La marche des animaux

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Traités des parties des animaux et de la marche des animaux, tome II
traduits pour la première fois en français et accompagnés de notes perpétuelles par J. Barthélemy-Saint Hilaire
Traduction par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire.
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Texte établi par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, Librairie Hachette.

LIVRE III


CHAPITRE PREMIER

Des dents et de la bouche ; double destination des dents : élaborer les aliments et servir à la défense de l’animal ; rôles des dents aiguës, des molaires et des canines ; rôle des dents chez l’homme pour l’articulation de la parole ; des crocs et des dents en scie ; prévoyance de la nature ; différences des organes selon les sexes ; dents des poissons sur la langue et sur le palais ; rôle de la bouche ; ses diverses fonctions, pour la respiration, pour le combat, pour le langage ; le bec des oiseaux leur tient lieu de bouche ; différences du bec selon les espèces ; bec recourbé des oiseaux carnivores et à serres crochues ; becs droits et forts pour frapper les arbres ; becs des oiseaux herbivores et des palmipèdes ; becs dentelés, et à quelle intention ; résumé ; le visage de l’homme, seul animal qui se tienne droit.

§ 1[1]. Aux organes dont il vient d’être question, tient de très près chez les animaux l’organisation des dents et celle de la bouche, que les dents environnent et qu’elles constituent. Pour les animaux autres que l’homme, les dents ont une destination commune, et elles servent à élaborer les aliments ; mais dans certaines espèces particulières, les dents servent aussi à la défense, qui se partage elle-même en deux objets consistant à faire et à ne pas souffrir. En effet, certains animaux ont des dents pour ces deux fins, de ne pas souffrir et de faire, par exemple les animaux sauvages qui sont carnassiers par nature ; d’autres, au contraire n’ont des dents que pour leur propre conservation, comme sont bon nombre d’animaux sauvages et d’animaux domestiques. § 2[2]. Mais l’homme a reçu de la nature des dents qui sont admirablement propres à l’usage commun, les dents de devant étant aiguës pour pouvoir déchirer, et les molaires étant larges et plates pour pouvoir broyer. Les canines se rapprochent des unes et des autres, et elles tiennent, par leur nature, le milieu entre les deux. Le milieu participe toujours des deux extrêmes à la fois ; et les canines sont tout ensemble aiguës et larges. Du reste, il en est de même dans ceux des animaux dont les dents ne sont pas toutes aiguës. § 3[3]. Mais les dents, dans la forme et dans le nombre où l’homme les possède, servent surtout à la parole ; car les dents de devant sont de la plus grande utilité pour prononcer les lettres. § 4[4]. Il y a des animaux qui, comme on vient de le dire, n’ont de dents que pour se nourrir. Mais ceux qui en ont à la fois pour leur défense et aussi pour l’attaque, ont tantôt des crocs comme le sanglier ; tantôt ils ont des dents aiguës et chevauchant les unes dans les autres, d’où vient qu’on dit de ces animaux qu’ils ont les dents en scie. En effet, comme toute la force de ces animaux réside dans leurs dents, qui ne peuvent être puissantes qu’à la condition d’être aiguës, celles qui doivent servir à la lutte s’emboîtent et entrent les unes entre les autres, afin qu’elles ne puissent pas s’émousser en se frottant entre elles. § 5[5]. Du reste, pas un seul animal n’est tout à la fois armé de dents en scie et de crocs, parce que la nature ne fait jamais rien en vain, ni rien d’inutile. Parmi les animaux, les uns se défendent en frappant ; les autres, en mordant ; et c’est là ce qui fait que les femelles des sangliers doivent mordre, parce qu’elles n’ont pas de crocs.

§ 6[6]. Il nous faut ici faire une remarque qui nous servira pour le sujet que nous traitons, et pour bien des choses que nous aurons à dire plus tard. En ce qui concerne les organes qui peuvent être utiles pour l’attaque et pour la défense, la nature les répartit aux animaux qui peuvent seuls les employer, ou qui les emploient davantage ; elle les donne surtout à ceux qui en font le plus d’usage, aiguillon, ergot, cornes, crocs, et tel autre organe de cette sorte ; et comme le mâle est plus fort et plus courageux, c’est tantôt lui seul qui a des organes de ce genre, et tantôt c’est lui qui les a plus que la femelle. § 7[7]. Quand ce sont des organes indispensables même aux femelles, par exemple les organes relatifs à l’alimentation, elles en ont de plus faibles, mais elles les ont. Quant aux organes qui ne servent pas à des fonctions absolument nécessaires, les femelles ne les ont plus ; et voilà comment, dans l’espèce des cerfs, les mâles ont des cornes, et comment les femelles n’en ont pas. Les cornes des bœufs-femelles diffèrent également des cornes des taureaux ; et la même différence se retrouve chez les moutons. Dans les espèces qui sont armées d’ergots, le plus souvent les femelles n’en sont pas pourvues.

§ 8[8]. Les mêmes variétés se retrouvent pour d’autres organes de même ordre. Tous les poissons ont les dents alternées en scie, excepté le poisson qu’on appelle le scare. Beaucoup de poissons ont même des dents sur la langue et au voile du palais. La cause de cette organisation, c’est qu’étant nécessairement plongés dans le liquide, ils l’avalent en même temps que leur nourriture, et qu’ils doivent rejeter bientôt le liquide absorbé. Ils ne peuvent donc pas être longtemps à broyer leurs aliments, parce que le liquide pénétrerait jusque dans leurs cavités intérieures. Aussi, toutes leurs dents sont-elles aiguës pour déchirer la nourriture qu’ils prennent. Aussi encore, ces dents sont-elles nombreuses et répandues en plusieurs endroits, afin qu’au lieu de broyer, elles divisent, grâce à leur nombre, en une foule de morceaux les aliments que prend l’animal. Elles sont en outre recourbées, parce que c’est dans ces conditions que consiste toute leur force.

§ 9[9]. La bouche que la nature a donnée aux animaux leur sert pour ces diverses fonctions et leur sert aussi pour la respiration, dans toutes les espèces qui respirent et qui tirent leur refroidissement du dehors. Ainsi que nous venons de le dire, la nature, dans les combinaisons qui lui sont propres, emploie les organes communs de toutes ces fonctions à certaines fonctions particulières. Par exemple, la fonction générale de la bouche dans tous les animaux, c’est de servir à leur alimentation ; mais chez quelques-uns, la bouche sert très spécialement au combat et à la lutte ; chez d’autres, elle sert au langage ; mais elle n’est pas chez tous les animaux employée à la respiration. § 10[10]. La nature a réuni toutes ces fonctions en un soûl organe, faisant que la variation de cette seule et unique partie puisse servir à des usages variés. Ainsi, tels animaux ont la bouche plus étroite ; tels autres ont une grande bouche. Tous ceux où la bouche sert tout ensemble à l’alimentation, à la respiration et au langage « ont une bouche plus petite. Mais quand la bouche doit servir à la défense, les animaux à dents alternées ont tous des bouches très ouvertes. La lutte, pour eux consistant dans des morsures, il fallait que l’ouverture de la bouche fût très-grande pour leur être utile à cette condition. Ils peuvent mordre alors avec plus de dents et surplus d’étendue, en proportion même de l’ouverture de leur gueule. § 11[11]. Les poissons qui mordent et qui sont carnassiers ont une bouche de ce genre ; mais ceux qui ne sont pas carnivores ont la bouche en pointe et tronquée, parce que de cette façon elle leur est utile, et que de l’autre façon elle ne le leur serait pas.

§ 12[12]. Les oiseaux ont pour bouche ce qu’on appelle leur bec ; le bec leur tient lieu en effet de lèvres et de dents. Le bec diffère selon les usages auxquels il sert, et selon le secours dont l’être a besoin. Les oiseaux à serres recourbées, comme on les appelle, ont tous le bec recourbé aussi, parce qu’ils mangent de la chair et qu’ils ne se nourrissent jamais de fruits. Ainsi fait, le bec leur sert à vaincre l’ennemi ; et sous cette forme, il est plus solide pour leur assurer la victoire. La force nécessaire à ces oiseaux pour le combat est dans leur bec et dans leurs serres, qui, dans cette vue, sont plus recourbées. § 13[13]. Chez les autres espèces, le bec sert à chacune pour leur genre de vie. Ainsi, dans les oiseaux qui frappent les arbres, le bec est fort et dur, comme il l’est chez les corbeaux et dans les espèces analogues au corbeau. Dans les petits oiseaux, le bec est mince, pour qu’ils puissent recueillir les fruits et attraper les animaux tout petits. § 14[14]. Ceux qui mangent des herbes et qui vivent près des marais, comme les nageurs et les palmipèdes, ont tantôt un bec qui leur est utile d’une autre façon, tantôt ils ont un bec très large. Avec un bec de ce genre, ils peuvent aisément creuser la terre, comme le fait, dans les quadrupèdes, le groin du cochon, qui vit de racines. Les oiseaux qui se nourrissent également de racines, et quelques-uns de ceux qui vivent comme eux, ont les extrémités du bec dentelées ; car pour manger de l’herbe, un bec ainsi fait rend leur alimentation facile.

§ 15[15]. Ainsi, nous venons de parler de presque toutes les parties qui sont dans la tête. Chez l’homme, la partie qui est comprise entre la tête et le cou s’appelle le visage, et l’on peut croire qu’on l’a nommé ainsi à cause de la fonction qu’il remplit. Comme l’homme est le seul animal qui se tienne droit, il regarde en avant de lui ; et c’est également en avant qu’il émet sa voix.

CHAPITRE II

Des cornes ; toujours placées sur la tête des animaux ; destination des cornes ; les animaux qui ont plusieurs doigts n’ont pas de cornes ; diversité des moyens de défense que la nature a ménagés aux animaux ; elle leur a donné deux cornes, parce qu’il y a deux parties dans le corps, gauche et droite ; exceptions ; animaux unicornes ; explication de cette anomalie ; justification de la nature contre le Momus d’Ésope ; nature particulière de la corne du cerf ; cornes creuses, toujours à pointe solide ; sagesse de la nature dans la composition des cornes ; rapport des cornes et des os ; pourquoi dans l’espèce-cerf les femelles n’ont pas de cornes ; rapport des cornes avec les os

§ 1[16]. C’est aussi le lieu de parler des cornes, parce qu’elles sont placées sur la tête dans les animaux qui en ont. Il n’y a que les vivipares qui en aient. Il est bien quelques autres espèces dont on dit par assimilation et par métaphore qu’elles ont des cornes ; mais, dans aucune de ces espèces, il n’y a de cornes véritables, remplissant leur office. Les vivipares ont des cornes pour la défense et pour l’attaque, ce qui ne se voit dans aucune de ces espèces auxquelles on attribue de prétendues cornes ; car il n’en est pas une qui se serve de ses cornes pour se défendre, ni pour vaincre ses ennemis ; ce qui est proprement l’œuvre de la force. § 2[17]. Il n’y a pas d’animal ayant des pieds à plusieurs divisions qui soit pourvu de cornes. La cause en est que la corne n’est qu’un moyen de défense, et que les animaux ayant des pieds à plusieurs divisions ont dès moyens de défense différents de celui-là. Aux uns, la nature a donné des ongles ; aux autres, elle a donné des dents meurtrières ; à d’autres encore, tels autres moyens très suffisants de se défendre. Mais la plupart des animaux à double pince ont des cornes propres à la lutte et au combat ; ainsi que quelques solipèdes, d’autres en ont aussi pour se défendre. Ceux auxquels la nature n’a pas donné de cornes ont, pour leur conservation, une autre ressource ; ils ont reçu d’elle la rapidité de la course, comme le cheval, ou la grandeur du corps, comme les chameaux ; car une supériorité de grandeur suffît pour empêcher qu’un animal ne soit détruit par les autres animaux ; ce qui est le cas des chameaux, et bien plus encore des éléphants. D’autres animaux qui ont des crocs ou boutoirs, comme les sangliers, ont deux pinces. § 3 Toutes les fois que le développement des cornes aurait été inutile, la nature assure à l’animal un autre genre de défense ; ainsi, elle donne aux cerfs la vélocité ; car la grandeur et la division du bois leur nuit plutôt qu’elle ne leur sert. La nature a donné cette même vélocité aux buffles et aux gazelles, qui se défendent d’abord avec leurs cornes contre certaines attaques, et qui peuvent échapper par la rapidité de leur fuite aux bêtes fauves et aux animaux belliqueux. Même aux bonases qui ont des cornes recourbées l’une vers l’autre, la nature va jusqu’à donner la faculté de lancer leurs excréments ; ce qui les aide à se défendre, quand ils ont peur. Il y a d’autres animaux encore qui se sauvent par une projection semblable de leurs excréments.

§ 4[18]. D’ailleurs, la nature n’a pas accumulé, pour les mêmes animaux, plusieurs moyens, quand un seul suffisait à les défendre. La plupart des animaux pourvus de cornes ont le pied fourchu ; on cite même comme ayant des cornes le solipède qu’on nomme l’âne indien. § 5[19]. Dans la plupart des animaux, de même que les organes du corps au moyen desquels ils se meuvent se partagent en droite et en gauche, de même, et par une raison toute pareille, la nature leur a fait deux cornes. Il y en a cependant quelques-uns qui n’ont qu’une seule corne, comme l’Oryx et l’âne indien, dont on vient de parler. L’Oryx a le pied fourchu ; mais l’âne de l’Inde est solipède. Les animaux à une corne unique l’ont au milieu de la tête ; car cette position est la plus propre à donner, en quelque sorte, une corne à chaque côté, puisque le milieu est commun aux deux extrêmes. § 6[20]. Il semblerait plus rationnel que le solipède eût une corne unique plutôt que l’animal à pied fourchu. La sole et la pince sont de même nature que la corne, de telle manière que les soles et les cornes se divisent tout ensemble et de la même manière chez les mêmes animaux. De plus, la division et la double pince ne sont qu’un défaut de la nature ; et il est conforme à la raison qu’ayant donné aux solipèdes un avantage dans leurs soles, la nature leur ôte quelque chose par en haut et ne leur accorde qu’une seule et unique corne.

§ 7[21]. C’est encore avec grande sagesse que la nature a placé les cornes sur la tête ; et elle n’a pas fait les choses comme le voulait le Momus d’Ésope, qui reprochait au taureau de n’avoir pas les cornes sur les épaules, ce qui l’aurait aidé, disait-il, à frapper les coups les plus terribles, et de les avoir sur la partie la plus faible de la tête. C’est faute d’avoir porté ses regards assez loin que Momus risquait cette critique ; car de même que, si la nature avait mis les cornes sur toute autre partie du corps, elles n’auraient eu qu’un poids excessif qui les aurait rendues absolument inutiles et qu’elles eussent été gênantes dans une foule de cas et de mouvements, de même les cornes placées sur les épaules auraient été également embarrassantes. § 8[22]. C’est qu’il ne faut pas regarder seulement au point du corps d’où les coups seraient les plus vigoureux ; il faut aussi regarder au point d’où ils peuvent porter le plus loin possible. Par conséquent, comme les animaux n’ont pas de mains et qu’il était bien impossible de placer leurs cornes sur leurs pieds, puisque, placées sur les genoux, elles eussent empêché toute flexion, il fallait nécessairement les leur mettre sur la tête, comme ils les ont maintenant ; et c’est grâce à cette disposition que les cornes empêchent aussi le moins possible tous les autres mouvements du corps.

§ 9[23]. Il n’y a que les cerfs qui aient des cornes pleines d’un bout à l’autre ; et le cerf est le seul animal qui les perde. Cette chute de leurs bois leur est bonne en ce qu’elle les allège, et elle est nécessaire, parce que ces bois sont très pesants. Dans tous les autres animaux, les cornes sont creuses jusqu’à une certaine limite ; mais la pointe est toujours solide, parce que cette solidité est utile pour porter les coups. Et pour que le creux ne fût pas trop faible, la nature n’a pas pris les cornes sur la peau ; mais elle a mis la partie solide de la corne en accord avec les os. § 10[24]. Les cornes disposées comme elles le sont naturellement, sont tout ensemble le plus utiles possible pour la lutte, et le moins gênantes pour toutes les autres fonctions de la vie.

§ 11[25]. Nous venons d’expliquer quel est le but de la disposition que la nature a donnée aux cornes, et nous avons dit pourquoi tels animaux ont des cornes ainsi faites, et tels autres n’en ont pas. Voyons maintenant comment, la nature des cornes étant nécessairement ce qu’elle est dans les animaux qui en sont pourvus, la nature, qui est toujours raisonnable, a dû nécessairement aussi les employer à des usages de diverses sortes. D’abord, comme la partie matérielle et terreuse est plus grande dans les animaux plus grands, nous ne connaissons pas de très petit animal qui ait des cornes ; le plus petit de tous ceux qu’on connaît est la gazelle. § 12[26]. Mais pour bien savoir ce qu’est la nature, il faut regarder à la majorité des cas ; car l’ordre vrai de la nature se montre, ou dans l’ensemble de tous les cas, ou du moins dans leur pluralité. Or, la partie osseuse dans le corps des animaux est terreuse ; aussi la plus grande quantité de matière osseuse se rencontre-t-elle dans les plus grands animaux, si l’on regarde à la généralité. Comme il y a un excès de cette sécrétion spéciale dans les plus grands animaux, la nature la détourne pour en faire une ressource et une utilité ; et comme cette matière se dirige et afflue nécessairement en haut, la nature la répartit chez certains animaux en dents et en crocs ; et chez d’autres, elle la répartit en cornes. § 13[27]. De là vient que pas un animal à cornes n’a la double rangée de dents ; car les dents de devant leur manquent à la mâchoire supérieure. En les leur enlevant, la nature en a fait profiter les cornes ; et la nourriture qu’elle eut donnée à ces dents-là, est employée à faire croître les cornes. § 14[28]. Si les femelles des cerfs n’ont pas de cornes, tandis qu’elles ont des dents toutes pareilles à celles des mâles, c’est que les femelles et les mâles ont la même nature, et que tous deux sont des bêtes à cornes. Si les cornes sont refusées aux femelles, c’est qu’elles ne sont pas même utiles aux mâles, qui en souffrent moins à cause de leur force. § 15[29]. Quant aux autres animaux chez lesquels cette partie du corps ne produit pas cette sécrétion, tantôt la nature leur fait croître à tous des dents énormes ; tantôt elle leur donne des crocs, qui sont comme des cornes sortant des mâchoires.

CHAPITRE III

Du cou et des différents organes qu’il renferme, le pharynx et l’œsophage, pour la respiration et pour les aliments ; rôle et organisation de l’œsophage ; rôle du pharynx dans la voix ; rôle de l’artère, qui ne reçoit pas la boisson, comme on le croit généralement ; rôle de l’épiglotte dans les animaux à poumon ; comment le pharynx supplée à l’épiglotte chez les animaux qui n’ont pas cet organe ; prévoyance de la nature ; position nécessaire de l’artère et du pharynx en avant de l’œsophage ; l’artère et le pharynx vont au poumon ; l’œsophage va à l’estomac ; le devant et le derrière, le haut et le bas, la droite et la gauche.

§ 1[30]. Après avoir parlé, comme nous venons de le faire, des diverses parties dans la tête, nous trouvons, au-dessous de la tête, le cou, dans les animaux auxquels la nature en a donné un. Tous les animaux, en effet, rien ont pas ; et les seuls qui en aient sont ceux qui ont les organes pour lesquels le cou est naturellement fait. Ce sont le pharynx, et ce qu’on appelle l’œsophage. Le pharynx est destiné par sa nature à la respiration ; c’est par ce conduit que les animaux font entrer l’air dans leur intérieur, et le rejettent, en aspirant et en expirant. Aussi, les animaux qui n’ont pas de poumon n’ont-ils pas non plus de cou ; et tel est le genre des poissons. L’œsophage est le canal par où les aliments passent dans l’estomac, de telle sorte que les animaux qui n’ont pas de cou n’ont pas non plus d’œsophage, par une conséquence évidente. § 2[31]. Il n’est pas de nécessité absolue pour l’alimentation qu’il y ait un œsophage ; car il ne sert point à la préparer en quoi que ce soit. De plus, la position de la bouche étant donnée, l’estomac peut venir immédiatement après elle, tandis que ce n’est pas possible pour le poumon. En effet, il faut qu’il y ait comme un tuyau commun par où l’air puisse se répandre par les artères dans les bronches, puisque ce conduit est double ; et c’est à cette condition qu’il remplit le plus complètement son office d’aspirer et d’expirer. § 3[32]. Mais, l’organe indispensable à la respiration ayant nécessairement une certaine longueur, il faut non moins absolument que l’œsophage soit entre la bouche et l’estomac. L’œsophage est charnu ; il a la tension d’un nerf ; il est nerveux pour pouvoir se distendre quand la nourriture arrive et y passe ; il est charnu pour pouvoir rester mou, se distendre, et n’être pas endommagé, en étant trop dur, par les aliments qui y descendent. § 4[33]. Ce qu’on nomme le pharynx et l’artère sont formés d’un corps cartilagineux ; car le pharynx ne doit pas servir seulement à la respiration ; il sert en outre à la voix ; et pour résonner, il doit être lisse et avoir de la solidité. L’artère est placée en avant de l’œsophage, bien qu’elle puisse l’empêcher de recevoir la nourriture ; car si quelque chose de sec ou de liquide vient à entrer dans l’artère, ce corps étranger y cause des suffocations, des douleurs et des toux très pénibles. § 5[34]. Aussi, c’est ce dont pourrait s’étonner quelqu’un de ceux qui soutiennent que c’est par l’artère que l’animal reçoit et avale sa boisson. Tout le monde peut savoir bien clairement ce qu’il en est, quand un peu de nourriture vient à s’égarer dans l’artère. Mais on aurait cent raisons de trouver vraiment plaisant de soutenir que c’est là le canal de la boisson ; car il n’y a pas de canal qui aille du poumon à l’estomac, ainsi que nous voyons l’œsophage partir de la bouche. § 6[35]. En outre, dans les vomissements, soit à terre, soit sur mer, on ne peut pas avoir le moindre doute sur l’organe par où passe le liquide qu’on rejette. Il n’est pas moins clair, non plus, que ce n’est pas dans la vessie immédiatement que le liquide se réunit, mais que c’est d’abord dans l’estomac. Ce que l’estomac rejette alors de ses excrétions a une couleur de lie de vin rouge. C’est d’ailleurs ce qu’on a pu voir bien souvent dans les blessures du ventre. Mais ne montrons pas nous-mêmes trop de naïveté, en nous arrêtant trop longtemps à des arguments si naïfs.

§ 7[36]. L’artère, placée en avant comme elle l’est, ainsi que nous venons de l’expliquer, est gênée par la nourriture ; mais c’est dans cette vue que la nature a imaginé l’épiglotte. Tous les vivipares n’ont pas cet organe ; mais ceux-là seuls en sont pourvus qui ont un poumon, qui ont la peau velue, et qui n’ont ni écailles ni plumes. § 8[37]. Chez ces derniers animaux, l’épiglotte est suppléée par le pharynx, qui se contracte et qui s’ouvre de la même manière où chez les autres l’épiglotte s’abaisse et se relève par l’entrée et la sortie de la respiration, en se refermant pour que, quand la nourriture y arrive, rien ne puisse pénétrer dans l’artère. S’il y a quelque chose qui, par négligence, vient à gêner le mouvement et si l’on vient à respirer quand les aliments y sont apportés, on a des accès de toux et des suffocations, ainsi que nous venons de le dire. § 9[38]. Ce mouvement du larynx et de la langue est si admirablement combiné, que la nourriture ayant été triturée dans la bouche, et traversant le long de l’artère, il en reste très peu sous les dents, et qu’il ne s’en détourne que bien rarement une parcelle dans l’artère. § 10[39]. Les animaux dont on vient de parler n’ont pas d’épiglotte, parce que leur chair est sèche et que leur peau est dure, de telle sorte que cet organe, formé chez eux de cette chair et de cette peau, n’aurait pas eu assez de mobilité ; mais la contraction des extrémités de l’artère aurait eu lieu plus vite que celle de l’épiglotte, formée de la chair spéciale qu’ont les animaux couverts de poils.

§ 11[40]. Telles sont les raisons qu’on peut donner pour expliquer comment tels animaux ont une épiglotte, et pourquoi tels autres n’en ont pas, et comment la nature a porté remède à la position défectueuse de l’artère, en imaginant l’épiglotte.

§ 12[41]. Quant au pharynx, il y a nécessité qu’il soit en avant de l’œsophage. En effet, le cœur est sur le devant et dans le milieu ; et c’est dans le cœur que nous plaçons la source de la vie, de tout mouvement, de toute sensation. La sensation et le mouvement sont placés dans ce qu’on appelle le devant, et c’est d’après cette même notion qu’on distingue le devant et le derrière dans l’animal. Le poumon est placé là où est le cœur, qu’il entoure ; et la respiration se fait par le poumon, et par le principe qui réside dans le cœur. Or la respiration des animaux a lieu par l’artère, de telle sorte que, le cœur étant nécessairement placé le premier sur le devant, il est nécessaire, par suite, que l’artère et le pharynx soient placés devant l’œsophage. Le pharynx et l’artère se rendent au poumon, tandis que l’œsophage se rend à l’estomac. On peut dire qu’en général le meilleur et le plus important se trouvent, quand rien de plus grand n’y fait obstacle, pour le haut et le bas, dans ce qui est plus en haut ; pour le devant et le derrière, dans ce qui est sur le devant ; et pour la droite et la gauche, dans ce qui est à droite.

CHAPITRE IV

Des viscères ; il n’y en a que dans les animaux qui ont du sang ; erreur de Démocrite ; le cœur et le foie se distinguent dès les premiers instants de la naissance ; le cœur est le principe des veines ; position du cœur ; raisons de cette position ; démonstration que les veines partent toutes du cœur ; observations et Dessins anatomiques ; le cœur est aussi le centre de toutes les sensations ; le foie ne peut être, ni le principe du sang, ni le principe de la sensibilité ; position particulière du cœur dans l’homme ; le cœur de quelques animaux : a un os ; des trois cavités du cœur ; pureté du sang plus ou moins grande ; variétés dans les dimensions du cœur ; influence du cœur sur le caractère des animaux ; le cœur ne peut être longtemps malade ; observations sur les victimes des sacrifices ; désordres propres au cœur.

§ 1[42]. Après avoir parlé du cou, de l’œsophage et de l’artère, la suite naturelle est de parler des viscères. Il n’y a de viscères que dans les animaux qui ont du sang. Les uns ont tous les viscères ; les autres ne les ont pas tous sans exception. Pas un seul des animaux exsangues n’a de viscères. A cet égard, Démocrite semble n’avoir pas bien compris les choses quand il croyait que, dans les animaux qui n’ont pas de sang, les viscères ne sont pas visibles à cause de leur petitesse. § 2[43]. Dans les animaux qui ont du sang, le cœur et le foie sont reconnaissables immédiatement après la constitution de ces animaux, et tout petits qu’ils sont encore. Parfois, dans des œufs qui ne sont que de trois jours, on distingue ces viscères, qui n’ont que la dimension d’un point, et on les retrouve excessivement petits dans les fœtus venus avant terme. On peut ajouter que, de même que pour les parties extérieures, chez les animaux, elles ne sont pas employées dans tous aux mêmes usages, mais que chacune a une destination spéciale appropriée aux genres de vie et aux mouvements de l’animal, de même les parties internes varient d’une espèce à l’autre. § 3[44]. Les viscères sont particuliers aux animaux qui ont du sang ; et voilà comment chacun d’eux se compose de matière sanguine. On le voit sans peine sur les nouveau-nés ; ils sont plus pleins de sang et proportionnellement plus grands, parce qu’alors la forme de la matière et la quantité se voient de la façon la plus manifeste dans cette première constitution. Le cœur se trouve dans tous les animaux qui ont du sang, et nous avons dit antérieurement pourquoi il en est ainsi. § 4[45]. Il est évident d’abord que, dans les animaux qui ont du sang, le sang est nécessaire. Le sang étant liquide, il fallait qu’il y eut un vaisseau pour le contenir ; aussi est-ce là la fonction à laquelle la nature a destiné les veines. Il faut nécessairement encore qu’il n’y ait qu’une seule origine pour les veines ; car là où c’est possible, une seule origine vaut mieux que plusieurs. C’est le cœur qui est le principe et l’origine des veines ; car les veines partent évidemment du cœur et ne le traversent pas ; la nature du cœur est veineuse, parce que le cœur est de même genre que les veines. § 5[46]. La position même du cœur est bien la place qui convient à un principe ; il est vers le centre du corps, plutôt en haut qu’en bas, et plutôt en avant qu’en arrière. C’est que, dans les choses qui sont plus importantes, la nature attribue le siège le plus important à ce qui n’a rien de plus grand que lui qui lui fasse obstacle. § 6[47]. On peut vérifier le fait de la manière la plus certaine chez l’homme ; mais même dans les autres animaux, la nature veut pareillement que le cœur soit placé dans le centre de la partie du corps qui est indispensable ; et l’extrémité de cette partie du corps est celle par où sortent les excréments. Les membres peuvent naturellement différer d’une espèce à une autre, parce que les membres ne sont pas absolument nécessaires à la vie, puisque les animaux peuvent vivre avec des membres de moins ; et il est tout aussi évident que des membres surajoutés ne les empêchent pas de vivre non plus.

