunis à l’âme universelle.

43. L’homme doit sacrifier le doute dans le feu de la pensée, celle-ci dans le cœur ou règne le trouble causé par les objets ; après avoir sacrifié le cœur dans la personnalité, il immolera ensuite celle-ci dans l’illusion.

  1. Se reporter à ce que nous avons dit àu 1er volume, du caractère encyclopédique de la philosophie contenue dans le Yoga Çastra de Patanjali : six livres de Sutras, morale, pratiques religieuses, spéculation transcendante, illuminisme mystique, mortification de la chair, renoncement.
  2. Voir, notre mémoire sur les origines et tendances des ordres religieux Musulmans de l’Algérie (Annales de l’Extrême-Orient et de l’Afrique) nos 171 à 177, 15 février à 1er mai 1891.
  3. On a déjà vu cela dans le Mimansa ; on le verra aussi au Bouddhisme de la Chine.
  4. Les Hindous croient que l’aspiration de l’air aide à concentrer et à abstraire les pensées et à empêcher les impressions extérieures. Le Chandogya Upahischad désigne cinq sortes d’air comme des êtres divins auxquels on doit faire des offrandes. Le Hatha-Dépika dit : « Tant que l’air resté dans le corps, la vie y reste aussi. La mort est la sortie du souffle. Il faut donc retenir l’air dans le corps ».

    Les Hindous croient qu’une fente ou suture appelée le Brahma-randram au sommet du crâne sert d’issue (de soupape) pour l’échappement de l’âme lors de la mort. Quelquefois, on fend le crâne d’un Yogui indien à sa mort en le frappant avec une coquille sacrée. L’idée est de faciliter la sortie de l’âme. L’âme d’un méchant est supposée sortir par une des ouvertures inférieures du corps.

    L’emprisonnement de l’air dans le corps est un des exercices les plus appréciés des Ascètes. En réglant la respiration, l’air peut entrer par une narine (l’autre étant bouchée avec le doigt), être retenu dans le poumon et ensuite rejeté par l’autre narine. L’exercice est pratiqué alternativement avec la narine droite et la gauche pour que l’air reste emprisonné aussi longtemps que possible dans le poumon. De là on le pousse par un effort de volonté vers les organes internes du corps ou bien on le force à remonter vers le centre du cerveau.

  5. Le n° 1 est la reproduction des cinq préceptes bouddhiques prohibitifs.
  6. Presque tous les exercices du Pranayama font partie de ceux que le Brahme Grahâsta (maître de maison) est tenu encore actuellement d’accomplir tous les jours. Voir le père Dubois et nos notices sur l’Inde.
  7. On peut voir encore aujourd’hui dans l’Inde les moyens matériels employés dans ce but par certains dévots. L’abbé Dubois en donne le détail curieux. Le Yoga professait que les adeptes rompus dans la science occulte pouvaient mettre leur corps grossier (on se souvient que la Sankya et le Bouddhisme admettent trois corps) dans un état d’inconscience et par un effort déterminé de la volonté ; projeter au dehors à travers les pores de la peau le corps éthéré (subtil) et rendre cette forme de fantôme visible pour des lieux éloignés. Le colonel Olcott et M. Sinnett mentionnent cette faculté comme particulièrement caractéristiques de l’occultisme asiatique.

    Ce qui sépare l’Occultisme Indien, du spiritisme, c’est que, dans le premier, il existe toujours un corps plus ou moins subtil : pour le second l’Esprit, est l’âme de l’âme.

  8. Les Ascètes Hindous prétendent rester, par l’extase, en anesthésie pendant plus d’un mois. Au Punjab un Yogui fut sur sa demande enterré vivant en présence de Runjitsingh et de sir Claude Vade, les yeux, les oreilles et autres orifices du corps ayant été préalablement bouchés avec des tampons de cire. Le docteur G. Grégor était chargé de suivre l’expérience avec surveillance organisée. Après 40 jours, on exhuma devant les autorités. Le corps était desséché comme des brindilles, et la langue repliée était comme un morceau de corne. On suivit les instructions laissées par le Yogui pour la restauration de l’animation, et celui-ci revenu à l’existence ordinaire déclara qu’il n’avait eu conscience que d’une sorte de béatitude extatique dans la Société d’autres Yoguis ou Saints et qu’il était prêt à se faire enterrer de nouveau.

    S’il n’y a pas eu fraude, l’explication scientifique serait que les Yoguis connaissent les procédés d’hivernation de certains animaux.

    On cite le colonel Town-Send comme ayant réussi dans un essai semblable.

  9. Suivant l’Upanishad la plus importante, c’est en ne pensant à quoi que ce soit, qu’on se délivre des formes de l’existence et qu’on a la vue de Brahma.
  10. Ici et plus loin les mots dévotion et dévot sont entendus dans un-sens tout spécial et qui équivaut à peu près à celui de mysticisme et mystique. Tous les brahmes investis (savans) ont cette dévotion par l’emploi obligatoire de leur journée.
  11. On retrouve dans l’ensemble et le détail de ces citations du Baghavat Gita l’Éclectisme qui caractérise l’œuvre elle-même toute entière.