La Ronde du Trouvère/Les Géants

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A. Siffer (p. 51-56).

LES GÉANTS



L es Ases terrifiés tremblent, dans leurs demeures
Car Boefrest, le pont aux sept couleurs
Étendu dans le ciel par dessus de grands fleuves
Retentit du païan des races neuves.

Les fils de Muspelhem y passent à cheval,
Ces géants sont couverts de flottantes crinières
Que secouent en leurs courses les cavales.
Les fils de Muspelhem se sont armés en guerre
Pour la conquête de Walhall.

Mais les Hrinthursars, prêts d’escalader le ciel
Ont fait crouler le pont brûlant sous leur galop
Et voici que flamble, immense, l’arc en ciel
Sur la chute hurlante des guerriers et des chevaux
Pêle-mêle, dans l’incendie reflété sur les eaux.

Émergeant des rouges flots écumants
Les fils de Muspelhem traversent à cheval
Les grands fleuves soulevés et bouillonnants,
Pour la conquête du Walhall.

Les voici, hagards de rage, hurlant
Comme un déchaînement de fauves furieux,
Devant le palais d’or éblouissant,
Qui résonne et tombe, sous leur choc impétueux.

Les dieux se défendent au chant funèbre
De celle qui lut leur destin sombre,
La nuit, dans les étoiles sans nombre
Suscitées par Odin pour vaincre les ténèbres.

Les armures de bronze et de fer retentissent,
Comme le tonnerre dans le ciel épouvanté,
Où tombent dieux et monstres ensanglantés,
C’est Odin avalé par Fenris
Et le terrible Thorr
Tuant le serpent Midgord,
Et Vidarr arrachant la mâchoire de Fenris.


Les cris et les râles et les rugissements
Se mêlent au fracas des rochers qui s’écroulent
Tandis qu’au ciel, des rivières rouges coulent
Vers les grands fleuves empourprés du couchant.

Et Loke ayant tué Heindall est terrassé,
Puis, avec les entrailles de son enfant,
Au roc lié,
Au dessus de lui, Skade enroule un serpent,
Qui lui crache au visage son venin.
Il tremble et la terre tremble de ses frémissements,
Et sa femme Sigyn recueillant le venin,
Le lui verse sur les lèvres, sur les yeux douloureux,
Glauques lacs où gisent, vaincus les géants, les dieux.