§ 7[48]. Mais quand on suppose que le principe des veines est dans la tête, on méconnaît la vérité. D’abord, c’est créer à plaisir plusieurs principes et des principes dissémines ; ensuite, c’est les mettre dans un lieu froid ; car ce lieu est évidemment d’une froideur extrême, tandis que la région du cœur est tout le contraire. Ainsi qu’on l’a dit, les veines passent à travers les autres viscères ; mais il n’y a pas de veine qui traverse le cœur ; et c’est là ce qui démontre bien que le cœur est une partie des veines et qu’il est leur principe. Cela se conçoit aisément. Le centre du cœur est un corps naturellement épais et creux, plein de sang, puisque c’est de lui que partent les veines qui en sont remplies ; il est creux pour pouvoir être le réceptacle du sang, et épais, afin de pouvoir conserver le principe de la chaleur. § 8[49]. Parmi les viscères et dans le corps entier, le cœur est le seul à avoir du sang, sans avoir de veines, tandis que tous les autres organes du corps ont du sang contenu dans des veines. Cette disposition se comprend tout à fait, puisque le sang part du cœur pour se précipiter dans les veines, tandis que le sang ne vient d’aucune autre partie dans le cœur. C’est lui qui est le principe et la source du sang, ou, si l’on veut, son premier réceptacle.

§ 9[50]. Tout cela est démontré bien plus clairement encore par l’Anatomie ; et on le voit sans peine en observant les naissances des animaux. De toutes les parties qui les composent, c’est le cœur qui est la première à avoir immédiatement du sang. Evidemment, c’est du cœur aussi que partent toutes les émotions causées par les choses agréables ou pénibles ; en un mot, le cœur est le point de départ de toutes les sensations, de même aussi que c’est au cœur qu’elles aboutissent. De cette façon, les choses sont merveilleusement arrangées ; car il faut qu’il n’y ait qu’un seul principe, là où la chose est possible ; et le centre est le lieu qui est le mieux disposé pour l’être.

Le centre, ou milieu, est un et unique ; tout peut s’y rendre également, ou tout au moins s’en rapprocher. § 10[51]. D’un autre côté, comme aucune partie dépourvue de sang n’est sensible et que le sang lui-même ne l’est pas non plus, il est clair que la partie qui, primitivement, contient le sang comme le ferait un vase, doit nécessairement en être le principe. Mais ce n’est pas la raison seulement qui approuve cette disposition des choses, c’est en outre l’observation sensible qui l’atteste. Ainsi, dans les fœtus qui viennent de naître, la première partie que l’on voit se mouvoir, c’est le cœur, comme s’il était déjà un animal, parce qu’il est le principe de la nature qu’ont les animaux pourvus de sang. § 11[52]. Ce qui prouve bien encore que nous sommes dans le vrai à cet égard, c’est que tous les animaux qui ont du sang ont un cœur, parce qu’il faut de toute nécessité qu’ils possèdent le principe de leur propre sang. § 12[53]. Il n’est pas moins certain que le foie, comme le cœur, se retrouve dans tous les animaux qui ont du sang ; mais personne ne pourrait supposer que c’est le foie qui est le principe du reste du corps, non plus que le principe du sang. Sa position n’a rien qui représente celle d’un principe ; et dans les animaux les plus complets, la rate est en quelque sorte le pendant du foie. De plus, le foie n’a pas en lui le réceptacle du sang, comme l’a le cœur ; mais, ainsi que pour toutes les autres parties du corps, le sang qu’il a est dans une veine. On peut ajouter que la veine traverse le foie, tandis que pas une veine ne part de lui, puisque toutes les veines partent uniformément du cœur.

§ 13[54]. Puis donc qu’il faut que l’un de ces deux organes soit le principe du sang, et que ce n’est pas le foie, le cœur est nécessairement le principe du sang. Ce qui constitue et détermine l’animal, c’est la sensibilité ; le premier sensible est le sensible qui est le premier à avoir du sang ; c’est là précisément ce qu’est le cœur, qui est le principe du sang, et le premier à en avoir. Son extrémité est pointue et plus dure que le reste ; il est placé dans la poitrine ; et généralement dans la partie antérieure du corps, pour n’être point exposé à se refroidir. § 14[55]. Dans tous les animaux, la poitrine est la partie la moins charnue ; les parties postérieures le sont au contraire davantage ; aussi de cette façon, la chaleur a-t-elle, grâce au dos, une forte couverture. Tous les animaux autres que l’homme ont le cœur au centre de la région thoracique ; mais chez l’homme, il incline un peu à gauche, afin de contrebalancer le refroidissement de la partie gauche, parce que c’est l’homme qui de tous les animaux a la partie gauche la plus froide.

§ 15[56]. Nous avons dit antérieurement que, dans les poissons, le cœur est placé de même, et nous avons expliqué pourquoi il semble qu’il n’est pas dans la même position. Il a sa pointe vers la tête ; et la tête est le devant, puisque c’est dans ce sens que le mouvement a lieu. § 16[57]. Le cœur a encore une multitude de nerfs ; et cela est très sage, puisque c’est du cœur que partent les mouvements, et ils s’exécutent par l’adduction et la détente. Le cœur doit rendre ce service et avoir cette force. Le cœur est donc par sa nature, ainsi que nous l’avons dit antérieurement, une sorte d’animal à part dans les animaux qui ont un cœur. Il est sans os dans tous ceux que nous avons nous-mêmes observés, sauf les chevaux et certaine espèce de bœufs. Pour ces animaux, c’est à cause de leur grandeur, que l’os qu’ils ont dans le cœur est une sorte de soutien, comme ils en ont dans tout le reste de leur corps. § 17[58]. Les cœurs des grands animaux ont trois cavités. Dans de plus petits animaux, le cœur a deux cavités ; et tous les cœurs en ont une. Nous avons déjà expliqué la cause de cette organisation. C’est qu’il doit y avoir un lieu spécial pour le cœur, et un réceptacle pour le premier sang. Nous avons démontré déjà plus d’une fois que le sang se produit tout d’abord dans le cœur, et qu’il y a deux veines principales, l’une qu’on appelle la grande veine, et l’autre l’aorte. L’une et l’autre étant le principe des veines et présentant des différences, sur lesquelles nous aurons à revenir plus tard, il valait mieux que les principes de toutes les deux fussent séparés ; et ce résultat est obtenu à l’aide d’un sang qui est de deux natures et qui se sépare. § 18[59]. Aussi, dans tous les cas où cette séparation est possible, y a-t-il deux réceptacles du sang ; or, elle est possible dans les grands animaux ; car leurs cœurs sont également de grande dimension. Il était mieux aussi qu’il y eût trois cavités, afin qu’il n’y eut qu’un seul principe commun. Le milieu et l’impair est le principe. Il faut donc toujours à ces cœurs des dimensions plus grandes ; et aussi il n’y a que les cœurs les plus gros qui aient trois cavités. Ce sont les cavités de droite qui ont le plus de sang, et le sang le plus chaud ; et c’est ce qui fait que les parties droites sont plus chaudes que les autres parties. Les cavités gauches en ont le moins, et celui qu’elles ont est le plus froid. Celles du milieu ont le sang qui tient le milieu en quantité et en chaleur. § 19[60]. C’est aussi le sang le plus pur ; car il faut que le principe soit dans le calme le plus complet possible ; et en effet, le calme est le plus complet quand le sang est pur et qu’il est entre deux comme quantité et comme chaleur. Les cœurs ont aussi une division d’un certain genre qui ressemble assez à des sutures ; ces sutures ne se confondent pas comme il arrive dans un composé formé de plusieurs parties ; mais ainsi que nous venons de le dire, c’est plutôt une division. § 20[61]. Les cœurs des animaux très sensibles sont plus divisés et compliqués ; ceux des animaux qui sont moins sensibles, sont moins compliqués aussi ; par exemple, ceux des cochons. Les différences du cœur relativement à sa grosseur et à sa petitesse, à sa dureté et à sa mollesse, ne laissent pas que d’avoir une certaine influence sur le caractère de l’animal. Les animaux insensibles ont le cœur dur et compact ; ceux qui sont sensibles l’ont plus mou. Ceux qui ont de gros cœurs sont lâches ; ceux qui ont le cœur plus petit et de grosseur moyenne sont plus braves. L’impression que cause la peur est préalablement déjà dans ces gros organes des animaux, parce que la chaleur n’est pas chez eux en proportion avec leur cœur, et qu’étant très faible dans les grands animaux, elle s’éteint chez eux ; car le sang alors devient plus froid. § 21[62]. Le lièvre, le cerf, le rat, l’hyène, l’âne, le léopard, le chat ont de très gros cœurs, comme en ont aussi presque tous les autres animaux qui sont manifestement lâches, ou qui ne sont malfaisants que par peur. Il en est à peu près des cavités du cœur comme il en est des veines ; les grosses veines et les grandes cavités sont également froides. Car de même que, dans une petite ou dans une grande chambre, un feu égal donne moins de chaleur dans une pièce plus grande, de même la chaleur agit pareillement dans ces animaux. La veine et la cavité sont des vaisseaux.

§ 22[63]. De plus, les mouvements de choses étrangères refroidissent toujours ce qui est chaud ; mais il y a plus d’air dans des mouvements plus étendus, et l’air va plus de force. Aussi, aucun des animaux qui ont de grandes cavités, non plus qu’aucun de ceux qui ont de grandes veines, ne sont jamais chargés de graisse ni de chair ; tous les animaux qui sont gras, ou du moins le plus grand nombre, n’ont que des veines imperceptibles, ou de très petites cavités.

§ 23[64]. De tous les viscères, et généralement de toutes les parties du corps, le cœur est la seule qui ne puisse supporter jamais la moindre lésion sérieuse ; et cela se conçoit bien, puisque, le principe une fois détruit, il n’y a plus de salut possible pour toutes les autres parties qui s’y rattachent. Ce qui prouve que le cœur ne peut supporter de lésion d’aucun genre, c’est que, dans les victimes qu’on sacrifie, on n’a jamais vu le cœur être malade comme le sont les autres viscères. Ainsi, les reins sont souvent remplis de pierres, de végétations, de boutons, ainsi que le foie, et aussi le poumon, et surtout la rate. Bien d’autres maladies semblent atteindre ces organes ; mais elles atteignent bien moins le poumon près de l’artère, et le foie près de sa jonction avec la grande veine. Ceci, d’ailleurs, est dans l’ordre, parce que c’est par là que ces organes communiquent surtout avec le cœur. Les animaux qui meurent de maladie, ou de ces affections, ne présentent jamais, quand on les dissèque, les désordres morbides que dans les environs du cœur.

CHAPITRE V

Des veines et spécialement de la grande veine et de l’aorte ; destination des veines, qui n’ont toutes pour principe que le cœur ; le cœur est aussi le principe unique de la sensibilité et de la chaleur ; séparation des veines dans le corps entier ; citation des Traités sur la Génération ; ramifications des veines, pareilles aux canaux d’irrigation ; observation des veinules sur les animaux maigres et sur les feuilles desséchées de certaines plantes ; explication de la sueur ; sueurs de sang ; saignements de nez, hémorroïdes, hémoptysies ; rapports de la grande veine et de l’aorte ; citation des Traités d’Anatomie et de l’Histoire des Animaux.

§ 1[65]. Nous venons de parler du cœur, de sa nature, de sa destination et des fonctions qu’il doit remplir, dans les animaux qui en ont un ; la suite de ce qui précède, c’est de traiter des veines, c’est-à-dire de la grande veine et l’aorte. Ce sont elles qui reçoivent les premières le sang du cœur ; et les autres veines ne sont que des ramifications de celles-là. § 2[66]. Nous avons déjà dit que les veines sont faites en vue du sang. Tout liquide a besoin d’un vaisseau pour le contenir ; toutes les veines ne sont qu’un vaisseau ; et le sang est renfermé dans les veines. Expliquons maintenant comment il n’y en a que deux, qui, partant d’une origine unique, se répandent dans le corps entier. Si les veines aboutissent toutes à un seul point de départ, d’où elles sortent également toutes, c’est que tous les êtres n’ont en acte et en fait qu’une seule et unique âme sensitive ; il en résulte qu’il n’y a dans le corps qu’un seul organe qui puisse avoir primitivement cette âme, chez les animaux qui ont du sang, en puissance et en acte, et dans quelques animaux privés de sang, uniquement en acte. § 3[67]. Il y a donc nécessité absolue que le principe de la chaleur réside aussi dans le même point ; et c’est là précisément d’où vient que le sang est tout ensemble liquide et chaud. C’est parce que le principe de la sensibilité, ainsi que celui de la chaleur, est dans un seul organe, que la chaleur du sang vient aussi d’un seul principe ; et cette unité du sang fait que celle des veines vient également d’un principe unique. § 4[68]. S’il y a deux veines, c’est que le corps est formé de deux parties dans les animaux qui ont du sang et qui se meuvent. On distingue dans tous ces animaux le devant et le derrière, la droite et la gauche, le haut et le bas. Autant le devant est plus important et plus fait pour diriger que le derrière, autant la grande veine est plus importante que l’aorte. Celle-là est dans la région du devant, celle-ci est dans la région postérieure ; tous les animaux qui ont du sang ont l’une tout à fait visible, tandis qu’ils n’ont l’autre que très imparfaitement, ou même qu’elle disparaît tout à fait chez eux. § 5[69]. Ce qui fait que les veines sont répandues dans le corps entier, c’est que la matière de tout le corps c’est le sang, ou ce qui correspond au sang dans les animaux exsangues ; le sang et la matière correspondante vont dans la veine et dans ce qui correspond à la veine.

§ 6[70]. Il est plus convenable de réserver pour les recherches sur la Génération, ce qu’on doit observer et ce qu’on peut dire de la manière dont les animaux se nourrissent, de quels matériaux et de quelle façon ils s’alimentent par les fonctions de l’estomac. Mais comme toutes les parties du corps ne vivent que par le sang, ainsi que nous l’avons déjà dit, la raison veut que, selon les lois de la nature, les veines courent dans le corps tout entier, puisqu’il faut que le sang aussi aille partout et pénètre tout, chacune des parties du corps n’étant formée que par le sang. § 7[71]. C’est ainsi que, dans les jardins, des conduites d’eau partent d’une seule origine et d’une seule source, pour se diviser en une foule de canaux de plus en plus nombreux, et pour se ramifier en tous sens. De même encore que, dans la construction de nos maisons, on pose d’abord des pierres qui dessinent les fondations, de manière que, d’une part, les plantes potagères puissent recevoir l’eau qui les nourrit, et que, d’autre part, les fondations soient toutes en pierres solides, de même la nature a canalisé le sang dans tout le corps, parce qu’elle en a fait la matière du corps tout entier. § 8[72]. C’est ce qu’on peut observer très clairement dans les animaux d’une excessive maigreur ; on n’y voit plus que des veines, à peu près comme on en remarque sur les feuilles desséchées de vigne ou de figuier, et sur toutes les autres plantes pareilles, où la dessiccation n’a laissé absolument que des nervures. Cela vient de ce que le sang, ou son analogue, est en puissance le corps et la chair, ou ce qui correspond à la chair ou au corps. De même encore que, dans les irrigations, ce sont les fossés les plus grands qui subsistent et que les plus petits disparaissent les premiers et le plus vite, comblés par la vase, mais reparaissant quand on l’ôte ; de même les plus grandes veines subsistent toujours, tandis que les plus petites deviennent effectivement des chairs, bien qu’en puissance elles ne cessent pas d’être de véritables veines. § 9[73]. Aussi, dans toutes les chairs qui sont parfaitement saines, le sang coule aussitôt dans quelque partie qu’on les coupe ; or il n’y a pas de sang sans veine ; et cependant on n’aperçoit pas de veines dans ces chairs, de même que, dans les irrigations, on ne distingue plus les fossés avant que la vase n’en soit enlevée. Les veines vont toujours en se rapetissant, de plus grosses en plus petites, jusqu’à ce que les vaisseaux deviennent trop étroits pour l’épaisseur du sang. Ceux où le sang ne peut plus circuler laissent encore circuler la sécrétion de l’humeur liquide que l’on appelle la sueur, et qui provient de la chaleur du corps et de l’ouverture de petites veines.

§ 10[74]. On a vu, dans certaines maladies, des gens suer une excrétion sanguine par suite de leur mauvaise constitution, le corps s’écoulant en quelque sorte et devenant de plus en plus vide, et le sang se convertissant en eau, faute de coction, parce que la chaleur des petites veines était trop faible pour pouvoir le mûrir. On sait que tout corps qui est un composé de terre et d’eau s’épaissit en cuisant ; et la nourriture et le sang ne sont qu’un mélange des deux. § 11[75]. Ce n’est pas seulement parce que la chaleur est trop faible qu’à elle seule elle ne peut pas accomplir la coction ; mais c’est aussi à cause de la quantité excessive de nourriture qui a été ingérée ; la chaleur alors n’est plus de force à agir contre cette surabondance. Cet excès peut être de deux espèces, en quantité et en qualité. Tout n’est pas également susceptible de coction. Le sang coule surtout aisément dans les canaux les plus larges ; c’est là ce qui fait qu’il y a des flux de sang dans la moindre maladie par le nez, par d’anciennes cicatrices, par le fondement, quelquefois même par la bouche, sans qu’il y ait besoin de la violence qu’exige la sortie du sang par l’artère.

§ 12[76]. La grande veine et l’aorte, divisées en haut, se rejoignent en bas pour faire un corps continu. En avançant, elles se partagent comme se partagent les deux membres eux-mêmes ; l’une va de devant en arrière ; et l’autre, au contraire, va de derrière en avant ; et là, elles se réunissent en une seule. De même que la continuité devient plus grande dans les choses qui sont fortement reliées entre elles, de même, par l’enchevêtrement des veines, les parties antérieures des corps sont étroitement rattachées aux parties postérieures. § 13[77]. Il en est absolument de même pour les régions supérieures du corps à partir du cœur. Pour voir maintenant le rapport que les veines ont les unes avec les autres, il faut recourir aux Anatomies et à l’Histoire des Animaux. La méthode que nous venons de suivre pour les veines et le cœur va être appliquée à tous les autres viscères.


CHAPITRE VI

Du poumon ; sa fonction principale est de rafraîchir l’animal, soit par l’air, soit par l’eau ; les poissons ont des branchies au lieu de poumons ; citation du Traité de la Respiration ; animaux amphibies ; organisation du poumon ; ce n’est pas lui qui fait battre le cœur ; battement du cœur dans l’homme ; sa cause ; différences du poumon selon les espèces ; poumon des quadrupèdes ovipares ; poumon des oiseaux ; rapports de la chaleur à la station droite chez l’homme ; fonctions générales du poumon.

§ 1[78]. Le poumon est indispensable à certains animaux pour qu’ils puissent vivre sur terre. Il faut nécessairement qu’il y ait un refroidissement à leur chaleur ; et les animaux qui ont du sang ne peuvent emprunter ce refroidissement que du dehors, parce qu’ils sont eux-mêmes trop chauds. Les animaux qui n’ont pas de sang peuvent se refroidir rien que par le souffle qui leur est inné. § 2[79]. Nécessairement, le refroidissement extérieur ne peut venir que de l’eau ou de l’air. Aussi, aucune espèce de poissons n’a de poumon ; et en place de poumon, ils ont des branchies, comme on l’a dit dans le Traité de la Respiration. Les poissons se rafraîchissent par l’eau ; les animaux qui respirent se rafraîchissent par l’air ; et de là vient que tous les animaux qui respirent ont un poumon. Les animaux qui vivent sur la terre respirent tous sans exception ; quelques animaux aquatiques respirent également : la baleine, par exemple, le dauphin et tous les cétacés qui soufflent. § 3[80]. Bon nombre d’animaux réunissent ces deux organisations à la fois dans leur nature ; et il y en a beaucoup qui, vivant à terre et aspirant l’air, peuvent, par la constitution et l’équilibre de leur corps, passer dans l’eau la meilleure partie du temps ; de même que, parmi les animaux aquatiques, il y en a qui participent si bien de la nature des animaux vivant à terre, que la condition de leur existence, c’est de respirer dans l’air. Or c’est le poumon qui est l’organe de la respiration, recevant du cœur le principe du mouvement, et faisant une large place à la circulation du souffle, parce qu’il est spongieux et très grand. Quand le poumon s’élève, le souffle y entre ; quand il se contracte, l’air en sort. § 4[81]. On a eu tort de croire que le poumon est destiné à faire battre le cœur. L’homme est, on peut dire, le seul animal chez qui le cœur batte, parce qu’il est aussi le seul qui puisse ressentir l’espérance ou la crainte de l’avenir. Mais dans la plupart des animaux, le cœur est à une grande distance du poumon ; et il est placé plus haut que lui, de telle sorte que le poumon ne peut alors contribuer on rien au battement du cœur.

§ 5[82]. D’ailleurs, le poumon offre de grandes différences dans les animaux. Les uns l’ont plein de sang et très développé ; chez les autres, il est plus petit et spongieux. Les vivipares, dont la nature est très chaude, l’ont plus grand et rempli de sang ; les ovipares l’ont au contraire sec et petit. Il peut beaucoup se distendre en se gonflant par le souffle, comme on le voit sur les quadrupèdes terrestres ovipares, tels que les lézards, les tortues et autres animaux de ce même ordre, et aussi tels que les animaux qui volent et qu’on appelle des oiseaux. § 6[83]. Dans tous ces animaux, le poumon est spongieux et semblable à de l’écume. En effet, l’écume, en se condensant, se réduit considérablement ; et le poumon de toutes ces bêtes est petit et membraneux. C’est ce qui explique qu’en général ces animaux n’ont pas soif et boivent très peu, et qu’ils peuvent rester très-longtemps dans l’eau. Comme ils ont peu de chaleur, ils se rafraîchissent suffisamment pendant un temps assez long, rien que par le mouvement du poumon, qui est aéré et vide. § 7[84]. On peut observer aussi que les dimensions de tous ces animaux sont moins grandes, on peut dire ; car la chaleur amplifie les choses ; et l’abondance du sang est un indice de chaleur ; elle fait que les corps sont plus droits. Voilà comment l’homme est de tous les animaux celui qui se tient le plus droit, et comment les vivipares sont les plus droits entre les quadrupèdes ; car aucun vivipare, dépourvu de pieds ou pourvu de pieds, ne se tapit sous terre comme d’autres animaux.

§ 8[85]. Ainsi, le poumon, à le considérer en général, est fait en vue de la respiration ; il n’a pas de sang, et il est constitué comme il l’est pour certaines classes d’animaux ; mais ces animaux n’ont pas reçu à ce titre d’appellation commune, et il n’y a pas ici de nom spécial, comme on applique celui d’oiseau à un certain genre d’êtres. Tout ce qu’on peut dire, c’est que de même qu’être oiseau vient d’une certaine organisation, de même dans ces animaux une de leurs conditions essentielles, c’est d’avoir un poumon.

CHAPITRE VII

Du foie et de la rate ; leur organisation ; dualité de tous les viscères ; difficulté et incertitude des observations sur le foie et la rate ; le foie est plus nécessaire que la rate dans les animaux ; leur rôle à l’un et à l’autre dans la digestion et la coction des aliments ; le foie et le cœur sont les deux seuls viscères indispensables dans tous les animaux ; les dimensions de la rate sont très variables selon les animaux ; exemples divers ; rate des oiseaux, des poissons et des quadrupèdes ovipares ; fonction particulière des reins dans l’élaboration de l’urine ; leurs rapports à la vessie.

§ 1[86]. Il y a des viscères qui paraissent d’une seule nature, comme le cœur et le poumon ; d’autres semblent composés de deux portions, comme les reins ; pour d’autres encore, il serait difficile de dire quelle est leur composition. Le foie et la rate semblent bien participer de ces deux organisations. L’un et l’autre paraissent simples ; et tout ensemble, ils présentent deux parties au lieu d’une seule ; et ces deux parties ont une nature fort voisine. § 2[87]. Tous les viscères sont doubles. La cause en est la disposition même du corps, qui est double, bien qu’elle se rattache à un principe unique. On y distingue en effet le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche. C’est encore ainsi que le cerveau tend à être composé de deux parties dans tous les animaux, ainsi que le sont les organes des sens ; c’est là aussi la raison des cavités du cœur. § 3[88]. Dans les ovipares, le poumon est si profondément séparé qu’on pourrait croire que ces animaux ont deux poumons. Quant aux reins, tout le monde les connaît. Mais le foie et la rate donnent lieu à des doutes assez justifiés. Ce qui peut faire naître ces doutes à leur égard, c’est que, dans les animaux qui ont nécessairement une rate, elle paraît être une sorte de foie manqué ; et que dans ceux où elle n’est pas indispensable, et où elle est excessivement petite et à l’état de simple indice, le foie est évidemment formé de deux parties, dont l’une tend à être à droite, et dont l’autre, plus petite, tend à se placer à gauche. § 4[89]. Cependant cette disposition n’est pas moins évidente chez les ovipares que dans ces animaux-là ; et chez quelques-uns d’entre eux, aussi bien que chez les vivipares, le foie est évidemment partagé en deux, comme, dans certaines contrées, les lièvres paraissent avoir deux foies, de même qu’en ont quelques poissons, et spécialement les sélaciens.

§ 5[90]. Comme le foie est placé plutôt à droite, la rate est devenue nécessaire en quelque mesure, sans être néanmoins absolument nécessaire dans tous les animaux. Ce qui fait que la nature a fait des viscères doubles, c’est qu’ainsi que nous venons de le dire, il y a deux côtés dans l’animal, la droite et la gauche. Chacun de ces côtés exige et cherche son semblable ; ils tendent à avoir une nature qui se rapproche, sans cesser néanmoins d’être double ; et de même que les animaux sont doubles, bien que ne formant qu’un seul et même tout, de même se forme aussi chacun des viscères. § 6[91]. Les viscères placés au-dessous du diaphragme sont tous faits généralement en vue des veines, afin que, libres et suspendues comme elles le sont, elles restent attachées par ce lien au reste du corps. On dirait qu’elles sont jetées comme des ancres dans le corps à travers les organes qu’elles découpent, partant de la grande veine pour se diriger vers le foie et la rate. La nature de ces viscères, c’est d’être en quelque sorte des clous qui riveraient la grande veine au corps. Sur les côtés, ce sont le foie et la rate qui circonscrivent la grande veine, puisque c’est uniquement d’elle que partent les veines qui aboutissent aux parties transversales, et que les reins jouent le même rôle, dans les parties postérieures.

