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La Revanche du prolétariat/La Marianne populaire

La bibliothèque libre.
Librairie socialiste internationale (p. 34-36).

LA MARIANNE POPULAIRE

DE 1883[1]


REFRAIN

 Va, Marianne,
Pour en finir avec tes ennemis,
 Sonne, sonne la diane
 Aux endormis !

Mon nom, à moi, c’est Marianne,
Un nom connu dans l’Univers ;
Car j’aime à porter d’un air crâne
Mon bonnet rouge de travers ;
Et du peuple robuste fille,
Au jour des fiers enivrements,
Je veux au grand soleil qui brille,
Avoir des mâles pour amants ! (Refrain.)

Arrière donc, race apeurée,
Plats courtisans, vils histrions,
Chacals repus de la curée,
Après la chasse des lions !…
J’eus de tout temps, je vous l’avoue,
La sainte horreur des calotins ;
Mais ces galants crottés de boue
Me font l’effet de cabotins ! (Ref.)

Nom de nom ! faut-il que je voie,
Me faisant encore la cour,
Ce chauve au bec d’oiseau de proie,
Monsieur Vautour, Monsieur Vautour…
Ah ! par le dégoût soulevée,
Pour écraser sous mes talons
L’oiseau rapace et sa couvée,
Je marcherais sur les canons ! (Ref.)

Dur forgeron, batteur sublime,
Noir mineur, du jour exilé,
Marin qui passes sur l’abîme,
Vieux laboureur, père du blé,
À votre appel, mon sein tressaille,
Car de vous tous je suis la sœur,
Car j’appartiens à la canaille,
Et je m’en fais beaucoup d’honneur ! (Ref.)


Quand le vieillard que l’on rebute,
Seul pour mourir se couche au soir ;
Quand vos filles, de chute en chute,
Roulent aux hontes du trottoir ;
Quand le spectre errant de la grève
Sort en haillons de ses taudis,
Là, de pitié, mon cœur en crève,
Et les heureux, je les maudis ! (Ref.)

C’est pourquoi ma gaîté native,
Avec ses vieux refrains, a fui ;
À ma lèvre, autrefois naïve,
L’amertume monte aujourd’hui ;
Ou si, devant tant de misère,
Je trouve des accents plus doux,
C’est pour tromper l’enfant sans mère,
En l’endormant sur mes genoux. (Ref.)

Des dirigeants, la caste avide
Vous répète : « Croyez au ciel ! »
Dérision ! leur ciel est vide,
Et votre enfer seul est réel !
Moi, pour faire œuvre plus féconde,
J’apporte à tous la même loi :
C’est la justice dans ce monde,
Et fi de l’autre, sur ma foi ! (Ref.)

Je hais les guerres de conquêtes,
Je hais les rois et les Césars :
En triomphateurs, sur nos têtes,
N’ont-ils pas fait rouler leurs chars ?…
Des massacreurs qu’on glorifie
Ma main châtiera les forfaits :
J’ai mis la marque d’infamie
Sur l’épaule des Galiffets ! (Ref.)

Mais si la Faim à face blême,
Devant les repus se dressant,
Leur pose en armes son problème,
Sur nos pavés rougis de sang,
Je sais bien que pour le résoudre
L’éloquence ne suffit pas :
C’est en faisant parler la poudre
Qu’on fait taire les avocats ! (Ref.)

Oui, c’est beau d’abattre les trônes,
Par un Dix-Août, en plein soleil ;
Beau de danser sur les couronnes
Le Ça Ira du grand réveil ;
Mais, chaque jour, il faut se rendre
À Capital, roi monstrueux :
Sus à ce tyran pour le prendre,
Et vous serez riches, mes gueux : (Ref.)

Ma République, ô prolétaire,
Éternel vaincu du destin,


C’est à la table égalitaire,
Ton couvert mis dès le matin ;
Et devant l’homme j’y réclame,
Pour mon sexe, la liberté :
Il faut relever dans la femme
L’aïeule de l’humanité ! (Ref.}

Tombez, tombez, vieilles barrières,
Au jour nouveau de la raison ;
Tombez, préjugés et frontières,
Avec la dernière prison !
Puis, ce sera la délivrance,
Œuvre si lente à s’accomplir :
La Bastille de l’ignorance,
C’est la plus dure à démolir ! (Ref.)

Que cette aurore fraternelle,
France, illumine, un jour, ton front,
Et, pour en porter la nouvelle
Aux désespérés qui naîtront,
Mon âme, chantant dans les cuivres,
Joyeuse, éclatera sur eux :
Et ces esclaves seront ivres,
Ivres de mon vin généreux !

Souêtre.
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  1. Texte intégral et primitif, — La musique, avec gravure, est en vente au prix de 25 centimes chez l’auteur, 15, rue Lacepède, et chez le citoyen A. Le Roy.