§ 7[92]. Quant aux reins en particulier, une veine se dirige vers eux, non pas seulement de la grande veine, mais aussi de l’aorte, pour se rendre à chacun d’eux. C’est ainsi que les fonctions de ces viscères tiennent une place dans la constitution des animaux. Le foie et la rate aident puissamment à la coction et à la digestion des aliments ; car étant pleins de sang, leur nature est très chaude. Les reins servent à la sécrétion qui se distille dans la vessie. § 8[93]. Le cœur et le foie sont donc indispensables à tous les animaux. D’une part, le cœur est nécessaire comme le principe de la chaleur ; car il faut une sorte de foyer où soit déposée la flamme vitale de la nature, et ce foyer doit être bien gardé, comme si c’était la citadelle du corps ; d’autre part, le foie est destiné à aider la digestion. Tous les animaux qui ont du sang ont besoin de l’un et de l’autre de ces viscères. Aussi, ces animaux sont-ils les seuls qui possèdent ces deux viscères à la fois ; et ceux qui respirent en ont nécessairement un troisième, qui est le poumon. § 9[94]. Quant à la rate, ce n’est qu’indirectement qu’elle est nécessaire aux animaux qui en ont une, de même que les sécrétions, tant celle du ventre que celle de la vessie. Aussi, la rate est-elle de très petite dimension dans quelques animaux, par exemple dans quelques volatiles, qui ont le ventre très chaud, comme le pigeon, l’épervier, le milan. D’ailleurs, on remarque une disposition toute semblable dans les quadrupèdes ovipares, qui l’ont excessivement petite, et dans bon nombre d’animaux à écailles, qui n’ont pas non plus de vessie, parce que la sécrétion liquide, passant par des chairs peu serrées, se convertit ici en plumes, et là en écailles. § 10[95]. La rate tire de l’estomac les humeurs surabondantes ; et comme elle est pleine de sang, elle peut leur donner une coction complète. Mais si cette sécrétion est trop considérable, ou si la rate n’est pas assez chaude, ces parties engorgées de nourriture deviennent malades ; et par le refoulement des liquides qui y affluent, le ventre se durcit chez beaucoup d’animaux, qui ont alors mal à la rate, de même qu’il se durcit quand les urines sont trop abondantes, parce qu’alors les liquides sont violemment entraînés. § 11[96]. Ceux des animaux qui ont cette sécrétion très faible, comme les oiseaux et les poissons, n’ont pas la rate développée, ou ne l’ont même qu’à l’état d’indice. Chez les quadrupèdes ovipares, la rate est petite, racornie, et semblable à des reins, parce que le poumon est spongieux, que l’animal boit très peu, et que la sécrétion superflue qui se produit tourne au profit du corps et en écailles, comme elle tourne en plumes chez les oiseaux. Au contraire, dans les animaux qui ont une vessie et le poumon plein de sang, la rate est humide, par le motif qu’on vient de rapporter, et aussi parce que les parties de gauche sont naturellement plus humides et plus froides.

§ 12[97]. Chacun des deux contraires, en effet, se divise en une série analogue et correspondante, de façon à ce que la droite soit contraire à la gauche, et que le chaud soit contraire au froid ; car ces oppositions sont corrélatives les unes aux autres, de la manière qu’on vient d’indiquer.

§ 13[98]. Mais les reins, chez les animaux qui ont ces organes, ne leur sont pas absolument nécessaires ; ils n’ont pas d’autre but que de très bien constituer l’animal. Leur nature propre n’a pas d’autre objet que de préparer la sécrétion qui s’accumule dans la vessie, afin que la vessie accomplisse d’autant mieux sa fonction, dans les animaux où le résidu de ce genre est plus considérable que chez les autres. Mais comme c’est pour la même fonction en effet que les animaux ont été pourvus de l’organe des reins et de celui de la vessie, nous parlerons maintenant de la vessie, en laissant de côté tous les organes qui viendraient à la suite des reins ; car nous n’avons encore rien dit du diaphragme, qui fait bien aussi partie des viscères.


CHAPITRE VIII

De la vessie ; les animaux à poumon ont seuls une vessie ; causes de cette organisation ; absence de vessie chez les insectes et les poissons, chez les oiseaux et les animaux à écailles et à carapace ; exception pour les tortues marines et terrestres : cause de cette exception ; c’est que toutes les tortues ont une vessie plus ou moins grande.

§ 1[99]. Tous les animaux n’ont pas une vessie ; et l’on dirait que la nature n’a voulu en donner une qu’aux animaux qui ont un poumon plein de sang. La vessie est du reste très bien placée chez ceux-là ; car la surabondance naturelle qu’ils ont dans cet organe fait qu’ils ont plus soif que tous les autres, et qu’ils ont besoin, outre la nourriture sèche qu’il leur faut, d’une nourriture liquide plus considérable. Par une suite nécessaire, cette sécrétion se produit en plus grande quantité, et elle ne se produit pas seulement en une quantité qui puisse être digérée par l’estomac, et être éliminée avec l’excrétion que le ventre contient. § 2[100]. Il fallait donc nécessairement qu’il y eût aussi un réceptacle de cette excrétion. De là vient que tous les animaux qui ont un poumon ainsi organisé ont une vessie. Mais ceux qui n’ont pas un poumon ainsi organisé, ou boivent très peu, parce que leur poumon est spongieux ; ou même le liquide qu’ils absorbent ne leur sert pas pour boire, mais pour se nourrir, comme les insectes et les poissons, et même encore comme les animaux qui ont des plumes, des écailles ou des carapaces, lesquels n’ont jamais de vessie, à cause de la faible quantité de liquide qu’ils prennent, et parce que le surplus de l’excrétion se convertit chez eux dans les matières qui les recouvrent. § 3[101]. Cependant, parmi les animaux à carapaces, la tortue fait exception ; et même dans cette espèce, la nature n’est encore qu’imparfaite, et la cause en est que les tortues de mer ont un poumon charnu et plein de sang, assez pareil à celui du bœuf, tandis que les tortues terrestres l’ont de dimension disproportionnée. De plus, comme leur enveloppe est une sorte de coquille et qu’elle est épaisse, l’humide ne pouvant pas suinter dans des chairs relâchées, comme il suinte dans les oiseaux, ou dans les serpents et dans les autres animaux à écailles, le dépôt qui se fait est assez fort pour que leur nature ait besoin de quelque organe qui serve de réceptacle, et qui ait une forme de vase. De là vient donc que les tortues seules, parmi ces animaux, ont une vessie, la tortue de mer l’ayant fort grande, et les tortues de terre l’ayant excessivement petite.


CHAPITRE IX

Des reins ou rognons ; différentes espèces d’animaux qui en sont dépourvues ; les animaux qui ont le poumon sanguin ont des reins ; maladies des reins chez l’homme ; organisation des reins ; canaux qui s’y rendent et qui en partent ; place des rognons ; le rein droit est toujours plus haut que le gauche ; explication de cette disposition ; de la graisse des reins ; ils en ont plus que les autres viscères ; utilité de la graisse qui environne les rognons ; les moutons meurent quand leurs rognons sont trop gras ; du suif chez les moutons ; graisse maladive des reins chez l’homme ; explication de la maladie des moutons.

§ 1[102]. Il en est de même aussi des reins ou rognons. Pas un animal a plumes, à écailles ou à carapaces, n’a de reins, excepté les tortues de mer et de terre ; on dirait que la chair destinée aux reins, n’ayant pas trouvé sa place spéciale et s’étant dispersée en plusieurs lambeaux, dans quelques oiseaux, il y a chez eux des espèces de reins aplatis et larges. § 2[103]. Mais la tortue d’eau douce, l’hémys, n’a ni vessie ni reins. Chez elle, le liquide suinte aisément à cause de la mollesse de la carapace ; et c’est pour cela que l’hémys ne doit avoir ni l’un ni l’autre de ces deux organes. Mais les autres animaux qui ont le poumon plein de sang ont tous des rognons, comme on vient de le dire plus haut ; car la nature s’en sert tout à la fois pour la fonction des veines et pour l’élaboration de l’excrément liquide ; et un canal partant de la grande veine aboutit aux reins. § 3[104]. Les rognons ont toujours une cavité plus ou moins grande, excepté ceux du phoque. Les reins de cet animal, assez pareils à ceux du bœuf, sont les plus compacts de tous. Dans l’homme, les reins sont pareils aussi aux rognons de bœuf ; car ils sont en quelque sorte composés de plusieurs rognons très petits, et ils ne sont point uniformes, comme ceux des moutons et des autres quadrupèdes. Aussi, quand les reins sont malades chez l’homme, est-il très-difficile de les guérir, et la guérison est d’autant moins sûre que c’est comme si l’on avait plusieurs reins malades, au lieu de n’en avoir qu’un seul d’attaqué.

§ 4[105]. Le canal qui part de la veine ne vient pas aboutir précisément a la cavité des rognons ; mais il se perd dans le corps des reins ; aussi ne trouve-t-on jamais de sang dans ces cavités, et le sang ne s’y arrête jamais après la mort. De la cavité des rognons, partent deux canaux : assez faibles et privés de sang qui se rendent à la vessie, un de chacun des reins, tandis que d’autres qui partent de l’aorte sont forts et continus. § 5[106]. Ces parties sont ainsi disposées afin que l’excrétion du liquide, partant de la veine, se rende dans les reins ; et que, des reins, le dépôt que forment les liquides, en se filtrant dans le corps des reins, puisse se réunir au centre, où le plus souvent les reins ont leur cavité. Aussi, de tous les viscères, sont-ce les reins qui exhalent l’odeur la plus mauvaise. A partir du centre et par ces canaux, la sécrétion déjà plus formée se rend dans la vessie, qui est le port où converge ce qui vient des reins ; car, ainsi qu’on l’a dit, il y a de très forts canaux qui se rendent à la vessie.

§ 6[107]. Voilà donc quelle est la fonction des reins ; et ils ont les facultés que nous venons de rappeler. Dans tous les animaux qui ont des rognons, le droit est plus haut que le gauche ; car le mouvement partant de la droite, et la nature de la droite étant plus forte parce motif, il s’ensuit que toutes les parties sont prédisposées à s’élever davantage par ce mouvement. C’est ainsi qu’on élève le sourcil droit plus haut que le sourcil gauche et qu’on l’a toujours plus froncé ; et comme le rognon droit est tiré davantage en haut, le foie dans tous les animaux touche au rein droit, parce que le foie est à droite. § 7[108]. De tous les viscères, ce sont les reins qui ont le plus de graisse, et c’est nécessaire, puisque l’excrétion doit être filtrée par les reins. Le sang qui y reste, étant très pur, est d’une facile coction ; et le résultat final d’une bonne coction du sang, c’est la graisse et le suif. De même que, dans les combustibles secs tels que la cendre, il reste toujours un peu de feu, de même dans les liquides digérés et bien cuits il reste toujours une certaine partie de la chaleur qui a été élaborée. C’est là ce qui fait que la graisse est légère, et qu’elle surnage à la surface des liquides. Ce n’est pas dans les reins eux-mêmes que la graisse se forme, parce que ce viscère est compact et serré ; mais elle se forme autour et extérieurement, dans les animaux qui ont de la graisse ; et c’est le suif qui se forme dans ceux qui ont du suif. Nous avons, dans d’autres ouvrages, expliqué la différence du suif et de la graisse. § 8[109]. C’est donc là ce qui fait que les reins deviennent gras nécessairement, par suite des conditions nécessaires où se trouvent les animaux qui ont des reins ; et c’est tout à la fois pour la santé de l’animal et pour garder la chaleur naturelle des reins eux-mêmes. Comme ils sont placés les derniers, ils ont besoin d’une plus grande chaleur. En effet, le dos est charnu pour être un rempart et une protection aux viscères qui environnent le cœur ; mais la hanche n’est pas charnue comme le dos, parce que, dans tous les animaux, les jointures sont dépourvues de chair. § 9[110]. C’est donc la graisse qui, au lieu de la chair, devient la couverture des reins. De plus, les rognons étant gras filtrent et cuisent mieux le liquide ; car ce qui est graisseux est chaud ; et c’est la chaleur qui fait la coction. Voilà les causes qui font que les reins ont de la graisse ; mais, dans tous les animaux, c’est le rein droit qui en a le moins. C’est que la nature des parties du corps qui sont à droite est sèche, et plus propre à donner le mouvement ; or le mouvement est contraire a la graisse, et il amaigrit plutôt ce qui est gras.

§ 10[111]. Tous les animaux en général se trouvent bien d’avoir des rognons gras, et parfois ils en ont qui tout entiers sont remplis de graisse. Mais quand les moutons ont des reins ainsi développés, ils en meurent. Leurs reins ont beau être gras, il y a toujours quelque défaut, si ce n’est dans les deux, au moins dans le rein de droite. Ce qui fait que cette affection ne se produit que chez les moutons, ou du moins qu’elle se produit davantage chez eux, c’est que, dans les animaux qui ont de la graisse, la graisse est liquide, et par suite l’air n’y étant pas partout également bien renfermé y cause la maladie. § 11[112]. Voilà ce qui produit la crampe et la convulsion, et comment chez les hommes qui ont une maladie des reins, il survient des douleurs mortelles, quoiqu’il soit bon que les reins engraissent, sans pourtant engraisser par trop. Dans les autres animaux qui ont du suif, il y en a moins que chez les moutons, qui en ont une quantité extraordinaire. § 12[113]. Les moutons acquièrent de très forts rognons plus vite que tout autre animal. L’humidité s’y renfermant, ainsi que l’air, la crampe saisit les moutons, qui meurent en un instant. Par l’aorte et la veine, la maladie monte immédiatement jusqu’au cœur ; et il y a des canaux qui se continuent jusqu’aux reins à partir de ces veines.

CHAPITRE X

Du diaphragme ; sa place et sa fonction ; tous les animaux qui ont du sang ont un diaphragme ; prévoyance de la nature, en séparant le haut et le bas dans l’animal, et en laissant la pensée dans une région plus calme ; effet du chatouillement et du rire ; blessures au bas-ventre provoquant le rire ; l’homme est le seul animal qui rie ; contes absurdes sur les têtes parlant après avoir été coupées ; citation d’Homère ; singulier jugement rendu en Carie ; le corps peut avoir encore quelque mouvement après que la tête a été coupée.

§ 1[114]. Le cœur, le poumon, le foie, la rate et les reins, dont nous venons de parler, sont séparés les uns des autres par le diaphragme. Quelquefois aussi on appelle le diaphragme le centre phrénique, qui isole le poumon et le cœur des autres viscères. Dans les animaux qui ont du sang, le diaphragme proprement dit est ce qu’on appelle aussi le centre phrénique, du nom qu’on vient de citer. § 2[115]. Tous les animaux qui ont du sang ont également un diaphragme, de même qu’ils ont un cœur et un foie. La fonction du diaphragme a pour objet de séparer la région du ventre de la région du cœur, afin que le principe de l’âme sensible soit à l’abri de toute influence, et ne soit pas tout à coup surpris par l’évaporation qui viendrait des aliments, et par l’excès de la chaleur qu’ils introduisent. La nature a eu cette précaution de faire de la poitrine et de la cloison comme une sorte de vestibule ; et par là, elle a isolé le plus précieux du moins précieux, chez tous les animaux où l’on peut distinguer le haut et le bas. Le haut est ce pourquoi tout le reste est fait, et le haut est le meilleur ; le bas est fait pour le haut, et il est nécessaire, puisque c’est lui qui reçoit la nourriture. § 3[116]. Le diaphragme est, vers les côtes, plus charnu et plus fort ; au centre, il est plus membraneux ; organisé de cette manière, il est plus utile pour se raidir et pour se tendre. Que le diaphragme soit comme une défense naturelle contre la chaleur venue d’en bas, c’est ce que prouvent les faits bien observés. Lorsque, par suite du voisinage, ces parties attirent à elles de l’humidité chaude et excrémentielle, sur-le-champ on voit manifestement que la pensée et la sensibilité se troublent ; et c’est là aussi ce qui fait qu’on donne à cette partie le nom de phrénique, comme participant à la pensée. A vrai dire, cette partie dite phrénique n’a rien de la pensée ; mais comme elle est fort voisine des parties qui la possèdent, cette proximité rend évident le changement que la pensée éprouve. § 4[117]. Aussi, le diaphragme est-il mince à son milieu, non seulement parce qu’il y a une nécessité qu’étant charnu par lui-même, il le soit davantage encore vers les côtes, mais aussi parce qu’il faut qu’il reçoive le moins de fluide possible ; car en étant charnu, il aurait et il attirerait bien davantage de vapeur humide. § 5[118]. Ce qui prouve bien qu’en recevant de la chaleur, le diaphragme manifeste aussitôt la sensation qu’il éprouve, c’est ce qui se passe dans le rire. Pour peu qu’on soit chatouillé, on se met à rire, parce que le mouvement s’étend bien vite jusqu’à cette région. Même quand elle s’échauffe peu, le trouble n’est pas moins évident ; et la pensée est mise en mouvement en dépit de la volonté la plus réfléchie. Ce qui fait que l’homme est le seul animal qui soit chatouilleux, c’est la finesse de sa peau, et aussi cette circonstance que l’homme est le seul animal qui rie, le chatouillement et le rire se produisant par le mouvement de cette partie qui avoisine l’aisselle. § 6[119]. On prétend qu’à la guerre des blessures reçues dans le voisinage du diaphragme provoquent le rire, à cause de la chaleur que la blessure développe. D’après des témoins dignes de foi, ce phénomène est bien plus croyable que ce qu’on dit d’une tête d’homme parlant encore après avoir été coupée. À l’appui de cette opinion, quelques personnes citent Homère lui-même, qui dit dans un de ses vers :

« Sa tête parle encore en roulant dans la poudre »

et l’on fait remarquer que le poète dit Sa tête et non pas Lui. § 7[120]. En Carie on a si bien cru à la possibilité de ce fait, qu’on est allé jusqu’à mettre en jugement un indigène. Un prêtre du Jupiter « à l’armure » ayant été tué sans qu’on sût par qui, quelques personnes prétendirent avoir entendu la tête coupée répéter à plusieurs reprises : « C’est Cercidas qui a tué homme pour homme. » On chercha dans le pays l’homme qui s’appelait Cercidas, et on le mit à mort. § 8[121]. Mais il est bien impossible de parler quand l’artère a été coupée et séparée, et quand le mouvement qui doit venir du poumon ne peut plus avoir lieu. Chez les barbares, qui coupent si lestement les têtes, on n’a jamais rien vu de pareil. Mais pourquoi ne le voit-on pas chez d’autres animaux que l’homme ? On comprend d’ailleurs, sans peine, que les animaux ne rient pas quand le diaphragme est blessé, puisque l’homme est le seul animal qui ait la faculté de rire. Mais que le corps puisse faire encore quelques pas après que la tête est coupée, il n’y a là rien que la raison ne puisse admettre, puisque les animaux qui n’ont pas de sang vivent même encore longtemps après qu’on les a décapités. Nous en avons expliqué les raisons dans d’autres ouvrages.

§ 9[122]. On voit donc quelle est la destination de chacun des viscères, et l’on comprend qu’ils sont, de toute nécessité, placés aux extrémités intérieures des veines ; car il faut que la vapeur humide puisse sortir, et que cette vapeur soit sanguine, pour qu’en se réunissant et en se condensant, elle forme le corps des viscères. Voilà aussi pourquoi les viscères sont pleins de sang, et pourquoi ils ont entre eux la même nature de corps, et pourquoi d’autres ont une nature dissemblable.


CHAPITRE XI

Des membranes qui enveloppent chaque viscère ; conditions que doit remplir la membrane pour être utile ; des membranes du cœur et du cerveau ; ce sont les plus fortes de toutes ; raisons de cette organisation ; importance souveraine du cœur et de l’encéphale pour la conservation de la vie.

§ 1[123]. Tous les viscères sont renfermés dans une membrane, parce qu’il faut qu’ils soient garantis pour que rien ne puisse les atteindre ; et il faut en outre que l’abri qui les garantit soit léger. C’est là précisément ce qu’est la membrane par sa nature même. D’une part, elle est assez épaisse pour pouvoir servir de tégument ; et d’autre part, elle n’a pas de chair, de façon qu’elle n’attire ni ne produit aucune humeur ; elle est mince pour rester légère et pour ne produire aucune pesanteur. § 2[124]. Les membranes les plus grandes et les plus fortes sont celles qui entourent le cœur et l’encéphale. C’est fort rationnel ; car ce sont-là les parties qui ont le plus besoin d’être protégées. La bonne conservation est surtout nécessaire pour les parties maîtresses ; et ces deux parties-là sont avant tout les maîtresses de la vie.


CHAPITRE XII

Différences dans le nombre et l’organisation des viscères, dans les vivipares, dans les ovipares, dans les poissons ; variétés dans la couleur du foie ; animaux sans fiel ; fonctions du foie importantes à la santé ; variétés de la rate selon les espèces.

§ 1[125]. Certains animaux ont tous les viscères dont il vient d’être question ; mais il y en a aussi qui ne les ont pas tous sans exception. Plus haut, nous venons de voir ce que sont ces viscères, et quel est l’objet de leur organisation ; mais les viscères diffèrent même dans les animaux qui les ont. Ainsi, tous ceux qui ont un cœur ne l’ont pas semblable, non plus, on peut dire, qu’aucun des autres viscères. Le foie, par exemple, a chez les uns plusieurs divisions ; chez d’autres, il forme plutôt une seule masse, ceci ne s’appliquant d’abord qu’aux animaux qui ont du sang et qui sont vivipares. § 2[126]. Les viscères des poissons et des quadrupèdes ovipares diffèrent encore plus de ceux des vivipares, et ils ne diffèrent pas moins entre eux. Les oiseaux, au contraire, ont un foie qui se rapproche beaucoup de celui des vivipares. La couleur de leur foie, comme celle du foie des vivipares, est pure et sanguine. Cela tient à ce que le corps des biseaux est organisé pour que la respiration soit facile, et ils n’ont pas une surabondance d’excrétion qui soit nuisible. § 3[127]. Par la même raison, il y a des vivipares qui n’ont pas de fiel ; or le foie contribue puissamment à l’équilibre du corps et à sa santé. La fonction de ces organes dépend surtout du sang ; et après le cœur, le foie est le plus sanguin de tous les viscères. Chez la plupart des quadrupèdes ovipares, les viscères sont de couleur pâle ; chez quelques-uns, ils sont à peine apparents, parce que leurs corps ont une mauvaise constitution, comme celle du crapaud ou de la tortue, et d’animaux de cet ordre. § 4[128]. Les animaux à cornes, et à pieds fourchus, ont une rate arrondie, comme la chèvre, le mouton et les autres espèces analogues, excepté quelques-unes où, à cause de sa grosseur, elle a pris en largeur un accroissement beaucoup plus grand, ainsi qu’on le voit chez le bœuf. Tous les animaux à plusieurs doigts divisés ont une rate très longue, comme le cochon, l’homme et le chien. Dans les solipèdes, elle tient une sorte de milieu, mélange de l’un et de l’autre ; c’est-à-dire qu’elle est large en un sens, et étroite dans l’autre, comme on le voit sur le cheval, le mulet, l’âne.


CHAPITRE XIII

Différences de la chair et des viscères ; cause de ces différences.

§ 1[129]. Les viscères présentent des différences avec la chair, non pas seulement pour leur masse matérielle, mais en outre par cette circonstance que la place de la chair est au dehors, tandis que les viscères sont à l’intérieur. Cela tient à ce que la nature des viscères participe de celle des veines ; et que, parmi les viscères, les uns sont faits pour les veines, et que les autres ne sauraient s’en passer.


CHAPITRE XIV

De l’estomac ; sa position ; des intestins et de leur double fonction d’absorption et d’excrétion ; citations des Traités de la Génération et de la Nourriture ; diversités des estomacs selon les espèces ; nombre des estomacs ; estomacs multiples du chameau ; animaux ruminants ; citations de l’Histoire des Animaux et des Dessins anatomiques ; estomac des oiseaux ; le gésier ; estomac des poissons ; leurs dents ; leurs appendices intestinaux ; gloutonnerie des poissons ; des intestins à la suite de l’estomac ; conformation générale de l’intestin ; diverses parties qui le forment ; le côlon, le cæcum, le jéjunum ; élaboration successive des aliments ; résidus et excréments ; point précis où se fait la séparation de ce qui nourrit et de ce qui ne peut plus nourrir.

§ 1[130]. Sous le diaphragme, est placé l’estomac, qui, dans les animaux à œsophage, est au point même où finit cette dernière partie, et qui, dans ceux qui sont dépourvus d’œsophage, vient immédiatement après la bouche. À la suite de l’estomac, se trouve ce qu’on appelle l’intestin. § 2[131]. Tout le monde peut comprendre pourquoi ces parties diverses sont ainsi disposées dans les animaux. C’est évidemment parce qu’il faut que les animaux reçoivent la nourriture ingérée, et qu’ils expulsent ensuite le résidu de la nourriture après l’avoir épuisée ; or il est bien impossible que ce soit dans un seul et même lieu du corps que se trouvent la nourriture non encore digérée et l’excrément qui doit être rejeté. § 3[132]. Il faut absolument un lieu où la transformation puisse s’opérer. Ainsi, telle partie recevra la nourriture qui entre, et telle autre partie recevra l’excrément qui ne peut plus être utilisé. Mais, de même que le temps où s’accomplit chacune de ces fonctions est différent, de même il faut aussi qu’elles soient séparées pour les lieux mêmes où elles se passent. Mais l’explication de tous ces phénomènes est mieux à sa place dans les ouvrages qui traitent de la Génération et de la Nourriture des animaux.

§ 4[133]. Pour le moment, bornons-nous à étudier les différences que peuvent présenter l’estomac et les parties qui le complètent. Les animaux n’ont pas tous les uns et les autres des estomacs pareils, ni pour la dimension, ni pour la forme. Les animaux pourvus de la double rangée de dents, quand ils ont du sang et qu’ils sont vivipares, ont un seul estomac comme l’homme, le chien, le lion et beaucoup d’animaux polydactyles ; il n’y a aussi qu’un seul estomac chez les solipèdes, comme le cheval, le mulet, l’âne, et chez les animaux à pied fourchu, qui ont la double rangée de dents, comme le cochon. § 5[134]. La seule différence, c’est que quelques-uns, soit à cause de la grandeur de leur corps, soit par l’effet de leur nourriture, qui n’est pas de digestion facile, parce qu’elle est faite d’épines et de bois, sont pourvus de plusieurs estomacs, comme le chameau, et même les bêtes à cornes. En effet, les bêtes à cornes n’ont pas la double rangée de dents. Comme le chameau n’a pas de cornes, il n’est pas compté parmi les animaux à double rangée de dents, et il lui est plus nécessaire d’avoir l’estomac organisé tel qu’il l’a, plutôt que d’avoir des dents de devant. § 6[135]. Par suite, ayant l’estomac semblable à celui des animaux qui n’ont pas la double rangée de dents, il a les dents disposées tout à fait comme les leurs, parce que les dents antérieures lui seraient inutiles. Mais comme sa nourriture consiste en matière aussi dure que des épines, il faut nécessairement que la langue soit charnue ; et, par la dureté du palais, la nature supplée à la partie terreuse qui viendrait des dents. D’ailleurs, le chameau rumine ainsi que les bêtes à cornes, parce que ses estomacs sont absolument pareils aux leurs. § 7[136]. En effet, les bêtes à cornes ont plusieurs estomacs ; et tels sont le mouton, le bœuf, la chèvre, le cerf, et autres animaux de ce genre. Comme dans ces animaux l’office de la bouche, qui manque de dents, est, en ce qui regarde l’alimentation, insuffisamment rempli, l’un des estomacs, recevant la nourriture après l’autre, le premier la reçoit non élaborée ; le second la reçoit élaborée un peu mieux ; l’autre, élaborée entièrement ; l’autre, enfin tout à fait coulante et à l’état de bouillie. § 8[137]. C’est pour l’accomplissement de toutes ces fonctions que les animaux de cet ordre ont plusieurs lieux et plusieurs parties, qui s’appellent successivement l’estomac, la résille, le hérisson, la caillette. Si l’on veut savoir leur position respective et leurs formes diverses, nous renvoyons à l’Histoire des Animaux et aux Dessins anatomiques, où il faut les étudier.

§ 9[138]. C’est pour une cause toute semblable que les oiseaux présentent aussi une différence dans l’organe destiné à recevoir les aliments. Comme les oiseaux non plus ne peuvent pas accomplir le service de la bouche, qui n’a pas de dents, et qu’ils n’ont pas d’organe, soit pour diviser la nourriture, soit pour la broyer suffisamment, ils ont avant l’estomac ce qu’on appelle le gésier, qui remplace le travail de la bouche. § 10[139]. Les uns ont un large œsophage, ou bien, en avant de l’estomac, une partie gonflée de cet œsophage, où ils amassent d’avance de la nourriture non élaborée ; ou bien encore, c’est une partie de l’estomac qui se renfle. D’autres oiseaux ont l’estomac lui-même fort et charnu, afin de pouvoir emmagasiner longtemps et cuire la nourriture qui n’est pas assez amollie. La nature répare ainsi l’insuffisance de la bouche par l’énergie et la chaleur de l’estomac. § 11[140]. Il y a des oiseaux qui n’ont rien de tout cela, mais qui n’ont qu’un vaste gésier ; et tels sont les oiseaux qui ont de longues pattes et qui vivent dans les marais, pour contrebalancer la liquidité de leur nourriture. C’est qu’en effet la nourriture de tous ces oiseaux est facilement amollie ; et c’est pour cela qu’ils ont toujours des estomacs qui sont humides par une coction insuffisante et par leur genre de nourriture.

§ 12[141]. Les poissons ont des dents, et l’on peut presque dire qu’ils ont tous des dents alternantes, qui s’enchevêtrent ; car il n’y a que très peu d’espèces de poissons qui en soient dépourvues, comme le scare, qui, par cette raison même, très concevable du reste, est peut-être le seul poisson qui rumine. Les animaux qui n’ont pas la double rangée de dents et qui ont des cornes, ruminent. Tous les poissons ont des dents aiguës capables de diviser la nourriture ; mais elles ne la divisent que très imparfaitement, parce qu’il n’est pas possible aux poissons d’y mettre le temps qui serait indispensable pour la broyer. Aussi, n’ont-ils pas de dents larges ; et comme ils ne sont pas en état de triturer la nourriture, les dents leur seraient bien inutiles. § 13[142]. De plus, tels poissons n’ont pas du tout d’œsophage ; ou bien ils l’ont très court. Mais pour faciliter la coction, les uns ont des estomacs du genre de celui des oiseaux, et bien charnus, comme le muge ; la plupart ont des excroissances compactes près de l’estomac, afin que, dans ces excroissances, comme dans une cave antérieure, ils amassent la nourriture pour la décomposer et pour lui donner la coction. § 14[143]. Du reste, ces excroissances sont dans les poissons le contraire de ce qu’elles sont dans les oiseaux. Les poissons les ont en haut près de l’estomac ; et chez les oiseaux qui ont ces excroissances, elles sont en bas à l’extrémité de l’intestin. C’est pour la même raison que certains vivipares ont aussi de ces excroissances intestinales, qui sont placées en bas.

§ 15[144]. L’espèce entière des poissons pourvue si incomplètement des moyens d’élaborer la nourriture, et chez qui elle ne fait que passer sans digestion, est excessivement gloutonne, comme d’ailleurs tous les autres animaux qui ont les intestins tout droits. Le passage des aliments étant très rapide, et la dégustation n’étant, par cette même cause, que très courte, il fallait nécessairement aussi que le désir nouveau des aliments revint tout aussi rapidement.

§ 16[145]. On vient de dire plus haut que les animaux à double rangée de dents ont un estomac très petit ; et presque tous leurs estomacs ne présentent que deux différences. Les uns ont un estomac pareil à celui du chien ; les autres, pareil à celui du cochon. L’estomac du cochon est plus grand, et il a quelques petites circonvolutions, pour que la digestion y soit rendue plus lente ; mais l’estomac du chien est de petite dimension ; il n’est pas beaucoup plus fort que l’intestin, et les parties intérieures en sont tout unies.

§ 17[146]. Dans tous les animaux, les intestins viennent à la suite de l’estomac. Cette partie de l’animal présente, comme l’estomac, des différences nombreuses. Chez les uns, l’intestin est simple ; et en le déployant, il est partout semblable ; chez les autres, il est dissemblable. Chez les uns, la partie de l’intestin qui a voisine l’estomac est plus large ; et à son autre extrémité, elle est plus étroite ; et c’est cette conformation qui fait que les chiens ont tant de peine à rendre leurs excréments. Pour la plupart des animaux au contraire, l’intestin est plus étroit par en haut, et plus large par en bas. § 18[147]. Les intestins des animaux à cornes sont plus grands, et ils ont de nombreux replis. L’amplitude de l’estomac est aussi plus forte chez ces animaux, ainsi que celle même des intestins, à cause de la grandeur de ces animaux ; car tous les animaux à cornes, pour ainsi dire, ont des intestins de grande dimension, afin de pouvoir élaborer la nourriture. Dans ceux qui n’ont pas les intestins droits, cette partie s’élargit un peu plus loin ; et ils ont ce qu’on appelle le côlon et une certaine partie de l’intestin aveugle et massive ; puis, à partir de là, l’intestin redevient plus étroit et plus enroulé. § 19[148]. Après cette partie, l’intestin reste droit jusqu’à la sortie des excréments ; dans les uns, cette partie appelée l’Archos est graisseuse ; dans les autres, elle n’a pas de graisse. LA nature a fabriqué ingénieusement tous ces organes pour faciliter les élaborations successives de la nourriture, et la sortie des excréments qui en proviennent. En s’avançant et en descendant, l’excrément trouve un espace plus large et où il peut s’arrêter, pour se modifier chez les animaux qui absorbent plus de fourrage et qui ont besoin de plus de nourriture, par suite de l’amplitude du lieu et de sa chaleur. § 20[149]. A partir de là encore, de même qu’à partir de l’estomac supérieur, l’intestin devient plus étroit, de même, à partir du côlon et de l’amplitude qui se trouve dans l’estomac du bas, l’excrément passe en un lieu plus rétréci, et tout à fait desséché. Il se tourne en spirale pour que la nature le dispose peu à peu, et que la sortie de l’excrément n’ait pas lieu tout à la fois. Aussi, les animaux qui doivent être plus modérés dans l’élaboration de leur nourriture, n’ont-ils pas de grands espaces dans la cavité d’en bas ; mais ils ont plus de circonvolutions, sans avoir des intestins tout droits. L’amplitude de l’intestin provoque le désir d’une nourriture qui le remplisse ; et la conformation toute droite de l’intestin produit le renouvellement rapide de ce désir. § 21[150]. Aussi tous les animaux qui ont pour les aliments des réceptacles simples et très larges, sont voraces, tantôt pour la quantité de nourriture qu’ils absorbent, tantôt pour la rapidité avec laquelle ils la prennent. Comme nécessairement, dans la cavité d’en haut, la nourriture est toute fraîche lors de sa première ingestion, et qu’en avançant en bas elle devient de plus en plus stercorale et desséchée, il faut nécessairement aussi qu’il y ait un point intermédiaire, où elle change, et où elle ne soit plus dans son premier état de fraîcheur, et où elle ne soit pas encore de la fiente. § 22[151]. Aussi, tous ces animaux ont-ils l’intestin qu’on appelle le jéjunum, dans le petit intestin qui vient après l’estomac. Ce point des entrailles est situé, d’une part, entre l’estomac d’en haut où est l’aliment non encore digéré, et, d’autre part, entre l’estomac d’en bas, dans lequel se trouve déjà l’excrément qui ne peut plus être utilisé. Cette disposition est de toute évidence dans les animaux qui sont plus gros, quand ils sont à jeun et qu’ils n’ont pas mangé. Les deux lieux se trouvent à la fois dans une sorte d’état intermédiaire ; mais quand l’animal a mangé, l’instant du changement est extrêmement court. Dans les femelles, le jéjunum se marque dans une partie quelconque de l’intestin supérieur ; mais dans les mâles, c’est avant le cæcum, et la cavité d’en bas.

CHAPITRE XV

De la présure ; il n’y en a que dans les animaux à plusieurs estomacs ; place de la présure ; exception pour le lièvre ; la présure vient de l’épaisseur du lait ; la légèreté du lait dans les animaux à un seul estomac ne permet pas la présure ; différence du lait dans les animaux à cornes et dans ceux qui n’ont pas de cornes ; citation des Problèmes.

§ 1[152]. Tous les animaux qui ont plusieurs estomacs ont ce qu’on appelle la présure ; et parmi ceux qui ont un seul estomac, il n’y a que le lièvre qui l’ait. Les animaux pourvus de plusieurs estomacs n’ont la présure, ni dans le grand estomac, ni dans la résille, ni dans le dernier, qui est la caillette ; mais ils l’ont placée entre le dernier et les deux premiers, dans celui qui se nomme le hérisson. § 2[153]. Tous ces animaux ont la présure, à cause de l’épaisseur de leur lait ; et si les animaux qui n’ont qu’un seul estomac n’ont pas de présure, c’est que le lait, quand il n’y a qu’un estomac unique, est léger. Aussi, le lait des bêtes à cornes se caille, tandis que celui des bêtes sans cornes ne se caille pas. Ce qui fait que le lièvre a de la présure, c’est qu’il se nourrit d’herbes succulentes ; et le suc de ces plantes fait cailler le lait dans le ventre du lièvre pour ses petits. D’ailleurs, nous avons expliqué dans les Problèmes pourquoi la présure se produit dans le hérisson des animaux qui ont plusieurs estomacs.

LIVRE IV


CHAPITRE PREMIER

Des intestins et de l’estomac chez les quadrupèdes ovipares et chez les reptiles ; analogies des reptiles et des poissons ; leur différence ; la vessie de la tortue ; couleur des excréments chez tous ces animaux ; rapports de la vipère et des sélaciens ; conformation spéciale des intestins chez les reptiles ; ressemblance des viscères, chez tous les animaux qui ont du sang.

§ 1[154]. La même organisation des viscères et de l’estomac, et de chacune des parties dont il vient d’être question, se retrouve chez les quadrupèdes ovipares, et aussi chez les animaux dépourvus de pieds, comme sont les serpents. La nature du serpent se rapproche beaucoup de ces animaux, puisqu’on pourrait dire du serpent qu’il est un long lézard sans pieds. § 2[155]. Du reste, tout se ressemble dans les serpents et les poissons, sauf que les uns ont un poumon parce qu’ils vivent sur terre, et que les autres ont des branchies à la place du poumon. Les poissons n’ont pas de vessie ; et parmi les reptiles, la tortue est le seul qui en ait une. Comme ces animaux ne boivent presque pas, parce que leur poumon n’a pas de sang, l’humidité tourne chez eux en écailles, de même que, chez les oiseaux, elle tourne en plumes. § 3[156]. Dans tous ces animaux, l’excrément revêt une couleur blanchâtre, de même que chez les oiseaux. Cela tient à ce que, dans ceux qui ont une vessie, il reste une saumure terreuse dans les vaisseaux, après que l’excrément est sorti. La portion douce et potable des fluides est employée dans les chairs, précisément parce qu’elle est légère. § 4[157]. Dans le genre des reptiles, la vipère présente, comparativement à tous les autres, la même différence qui distingue les sélaciens du reste des poissons. Les sélaciens et les vipères sont également vivipares au dehors, mais préalablement ils sont ovipares à l’intérieur. D’ailleurs, tous ces animaux n’ont qu’un seul estomac, comme tous les autres aussi qui ont une double rangée de dents. Ils ont également de très petits viscères, comme tous les animaux qui manquent de vessie. § 5[158]. Les reptiles, par suite de la conformation de leur corps longue et étroite, ont les viscères fort allongés par la même raison, et fort dissemblables de ceux des autres animaux, parce qu’il a fallu que les formes de ces viscères ne fussent en quelque sorte qu’esquissées pour se modeler sur la place où ils sont posés. § 6[159]. Tous les animaux pourvus de sang ont un épiploon, un mésentère, et tout ce qui se rapporte à la nature des viscères. Tous aussi ont un poumon et une trachée-artère, sauf les poissons. Dans tous ceux qui ont une trachée-artère et un œsophage, ces parties sont disposées de la même manière, par les raisons que nous en avons précédemment données.


CHAPITRE II

Position de la bile dans les animaux qui ont du sang, et spécialement dans les reptiles et les poissons ; erreurs sur la fonction de la bile ; différences entre des espèces diverses et dans la même espèce ; la bile dans l’homme, dans les moutons et les chèvres de Naxos et de Chalcis ; réfutation de la théorie d’Anaxagore ; nature de la bile dans ses rapports avec le sang ; douceur ou âcreté du foie ; théories anciennes sur la corrélation de la bile et de la longévité ; observations insuffisantes ; la bile est nécessaire dans tous les animaux qui ont du sang ; c’est une sécrétion qui les purifie ; le foie est le seul viscère qui puisse accomplir cette fonction indispensable.

§ 1[160]. La plupart des animaux pourvus de sang ont de la bile, tantôt dans le foie, et tantôt isolée et suspendue dans les intestins, comme si la nature de la bile dépendait tout autant que le reste de la cavité inférieure du corps. C’est ce qu’on peut vérifier surtout chez les poissons ; ils ont tous du fiel, et presque tous l’ont dans les intestins. Il y en a même chez qui la bile est répandue dans tout le tissu intestinal, par exemple l’amia. La plupart des reptiles l’ont également placée de cette manière. § 2[161]. Cela prouve bien qu’on est dans l’erreur quand on soutient que la nature de la bile doit servir à la sensation ; car il y a des naturalistes qui prétendent que la bile n’a pour fonction que de corroder la partie de l’âme qui réside dans le foie et de la condenser ; et que, quand elle s’épanche librement, elle rend l’âme plus douce. Certains animaux n’ont pas du tout de fiel, le cheval, le mulet, l’âne, le cerf, le daim. Le chameau n’a pas de vésicule biliaire isolée ; mais ce sont plutôt des veinules qui sont comme bilieuses. Le phoque non plus n’a pas de fiel, ni encore le dauphin, parmi les poissons de haute mer. § 3[162]. Parfois, dans un même genre, certains animaux ont du fiel, tandis que certains autres n’en ont pas ; par exemple, dans le genre des rats. Tel est l’homme lui-même ; il y a des gens chez qui l’on trouve de la bile dans le foie ; et d’autres n’en ont pas. De là des doutes en ce qui concerne l’organisation du genre dans sa totalité. Parce qu’on a observé par hasard des sujets qui étaient de l’une ou de l’autre façon, on prononce sur tous les autres comme si tous, sans exception, étaient organisés de même. C’est ce qu’on peut observer aussi sur les moutons et les chèvres. Presque toujours ces animaux ont du fiel ; et parfois même ils en ont un tel excès qu’on y voit une monstruosité, comme dans le bétail de Naxos ; mais, d’autres fois, ils n’en ont pas du tout, comme dans quelques localités qu’on cite aux environs de Chalcis, en Eubée. § 4[163]. On peut ajouter que, dans les poissons, le fiel est fort loin du foie, ainsi que nous l’avons déjà dit. Mais Anaxagore se trompe quand il suppose que la bile est cause de maladies aiguës, lorsque, par suite de son abondance excessive, elle reflue vers le poumon, les veines et les côtes, qu’elle remplit. En général, les animaux qui souffrent de ces affections morbides n’ont pas de bile ; et c’est ce qu’on verrait clairement si l’on prenait la peine de les disséquer. La quantité de bile qui se forme dans ces maladies et celle qui s’épanche n’ont pas le moindre rapport. § 5[164]. A notre avis, de même que la bile qui peut se trouver dans le reste du corps n’est qu’une excrétion et une pourriture de certaine espèce, de même celle qui est dans le foie n’est également qu’une excrétion d’un certain genre, et n’a pas de but ultérieur, non plus que le dépôt qui se forme dans le ventre et dans les intestins. Il est vrai que parfois la nature utilise les excrétions mêmes ; mais ce n’est pas à dire qu’il faille chercher toujours à découvrir dans quel but la chose est faite ; et il faut se borner à constater que, telles conditions étant données, il y a beaucoup d’autres phénomènes qui, de toute nécessité, suivent ces premières conditions.

§ 6[165]. Les animaux chez lesquels la constitution du foie est saine et chez lesquels la partie du sang qui, par la sécrétion, se rend dans le foie, est naturellement douce, ne retiennent pas du tout de bile dans le foie, ou n’en ont que dans quelques petites veines ; ou bien les uns en ont, tandis que les autres n’en ont pas. Aussi, les foies de ceux qui n’ont pas de bile sont d’une belle couleur et d’un goût agréable, du moins le plus ordinairement ; et dans ceux qui ont de la bile, la partie du foie la plus douce au goût est précisément celle qui est sous la bile. Quand la constitution des parties est d’un sang moins pur, l’excrétion qui en est formée devient de la bile ; car l’excrétion est, on peut dire, le contraire de la nutrition, comme la saveur amère est le contraire de la saveur douce ; et le sang qui est doux est celui qui fait la santé.

§ 7[166]. On doit donc bien voir que la bile n’a pas un but spécial pour cause ; mais qu’elle est une purgation. Aussi, donnons-nous pleine raison aux anciens naturalistes qui disent que ce qui contribue à faire vivre certains êtres plus longtemps, c’est de n’avoir pas de bile, et qui rapportent cette observation aux solipèdes et aux cerfs ; ces animaux, en effet, n’ont pas de bile, et ils vivent très vieux. Mais d’autres animaux dont ces observateurs n’ont pas dit qu’ils soient sans bile, comme le dauphin et le chameau, ont aussi une existence très longue, § 8[167]. La raison reconnaît donc que cette fonction du foie, qui est si utile et si nécessaire, se trouve dans tous les animaux qui ont du sang, et que, selon ce qu’elle est, elle devient la cause d’une vie plus ou moins longue. Il n’est pas moins conforme à la raison qu’une sécrétion de ce genre appartienne à ce viscère et n’appartienne à aucun autre. Car il n’est pas possible qu’aucun fluide du même genre approche du cœur, qui ne pourrait supporter aucune affection violente. Les autres viscères ne sont jamais absolument indispensables aux animaux ; et il n’y a que le foie qui soit dans cette condition. On aurait certainement tort de croire qu’il n’y a pas d’excrétion partout où l’on voit du flegme ou un dépôt du ventre ; mais il n’est pas moins clair que la bile est une excrétion, et que la différence des lieux n’a en ceci aucune importance.

CHAPITRE III

De l’épiploon ; citation d’études antérieures ; position et fonction de l’épiploon dans les animaux, terrestres ou aquatiques, qui ont du sang ; formation de l’épiploon ; sa nature membraneuse ; ses rapports avec le sang, la graisse et le suif ; sa fonction est de concourir avec le foie à la coction des aliments, afin que, dans tous les animaux, cette cuisson soit plus facile et aussi plus rapide.

§ 1[168]. Nous venons de voir ce qu’est la bile, et pourquoi certains animaux en ont, tandis que d’autres n’en ont pas ; maintenant, il nous reste à parler du mésentère et de l’épiploon, puisque ces deux viscères sont aussi dans le même lieu et qu’ils font partie de ces organes. L’épiploon est une membrane garnie de suif chez les animaux qui ont du suif, et garnie de graisse chez ceux qui ont de la graisse ; et nous avons expliqué antérieurement la nature de la graisse et du suif. § 2[169]. Dans les animaux qui n’ont qu’un seul estomac et dans ceux qui en ont plusieurs, l’épiploon est de la même manière suspendu, à partir du milieu de l’estomac, comme une couture tracée au-dessous. Il enveloppe le reste du ventre et la totalité des intestins, dans tous les animaux qui ont du sang, soit terrestres, soit aquatiques ; sa disposition y est toujours semblable, et l’organisation de ce viscère est indispensable telle qu’elle est. § 3[170]. En effet, quand un mélange de sec et d’humide vient à s’échauffer, l’extrémité se change toujours en une sorte de peau et de membrane ; or ce lieu du corps est constamment plein d’aliments de cette espèce. De plus, l’épaisseur même de la membrane fait que la partie du sang nourricier qui y filtre devient nécessairement de la graisse, puisque c’en est la partie la plus légère ; et que, recuite par la chaleur qui est dans ces lieux, elle se change en suif et en graisse, au lieu de rester de la chair et du sang. § 4[171]. Telle est donc l’origine de l’épiploon, qui est ce qu’on vient de dire ; la nature l’emploie pour achever la complète coction des aliments, et faire que les animaux digèrent et cuisent leur nourriture plus aisément et plus vite. La chaleur fait cuire les choses ; or, la graisse est chaude, et l’épiploon est gras. Si donc l’épiploon est flottant au milieu du ventre, c’est pour que la partie postérieure concoure à la coction avec le foie, qui est placé tout auprès.

CHAPITRE IV

Du mésentère ; sa position, son organisation ; ses fonctions dans les animaux qui ont du sang ; il conduit le produit de l’alimentation de l’estomac dans les veines ; les veines sont comme les racines du mésentère, analogues aux racines des plantes ; complément de cette théorie annoncé pour le Traité de la Génération des Animaux et pour le Traité de l’Alimentation.

§ 1[172]. Après avoir parlé de l’épiploon, nous devons dire que le viscère nommé le mésentère est une membrane qui existe sans discontinuité, à partir de toute l’étendue des intestins jusqu’à la grande veine et à l’aorte ; il est rempli de veines nombreuses et épaisses, qui se rendent des intestins à l’aorte et à la grande veine. Nous trouverons que son organisation est aussi nécessaire que celle de toutes les autres parties du corps ; et pour peu qu’on y regarde, on comprendra pourquoi le mésentère a été donné aux animaux qui ont du sang. § 2[173]. En effet, comme nécessairement les animaux doivent tirer leurs aliments du dehors, et que c’est de ces aliments que provient la nourriture définitive qui se répartit dans toutes les parties du corps, et qui, n’ayant pas de nom dans les animaux dépourvus de sang, s’appelle le sang dans les animaux qui en ont, il doit y avoir quelque organe qui permette à la nourriture de cheminer de l’estomac dans les veines, comme à travers des racines. § 3[174]. Les plantes ont leurs racines dans le sol, d’où elles tirent leur nourriture ; chez les animaux, c’est l’estomac et l’action puissante des intestins qui est la terre destinée à leur fournir l’alimentation. La nature du mésentère est en quelque sorte d’avoir pour racines les veines qui le traversent. On voit par là ce qu’est la fonction du mésentère et son objet. Quel est le procédé par lequel les animaux se nourrissent, et comment, extrait des aliments ingérés, circule, par le moyen des veines dans les diverses parties du corps, ce qui est successivement transporté dans les veines, c’est ce que nous dirons plus tard dans nos traités sur la Génération des animaux et sur l’Alimentation.

§ 4[175]. Nous venons de montrer ce qu’est l’organisation des animaux qui ont du sang dans les parties spéciales que nous avons étudiées, et nous en avons expliqué les fonctions. La suite et le complément de ce qui précède seraient de parler de tout ce qui se rapporte et concourt à la génération, en tenant compte des différences qui distinguent la femelle du mâle ; mais, comme nous aurons à traiter plus tard de la génération, il sera plus convenable de renvoyer ce que nous aurons à dire sur ces sujets à l’étude spéciale que nous aurons à en faire.

CHAPITRE V

Des organes de l’alimentation chez les animaux qui n’ont pas de sang ; les deux dents des mollusques et des testacés ; œsophage des mollusques et leur gésier pareil à celui des oiseaux ; motif de cette organisation ; l’encre de certains mollusques ; son emploi dans les seiches, les teuthies et les polypes ; c’est par peur que ces animaux lancent leur encre ; organisation des crustacés et des testacés, et spécialement des colimaçons, qui ont des dents et une langue ; les turbines, les bivalves et les univalves ; différence des crustacés et des testacés avec les mollusques ; citation de l’Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques ; organisation des hérissons de mer (oursins) ; leurs cinq dents et leurs œufs ; la micon ; forme des hérissons ; le nombre des œufs est nécessairement impair ; les cinq estomacs ; les téthyes très rapprochées des plantes ; éponges et holothuries ; enides et acalcphes ; rapports des animaux inférieurs et des plantes ; nuances insensibles de la nature ; étoiles de mer ; organes de l’alimentation chez tous les animaux inférieurs ; la mytis des mollusques ; cœur et centre de la sensibilité chez les mollusques, chez les testacés et les insectes ; organisation particulière de la cigale ; sa nourriture ; les éphémères ; indication d’études ultérieures.

§ 1[176]. Les animaux qu’on appelle mollusques et crustacés présentent une grande différence avec les précédents ; et cette différence consiste tout d’abord en ce qu’ils n’ont pas une organisation intestinale qui soit complète, non plus que tous les animaux qui sont privés de sang ainsi qu’eux. On sait, en effet, qu’il y a encore deux autres genres d’animaux exsangues, les crustacés et les insectes. Aucun de ces animaux n’a le fluide qui compose les entrailles, c’est-à-dire le sang, qui fait essentiellement partie de la nature des intestins. § 2[177]. Qu’il y ait des animaux pourvus de sang et d’autres qui en sont privés, c’est là ce qui ressort de la définition essentielle des uns et des autres ; et les exsangues n’ont rien de ce qui exige des viscères intestinaux dans les animaux qui ont du sang ; car, n’ayant ni veines ni vessie, et ne respirant pas non plus, ils n’ont nécessairement besoin que d’avoir un organe qui réponde au cœur, puisque, chez tous les animaux sans exception, la sensibilité qui appartient à l’âme, et qui est la cause de la vie, doit résider dans un certain principe de leurs organes et de leur corps. § 3[178]. Tous les animaux exsangues eux-mêmes ont nécessairement aussi des organes qui servent à la nutrition ; et la manière différente dont ils s’alimentent tient aux lieux de leur corps qui reçoivent les aliments. Ainsi, les mollusques ont deux dents autour de la partie qu’on appelle leur bouche ; et, dans cette bouche, il y a, en place de langue, un appendice charnu qui leur fait sentir le goût agréable de leurs comestibles. Les crustacés ont d’abord, comme les mollusques, les premières dents et le morceau de chair analogue à la langue ; mais les testacés ont tous aussi un organe de ce genre, par la même cause qu’en ont les animaux pourvus de sang, c’est-à-dire pour goûter leur nourriture.

§ 4[179]. Quant aux insectes, quelques-uns ont également une trompe, qui sort de leur bouche ; et telles sont les abeilles et les mouches, dont on a parlé déjà. Ceux des insectes qui n’ont pas un aiguillon antérieur, ont un organe de ce genre dans la bouche, comme l’ont les fourmis et tels autres insectes analogues. Parmi eux, les uns ont des dents, qui sont d’ailleurs organisées autrement, comme en ont les mouches et les abeilles ; les autres, dont la nourriture est liquide, n’en ont pas ; car beaucoup d’insectes ont des dents, qui leur servent non à se nourrir, mais à se défendre. § 5[180]. Les testacés ont tantôt, comme on l’a dit au début, cet appendice très dur qu’on appelle leur langue, et tantôt les deux dents, qu’ont les crustacés ; et tel est le limaçon. § 6[181]. A la suite de la bouche, les mollusques ont un long œsophage ; et après l’œsophage, un gésier pareil à celui des oiseaux. Puis, l’estomac vient après le gésier ; et tenant à l’estomac, vient l’intestin, qui est simple jusqu’à l’orifice de sortie. Chez les seiches et les polypes, l’estomac est, pour sa forme et pour sa consistance au toucher, organisé de la même manière. Dans les animaux qu’on appelle des teuthies, on voit également deux cloaques en forme d’estomacs, dont l’un s’éloigne davantage d’un gésier ; et ils diffèrent des polypes et des seiches en ce que leur corps tout entier se compose d’une chair plus molle. § 7[182]. Du reste, ces parties sont ainsi disposées chez ces animaux par le même motif que chez les oiseaux. Aucun d’eux, en effet, ne peut broyer sa nourriture ; et voilà pourquoi il y a un gésier placé en avant de l’estomac. C’est aussi pour se défendre et assurer leur salut que ces animaux sont pourvus de ce qu’on appelle leur encre, contenue dans un manteau membraneux ; et ce manteau a une issue et une extrémité par laquelle l’animal rejette les excréments du ventre, dans l’organe qu’on nomme le conduit. Ce conduit est placé dans les parties de devant. § 8[183]. Tous les mollusques ont cet organe spécial ; mais il est surtout remarquable chez la seiche, et il y est plus développé. Dans les moments de crainte et de péril, les seiches font une sorte de rempart en avant de leur corps en noircissant et en troublant l’eau. Les teuthies et les polypes tiennent leur encre en haut, sur la mytis, tandis que la seiche la tient en bas sous le ventre. Elle a aussi davantage de cette encre, parce qu’elle s’en sert plus souvent. § 9[184]. La seiche est ainsi organisée, parce que sa vie se passe près de la terre ; elle n’a pas d’autre moyen de défense, tandis que le polype a pour lui ses tentacules, dont il se sert fort utilement, et le changement de couleur, qu’il opère comme la seiche, qui, dès qu’il y a quelque crainte, projette son encre par la même cause. La teuthis est la seule parmi ces animaux à être de haute mer. § 10[185]. La seiche a donc comparativement une plus grande quantité d’encre ; et comme elle en a davantage, elle l’a au bas du corps. Cette quantité plus grande lui permet de lancer son encre plus aisément et de loin. L’encre se produit dans la seiche, comme chez les oiseaux se produit le dépôt blanchâtre et terreux sur l’excrément. Chez la seiche, l’encre se produit aussi, parce que la seiche non plus n’a pas de vessie. La partie la plus terreuse s’y dépose sur l’encre, qui est d’autant plus abondante dans la seiche qu’elle a plus de terreux en elle. Ce qui prouve que l’encre n’est que cela, c’est l’os de la seiche, qui est également terreux, tandis que le polype n’en a pas ; et que l’os de la teuthis est cartilagineux et léger.

§ 11[186]. On vient de dire pourquoi, parmi ces animaux, les uns ont de l’encre et pourquoi les autres n’en ont pas, et dans quelle mesure en ont les espèces organisées de cette façon. Ces animaux n’ont pas de sang ; et par cela même, ils sont sujets à se refroidir et à être craintifs, de même que, chez quelques personnes, le ventre se trouble et se relâche, pour peu qu’elles aient quelque crainte, et que, chez d’autres, la vessie laisse échapper sa sécrétion. De même, c’est aussi la peur qui fait que ces animaux lancent leur encre, contraints à cette émission nécessaire, qui leur sort, comme l’urine sort régulièrement de la vessie. Mais ici la nature emploie cette sécrétion telle qu’elle est, tout à la fois pour défendre l’animal et pour le sauver.

§ 12[187]. Les crustacés, soit de l’espèce des langoustes, soit de l’espèce des crabes, ont les deux premières dents ; et entre ces dents, le morceau de chair en forme de langue, ainsi que nous l’avons déjà dit. Ils ont l’œsophage immédiatement après la bouche ; cet œsophage est petit comparativement à la dimension de leur corps, et les plus grands l’ont petit, comparativement aux plus petits. A la suite de l’œsophage, vient l’estomac, sur lequel les langoustes et quelques crabes ont d’autres dents, parce que celles d’en haut ne sont pas assez tranchantes ; mais à partir de l’estomac, ils ont un intestin qui est simple et tout droit jusqu’à l’orifice donnant issue aux excréments. § 13[188]. Les testacés ont tous aussi ces mêmes organes, plus distincts chez les uns, moins distincts chez les autres ; ces détails sont reconnaissables surtout chez les plus grands. Les colimaçons ont, ainsi qu’on l’a dit, des dents dures et aiguës ; l’intervalle de ces dents est charnu, comme dans les mollusques et dans les crustacés. Ils ont également la trompe, qui tient le milieu entre le dard et la langue, comme on l’a dit plus haut. À la suite de la bouche, vient une sorte de gésier, dans le genre de celui des oiseaux. Puis, à la suite de ce gésier, vient l’œsophage ; l’œsophage est suivi de l’estomac, dans lequel se trouve ce qu’on nomme la micon ; et après la micon, vient l’intestin, qui en part tout entier. Cette excrétion, qui se trouve dans tous les testacés, est la partie qui est particulièrement bonne à manger.

§ 14[189]. Les autres turbines, tels que les pourpres et les buccins, sont organisés de même que le colimaçon. D’ailleurs, il y a beaucoup de genres et d’espèces ; il y a, par exemple, les turbines comme ceux dont on vient de parler ; d’autres ont deux valves, tandis que d’autres encore n’en ont qu’une. Les turbines ressemblent bien aussi aux bivalves ; ils ont tous, dès leur naissance, des opercules sur la partie découverte de la chair, comme en ont les pourpres, les buccins, les nérites et toutes les espèces analogues. Ces opercules servent à les défendre ; car là où la coquille ne s’étend pas, il y a plus de chance que l’animal soit blessé par les accidents du dehors. § 15[190]. Les univalves, étant attachés au roc, sont protégés par la déclivité de leur coquille ; et grâce à une couverture qui ne leur appartient pas, elles deviennent en quelque sorte des bivalves, comme les coquillages qu’on appelle les lépades. Au contraire, les bivalves tels que les peignes et les moules deviennent univalves en se contractant ; et les turbines deviennent, par cet opercule, en quelque sorte bivalves d’univalves qu’ils étaient. Le hérisson de mer a plus de ressources que tous les autres ; car sa coquille se réunit en boule, et il est défendu par le rempart de ses piquants ; c’est une propriété toute spéciale qu’il possède parmi les testacés, ainsi qu’on l’a déjà dit.

§ 16[191]. Les crustacés et les testacés ont une organisation absolument opposée à celle des mollusques. Les uns ont la partie charnue à l’extérieur ; les autres l’ont en dedans, avec la partie terreuse au dehors ; mais le hérisson n’a aucune espèce de chair. Du reste, tous ces animaux et les autres testacés ont une bouche, puis une sorte de langue, un estomac, et un orifice pour l’issue des excréments. Il n’y a de différence que dans la position et la grandeur de ces organes. On peut voir la constitution de chacun de ces êtres, soit parce qui en est dit dans l’Histoire des Animaux, soit d’après les Descriptions Anatomiques ; car il y a des choses qu’il est plus facile de faire comprendre clairement par des explications, et d’autres par la vue. § 17[192]. Parmi les testacés, les hérissons et l’espèce de ce qu’on appelle les téthyes présentent une organisation singulière. Ainsi, les hérissons ont cinq dents, et la partie charnue est au centre ; ce qui est également l’organisation de tous les animaux dont on vient de parler ; mais ils ont à la suite un œsophage, et, à partir de ce point, un estomac divisé en plusieurs sections, comme si l’animal avait plusieurs estomacs. Tous ces estomacs sont, en effet, isolés les uns des autres et pleins d’excrétion ; ils dépendent tous d’un seul et unique œsophage, et ils se terminent à une seule issue, qui est celle des excréments. Sauf l’estomac, ils n’ont absolument rien de charnu, ainsi qu’on l’a dit. Leurs œufs, ou ce qu’on appelle de ce nom, sont nombreux et renfermés chacun isolément dans une membrane ; et à partir de la bouche et tout autour, ils ont certains corpuscules noirs, répandus un peu confusément, et auxquels on n’a pas donné de nom. § 18[193]. Les genres de hérissons étant fort multipliés, puisqu’il n’y a pas pour eux un genre uniforme, tous sont pourvus de ces organes ; mais, chez tous, les œufs ainsi nommés ne sont pas comestibles ; et ces œufs sont très petits, à l’exception de ceux de la surface. Du reste, c’est là une observation qu’on peut faire sur tous les autres testacés ; la chair de tous n’est pas également bonne ; et leur excrétion qu’on appelle le micon est mangeable chez les uns, tandis qu’elle ne l’est pas chez les autres. Chez les turbines, le micon est dans la spire ; dans les univalves, elle est dans le fond, comme chez les lépades ; et, dans les bivalves, elle est à la jointure qui les ferme. § 19[194]. Chez les bivalves, ce qu’on appelle l’œuf est à droite, et la sortie des excréments se fait de l’autre côté, à gauche. On a tort du reste d’appeler cela un œuf ; car ce n’est que de la graisse, comme chez les animaux qui ont du sang, quand l’animal se porte bien. Aussi, cet œuf prétendu ne se montre-t-il qu’aux époques de l’année où l’animal est en pleine santé, au printemps et à l’automne ; car tous les testacés souffrent du froid et de la grande chaleur ; et les deux excès de température leur sont également nuisibles. § 20[195]. On le voit bien par les hérissons de mer ; car ils ont cet œuf dès leur naissance, et ils l’ont plus gros pendant les pleines lunes, non pas parce qu’ils mangent davantage, ainsi qu’on le suppose, mais parce que les nuits sont plus échauffées par la lumière de la lune. Comme ils n’ont pas de sang, ils supportent mal le froid, et ils ont besoin de chaleur pour se réchauffer. Aussi, sont-ils partout mieux portants durant l’été, sauf ceux de l’Euripe de Pyrrha, qui ne se portent pas moins bien en hiver, parce qu’alors leur nourriture est plus abondante, les autres poissons quittant ces lieux durant cette saison. § 21[196]. Les hérissons ont tous le même nombre d’œufs, et toujours en nombre impair ; ils en ont cinq, c’est-à-dire autant que de dents et d’estomacs. Cela tient à ce que cet œuf prétendu n’est pas du tout un œuf, ainsi que nous venons de le dire, et que c’est seulement l’embonpoint de l’animal bien nourri. Ce prétendu œuf ne vient que d’un seul côté chez les huîtres. C’est absolument aussi la même chose pour les hérissons. Comme le hérisson est presque sphérique et que le cercle du corps n’est pas unique, ainsi qu’il l’est dans les autres huîtres, et comme le hérisson ne cesse pas d’être sphérique, l’étant tantôt ici et tantôt ne l’étant pas là, et qu’il est partout égal à cause de sa sphéricité, il y a nécessité que l’œuf soit aussi disposé de la même façon ; car le cercle ne peut pas être dissemblable comme dans les autres crustacés. § 22[197]. Tous ces animaux ont la tête au centre ; et cette partie ressemblant à une tête se trouve en haut. Dès lors, il est impossible par cela même que l’œuf soit continu ; il n’est que dans une certaine partie du cercle, et non dans les autres. Il faut donc, puisque cette disposition est commune dans tous, et que cet animal est le seul à avoir le corps sphérique, que les œufs ne soient pas en nombre pair. L’animal aurait été organisé en diamètre, parce qu’il aurait fallu que les deux parties de l’un et l’autre côté fussent pareilles, si les œufs avaient été en nombre pair et disposés diamétralement. S’il en eût été ainsi, les œufs se trouveraient des deux côtés du cercle. Mais ceci n’était pas possible pour les hérissons, non plus que pour les autres huîtres ; et, en effet, les huîtres et les peignes n’ont cette partie que d’un seul des côtés de la circonférence.

§ 23[198]. Il y avait donc nécessité qu’il y eut trois ou cinq œufs, ou tel autre nombre impair ; mais à trois, ils eussent été trop éloignés ; à plus de cinq, ils eussent été continus en se touchant. La première alternative n’était pas la meilleure ; la seconde était impossible. Il fallait donc que ces animaux eussent cinq œufs. § 24[199]. C’est par la même raison que l’estomac de ces animaux est divisé en autant de parties, et que le nombre de leurs dents est ce qu’il est, c’est-à-dire de cinq. Chaque œuf étant en quelque sorte un corps de l’animal, il fallait nécessairement que chaque œuf fût dans un rapport semblable avec son genre d’existence, puisque c’est de là que l’animal tire sa croissance ; car s’il n’y avait eu qu’un seul estomac, les dents eussent été trop loin, ou elles auraient rempli toute la place, de sorte que le hérisson eût eu grand’-peine à se mouvoir, et que le creux ne se serait pas rempli de nourriture. Mais les intervalles étant au nombre de cinq, il a fallu que l’estomac, qui correspond à chacun d’eux, fût également partagé en cinq. C’est par la même raison que le nombre des dents doit être de cinq aussi ; et la nature sait par là donner et répartir à toutes ces parties une organisation égale.

§ 25[200]. On voit donc pourquoi le hérisson a des œufs en nombre impair, et pourquoi ces œufs sont au nombre de cinq. Ce qui fait que les uns ont des œufs très petits, et que les autres ont de grands œufs, c’est que les derniers ont naturellement plus de chaleur. La chaleur a la force de cuire davantage les aliments ; et voilà pourquoi les hérissons qui ne sont pas comestibles sont aussi plus remplis d’excrétion. C’est la chaleur de leur nature qui les dispose à être plus mobiles, de sorte qu’ils vont à la pâture et ne restent pas en place. Ce qui le prouve bien, c’est que ces sortes de hérissons ont toujours quelque chose à leurs piquants, par suite évidemment des mouvements qu’ils se donnent en tous sens. Leurs piquants leur servent de pieds.

§ 26[201]. Quant aux téthyes, leur nature diffère très peu de la nature des plantes, bien qu’elles soient plus animales que les éponges, qui sont tout à fait dans la condition de la plante. C’est que la nature passe sans discontinuité des êtres sans vie aux animaux qui en sont doués, par l’intermédiaire d’êtres qui ont la vie, sans être cependant des animaux ; et ces êtres sont tellement rapprochés les uns des autres, qu’ils ne semblent offrir qu’une différence excessivement légère. § 27[202]. Pour l’éponge, qui ne peut vivre, comme on l’a dit, que quand elle est attachée à quelque chose, et qui ne vit plus quand on la détache, elle ressemble absolument à un végétal. Les holothuries, ainsi dénommées, les poumons marins et d’autres animaux analogues qui habitent la mer, ne différent que très peu de ceux-là, en ce qu’ils peuvent se détacher. Ces êtres n’ont aucun des sens ; et ils vivent comme des plantes qui seraient détachées du sol. § 28[203]. Car même parmi les plantes de terre, il y en a quelques-unes qui, étant organisées de la même manière, peuvent tantôt vivre et se développer aussi sur d’autres plantes ; et tantôt vivent même en étant détachées, comme cette plante du Parnasse qu’on appelle l’Épipètre (la Pierreuse), et qui vit longtemps encore après qu’on l’a suspendue au sommet des piquets.

§ 29[204]. Les téthyes, et les autres animaux de cet ordre, s’il en est, se rapprochent de la plante en ce qu’elles ne peuvent vivre comme elle qu’en étant attachées à quelque chose. On pourrait croire qu’elles ont quelque sensibilité, parce qu’elles ont une partie charnue ; mais on ne sait comment on doit les classer. Cet animal a deux conduits et une seule fente, qui reçoit le liquide propre à sa nutrition, et qui rejette le résidu de ce fluide. On ne voit pas clairement qu’il ait des excréments, comme les autres testacés. § 30[205]. On pourrait donc à bien juste titre et très particulièrement l’appeler un végétal, ainsi que toutes les espèces d’animaux qui lui ressemblent, puisque le végétal n’a pas non plus d’excréments. La fente légère qui est au milieu peut bien être prise pour le point essentiel de la vie. Quant aux animaux qu’on appelle tantôt Cnides, et tantôt Acalèphes, ce ne sont pas des testacés ; ils sortent de toutes les divisions admises, et leur nature participe à la fois de la plante et de l’animal. En effet, ce sont des espèces d’animaux, puisque quelques espèces se détachent et vont chercher leur nourriture, et qu’elles sentent aussi les corps qui se détachent d’elles. De plus, elles savent se défendre à l’aide de la dureté de leur corps. Mais par leur imperfection et aussi par leur faculté de s’attacher vite aux rochers, elles se rapprochent beaucoup de la plante ; elles s’en rapprochent en outre par l’absence de tout excrément, du moins de tout excrément visible, bien qu’elles aient une bouche.

§ 31[206]. L’espèce des étoiles de mer ressemble beaucoup aux précédentes ; car elles se jettent sur les huîtres pour en sucer plusieurs, et elles ressemblent aussi à ceux des animaux qui se détachent, parmi ceux qu’on vient de nommer, mollusques et crustacés. On pourrait en dire autant des testacés.

§ 32[207]. Les organes de l’alimentation, qui sont absolument nécessaires à tous les animaux, sont tels qu’on vient de les décrire ; et par une suite non moins évidente, il faut aussi qu’ils aient une partie correspondante à celle qui, chez les animaux pourvus de sang, constitue le siège principal de la sensibilité ; car c’est là une partie indispensable à tous les êtres animés. Dans les mollusques, c’est une partie liquide placée dans une membrane, par laquelle l’œsophage s’étend jusqu’à l’estomac ; cette membrane est plutôt en arrière ; et c’est ce qu’on appelle parfois la Mytis. Il y a même quelque chose de ce genre à peu près dans les crustacés, qu’on nomme la Mytis également. § 33[208]. Cet organe est tout à la fois liquide et solide comme un corps, et il est traversé dans son milieu par l’œsophage, ainsi qu’on l’a déjà dit. S’il était placé entre l’œsophage et la partie postérieure de l’animal, il n’aurait pas pu prendre aussi aisément la distension indispensable pour la nourriture qui entre ; la dureté de son dos eût été un obstacle. Mais l’intestin est en dehors sur la Mytis, et l’encre est sur l’intestin, pour que ces parties fussent le plus loin possible de l’orifice de sortie, et pour que tout ce qui pouvait nuire à l’animal fût éloigné de sa partie la meilleure, et de son principe. § 34[209]. Ce qui prouve bien que cet organe est analogue au cœur, c’est d’abord le lieu où il est placé ; car ce lieu est le même ; et ensuite c’est la douceur du liquide, qui semble parfaitement cuit et sanguin. Dans les testacés, le siège principal de la sensibilité est disposé de même ; mais c’est moins apparent. Chez les animaux qui sont immobiles, on doit toujours chercher ce principe dans le milieu des deux organes, dont l’un reçoit la nourriture et dont l’autre accomplit la sécrétion, soit spermatique, soit excrémentielle. Dans tous les animaux qui se meuvent, ce milieu est toujours à chercher entre la droite et la gauche. § 35[210]. Chez les insectes, ainsi qu’on l’a dit dans des Études antérieures, l’organe de ce principe est placé entre la tête et le renflement du ventre. Parfois, cet organe, qui le plus souvent est unique, devient multiple, comme on le voit chez les Ioules et les insectes allongés ; et c’est là ce qui fait qu’ils vivent encore après qu’on les a coupés en deux. Le vœu de la nature est bien qu’un tel organe soit toujours unique ; et quand elle ne le peut pas, elle fait du moins cet organe unique en fait, et multiple en puissance. Du reste, ceci est plus ou moins évident selon les divers animaux.

§ 36[211]. D’ailleurs, les organes nécessaires à l’alimentation ne sont pas les mêmes dans tous ces animaux, et ils offrent des différences considérables. Chez quelques-uns, ce qu’on appelle le dard est dans la bouche ; et l’on dirait que c’est en quelque sorte un composé qui réunit tout ensemble les fonctions de la langue et celles des lèvres. Ceux qui n’ont pas leur dard en avant ont cet organe de sensibilité à l’intérieur des dents ; mais chez tous vient ensuite l’intestin tout droit, et simple jusqu’à l’orifice pour la sortie des excréments. Chez quelques-uns, l’intestin est en spirale. D’autres ont l’estomac après la bouche, et l’intestin, enroulé après l’estomac, afin que ceux qui ont plus besoin de manger, et qui sont plus gros, puissent recevoir une plus grande quantité de nourriture. § 37[212]. C’est la cigale qui, de toutes ces espèces, a l’organisation la plus singulière. C’est un même organe soudé qui lui sert de bouche et de langue ; et c’est une sorte de racine par où elle prend la nourriture qu’elle puise dans les liquides. Ce sont les insectes qui mangent le plus comparativement aux autres animaux, non pas tant à cause de leur petitesse qu’à cause de leur froideur ; car la chaleur a besoin d’aliments, et elle les cuit très vite, tandis que le froid ne nourrit pas bien. Mais à cet égard, la cigale se distingue très-spécialement. Son corps se contente de l’humidité qui provient de l’air, comme les éphémères que voit naître le Pont-Euxin, si ce n’est que ces derniers ne vivent que l’espace d’une seule journée, tandis que les cigales vivent davantage de jours, tout en n’en vivant encore que fort peu.

§ 38[213]. Après avoir parlé des parties intérieures des animaux, il nous faudrait arriver à leurs parties extérieures. Mais nous pouvons partir de ce que nous avons déjà dit, sans nous occuper de ce que nous laissons de côté, afin qu’après nous être peu arrêté à ce qui exige moins d’attention, notre étude puisse s’attacher plus longuement à ce qui regarde les animaux parfaits qui ont du sang.

CHAPITRE VI

Des insectes ; leur organisation ; relation des pattes et des ailes ; nombre des ailes ; leur nature diverse ; causes et objet de la segmentation des insectes ; rapports des insectes et des plantes ; du dard des insectes ; sa position ; ses usages, à l’extérieur et à l’intérieur, au devant ou en arrière ; règle ordinaire de la nature n’employant qu’un organe à une fonction, toutes les fois qu’elle le peut ; des pattes des insectes ; leur nombre et leur position ; de l’organisation des pattes dans les insectes qui sautent.

§ 1[214]. Les insectes ne sont pas formés d’autant de parties que d’autres animaux, bien qu’ils présentent entre eux assez de différences. Ils ont tous beaucoup de pattes, pour que cette multiplicité leur rende le mouvement plus facile, entravé comme il l’est en eux par la lenteur et la froideur de leur nature. Ceux qui ont le plus de pattes sont ceux qui sont les plus froids, à cause de leur longueur, comme les Ioules. Les insectes, ayant plusieurs principes de vie, ont aussi plusieurs sections ; et c’est par le même motif qu’ils ont beaucoup de pattes. Ceux qui ont les pattes plus petites ont des ailes pour compenser l’insuffisance de leurs pattes. § 2[215]. Parmi les insectes ailés eux-mêmes, ceux dont la vie est errante, et qui doivent nécessairement changer de lieux pour pouvoir vivre, ont quatre ailes ; et le volume de leur corps est très léger, comme on le voit chez les abeilles et leurs congénères, qui ont deux ailes de chaque côté du corps. Les plus petits de ces insectes n’ont que deux ailes, comme l’espèce des mouches. Ceux qui sont courts et qui vivent davantage sur place ont plusieurs ailes comme les abeilles ; mais ils ont des élytres (fourreaux) à leurs ailes, comme les hannetons et les insectes analogues, pour que les ailes puissent conserver toute leur force ; car, restant sédentaires, ils pourraient s’abîmer plus aisément que les insectes qui sont plus mobiles ; et c’est pour cela qu’ils ont un abri qui les protège.

§ 3[216]. Leur aile n’est pas divisée et n’a pas de tuyau. Ce n’est pas une plume ; mais une membrane qui se rapproche du cuir, et qui, par sa sécheresse, se détache du corps, qui est refroidi et charnu. Les insectes sont divisés en segments par les raisons qu’on vient de dire, et aussi afin de pouvoir se conserver et se défendre, en se repliant et en ne sentant plus rien. Ceux des insectes qui ont quelque longueur s’enroulent sur eux-mêmes ; ce qui leur serait impossible s’ils n’étaient pas segmentés. Ceux qui ne peuvent pas s’enrouler ainsi se rendent plus durs, en rapprochant leurs sections. C’est ce dont on peut se convaincre en les touchant, par exemple les canthares ; quand ils ont peur, ils se tiennent immobiles ; et leur corps se durcit. § 4[217]. C’est une nécessité pour eux d’être des insectes, puisque leur essence est d’avoir plusieurs centres de vie ; ce en quoi ils se rapprochent des plantes. En effet, de même que les plantes, ils peuvent vivre encore après qu’on les a divisés, si ce n’est que chez les insectes, ceci ne va que jusqu’à un certain point, tandis que les plantes peuvent devenir naturellement complètes en se divisant, et que d’une seule plante il peut en sortir deux ou même davantage.

§ 5[218]. Il y a des insectes qui, en outre, ont des dards pour se défendre contre tout ce qui leur peut nuire. Les uns l’ont en avant ; les autres l’ont en arrière. Ceux qui l’ont en avant l’ont à la langue ; ceux qui l’ont en arrière l’ont à la queue. De même que, chez l’éléphant, l’organe du sens de l’odorat sert tout à la fois à défendre l’animal et à lui procurer sa nourriture, de même aussi, dans quelques espèces d’insectes, l’organe placé à leur langue leur rend les mêmes offices ; c’est par cet organe qu’ils sentent leur nourriture, qu’ils la saisissent et qu’ils l’attirent à eux. § 6[219]. Ceux qui n’ont pas de dard en avant ont des dents, soit pour manger, soit pour prendre et attirer à eux leurs aliments, comme les fourmis et le genre entier des abeilles. Ceux qui ont le dard en arrière l’ont comme une arme de combat, parce qu’ils sont pleins de courage. D’autres portent leur dard au dedans d’eux-mêmes, comme les abeilles et les guêpes, parce qu’ils volent ; car, légers comme ils sont et toujours dehors, ils seraient facilement détruits. Si leur dard sortait comme chez les scorpions, il aurait fait un poids trop lourd. Mais, chez les scorpions, qui rampent à terre et qui ont un dard, il faut nécessairement qu’ils l’aient de cette façon ; ou autrement, il leur serait inutile pour leur défense. § 7[220]. Il n’y a pas d’insecte à deux ailes qui ait le dard en arrière. Comme ils sont faibles et petits, ils ne sont pourvus que de deux ailes, parce qu’étant si petits, il leur suffit pour s’enlever de moyens moins nombreux. C’est encore par cette même raison qu’ils ont leur dard en avant ; car ils sont si faibles que c’est à peine s’ils peuvent frapper avec leurs organes antérieurs. Ceux au contraire qui ont plusieurs paires d’ailes, étant d’une nature plus forte, ont aussi des ailes en plus grand nombre, et ils sont plus forts dans les parties postérieures. § 8[221]. Mais comme il vaut mieux, quand cela est possible, que le même organe ne serve pas à des usages dissemblables, il faut que le dard qui doit servir à la lutte soit très aigu, et que celui qui se rapproche d’une langue soit spongieux et puisse pomper la nourriture. Toutes les fois que la nature peut se servir de deux organes pour deux fonctions distinctes et ne pas gêner l’un aux dépens de l’autre, elle ne fait ordinairement rien de ce que font les fabricants qui, par économie, mettent une lampe au bout d’une broche. C’est seulement en cas d’impossibilité que la nature se sert d’un même moyen pour plusieurs usages.

§ 9[222]. Quelques insectes ont les pattes de devant plus grandes que les autres pattes, afin qu’ayant des yeux durs et la vue mauvaise, ils puissent repousser avec leurs pattes antérieures tout ce qui peut les salir et leur nuire. C’est ce que font les mouches, comme on peut l’observer, ainsi que les insectes du genre de l’abeille, qui sont sans cesse à se nettoyer, en croisant leurs pattes de devant. Les pattes de derrière sont plus grandes que les intermédiaires, à la fois pour aider la marche, et pour que l’animal puisse s’enlever plus aisément quand il part de terre. § 10[223]. Dans ceux des insectes qui sautent, cette organisation est encore plus évidente, comme dans les sauterelles, et le genre des poux ; car en étendant leurs pattes de nouveau après les avoir fléchies, il faut nécessairement qu’ils s’élèvent de terre. Ce n’est pas en avant, mais seulement en arrière que les sauterelles ont leurs pattes, en forme de gouvernail. La flexion doit se faire nécessairement en dedans ; et aucun des membres de devant ne pourrait s’infléchir de cette façon. Tous les insectes qui ont ces organes du saut sont pourvus de six pattes.

CHAPITRE VII

Des testacés ; ils ont en général très peu de mouvement ; et de là vient l’indivision de leur corps, et la dureté de leur coquille ; les univalves et les bivalves ; leur organisation analogue à celle des plantes ; position de l’organe qui sert à les nourrir ; il est dans une membrane ; tête des testacés ; les autres parties du corps n’ont pas reçu de nom.

§ 1[224]. Le corps des testacés n’est pas divisé en plusieurs parties ; et cette organisation tient à ce qu’ils sont naturellement sédentaires. Les animaux qui se meuvent sont nécessairement divisés en plusieurs sections, en vue des actes qu’ils doivent accomplir, parce que ceux qui ont le plus de mouvements à faire ont aussi besoin de plus d’organes. Mais parmi les testacés, les uns sont absolument privés de mouvement ; d’autres n’ont qu’un mouvement très faible. En revanche, la nature leur a donné pour protection la dureté des coquilles dont elle les entoure. § 2 Les uns sont univalves ; les autres, bivalves ; d’autres encore sont turbines, ainsi que nous l’avons déjà dit. Parmi ceux-là, les uns sont en spirale, comme les buccins ; d’autres sont purement sphériques, comme le genre des oursins ou hérissons de mer. Dans les bivalves, les uns s’ouvrent, par exemple les peignes et les moules, qui se ferment d’un côté, de telle sorte qu’ils s’ouvrent et se ferment du côté opposé. D’autres se rejoignent des deux côtés, comme est le genre des solens.

§ 3[225]. Tous les testacés ont, ainsi que les plantes, la tête en bas ; cela tient à ce qu’ils prennent leur nourriture par en bas, comme les plantes la prennent par leurs racines. Chez les testacés, en effet, le bas est en haut, et le haut est en bas. L’organe par lequel filtre le liquide potable, et par où l’animal prend sa nourriture, est renfermé dans une membrane. Tous les testacés ont une tête ; mais à l’exception de la partie qui reçoit la nourriture, les autres parties de leur corps n’ont pas reçu de nom spécial.


CHAPITRE VIII

Des crustacés ; leurs quatre genres et leurs espèces ; différences de quelques parties de leur organisation ; les malas ; les héracléotes ; leurs pinces ; usages divers de leurs pieds pour nager ou pour marcher ; organisation spéciale des femelles des crabes ; elles gardent leurs œufs plus que d’autres poissons ; différences des pinces, dont la droite est généralement la plus forte ; prévoyance de la nature ; exceptions des homards ; citations de l’Histoire des Animaux et des Descriptions Anatomiques.

§ 1[226]. Les crustacés peuvent tous se mouvoir, parce qu’ils ont beaucoup de pieds ; il y en a quatre espèces principales, ceux qu’on appelle les langoustes (carabos), les homards (astacos), les squilles (caris), et les crabes (carcinos). Dans chacun de ces genres, il y a beaucoup de sous-espèces, qui ne diffèrent pas seulement par la forme, mais aussi par la grandeur, les unes étant très grandes, et les autres très petites. § 2[227]. Les crabes et les langoustes se ressemblent en ce que les uns et les autres ont des pinces. Ces pinces ne leur servent pas à marcher, mais leur tiennent lieu de mains pour prendre et retenir les objets. C’est pour cela aussi qu’ils les plient en sens contraire de leurs pieds ; ils fléchissent et roulent les unes en dedans, les autres en cercle, parce que, de cette façon, les pinces servent à porter la nourriture à la bouche, après l’avoir prise.

§ 3[228]. La différence, c’est que les langoustes ont une queue, tandis que les crabes n’en ont pas. La queue sert aux unes parce qu’elles nagent, et elles s’y appuient comme sur de véritables rames ; mais la queue ne servirait en rien aux crabes, parce qu’ils passent leur vie près de la terre, et qu’ils vivent dans les trous. Ceux d’entre les crustacés qui habitent la haute mer ont des pieds beaucoup moins bien disposés pour la marche, comme les maïas, et les crabes appelés les Héracléotes ; ils n’ont que très-peu de mouvement ; et leur seule ressource, pour leur défense, c’est d’être durs comme des huîtres. § 4[229]. C’est par ce motif aussi que les maïas ont les pattes très grêles, et que les Héracléotes les ont très courtes. Les tout petits crabes, qu’on prend avec d’autres petits poissons, ont leurs derniers pieds fort larges, afin de pouvoir s’en servir pour nager, comme si leurs pieds étaient des nageoires ou des rames. Les carides diffèrent des crabes en ce qu’elles ont une queue ; et des craboïdes (langoustes), en ce qu’elles n’ont pas de pinces. Si elles n’en ont pas, c’est qu’elles ont des pieds en plus grand nombre, et c’est à ces pieds qu’est employé le développement que les pinces pourraient prendre. Les carides ont un plus grand nombre de pieds, parce qu’elles nagent plus qu’elles ne marchent.

§ 5[230]. Les parties inférieures du corps et celles qui avoisinent la tête ressemblent à des branchies, pour recevoir le liquide et le rejeter. Mais les femelles des langoustes ont les parties du bas plus larges que les mates, et elles sont aussi plus velues que les mâles dans l’opercule, parce qu’elles y étalent leurs œufs, et qu’elles ne les déposent pas au dehors d’elles comme le font les poissons, et les autres animaux qui pondent des œufs ; car étant plus larges, elles offrent aussi plus d’espace pour leurs œufs. § 6[231]. Les langoustes et les crabes ont tous la pince droite plus grosse et plus forte que la gauche. C’est qu’en général tous les animaux agissent davantage par la droite ; et la nature accorde chacun des organes, ou seul, ou plus énergique, à ceux qui peuvent s’en servir, comme les crocs, les dents, les cornes, les ergots et d’autres organes analogues qui servent à la fois à la préservation de l’animal et à la lutte. § 7[232]. Les homards seuls ont indifféremment l’une des pinces plus forte que l’autre, les femelles aussi bien que les mâles. Ce qui fait que les homards ont des pinces, c’est qu’ils appartiennent à un genre qui en a ; et ce qui cause l’irrégularité, c’est que ces animaux sont mutilés, et qu’ils n’emploient pas la pince à son usage naturel, mais à la marche.

§ 8[233]. Du reste, c’est dans les Descriptions Anatomiques et dans l’Histoire des Animaux qu’on peut voir et étudier chacune de ces parties, leur position, leurs différences mutuelles, et les différences spéciales des mâles et des femelles, pour les parties autres que celles-là.


CHAPITRE IX

Des mollusques ; leur organisation ; leurs pieds ; organisation des testacés comparée à celle des autres animaux ; représentation graphique par une ligne droite recourbée d’un sommet à l’autre ; l’orifice des excréments se trouve ainsi près de la bouche ; organisation spéciale des seiches et des teuthies ; rapports que la nature a mis entre le manteau et les pieds ; les deux trompes ou tentacules ; leur usage ; organisation fibreuse des polypes ; leurs deux suçoirs ; espèce qui n’a qu’un suçoir unique ; position de la nageoire dans tous ces animaux ; sa position ; ses dimensions ; l’animal s’en sert pour nager et pour se diriger ; la nageoire est très petite chez les polypes. Résumé sur les animaux qui n’ont pas de sang.

§ 1[234]. Nous avons déjà traité des organes intérieurs des mollusques, comme nous l’avons fait pour les autres animaux. À l’extérieur, ils ont le sac de leur corps, sans divisions, et les pieds en avant, près de la tête ; en dedans, des yeux autour de la bouche et des dents. Parmi les animaux pourvus de pieds, les uns les ont en avant et en arrière ; les autres les ont de côté, comme les polypes et les animaux exsangues. Mais les mollusques ont cette organisation particulière que tous leurs pieds sont sur la partie qu’on appelle en eux le devant. Cela tient à ce que, chez ces animaux, le derrière est soudé au devant, de même que chez les testacés turbines, § 2[235]. En général, les testacés sont organisés en partie comme les crustacés, et en partie comme les mollusques. En ce qu’ils ont la partie terreuse au dehors et la partie charnue en dedans, ils ressemblent aux crustacés ; et par la forme de leur corps, ils se rapprochent des mollusques. Tous les testacés ont ces ressemblances ; mais ce sont surtout les turbines à hélice qui les présentent. § 3[236]. La nature des uns et des autres pourrait être figurée par une ligne droite, comme le serait aussi la nature des quadrupèdes et des hommes. Au sommet de la ligne, la bouche serait représentée par À ; l’œsophage le serait par B ; l’estomac, par C ; et de l’intestin à la sortie des excréments, par D. Dans les animaux qui ont du sang, telle est leur organisation ; sur cette ligne, il y a la tête, et ce qu’on appelle le tronc. C’est en vue de ces parties et en vue du mouvement que la nature a disposé et ajusté toutes les autres parties, comme les membres de devant et ceux de derrière. § 4[237]. Dans les crustacés et les insectes, la ligne droite tend à s’établir de la même manière pour les parties intérieures ; mais ils diffèrent des animaux pourvus de sang par les organes extérieurs qui doivent servir au mouvement. Les mollusques et les testacés turbines se rapprochent entre eux, mais sont l’opposé des autres. L’extrémité s’infléchit vers le point de départ, comme si, sur la droite représentée par E, on pliait D vers À. Les parties intérieures ayant pris cette position, elles sont enveloppées chez les mollusques par le manteau, qui, dans les polypes seuls, prend le nom spécial de tête ; et dans les testacés, cette partie est précisément la spire. § 5[238]. La seule différence, c’est que chez les uns la partie molle est placée à la circonférence, tandis que chez les autres la nature a mis la partie dure autour du charnu, pour les préserver des dangers que peut produire la difficulté qu’ils ont à se mouvoir. Voilà comment, chez les mollusques et les turbines, l’excrément sort près de la bouche ; et la seule différence, c’est que dans les mollusques il sort en bas, tandis qu’il sort de côté dans les turbines.

§ 6[239]. C’est encore pour la même raison que chez les mollusques les pieds sont disposés comme ils le sont, et contrairement à ce qu’ils sont chez les autres. Les seiches et les petits calmars (teuthies) sont en cela dissemblables aux polypes, en ce qu’ils ne font que nager, tandis que les polypes peuvent aussi marcher. Les petits calmars (teuthies) ont les dents du haut, et les deux dernières de ces dents sont plus fortes ; des huit autres, les deux du bas sont les plus grandes de toutes. § 7[240]. De même que, chez les quadrupèdes, ce sont les parties postérieures qui sont les plus fortes, de même aussi, chez les seiches et les teuthies, ce sont les dents d’en bas qui sont les plus grandes. Celles-là surtout portent le poids et le meuvent ; et les deux dernières sont plus fortes que les moyennes, afin d’agir avec elles et de leur venir en aide. Chez le polype, ce sont les quatre dents du milieu qui sont les plus grosses. § 8[241]. Tous ces animaux ont huit pieds ; mais les seiches et les teuthies les ont tout courts, tandis que l’espèce des polypes les a très grands. Elles ont aussi le manteau du corps fort grand, tandis que les polypes l’ont petit, de telle sorte que la nature a retranché quelque chose à leur corps pour développer les pieds chez ceux-ci, tandis que chez celles-là, elle a pris aux pieds pour accroître le corps. § 9[242]. C’est là ce qui fait que les pieds servent aux uns non seulement pour nager, mais aussi pour marcher, tandis qu’ils sont inutiles aux seiches et aux teuthies. Les pieds sont petits ; mais le manteau est grand. Puis, comme les pieds sont petits et ne peuvent leur servir pour s’attacher et n’être pas emportés par les flots et la tempête, ni pour rapprocher les objets éloignés, il y est suppléé par deux trompes fort longues, qui leur permettent de lever l’ancre et de naviguer, comme un bateau, malgré le mauvais temps. Les seiches et les teuthies s’en servent aussi pour saisir leur proie et s’approprier les objets éloignés. Les polypes n’ont pas besoin de ces trompes, parce que leurs pieds peuvent leur rendre les mêmes services.

§ 10[243]. Ceux qui ont aux pieds des suçoirs et des tentacules y trouvent la même force et la même disposition qu’offraient les tissus où les anciens médecins inséraient leurs doigts. C’est ainsi que ces animaux sont tissus de fibres, à l’aide desquelles ils attirent à eux les petits morceaux de chair et tout ce qui vient à leur portée. Comme elles sont flexibles, elles entourent ces objets ; et quand elles se resserrent, elles les pressent et les gardent dans leur intérieur, qui les touche tout entier. N’ayant rien pour attirer leur proie, les uns que leurs pieds et les autres que leurs trompes, ils ont ces organes au lieu de mains, pour lutter et pour tout autre emploi utile. § 11[244]. Toutes les autres espèces ont deux rangs de suçoirs ; mais une espèce de polype n’en a qu’un ; cela tient à leur longueur et à leur ténuité ; car, étroits comme ils sont, ils ne peuvent avoir qu’un suçoir unique. Ce n’est pas parce que c’est le mieux ; mais c’est là une condition nécessaire de leur organisation toute spéciale.

§ 12[245]. Tous ces animaux ont la nageoire placée circulairement autour du manteau. Dans les autres espèces, elle est continue et sans interruption, ainsi que dans les grands calmars. Mais les plus petites espèces, qu’on appelle les teuthies, ont la nageoire plus large et non pas étroite comme les seiches et les polypes ; cette nageoire ne commence qu’au milieu, et elle ne règne pas circulairement tout autour. Ces animaux ont cet organe pour nager et pour se diriger, comme le croupion chez les oiseaux, et la caudale chez les poissons. Si la nageoire est très petite et à peine visible chez les polypes, c’est que leur manteau est très petit, et que leurs pieds suffisent à les diriger.

§ 13[246]. Voilà ce que nous avions à dire des insectes, des crustacés, des testacés et des mollusques, en ce qui concerne leurs parties intérieures et extérieures.


CHAPITRE X

De la tête et du cou ; leurs fonctions et leur place ; leurs relations avec le reste du corps et le tronc ; station droite de l’homme, qui a seul cette attitude ; les parties supérieures de son corps sont les moins lourdes ; difformité des nains, générale dans tous les autres animaux ; l’homme, étant le plus intelligent des êtres, est seul à avoir des mains ; réfutation d’Anaxagore ; admirable conformation de la main ; rôle du pouce et des ongles ; différente position des mamelles chez l’homme et les autres animaux ; citations de l’Histoire des Animaux, des ouvrages d’Anatomie et du Traité de la Génération, à propos des organes sexuels ; disposition spéciale de ces organes chez l’homme ; organisation particulière des jambes de l’homme et des parties inférieures ; les fesses, les cuisses, les mollets ; leur nature charnue ; pourquoi l’homme n’a pas de queue ; rôle de la queue chez les autres animaux ; différences des pieds chez les quadrupèdes ; solipèdes, fissipèdes ; polydactiles ; usage de l’osselet ; organisation particulière des pieds de l’homme.

§ 1[247]. Nous allons encore une fois, pour reprendre les choses dès le principe, revenir sur les animaux vivipares qui ont du sang, et nous commencerons par l’étude des parties que nous avions pu laisser de côté, parmi celles dont nous avons déjà parlé. Après que nous aurons fait cette étude, nous en arriverons, en suivant la même méthode, aux animaux ovipares pourvus de sang.

§ 2[248]. Antérieurement, nous avons traité des parties qui, dans les animaux, sont la tête, et ce qu’on appelle le cou et le dos. Tous les animaux pourvus de sang ont une tête. Chez quelques-uns de ceux qui sont exsangues, cette partie n’est pas distincte ; par exemple, chez les crabes. Tous les vivipares ont un cou ; mais, parmi les ovipares, les uns en ont un aussi ; les autres n’en ont pas. Tous ceux qui ont un poumon ont un cou également ; mais ceux qui ne tirent pas leur respiration du dehors n’ont pas non plus cette partie. § 3[249]. La tête est faite surtout pour le cerveau. Cette partie est de toute nécessité dans les animaux pourvus de sang ; et elle est située à l’opposé du cœur, par les raisons que nous avons antérieurement exposées. La nature a aussi placé dans la tête quelques-uns des sens, parce que le mélange du sang y est bien tempéré, et qu’il y est tout à fait propre à entretenir la chaleur du cerveau, en même temps que le calme et la vigueur des sens. Au-dessous, elle y a joint une troisième partie pour l’ingestion des aliments ; car c’était là que ce conduit pouvait être le mieux placé § 4[250]. Il était bien impossible que l’estomac fût mis au-dessus du cœur et du point de départ ; et l’estomac étant en bas, comme il y est dans l’état actuel, il n’était pas possible que le passage des aliments frit placé plus bas encore que le cœur, parce qu’alors la longueur du corps eût été trop grande, et que le conduit aurait été trop éloigné du centre du mouvement et de la coction.

§ 5[251]. La tête est donc faite en vue de ces organes. Le cou est fait pour la trachée-artère ; c’est une protection ; et en entourant circulairement l’artère et l’œsophage, il les conserve et les défend. Dans tous les animaux, le cou est flexible, et il a des vertèbres ; mais les loups et les lions n’ont le cou composé que d’un seul os. Pour eux, la nature a eu en vue de leur assurer un cou qui leur donnât surtout de la force, plutôt qu’il ne leur servit à d’autres usages. § 6[252]. Chez les animaux, les membres antérieurs et le tronc viennent à la suite du cou et de la tête. Mais l’homme, au lieu des membres et des pieds de devant, a des bras, et ce qu’on appelle des mains. Entre tous les êtres, il est le seul qui ait une station droite, parce que sa nature et son essence sont divines. Or, le privilège du plus divin des êtres est de penser et de réfléchir. Mais ce n’eût pas été chose facile que de penser, si la partie supérieure du corps avait été trop lourde et trop considérable. Le poids rend le mouvement bien difficile pour l’esprit et pour l’action générale des sens.

§ 7[253]. Quand la pesanteur et le matériel viennent à l’emporter, il est inévitable que le corps s’abaisse vers la terre ; et voilà comment la nature a donné aux quadrupèdes, au lieu de bras et de mains, leurs pieds de devant, placés sous leur corps, pour qu’ils puissent se soutenir. Tous ceux de ces animaux qui marchent ont nécessairement aussi les deux pieds de derrière ; et ils sont devenus quadrupèdes, parce que l’âme ne pouvait supporter tout le poids du corps. § 8[254]. C’est que tous les animaux, excepté l’homme, ont quelque chose de la constitution du nain ; car il faut entendre par Nain tout être dont la partie supérieure est fort grosse, et dont la partie qui porte le poids et qui marche est relativement petite. A partir de la tête jusqu’à l’issue des excréments, ce qu’on appelle le tronc est en haut. Or, dans l’homme, cette partie de son corps est en harmonie avec les portions inférieures ; et, dans les adultes, elle est beaucoup plus petite, tandis qu’au contraire, chez les enfants, c’est la partie supérieure qui est très forte, et le bas qui est très petit. § 9[255]. Aussi les tout jeunes enfants rampent-ils et ne peuvent-ils marcher. Et même, tout d’abord, ils ne rampent pas ; mais ils restent immobiles. Aussi, tous les petits enfants sont des espèces de nains ; mais, à mesure que l’homme grandit, ce sont les parties inférieures qui se développent. Chez les quadrupèdes, au contraire, ce sont les parties inférieures qui sont d’abord les plus grosses ; et, en grandissant, l’animal se développe par en haut, c’est-à-dire, par le tronc compris entre le siège et la tête. § 10[256]. C’est encore ainsi que les poulains sont aussi hauts ou presque aussi hauts que des chevaux ; et, quand ils sont tout petits, ils peuvent se toucher la tête avec leur jambe de derrière, tandis que, plus âgés, ce mouvement leur est impossible. Ce sont du reste les solipèdes et les animaux à pieds fourchus qui sont ainsi organisés ; ceux qui sont polydactyles et qui sont dépourvus de cornes ont aussi cette forme de nains, mais dans une moindre mesure. Ce sont alors les parties basses qui, relativement aux parties hautes, se développent proportionnellement à la différence originelle. § 11[257]. Les oiseaux, les poissons et tous les animaux qui ont du sang sont également conformés comme des nains, ainsi qu’on l’a dit. C’est là ce qui fait qu’ils ont tous bien moins d’intelligence que l’homme. De là vient encore que, dans l’espèce humaine, les enfants comparés aux hommes, ou, entre les hommes mêmes, ceux qui ont, malgré leur âge, quelque chose du nain, sont moins intelligents, bien que d’ailleurs ils puissent avoir d’autres facultés assez remarquables. § 12[258]. La cause en est, redisons-le, que le principe de l’âme a trop de peine à se mouvoir et qu’il est trop corporel. La chaleur qui pousse en haut s’amoindrissant de plus en plus et la partie terreuse s’accroissant, les corps des animaux deviennent de plus en plus petits ; le nombre des pieds s’augmente ; les pieds mêmes finissent par disparaître entièrement, et l’animal s’allonge vers la terre. En allant un peu plus loin encore dans cette voie, les êtres animés finissent par avoir le principe de vie tout en bas ; la partie qui avoisine la tête devient à la fin immobile et insensible ; l’animal passe à l’état de plante, ayant le haut en bas et le bas en haut. C’est que, dans les plantes, les racines remplissent les fonctions de la bouche et de la tête, tandis que la graine est à l’opposé ; car elle se forme en haut et à l’extrémité des branches.

§ 13[259]. On doit voir maintenant pourquoi, parmi les animaux, les uns ont deux pieds, pourquoi les autres en ont plusieurs, et pourquoi quelques-uns sont dépourvus de pieds. On voit aussi comment tels êtres sont des plantes, et tels autres des animaux. Enfin, on a vu pourquoi l’homme est le seul animal qui se tienne droit. Comme sa nature était d’avoir une station droite, il n’avait aucun besoin des membres antérieurs ; mais, à la place de ces membres, la nature l’a pourvu de bras et de mains. § 14[260]. Anaxagore prétend que l’homme est le plus intelligent des êtres parce qu’il a des mains ; mais la raison nous dit, tout au contraire, que l’homme n’a des mains que parce qu’il est si intelligent. Les mains, en effet, sont un instrument ; et la nature sait toujours, comme le ferait un homme sage, attribuer les choses à qui est capable de s’en servir. N’est-il pas convenable de donner une flûte à qui sait jouer de cet instrument, plutôt que d’imposer à celui qui a un instrument de ce genre d’apprendre à en jouer ? La nature a accordé le plus petit au plus grand et au plus fort ; et non point du tout, le plus grand et le plus précieux au plus petit. § 15[261]. Si donc cette disposition des choses est meilleure, et si la nature vise toujours à réaliser ce qui est le mieux possible dans des conditions données, il faut en conclure que ce n’est pas parce que l’homme a des mains qu’il a une intelligence supérieure, mais que c’est au contraire parce qu’il est éminemment intelligent qu’il a des mains. C’est en effet le plus intelligent des êtres qui pouvait se bien servir du plus grand nombre d’instruments ; or la main n’est pas un instrument unique ; elle est plusieurs instruments à la fois. Elle est, on peut dire, un instrument qui remplace tous les instruments.

§ 16[262]. C’est donc à l’être qui était en état de pratiquer le plus grand nombre d’arts et d’industries que la nature a concédé la main, qui, de tous les instruments, est applicable au plus grand nombre d’emplois. On a bien tort de croire que l’homme est mal partagé et que sa constitution est inférieure à celle de tous les animaux, parce que, dit-on, l’homme n’est pas aussi bien chaussé qu’eux, parce qu’il est nu, et qu’il est sans armes pour sa défense. § 17[263]. Mais tous les animaux autres que l’homme n’ont jamais qu’une seule et unique ressource pour se défendre ; il ne leur est pas permis d’en changer pour en prendre une autre. Mais il faut nécessairement que, de même que toujours l’animal dort tout chaussé, il fasse aussi tout le reste dans les mêmes conditions ; il ne peut jamais modifier le mode de protection donné à son corps, ni l’arme qu’il peut avoir, quelle qu’elle soit. Tout au contraire, l’homme a pour lui une foule de ressources et de défenses ; il peut toujours en changer à son gré, et avoir à sa disposition l’arme qu’il veut et toutes les fois qu’il le veut. La main devient tour à tour griffe, pince, corne, lance, épée, ou toute autre arme et tout autre instrument. Si elle peut être tout cela, c’est qu’elle peut tout saisir et tout retenir. § 18[264]. La conformation même de la main a été parfaitement adaptée à sa destination naturelle. Elle est à la fois capable de s’écarter et de se diviser en plusieurs segments ; c’est parce qu’elle peut s’écarter, qu’elle peut aussi se réunir, bien que la faculté de se réunir n’implique pas nécessairement celle de s’écarter. On peut se servir de la main d’une seule façon, ou de deux, ou même de plusieurs. § 19[265]. Les flexions des doigts permettent aisément de tout saisir et de tout presser. D’un côté, il n’y a qu’un seul doigt ; et celui-là est court et épais ; il n’est pas long. De même que sans la main on ne pourrait absolument rien prendre, de même on ne le pourrait pas davantage, si ce doigt n’était pas ainsi placé de côté ; il presse alors de bas en haut ce que les autres doigts pressent de haut en bas. Cette disposition était indispensable pour qu’il pût fortement serrer ce qu’il prend, comme fait un lien puissant, et que, dans son isolement, il pût égaler l’action de tous les autres. § 20[266]. S’il est court, c’est pour qu’il ait la force indispensable, et aussi parce qu’il n’aurait pas été du tout utile s’il eût été long. Il convient aussi que le dernier doigt soit petit et que celui du milieu soit allongé, comme la rame au milieu du navire ; car il faut de toute nécessité que l’objet saisi soit saisi surtout circulairement par son milieu, pour qu’on puisse l’utiliser à ce qu’on veut faire. C’est pour cela qu’on appelle le pouce le grand doigt, bien qu’il soit très petit ; car on peut dire que, sans lui, les autres doigts ne serviraient presque à rien.

§ 21[267]. La conformation des ongles n’est pas moins bien conçue. Les autres animaux ont des ongles pour s’en servir ; chez l’homme, ils ne sont faits que pour couvrir et pour protéger l’extrémité des doigts. Chez l’homme aussi, les flexions des bras, soit pour approcher la nourriture, soit pour tout autre usage, sont disposées à l’inverse des quadrupèdes. Chez ceux-ci nécessairement, les membres de devant se replient en dedans, parce que, si leurs pieds doivent leur servir pour la marche, la nature veut en outre que les membres de devant ne servent pas seulement à la marche dans ceux de ces animaux qui ont plusieurs doigts, mais que ces membres remplacent les mains, comme l’on voit qu’effectivement ces animaux s’en servent à cette fin. C’est en effet avec les membres de devant qu’ils saisissent les objets et qu’ils combattent, de même que c’est avec les pieds de derrière que les solipèdes se défendent, parce que, chez eux, il n’y a rien dans les membres de devant qui ressemble ni aux bras ni aux mains. § 22[268]. C’est encore pour cela que quelques animaux polydactyles ont cinq doigts aux pieds de devant, et qu’ils n’en ont que quatre aux pieds de derrière ; tels sont les lions et les loups, les chiens et les léopards. Ce cinquième doigt tient chez eux la place du grand cinquième doigt de la main. Quant aux petits polydactyles, ils ont aussi cinq doigts aux pieds de derrière, parce qu’ils rampent, et afin qu’appuyés sur un plus grand nombre de doigts, ils montent plus aisément en rampant vers tout ce qui les dépasse et est au-dessus de leur tête.

§ 23[269]. Chez l’homme, il y a entre les bras, et chez les autres animaux entre les pattes de devant, ce qu’on appelle la poitrine. Dans l’homme, il est convenable que la poitrine ait de la largeur ; car la position des bras n’empêche pas que cette région du corps ne soit large, puisqu’ils sont de côté. Mais dans les quadrupèdes, cette région doit être étroite, parce que les membres antérieurs doivent s’étendre en avant, pour la marche et pour tous les changements de lieu. § 24[270]. C’est là encore ce qui fait que les quadrupèdes n’ont pas de mamelles dans cette partie du corps. Dans l’homme, au contraire, comme la place est fort large et qu’elle doit couvrir et protéger la région du cœur, et que, dans cette vue, le lieu est garni de chair, les mamelles s’y développent à l’aise. Chez les mâles, ce n’est que de la chair, par la raison qu’on vient de dire ; mais chez les femmes, la nature emploie encore les mamelles à un second usage, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer bien souvent. Ici, c’est dans les mamelles qu’elle dispose la nourriture des nouveau-nés. S’il y a deux mamelles, c’est qu’il y a aussi deux côtés du corps, le gauche et le droit. Elles sont plus fermes chez la femme ; et elles sont séparées, parce que c’est aussi en ce point que les côtes se réunissent les unes aux autres, et pour que leur nature ne devînt pas une fatigue. § 25[271]. Chez les autres animaux, il était bien impossible que les mamelles fussent placées sur la poitrine entre les jambes, parce qu’elles auraient été un obstacle à la marche. Aussi, chez ces animaux, les mamelles sont-elles disposées de bien des manières. Les solipèdes, qui font peu de petits et qui portent des cornes, ont les mamelles entre les cuisses ; et ils n’en ont que deux. Au contraire, les quadrupèdes qui font beaucoup de petits et qui ont le pied fendu ont les mamelles de côté, sur le ventre, et en grand nombre, comme le porc et le chien. D’autres n’en ont que deux, mais vers le milieu du ventre, comme le lion ; cela tient chez lui, non pas à ce qu’il fait peu de petits, puisqu’il en fait parfois plus de deux, mais cela tient à ce qu’il a peu de lait. Il emploie à l’entretien du corps toute la nourriture qu’il absorbe, et il en prend rarement, parce qu’il est Carnivore. § 26[272]. Quant à l’éléphant, il n’a que deux mamelles seulement, qui sont placées sous les aisselles des membres antérieurs. Ce qui fait qu’il n’a que deux mamelles seulement, c’est qu’il n’a qu’un petit ; si ses mamelles ne sont pas dans les cuisses, c’est qu’il est fissipède et qu’aucun fissipède ne les a dans cet endroit. Et si elles sont placées en haut près des aisselles, c’est que ce sont là les premières mamelles chez les animaux qui en ont de nombreuses, et qu’elles sécrètent plus de lait. § 27[273]. On peut bien s’en convaincre en observant les porcs. Les petits cochons qui naissent les premiers occupent les premières mamelles ; mais dans l’animal où le jeune doit rester unique, il faut nécessairement qu’il n’y ait que les premières mamelles ; et les premières sont les mamelles qui sont placées sous les aisselles. On comprend donc bien pourquoi l’éléphant n’en a que deux, posées dans le lieu où elles sont, tandis que les animaux qui font de nombreux petits ont les mamelles dans la région du ventre, puisqu’il faut plus de mamelles à ceux qui ont plus de petits à nourrir. § 28[274]. Comme, en largeur, il ne peut y en avoir que deux seulement, attendu qu’il n’y a également que deux côtés, le gauche et le droit, il est dès lors nécessaire que les mamelles soient placées en long ; car la région placée entre les membres de devant et ceux de derrière est la seule à avoir de la longueur. Les animaux qui n’ont pas le pied fendu, qui ne font que peu de petits, ou qui ont des cornes, ont aussi les mamelles entre les cuisses, comme le cheval, l’âne, le chameau, qui n’ont tous qu’un petit, mais dont les uns sont solipèdes et dont le dernier a le pied fourchu ; puis encore, le cerf, le bœuf, la chèvre et tous les animaux de même ordre. § 29[275]. Cela tient à ce que, chez ces animaux, la croissance se fait par le haut du corps. Aussi faut-il en conclure que c’est là où l’excrétion et le sang se réunissent en grande abondance, c’est-à-dire dans le bas du corps et vers les issues, que la nature a placé les mamelles ; car c’est où se dirige le mouvement de la nourriture, que là aussi les animaux peuvent prendre celle qu’il leur faut. L’homme femelle et mâle a des mamelles ; mais, dans d’autres espèces, quelquefois les mâles n’en ont pas ; par exemple, dans les chevaux, où les uns n’en ont pas, et où les autres en ont, quand les poulains ressemblent à la mère.

§ 30[276]. On vient de voir ce que sont les mamelles ; mais après la poitrine, vient la région du ventre. Le ventre n’est pas limité et fermé par les côtes, à cause de la raison qu’on vient de rappeler tout à l’heure ; c’est-à-dire, pour que les côtes n’empêchent pas le gonflement qu’amène l’ingestion des aliments, et que provoque nécessairement la chaleur de la nourriture. C’est en outre pour que les côtes ne gênent pas non plus la matrice dans la parturition. L’extrémité de ce qu’on nomme le tronc est la région de la sortie des excréments, soit secs, soit liquides. § 31[277]. La nature se sert d’un même organe à la fois pour l’issue de l’excrément liquide et pour l’accouplement, dans toutes les femelles ; et à l’exception d’un petit nombre de mâles, dans tous les animaux qui ont du sang et dans tous les vivipares. La raison en est que la semence est un liquide de certain genre et une excrétion ; nous nous bornons ici à cette affirmation, que nous nous proposons de démontrer plus tard. C’est par là aussi que, dans les femelles, s’écoulent les menstrues, comme c’est également par là qu’elles émettent leur fruit. § 32[278]. Nous nous réservons encore de démontrer ceci un peu plus tard. Mais pour le moment, nous nous bornons à dire que les menstrues sont aussi chez les femelles une excrétion ; les menstrues sont de nature liquide, ainsi que la semence, de telle sorte que, dans ces parties du corps, ce sont les mêmes matières ou des matières assez semblables qui sont sécrétées proportionnellement. Quant à ce qui concerne l’organisation intérieure des parties, et la différence que présentent l’élaboration du sperme et les phénomènes de la grossesse, on peut voir ce qu’il en est dans l’Histoire des Animaux et dans l’Anatomie ; et il en sera parlé plus tard dans le Traité de la Génération.

§ 33[279]. Il n’est pas difficile d’ailleurs de remarquer que les formes mêmes de ces diverses parties sont tout à fait nécessaires pour les fonctions qu’elles doivent remplir. L’organe des mâles a des différences qui correspondent aux différences mêmes du corps. Ces organes ne sont pas tous également nerveux de leur nature. De plus, c’est là le seul organe qui, sans altération morbide, se gonfle ou s’abaisse ; car l’un de ces états est indispensable pour que l’accouplement ait lieu, et l’autre ne l’est pas moins à la disposition habituelle du corps, qui en serait fort gêné si l’organe était toujours dans le même état. Mais la constitution naturelle de cet organe est composée d’éléments qui permettent ces deux situations ; il est à la fois nerveux et cartilagineux, de manière à pouvoir se contracter et à pouvoir s’étendre, et à recevoir l’air. § 34[280]. Chez les quadrupèdes, toutes les femelles urinent par derrière, parce que cette position leur est utile dans l’accouplement ; mais il n’y a que quelques mâles qui urinent de cette façon : le lynx, le lion, le chameau, le lièvre. Pas un seul solipède n’urine par derrière.

§ 35[281]. Chez l’homme, la disposition des parties postérieures et celle des jambes est très spéciale comparativement aux quadrupèdes. Presque tous les quadrupèdes ont une queue, non seulement les vivipares, mais aussi les ovipares ; et lorsque chez eux cette partie n’est pas développée, elle leur donne encore un moignon dans sa petitesse. Mais l’homme est sans queue ; et il a des fesses, tandis qu’aucun quadrupède n’en a. De plus, l’homme a des membres inférieurs charnus, des cuisses et des jambes ; dans tous les autres animaux, ces parties sont dépourvues de chair. Ce ne sont pas seulement les vivipares, ce sont aussi tous ceux qui ont des pattes. Ces parties sont chez eux musculeuses, ou osseuses, ou même épineuses. § 36[282]. La cause, unique peut-on dire, de toutes ces particularités, c’est que l’homme est le seul de tous les animaux qui se tienne droit. En vue de lui faire porter aisément les parties supérieures rendues légères, la nature a diminué le matériel des parties d’en haut pour ajouter du poids à celles d’en bas. Voilà comment, dans l’homme, elle a fait le siège charnu, ainsi que les cuisses et les mollets. En même temps, elle a disposé l’organisation des fesses de manière à ce qu’elles pussent servir aussi au repos. Les quadrupèdes se tiennent sans peine debout, et ils ne souffrent pas d’y rester continuellement ; car avec leurs quatre supports, ils sont, on peut dire, toujours couchés. Mais chez l’homme, ce n’est pas chose facile que de rester longtemps debout ; et son corps a besoin de repos et d’assiette.

§ 37[283]. Ainsi, l’homme a des fesses et des jambes charnues pour le motif qu’on vient de rappeler ; et c’est là aussi ce qui fait qu’il est sans queue. La nourriture qui se porte vers ces parties du corps est employée à la former ; et du moment que l’homme a des fesses, l’usage de la queue n’est plus nécessaire. Mais chez les quadrupèdes et les autres animaux, c’est tout le contraire. Comme ils ont des formes de nains, tout le poids et tout le matériel se portent et s’accumulent vers le haut, aux dépens des parties inférieures. Voilà comment ils n’ont pas de fesses, et comment ils ont des jambes très sèches. § 38[284]. Mais pour que la partie qui procure l’expulsion des excréments fut protégée et couverte, la nature leur a donné ce qu’on appelle la queue et le croupion, en retranchant quelque chose de la nourriture qui se porte aux jambes. Quant au singe, comme il participe des deux formes, et qu’il n’appartient à aucune tout en appartenant aux deux, il n’a ni queue ni fesses, étant sans queue parce qu’il est bipède, et n’ayant pas de fesses parce qu’il est quadrupède.

§ 39[285]. Du reste, il y a de très grandes différences dans ce qu’on appelle les queues ; et la nature emploie aussi ces organes à plusieurs usages détournés, puisqu’elle ne protège et ne couvre pas seulement le siège avec les queues, mais qu’elle les fait servir à la commodité et aux besoins des animaux qui en sont pourvus.

§ 40[286]. Les pieds ne sont pas moins différents chez les quadrupèdes. Les uns sont solipèdes ; les autres ont deux pinces ; d’autres ont plusieurs divisions. Les solipèdes sont ceux chez lesquels, à cause de leur grosseur et de l’abondance de l’élément terreux, cette partie a pris la sécrétion pour la tourner à la nature de l’ongle, au lieu de cornes et de dents ; et alors cette surabondance fait qu’au lieu de plusieurs ongles, il n’y a plus qu’un seul ongle qui est la sole. § 41[287]. En général, et par la même raison, les quadrupèdes n’ont pas d’osselet, parce que la flexion de la jambe de derrière eût été beaucoup moins mobile, s’il y avait eu un osselet dedans. Avec une seule articulation, le membre s’ouvre et se ferme plus vite qu’avec plusieurs. L’osselet, qui est un gond, s’introduit comme un membre étranger entre les deux autres ; et tout en donnant du poids, il rend la base plus solide et plus sûre. Voilà pourquoi les animaux qui ont un osselet ne l’ont jamais dans les parties antérieures, et qu’ils l’ont dans les membres postérieurs, parce qu’il faut que les parties qui guident le mouvement soient légères et flexibles ; et que ce qui fait la solidité et l’aplomb soit par derrière. § 42[288]. L’osselet fait en outre que le coup est bien plus pesant, lorsque l’animal doit se défendre. Les animaux ainsi organisés se servent des membres postérieurs pour ruer contre ce qui les gêne. Les quadrupèdes à deux pinces ont un osselet, parce que les parties de derrière ont chez eux moins de poids ; et comme ils ont l’osselet, ils ne sont pas solipèdes. On dirait que la partie osseuse qui manque aux pieds s’arrête en quelque sorte dans la flexion. Les polydactyles n’ont pas d’osselet ; car s’ils en avaient un, ils ne seraient plus polydactyles ; et la largeur s’est agrandie autant que l’osselet prend de place. Aussi, la plupart de ceux qui ont l’osselet sont-ils pourvus de deux pinces.

§ 43[289]. L’homme a des pieds plus grands que ceux d’aucun autre animal, comparativement à la dimension de son corps ; et on le comprend bien. Comme il est le seul être qui se tienne droit, les deux pieds devant à eux seuls supporter tout le poids du corps doivent avoir aussi longueur et largeur. La dimension des doigts est avec toute raison contraire dans les pieds et dans les mains. La fonction des mains étant de saisir et de serrer les objets, il faut que les doigts soient longs, puisque la main enveloppe les objets saisis par sa partie fléchissante ; mais la fonction des pieds est de rendre la marche aussi sûre que possible ; et l’on doit croire que c’est à cela que sert la partie du pied qui n’est pas fendue comme les doigts. § 44[290]. Il est préférable que l’extrémité soit fendue plutôt qu’elle ne le soit pas. Car le pied tout entier ressentirait par sympathie la souffrance d’une seule de ses parties ; mais cet effet ne se produit plus autant avec la division des doigts telle qu’elle est. De plus, les doigts étant courts peuvent avoir beaucoup moins à souffrir. Voilà comment les pieds de l’homme ont plusieurs divisions, et comment les doigts n’en sont pas longs. C’est encore pour la même raison que l’homme a également des ongles sur les mains, dont les extrémités doivent être couvertes plus que tout le reste, à cause de leur délicatesse.


CHAPITRE XI

Des ovipares ; organisation spéciale des serpents ; citation du Traité de la Marche des Animaux ; de la langue des poissons ; fonction de la langue chez les animaux ; forme de la langue des serpents et des quadrupèdes ovipares ; organisation des yeux chez les ovipares ; paupières des oiseaux ; leur vue perçante ; organisation et rôle des mâchoires ; le crocodile seul remue sa mâchoire supérieure ; cause de cette organisation ; organisation analogue des pinces dans les crabes ; rôle et fonctions du cou chez les animaux ; le serpent seul peut tourner la tête en arrière sans mouvoir le reste du corps ; fonctions et place des mamelles ; citation du Traité de la Génération, et du Traité de la Marche des Animaux ; analogie du lait et de l’œuf ; le caméléon ; causes de ses changements de formes ; sa timidité. — Résumé.

§ 1[291]. Jusqu’ici nous avons étudié presque tous les animaux qui ont du sang, qui sont vivipares et qui marchent à terre. Parmi les animaux qui ont aussi du sang, mais qui sont ovipares, les uns sont quadrupèdes ; les autres sont dépourvus de pieds. Il n’y a qu’un seul genre d’ovipares terrestres qui soit sans pieds, c’est celui des serpents ; nous avons expliqué d’où vient qu’ils n’ont pas de pieds, dans les études que nous avons consacrées à la Marche des Animaux. § 2[292]. Tous les animaux ovipares autres que les serpents ont une forme qui se rapproche de celle des quadrupèdes vivipares. Ainsi, ils ont une tête, et les parties que la tête renferme, à peu de chose près comme les autres animaux qui ont du sang, de même qu’ils ont comme eux aussi une langue dans la bouche. Il faut toutefois excepter le crocodile de rivière, qui ne peut pas sembler avoir précisément une langue, et qui n’en a que la place. Cela tient à ce qu’il est en quelque sorte tout à la fois un animal terrestre et un animal aquatique. En tant que terrestre, il a la place de la langue ; mais en tant qu’il est aquatique, il n’en a pas. § 3[293]. Les poissons, comme on l’a vu plus haut, semblent tantôt ne pas en avoir du tout, si on ne leur ouvre fortement la bouche en l’inclinant ; et tantôt ils n’en ont qu’une, qui est sans aucune articulation. La cause en est qu’une langue serait bien peu utile aux poissons, parce qu’ils ne peuvent, ni mâcher, ni déguster leurs aliments, mais que la sensation et le plaisir que les aliments leur causent à tous ne consistent qu’à les avaler. C’est la langue qui fait sentir les saveurs des choses, et le plaisir que l’animal éprouve ne consiste que dans le passage des aliments. C’est en avalant que les poissons ont la sensation, soit de la graisse, soit de la chaleur, soit des autres impressions de ce genre.

§ 4[294]. Les vivipares aussi possèdent donc ce sens ; et la plupart des comestibles cuits ou crus qu’ils avalent leur causent cette satisfaction par le gonflement de l’œsophage. D’ailleurs, les animaux de même espèce ne sont pas tous également avides des aliments liquides ou solides, ni des aliments naturels ou de ceux qu’on leur prépare. Les autres animaux ont bien le sens du goût ; mais ceux-ci ont en quelque sorte un autre sens. § 5[295]. Parmi les quadrupèdes ovipares, les lézards, ainsi que les serpents, ont la langue bifide ; et à l’extrémité, cette langue est aussi fine qu’un cheveu, ainsi que nous l’avons déjà dit. Les phoques ont aussi la langue fendue ; et par suite, tous ces animaux sont friands. Les quadrupèdes ovipares ont encore les dents carnassières, comme les ont les poissons. Ils possèdent, du reste, tous les organes des sens, comme les autres animaux ; ainsi, ils ont les narines pour sentir l’odeur, les yeux pour voir, les oreilles pour entendre ; mais chez eux, ces derniers organes ne sont pas proéminents, non plus que dans les oiseaux, et il n’y a que le simple conduit. § 6[296]. La cause en est pour les uns et pour les autres la dureté de leur peau ; car les uns, parmi ces animaux, ont des plumes ; et les derniers ont tous des carapaces. La carapace tient lieu de l’écaillé et y est assez semblable, quoique par sa nature elle ait plus de dureté. C’est ce qu’on peut bien voir sur les tortues, sur les gros serpents et sur les crocodiles de rivière. Leurs écailles deviennent plus dures que des os, ce qui montre bien que c’est là leur nature. Ces animaux n’ont pas la paupière supérieure, non plus que les oiseaux, et ils ferment l’œil à l’aide de la paupière d’en bas, par la raison qu’on a déjà donnée pour ces derniers. Il y a quelques oiseaux qui ferment encore leurs yeux par le mouvement de la membrane qui vient des coins de l’œil ; mais ces autres animaux ne clignent pas de cette façon, parce qu’ils ont les yeux plus durs que les oiseaux. C’est que les oiseaux étant destinés à voler ont plus besoin, pour leur subsistance, d’une vue perçante, tandis que les autres en ont bien moins besoin ; ils vivent en effet toujours dans des trous. § 7[297]. La tête étant divisée en deux portions, celle d’en haut et la mâchoire d’en bas, l’homme et les quadrupèdes ovipares remuent les mâchoires en haut, en bas et de côté ; mais les poissons, les oiseaux et les quadrupèdes ovipares, ne les remuent qu’en haut et en bas seulement.

§ 8[298]. La cause en est que ce dernier mouvement peut servir à déchirer et à mordre, tandis que le mouvement oblique ne sert qu’à broyer. Le mouvement oblique est fait pour les animaux qui ont des molaires ; mais il ne servirait en rien à ceux qui n’en ont pas ; aussi manque-t-il à tous les animaux qui sont organisés de cette façon, parce que la nature ne fait jamais rien d’inutile. § 9[299]. Chez tous les autres animaux, c’est la mâchoire d’en bas qui est mobile ; le crocodile de rivière est le seul qui fasse mouvoir la mâchoire d’en haut. Cela tient à ce que ses pieds ne servent aucunement, ni à retenir, ni à saisir les choses, parce qu’ils sont excessivement petits ; et alors la nature a donné au crocodile, au lieu de pieds, une bouche qui lui est fort utile pour remplacer les emplois auxquels les pieds ne peuvent pas servir. Quand il s’agit de retenir ou de prendre, c’est dans le sens où le coup peut être le plus fort que le mouvement est le plus utilement dirigé. Or le coup est toujours plus fort d’en haut que d’en bas. Mais comme la bouche peut rendre ces deux offices, et peut à la fois prendre et mordre, et que le mouvement de retenir est plus nécessaire à un animal qui n’a ni mains ni pieds adaptés à cet usage, il en résulte que le mouvement de la mâchoire d’en haut est bien plus utile au crocodile que le mouvement de la mâchoire d’en bas. § 10[300]. C’est pour la même raison que les crabes remuent la partie supérieure de leur pince, et ne remuent pas la partie d’en bas. Comme ils ont des pinces au lieu de mains, il faut que la pince puisse leur servir à prendre les choses et non à les déchirer ; ce sont les dents qui sont chargées de déchirer et de mordre. Aussi, chez les crabes et chez tous les animaux qui n’ont pas à se presser de saisir les choses, parce que dans l’eau la bouche ne serait pas utile, la fonction est divisée ; ils prennent avec des mains ou des pieds, et ils divisent et ils mordent avec la bouche. Dans les crocodiles, la nature a fait une bouche qui peut leur rendre les deux services à la fois ; par le mouvement particulier qu’ont les mâchoires.

§ 11[301]. Tous ces animaux ont aussi un cou, parce qu’ils ont un poumon ; ils reçoivent l’air par la trachée-artère, qui est fort longue. Si l’on entend par le Cou la partie placée entre la tête et les épaules, c’est, de toutes ces bêtes, le serpent qui paraîtra avoir le moins de cou véritable, et seulement quelque chose d’analogue à un cou, si l’on peut définir cette partie d’après les animaux qu’on vient de désigner en dernier lieu. Une particularité qui sépare les serpents de leurs congénères, c’est qu’ils peuvent tourner la tête en arrière sans que le reste du corps vienne à bouger. § 12[302]. La cause en est que, comme les insectes, le serpent peut se rouler, et que ses vertèbres doivent être très flexibles et cartilagineuses. Pour la même raison, cette organisation était d’absolue nécessité chez les serpents ; mais elle a lieu aussi en vue du mieux pour les défendre contre tout ce qui pourrait leur nuire par derrière. Le serpent, long comme il est, dépourvu de pieds, n’est pas fait naturellement pour se retourner à son aise, et pour rechercher ce qui se passe derrière lui ; il ne lui servirait de rien de lever la tête s’il ne pouvait la tourner.

§ 13[303]. Les animaux de ce genre ont bien une partie de leur corps qui répond à la poitrine ; mais ils n’ont pas de mamelles, ni dans cette région, ni dans aucune autre, pas plus que les oiseaux ou les poissons. Cela tient à ce qu’aucun d’eux non plus n’a de lait. La mamelle est le réservoir et comme le vase du lait ; mais le lait ne se trouve, ni dans ces animaux, ni dans aucun de ceux qui ne sont pas vivipares en eux-mêmes ; aussi, ils font des œufs ; et dans l’œuf se trouve la nourriture analogue à ce qu’est le lait dans les vivipares. Nous parlerons du reste plus complètement de tout ceci dans le Traité de la Génération. § 14[304]. Nous avons antérieurement parlé de la flexion des jointures dans le Traité de la Marche des animaux, où nous avons exposé ce sujet dans ce qu’il a de commun et de général. Nous y avons expliqué également pourquoi les animaux ont une queue, les uns plus grande, et les autres plus petite. § 15 Le caméléon est le plus lent de tous les vivipares terrestres, parce que c’est celui de tous qui a le moins de sang. C’est le caractère de cet animal qui en est cause. La peur lui fait sans cesse changer déforme ; et la peur n’est pas autre chose que le refroidissement amené par la pauvreté du sang et le défaut de chaleur.

§ 16[305]. Nous en avons à peu près fini avec ce que nous avions à dire sur les animaux qui ont du sang, soit dépourvus de pieds, soit quadrupèdes ; et nous avons étudié leurs parties extérieures et les fonctions de ces parties diverses.

CHAPITRE XII

De l’organisation commune à tous les oiseaux ; ils ne diffèrent entre eux que du plus au moins ; comparaison de leur organisation à celle des autres animaux ; leurs ailes ; leur bec ; leur cou, plus ou moins long, suivant leur genre de vie ; leurs pattes ; flexions des pattes ; les ailes tiennent chez les oiseaux la place de membres antérieurs ; leur poitrine ; absence de nombril ; puissance ou faiblesse du vol ; les ergots ; les serres crochues ; les palmipèdes ; organisation des pieds et des doigts ; l’oiseau ne se tient pas droit comme l’homme ; conformation de la hanche ; les doigts sont toujours au nombre de quatre malgré les répartitions exceptionnelles ; citations du Traité de la Génération des Animaux.

§ 1[306]. Pour les oiseaux, la différence qui les sépare les uns des autres, c’est la prédominance ou le défaut de certaines parties, qui sont ou plus grosses ou plus petites. Ainsi, les uns ont de longues pattes ; les autres en ont de très courtes ; les uns ont une large langue ; d’autres ont la langue étroite. Les mêmes différences se remarquent encore pour d’autres parties du corps. Les oiseaux ont peu de parties qui diffèrent spécialement des uns aux autres ; mais ils diffèrent de tous les animaux pair l’organisation des parties qui leur sont propres. § 2[307]. Ils ont tous des ailes ; et c’est une particularité qui les distingue de tous les autres. Dans les autres animaux, certaines parties sont velues ; d’autres sont écailleuses ; d’autres sont cornées ; mais ce sont des ailes qu’ont les oiseaux. L’aile est divisée, et elle n’est pas de la même espèce chez ceux qui ont des ailes pleines ; tantôt elle n’est pas fendue ; tantôt elle l’est ; tantôt elle a un tuyau ; et tantôt elle en est privée. § 3[308]. Les oiseaux ont en outre dans la tête cet organe du bec, qui est fort remarquable, et qui leur est spécial, comparativement aux autres animaux. Chez l’éléphant, la trompe sert de main ; chez quelques insectes la langue remplace la bouche ; dans les oiseaux, le bec, qui est osseux, remplit la fonction des dents et des lèvres. Nous avons antérieurement parlé des sens chez les oiseaux. Ils ont un cou, qui naturellement est tendu, et par la même raison qui fait que les autres animaux en ont également un. Mais les uns l’ont court, les autres ont le cou très long ; et pour la plupart, le cou correspond à peu près à la longueur des pattes. Ceux qui ont de longues pattes ont aussi un long cou ; ceux qui ont des pattes courtes ont un cou qui l’est également. Cependant les palmipèdes font exception. Si leur cou était tout court avec de longues pattes, il ne leur permettrait plus de ramasser la nourriture qui est à terre ; et s’il était long chez ceux qui ont des pattes courtes, il leur serait également peu utile. § 4[309]. Pour ceux des oiseaux qui sont carnivores, la longueur du cou les empêcherait presque complètement de trouver leur vie ; car un long cou est toujours faible ; et ceux-là ne peuvent vivre qu’à la condition d’employer la force. Aussi, aucun oiseau pourvu de serres recourbées n’a-t-il un long cou. Les palmipèdes et les oiseaux qui, ayant comme eux des pieds divisés, les ont néanmoins fort écourtés, ont, parce qu’ils sont du même genre que les palmipèdes, un long cou qui leur sert à prendre leur nourriture, tirée de l’eau ; mais les pattes qui leur servent à nager sont courtes.

§ 5[310]. Les becs n’offrent pas moins de différences, selon la vie que mènent les oiseaux. Tels oiseaux l’ont tout droit ; tels autres l’ont recourbé ; le bec tout droit est à ceux qui en ont besoin pour se nourrir ; et les carnivores ont un bec crochu. Cette forme du bec leur est indispensable pour triompher dans la lutte, parce que nécessairement ils ne se nourrissent guère que d’animaux vivants, et qu’ils doivent le plus souvent les vaincre à force ouverte. § 6[311]. Ceux qui vivent dans les marais et qui mangent de l’herbe ont le bec fort large ; car c’est à cette condition que le bec leur sert à fouiller l’eau, à arracher et à dépecer leurs aliments. Quelques-uns de ces oiseaux ont le bec long, ainsi que le cou, pour pouvoir prendre leur nourriture à de grandes profondeurs ; car la plupart de ces oiseaux et des palmipèdes ne vivent des petites bêtes qui se trouvent dans l’eau qu’en les saisissant ou directement, ou grâce à ce cou si long. Le cou leur sert alors comme d’une ligne à pêcher, et leur bec est comme le flotteur et l’hameçon. § 7[312]. Chez les oiseaux, les parties supérieures de leur corps, ainsi que le dessous et ce qu’on nomme le tronc chez les quadrupèdes, tout cela est de la même venue. Au lieu de bras et de membres de devant, ils ont des ailes, qui peuvent se déployer, et qui forment pour eux une partie toute spéciale ; ils ont, au lieu d’omoplate, les extrémités des ailes sur le dos. D’ailleurs ils ont deux jambes, ainsi que l’homme ; mais ces jambes se plient en dedans comme chez les quadrupèdes, et non pas en dehors, comme elles se plient chez l’homme. § 8[313]. Les ailes, ainsi que les membres antérieurs des quadrupèdes, sont à la circonférence du corps. Mais il y a nécessité que l’oiseau soit bipède ; car la nature de l’oiseau le range parmi les animaux qui ont du sang, et en même temps il est de la race ailée. Or les animaux pourvus de sang ne se meuvent pas par plus de quatre appareils, et les quatre parties rattachées au corps se retrouvent dans les oiseaux, de même que chez les autres animaux pourvus de sang qui vivent sur terre et qui y marchent. Seulement, tandis que les autres ont des bras et quatre membres, ce qui distingue l’oiseau, c’est d’avoir des ailes au lieu des membres antérieurs et des bras.

§ 9[314]. Les ailes de l’oiseau sont très puissantes ; et il est de l’essence de l’oiseau de pouvoir voler. Il faut donc de toute nécessité que les oiseaux aient deux pieds ; et grâce à leurs ailes, ils peuvent se mouvoir avec quatre appareils, ils ont tous la poitrine en pointe et charnue ; elle est pointue en vue du vol ; car, trop large, elle se meut difficilement, parce qu’elle déplace beaucoup d’air ; et elle est charnue, parce qu’une pointe est toujours faible si elle n’a pas un grand revêtement. § 10[315]. Sous la poitrine est le ventre qui s’étend jusqu’à la sortie des excréments, et à la flexion des pattes, tout comme chez les quadrupèdes et chez l’homme. Ces parties sont placées entre les ailes et les membres. Tous les animaux venant de vivipares ou d’ovipares ont à leur naissance un nombril ; mais chez les oiseaux adultes, il disparaît. Nous en expliquons clairement la cause dans les Études sur la Génération. C’est que la suture se fait à l’intestin, et ce n’est pas une partie des veines, comme dans les vivipares.

§ 11[316]. Il y a, parmi les oiseaux qui sont faits pour le vol, des espèces qui ont des ailes étendues et puissantes, comme les oiseaux à serres recourbées, et comme les carnassiers. Ne pouvant vivre qu’à la condition de voler beaucoup, il faut qu’ils aient, dans cette vue, des plumes en abondance et de grandes ailes. Mais ce ne sont pas seulement les espèces des rapaces qui volent bien ; ce sont aussi toutes celles qui ne peuvent trouver leur subsistance que grâce à la rapidité de leur vol, ou qui, pour vivre, sont forcées de changer de lieux.

§ 12[317]. Il y a aussi des espèces d’oiseaux qui ne volent guère, et qui sont fort lourdes. Ce sont les espèces qui vivent à terre, qui mangent des fruits, ou encore qui nagent et vivent près de l’eau. Les oiseaux à serres crochues ont de très petits corps, à les considérer sans leurs ailes, parce que c’est dans leurs ailes que passe toute la nourriture, pour faire à l’animal des armes qui puissent le défendre. Au contraire, les oiseaux qui ne volent pas ont des corps volumineux, et c’est ce qui les rend si lourds. § 13[318]. Quelques espèces d’oiseaux pesants ont aux pattes pour se défendre ce qu’on appelle des ergots, au lieu d’ailes ; mais les oiseaux ne sont jamais tout ensemble pourvus d’ergots et de serres crochues. C’est que la nature ne fait jamais rien d’inutile. Des ergots ne serviraient en quoi que ce soit aux oiseaux à serres crochues et à grand vol, tandis que les ergots servent beaucoup dans les combats qui se livrent à terre. C’est pour ce motif que certaines espèces d’oiseaux lourds en sont armés ; car pour ceux-là, les serres crochues ne seraient pas seulement inutiles, elles seraient en outre dangereuses, attendu que, faites pour empoigner, elles gêneraient beaucoup la marche. § 14[319]. Aussi, tous les oiseaux à serres recourbées marchent mal, et ne se posent jamais sur des pierres ; car dans ces deux cas, la nature de leurs ongles est absolument contraire à ces deux emplois. C’est là une suite nécessaire de leur constitution ; car la partie terreuse de leur corps et leur chaleur native leur deviennent des instruments utiles pour la lutte. Se portant en haut, cet élément fait la dureté ou la grosseur de leur bec ; et s’il se porte en bas, il y fait les ergots sur les pattes ; ou bien, dans les ongles des pieds, il fait leur grosseur et leur force. Du reste, les deux choses ne se produisent pas à la fois en plusieurs lieux différents ; car la nature de cette excrétion s’affaiblit en se dispersant.

§ 15[320]. Aux uns, la nature donne la longueur des pattes. À quelques autres, au lieu de cette longueur, elle remplit l’intervalle des doigts des pieds. Aussi, les oiseaux qui nagent ont-ils nécessairement, ou des pieds qui sont entièrement palmés, ou des doigts qui, tout en étant divisés séparément les uns des autres, ont pourtant, chacun une sorte de rame, qui est absolument continue pour le pied entier. C’est là une organisation qui, pour des causes faciles à comprendre, est tout à fait nécessaire. § 16[321]. Chez ces oiseaux, c’est en vue du mieux et pour faciliter leur vie qu’ils ont les pieds ainsi disposés ; car vivant dans l’eau et leurs ailes étant à peu près inutiles, ils ont des pieds faits pour leur servir à nager. En effet, les nageoires des poissons sont bien également des espèces de rames, comme celles des bateaux. Aussi, de même que les poissons cessent de pouvoir nager quand les nageoires leur manquent, de même ces oiseaux ne nagent plus quand la membrane intermédiaire de leurs pieds vient à faire défaut.

§ 17[322]. Si quelques espèces d’oiseaux ont des pattes fort longues, cela vient de ce qu’ils doivent vivre dans les marécages. Or la nature fait les organes pour l’action à laquelle ils doivent s’appliquer, et non pas l’action pour les organes. Comme ces oiseaux ne nagent pas, ils ne sont pas palmipèdes ; mais comme ils doivent vivre dans une matière qui cède sous leurs pieds, ils ont de longues pattes et de longs doigts ; et presque tous ont, en outre, plusieurs flexions dans ces doigts mêmes. § 18[323]. N’étant pas faits pour voler, et toutes les parties du corps étant composées de la même matière, la nourriture qui se dirige vers le croupion passe dans les pattes et les développe. Aussi, quand ils volent, se servent-ils de ces pattes au lieu de leur croupion ; ils volent en les étendant en arrière ; de cette façon, les pattes leur sont alors utiles, tandis qu’autrement elles ne feraient que les gêner. Un petit nombre d’espèces qui ont des pattes très courtes sous le ventre peuvent aisément voler. Dans ces oiseaux, les pattes ainsi disposées ne les gênent plus ; et dans les oiseaux à serres crochues, ces pieds leur servent à saisir leur proie.

§ 19[324]. Parmi les oiseaux qui ont un long cou, les uns, quand ce cou est plus épais, l’étendent en volant ; ceux qui Font léger et long volent en le repliant, afin que, quand ils s’abattent quelque part, le cou ainsi couvert soit moins exposé à des accidents. § 20[325]. Tous les oiseaux ont une hanche, placée là où il semblerait qu’ils n’en doivent pas avoir ; et ils ont deux cuisses à cause de la longueur de la hanche, qui s’étend en dessous jusqu’au milieu du ventre. C’est pour cela que l’oiseau, bien qu’ayant deux pieds, ne se tient pas droit, comme il pourrait le faire s’il avait, ainsi que l’homme et les quadrupèdes, une hanche courte à partir du siège, et la jambe venant immédiatement après. L’homme se tient droit ; et les quadrupèdes ont pour soutenir le poids du corps les membres de devant, sur lesquels ils reposent solidement ; mais les oiseaux ne sont pas droits, parce que leur conformation naturelle est celle des nains et qu’ils n’ont pas de membres antérieurs ; à la place de ces membres, ils ont des ailes. § 21[326]. La nature leur ayant fait une longue hanche, au lieu de cette partie, les a soutenus fortement par le milieu. Puis, elle a posé les pattes par dessous, afin que le poids du corps étant également réparti, l’oiseau pût tantôt marcher, ou tantôt se tenir en repos, en équilibrant l’un et l’autre côté. On voit par là comment l’oiseau, tout en ayant deux pieds, ne se tient pas droit cependant. D’ailleurs, ce qui fait que leurs pattes n’ont pas de chair est aussi ce qui cause la même disposition chez les quadrupèdes ; et l’on s’est déjà expliqué plus haut à ce sujet. § 22 Tous les oiseaux sans exception ont quatre doigts aux pieds, les palmipèdes aussi bien que les fissipèdes. Quant au moineau de Libye (l’autruche), nous verrons plus tard qu’il n’a que deux divisions aux pieds, sans parler d’autres différences qu’il offre encore avec le reste des oiseaux. Tantôt, les oiseaux ont trois doigts en avant, et un seul en arrière, au lieu de talon, et pour assurer leur marche. Dans les oiseaux à longues pattes, ce dernier doigt n’a aucune longueur, comme c’est le cas pour la crex. Les oiseaux n’ont jamais plus de quatre doigts. § 23[327]. Telle est la position des doigts chez tous les autres oiseaux ; mais le torcol est le seul à avoir deux doigts en arrière et deux en avant ; c’est peut-être parce que, dans cet oiseau, le corps est moins porté en avant que chez les autres. Tous les oiseaux ont des testicules ; mais ils les ont à l’intérieur. Nous expliquerons la cause de cette organisation en traitant de la Génération des Animaux.

CHAPITRE XIII

De l’organisation des poissons ; leur conformation générale ; des nageoires et de leur nombre ; citation des traités sur la Marche et le Mouvement des Animaux ; poissons à deux nageoires ; variétés dans la position des nageoires ; les branchies des poissons ; citation du Traité de la Respiration ; organisation des branchies dans les sélaciens ; du nombre et de la dimension des branchies ; citations des Descriptions Anatomiques et de l’Histoire des Animaux ; variétés des formes de la bouche dans les poissons ; de la bouche des dauphins et des sélaciens ; leurs mouvements nécessaires pour saisir leur proie ; de la peau des poissons ; leurs écailles ; les poissons n’ont jamais de testicules ; évent des dauphins, des baleines, etc.; rôle de l’évent et des branchies ; organisation équivoque des phoques et des chauves-souris.

§ 1[328]. On vient de voir ce que sont les différents membres des oiseaux ; mais, chez les poissons, les parties extérieures sont encore bien plus déformées. Ils n’ont, ni jambes, ni mains, ni ailes ; et nous avons expliqué antérieurement les causes de cette organisation. Mais le volume de leur corps entier est continu de la tête à la queue. Tous les poissons n’ont pas la queue faite de la même manière ; les uns l’ont a peu près pareille ; quelques autres, parmi les poissons larges, l’ont épineuse et longue. § 2[329]. À partir de la queue, le poisson se développe en largeur, ainsi qu’on le voit dans les torpilles, dans les trygons, et autres espèces de sélaciens. Dans ces poissons, la queue est épineuse et longue ; dans d’autres, elle est charnue et courte, par la même cause que dans les torpilles ; il n’y a aucune différence, ou à ce qu’elle soit courte et plus charnue, ou à ce qu’elle soit longue et moins charnue. C’est le contraire qu’on observe dans les grenouilles ; car, comme leur largeur en avant n’est pas charnue, toute la chair qui a été enlevée est reportée par la nature en arrière et à la queue. § 3[330]. Si les poissons n’ont pas de membres indépendants, c’est qu’ils sont faits naturellement pour nager, comme l’indique leur définition essentielle, attendu que la nature ne fait jamais rien de superflu ni d’inutile. Comme, d’après leur essence, ils ont du sang, ils ont reçu des nageoires pour nager ; et comme ils ne sont pas faits pour marcher, ils n’ont pas reçu de pieds, parce que l’appendice des pieds n’est utile que pour se mouvoir sur le sol. § 4[331]. Mais il n’était pas possible qu’ils eussent tout ensemble quatre nageoires et des pieds, ni rien de ce qui ressemble à des pieds en fait de membres, du moment qu’ils avaient du sang. Pourtant les cordyles, qui ont des branchies, ont des pieds ; en revanche, ils n’ont pas de nageoires, mais ils ont une queue sèche et large. Ceux des poissons qui ne sont pas larges, comme le sont le batos et le trygon, ont quatre nageoires, deux en avant et les autres en arrière ; aucun de ces poissons n’en a plus de quatre ; car, autrement, ils seraient dépourvus de sang. § 5[332]. Presque tous ont les nageoires du dos ; mais quelques-uns des poissons, longs et épais, n’ont pas les nageoires du ventre ; telles sont l’anguille, le congre et l’espèce de kestres qui se trouve dans le lac de Siphées. Ceux qui sont plus longs encore et qui se rapprochent davantage des serpents, comme la murène, n’ont pas du tout de nageoires ; ils se meuvent par des flexions successives, se servant de l’eau ainsi que les serpents se servent de la terre ; car les serpents nagent de la même manière qu’ils rampent sur la terre. § 6[333]. La raison qui est cause que les poissons ressemblant à des serpents n’ont pas de nageoires, est celle même qui fait que les serpents n’ont pas de pieds. C’est ce que nous avons expliqué dans nos Traités sur la Marche et sur le Mouvement des Animaux. S’ils avaient eu quatre appareils de mouvement, ils auraient eu grand’peine à se mouvoir ; car, soit que les nageoires fussent rapprochées, ils ne pourraient presque pas avoir de mouvement ; et soit qu’elles fussent éloignées, il en serait encore de même, parce que l’intervalle serait trop grand. Si les appareils de locomotion étaient plus de quatre, c’est que ces animaux seraient exsangues.

§ 7[334]. C’est encore la même cause qui veut que certains poissons n’aient que deux nageoires. Ces poissons ressemblent à des serpents, et ils sont fort longs ; et c’est par la flexion qu’ils remplacent les deux nageoires. Aussi, rampent-ils sur le sol, et vivent-ils longtemps hors de l’eau ; les uns ne frétillent pas tout de suite ; les autres frétillent moins, parce qu’ils sont près d’avoir une nature qui serait capable de marcher. Les poissons qui n’ont que deux nageoires ont ces nageoires sur le dos ; et ce sont ceux qui ne sont pas gênés dans leur mouvement par leur largeur. Ceux qui ont ces nageoires les ont près de la tête, parce qu’en ce lieu il n’y a pas de largeur qui pourrait les aider à se mouvoir en place des nageoires ; et, en effet, le corps de ces poissons est fort développé vers la queue.

§ 8[335]. Le batos et les poissons de cette espèce se servent, pour nager, de cette extrémité, qui est fort large, en place des nageoires qu’ils n’ont pas. La torpille et la grenouille-marine ont les nageoires du dessous en bas, à cause de la largeur d’en haut ; et celles du dessus, près de la tête. En effet, de cette façon, la largeur ne les empêche pas de nager ; mais, pour compenser les nageoires du haut, ces parties sont, chez ces poissons, plus petites que celles du dos. La torpille a ses deux nageoires à la queue ; et au lieu des deux nageoires qui lui manquent, elle se sert de sa largeur et de l’un et l’autre de ses demi-cercles, comme si elle avait deux nageoires.

§ 9[336]. Nous avons déjà parlé des organes qui se trouvent dans la tête des poissons, et aussi de leurs sens. Ce qui distingue les poissons entre tous les animaux qui ont du sang, c’est l’organisation des branchies ; nous avons expliqué à quoi elles servent, dans le Traité de la Respiration. Ceux des poissons qui ont des branchies les ont, en général, couvertes ; mais les sélaciens, qui ont des épines cartilagineuses, ont les branchies découvertes. La cause en est que certains poissons sont épineux et que l’opercule de leurs branchies l’est également, tandis que tous les sélaciens sont cartilagineux.

§ 10[337]. Il faut ajouter que les mouvements de ces derniers poissons sont lents, parce que les branchies ne sont pas épineuses ni nerveuses, tandis que le mouvement des branchies épineuses est rapide. Or, il faut que le mouvement de l’opercule ait beaucoup de rapidité, puisque les branchies sont faites naturellement, on peut dire, pour l’expiration ; et de là vient que, chez les sélaciens, la réunion des conduits mêmes qui composent les branchies a lieu directement, et il ne faut pas d’opercule pour qu’elle soit aussi rapide que possible. § 11[338]. Certains poissons ont de nombreuses branchies ; d’autres en ont très peu ; ceux-ci les ont doubles, ceux-là les ont simples. Il faut voir les détails précis sur ces différences dans les Descriptions Anatomiques et dans l’Histoire des Animaux. Ce qui fait que les branchies sont plus ou moins nombreuses, c’est la plus ou moins grande chaleur dont le cœur est animé. Le mouvement est nécessairement plus rapide et plus énergique chez ceux qui ont plus de chaleur ; et des branchies nombreuses, ou des branchies doubles, ont aussi cette vigueur naturelle plus que ne l’ont des branchies simples ou plus petites. De là vient que certains de ces poissons peuvent aussi vivre longtemps hors de l’eau ; et ce sont ceux qui ont des branchies en moindre nombre et moins fortes ; par exemple, l’anguille et les poissons à forme de serpents, qui n’ont pas besoin de beaucoup de refroidissement.

§ 12[339]. La bouche des poissons offre aussi de grandes variétés. Les uns ont la bouche en avant et fort proéminente ; les autres l’ont en dessous, comme les dauphins et les sélaciens, qui se retournent sur le dos pour saisir leur proie. La nature les a ainsi organisés, non pas seulement pour préserver les autres animaux, puisque, grâce à la lenteur de ce mouvement nécessaire pour se retourner, les autres poissons ont le temps de se sauver de ceux-là, qui sont tous carnivores, mais c’est aussi pour ne pas trop favoriser leur voracité excessive ; car, s’ils pouvaient saisir leur proie plus facilement, ils périraient bien vite à force de se gorger de nourriture. § 13[340]. Il faut ajouter que la forme de leur museau circulaire et étroit les empêche de l’ouvrir beaucoup. On peut remarquer en outre que ceux même qui ont la bouche en haut ont, les uns la bouche tout ouverte, les autres l’ont pointue. Tous les poissons carnivores ont la bouche très fendue, comme les poissons à dents alternantes, parce que, pour ces poissons, toute leur force est placée dans la bouche ; mais ceux qui ne sont pas carnivores ont la bouche en pointe.

§ 14[341]. Certains poissons ont la peau écailleuse ; et l’écaille se détache du corps par son éclat et sa légèreté. D’autres poissons ont la peau rugueuse, comme la raie et le batos, et les poissons de ce genre. Il y a très peu de poissons qui aient la peau lisse. Les sélaciens n’ont pas d’écaillés ; et leur peau est rugueuse, parce qu’ils ont des piquants cartilagineux. Chez eux, la nature a employé l’élément terreux, qu’elle prenait aux écailles, pour en faire leur peau.

§ 15[342]. Aucun poisson n’a de testicules, ni au dehors, ni à l’intérieur, pas plus que n’en a aucun animal privé de pieds ; et voilà comment les serpents n’en ont pas non plus. Le canal des excréments et celui de la génération est le même dans les poissons, ainsi qu’il l’est chez les quadrupèdes ovipares, parce qu’ils n’ont pas de vessie ni d’excrément liquide.

§ 16[343]. Telles sont les différences générales qu’offrent les poissons comparativement à tous les autres animaux. Mais les dauphins, les baleines et tous les cétacés de cette espèce n’ont pas de branchies, et ils ont un évent, parce qu’ils ont un poumon. Ils reçoivent l’eau de la mer par la bouche, et ils l’expulsent par l’évent. D’abord, ils sont forcés de recevoir le liquide, parce que c’est dans le liquide qu’ils trouvent leur nourriture ; mais, après l’avoir reçu, c’est une nécessité non moins grande de le rejeter, § 17[344]. Les branchies ne sont utiles qu’aux animaux qui ne respirent pas. Nous en avons expliqué le motif dans nos études sur la Respiration, et nous avons dit qu’il est impossible d’avoir tout ensemble la respiration et des branchies. L’évent des cétacés est fait précisément pour expulser le liquide ; et il est placé en avant de leur encéphale ; autrement, il aurait séparé l’encéphale du rachis. Ce qui fait que ces animaux ont un poumon et qu’ils respirent, c’est que les gros animaux ont besoin de plus de chaleur pour se mouvoir ; et c’est dans cette vue que leur a été donné le poumon, qui est rempli de la chaleur du sang. Ces animaux sont en quelque sorte tout à la fois terrestres et aquatiques. En tant que terrestres, ils reçoivent l’air ; mais ils sont dépourvus de pieds ; et ils tirent leur nourriture du liquide, comme les animaux aquatiques.

§ 18[345]. Les phoques et les chauves-souris, qui sont des deux genres, les premiers se rapprochant des animaux aquatiques et terrestres, les autres se rapprochant des animaux volatiles et terrestres, participent de tous les deux, sans être précisément d’aucun. Les phoques, quoique aquatiques, ont des pieds ; et quoique terrestres, ont des nageoires ; leurs pieds de derrière les rapprochent tout à fait des poissons, et toutes leurs dents sont en scie et fort aiguës. Quant aux chauves-souris, elles ont des pieds comme volatiles, mais elles n’en ont pas comme quadrupèdes ; elles n’ont ni queue, ni croupion, pas de queue comme elles pourraient en avoir en tant que volatiles, pas de croupion comme elles en auraient en tant qu’animaux terrestres. C’est là, pour les chauves-souris, une organisation nécessaire. Leurs ailes sont de la peau ; et il n’y a pas d’animal qui ait un croupion, si ce n’est à la condition d’avoir des ailes divisées ; car c’est des ailes de ce genre que se forment le croupion. La queue serait en outre un obstacle à la fonction des ailes.

CHAPITRE XIV

De l’autruche, ou moineau de Libye ; sa double organisation d’oiseau et de quadrupède ; ses ailes inutiles ; les pinces de ses pattes ; annonce d’études sur la Génération des animaux.

§ 1[346]. Une double organisation se retrouve aussi chez l’autruche, ou moineau de Libye ; elle a des parties d’oiseau et des parties de quadrupède. En tant que cet oiseau n’est pas quadrupède, il a des ailes ; en tant qu’il n’est pas oiseau, il ne vole pas, en s’élevant dans l’air ; et il a des ailes qui ne lui servent pas à voler, et qui sont assez pareilles à des poils. § 2[347]. De plus, en qualité de quadrupède, il a des cils aux paupières supérieures, et il est pelé sur la tête et sur le sommet du cou ; les cils qu’il a sont comme des crins. Puis, en tant qu’oiseau, ses parties inférieures sont couvertes de plume ; il a deux pattes comme un oiseau ; il a deux pinces comme un quadrupède ; car il n’a pas de doigts, mais des pinces. § 3[348]. Cette singularité vient de ce que sa grosseur n’est pas celle d’un oiseau, mais bien celle d’un vrai quadrupède. Or il y a nécessité absolue que la grosseur du corps chez les oiseaux soit en général la plus petite possible, parce qu’il serait par trop difficile de mouvoir et d’élever dans l’air un corps d’une masse considérable.

§ 4[349]. Dans tout ce qui précède, il a été traité des organes des animaux, afin d’expliquer dans quel but chacun de ces organes leur a été donné, et l’on a exposé ces détails pour chaque espèce d’animal en particulier. Après toutes ces descriptions, c’est une suite naturelle d’en venir à ce qui concerne la génération des animaux.


FIN DU TRAITE DES PARTIES DES ANIMAUX
TRAITE

MARCHE DES ANIMAUX

PRÉFACE AU TRAITE DE LA MARCHE DES ANIMAUX

Place du traité de la Marche des Animaux dans l’histoire de la science et dans l’encyclopédie aristotélique ; analyse de ce traité ; la question n’est reprise et continuée qu’au XVIIe siècle ; Fabrice d’Acquapendente ; Borelli ; abus des mathématiques ; Claude Perrault ; Buffon ; Barthez ; Cuvier ; M. H. Milne-Edwards ; M. Colin ; M. J. Bell-Pettigrew ; M. Marey. — Conclusion.

Le principal mérite du petit traité d’Aristote sur la Marche des Animaux, c’est d’être le premier en date ; il a devancé de deux mille ans la science moderne ; et quoiqu’à son tour, elle l’ait dépassé de beaucoup, c’est de lui qu’elle est sortie. Il est probable que, dans notre XVIe siècle, cette étude serait née spontanément, comme tant d’autres, si le génie grec ne l’avait pas eu créée dès longtemps ; mais l’initiative en appartient exclusivement à l’Antiquité, et cette théorie doit compter parmi les richesses que nous lui devons. Quatre cents ans avant notre ère, ce fut une idée très-neuve que de prendre pour objet d’un examen scientifique la locomotion des êtres animés, et de détacher ce curieux phénomène du reste de la zoologie. De nos jours, les sciences sont tellement distinctes les unes des autres que rien ne paraît plus simple que leur séparation ; mais à cette époque lointaine, en face de la nature inexplorée, au milieu de tant de recherches ardentes et d’abord très-confuses, il fallait un discernement bien énergique, et une rare pénétration d’esprit, pour tirer toute une science de faits qu’il était facile d’observer isolément, mais que personne, avant Aristote, n’avait songé à réunir en un ensemble systématique. On voyait bien les animaux se mouvoir, selon les lois que la nature leur impose, ici pour marcher sur le sol, là pour voler dans les airs, ailleurs pour ramper, ailleurs encore pour nager, en un mot pour changer de lieu et satisfaire les besoins divers de l’existence ; mais le philosophe a été le seul qui, dans ces faits si variés, découvrit des rapports propres à constituer méthodiquement une science réelle et générale. Commencée par lui, cette science est très-loin d’être achevée, même de notre temps ; et il faudra bien des labeurs encore, pour expliquer tous les ressorts ingénieux que la nature emploie à mouvoir les êtres auxquels elle a donné la vie.

De tous les phénomènes naturels, le mouvement est celui qui nous frappe le plus ; il est partout dans l’univers, depuis les sphères immenses qui parcourent l’espace sur nos têtes, jusqu’à ces animalcules presque invisibles qui se meuvent aussi ; depuis les organes dont tous les animaux sont composés dans leur intérieur mystérieux, jusqu’aux plantes elles-mêmes, et peut-être jusqu’à un degré encore plus bas qu’elles. Le mouvement est le signe le plus manifeste de la vie, qu’il révèle mieux encore que la sensibilité. Un fait si répandu et si nécessaire, non moins clair qu’étonnant, devait attirer puissamment l’attention d’Aristote ; et en effet, il y a consacré trois de ses ouvrages, parmi ceux qui nous sont parvenus, sans parler de sa psychologie. Le plus considérable des trois est sa Physique, théorie complète du mouvement, où il se montre le précurseur de Descartes, de Newton et de Laplace ; il y approfondit le mouvement dans sa nature et dans son action universelle, avec ses conditions indéfectibles de temps, d’espace et d’infini. Mais outre cette théorie générale, la question l’a occupé à un point de vue plus restreint, dans le traité du Mouvement dans les animaux, et dans le traité plus spécial encore, qui nous intéresse ici particulièrement. Ces trois ouvrages, la Physique, le traité du Mouvement dans les animaux, et le traité de la Marche des animaux, forment entre eux, et avec le traité de l’Ame, un tout indissoluble, où l’on trouve la pensée du philosophe sur cet inépuisable sujet, que l’homme étudiera sans cesse, et dont il ne se rassasiera jamais, sentant en lui-même le mouvement, tout aussi bien qu’il le voit dans tout ce qui entoure et domine sa personne fragile et merveilleuse.

Une brève analyse nous apprendra ce qu’est le traité de la Marche des Animaux, ce qu’il vaut, et aussi quelles en sont les bien pardonnables lacunes.

Aristote débute ici, comme dans ses ouvrages les meilleurs, par l’exposé de la méthode qu’il veut suivre, et il énumère les questions qu’il va discuter. Il se propose donc de comparer, dans tout le règne animal, les organes de la locomotion et les appareils que la nature a su y adapter, avec autant de variété que de justesse. Avant tout, l’auteur observera exactement les faits ; et il n’essaiera d’en découvrir les causes qu’en fondant ses théories sur des observations nombreuses et bien faites. Les explications qu’on pourra donner seront éclairées et guidées par ce principe supérieur, à savoir que la nature ne fait jamais rien en vain, et qu’elle fait toujours le mieux possible. En scrutant ses œuvres, on peut être assuré de découvrir le but qu’elle poursuit, et les moyens infaillibles dont elle se sert pour l’atteindre.

Le mouvement ne peut avoir lieu que dans six directions, qui se répartissent en trois séries de deux termes chacune : le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche. Dans ces directions, le corps se meut soit en totalité, soit partiellement. Par exemple, les saltigrades déplacent leur corps tout entier, dans le saut qui leur est naturel et pour lequel ils sont faits ; chez la plupart des autres animaux, le mouvement n’est d’ordinaire que partiel et successif. Mais de quelque manière que le mouvement se produise, il faut toujours qu’il y ait en dehors de l’animal, ou dans l’animal lui-même, un point d’appui qui permette et facilite le jeu des appareils dont il est pourvu.

La vie étant aussi dans les végétaux, quoiqu’elle y soit à un degré moindre, il faut remarquer que le haut et le bas sont dans les plantes à l’inverse de ce qu’ils sont dans les êtres animés. Le haut véritable de la plante, c’est sa racine ; le bas véritable, c’est sa tige, quoique le témoignage de nos yeux semble nous dire le contraire. Mais comme dans l’animal le haut est la partie dans laquelle est reçue la nourriture qui se distribue à tout l’organisme, et comme c’est par la racine que les plantes se nourrissent, c’est pour cette cause que, chez elles, la racine doit être regardée comme le haut, quoiqu’elle paraisse être le bas. C’est la fonction, et non la position, qui fait la différence. Dans l’animal, le devant et le derrière sont déterminés par la situation des sens, et spécialement par la situation de la vue, chargée de le conduire. La droite et la gauche se distinguent en ceci que la partie qui a l’initiative habituelle du mouvement est prise pour la droite, et que la partie opposée à celle-là est prise pour la gauche. La troisième série, celle du devant et du derrière, est en quelque sorte mutilée, en ce que les animaux marchent naturellement devant eux, et qu’aucun ne marche en arrière, si ce n’est par un mouvement contre nature. Il y a cependant certaines classes d’animaux inférieurs, telles que les mollusques et les crustacés turbinés, où il est malaisé de distinguer le derrière et le devant, ou la droite et la gauche, soit par leur conformation, soit par leurs allures.

C’est dans l’homme que toutes ces différences sont le mieux marquées, parce qu’il est le plus complet des êtres, et que le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche, sont chez lui le plus nettement caractérisés. La station droite n’appartient guère qu’à l’homme ; il est essentiellement bipède, et sa position verticale concorde avec celle de l’univers lui-même. L’oiseau a bien cette espèce de station ; mais en lui elle est moins régulière ; et pour pouvoir se tenir debout, il a reçu une ossature du bassin toute spéciale, fort différente du bassin de l’homme. D’ailleurs, les ailes sont pour l’oiseau ce que les bras et les mains sont pour nous.

Comme c’est la droite qui commence le mouvement, on peut dire qu’elle est plus importante que la gauche, de même que le haut est plus important que le bas, et le devant, plus important que le derrière.

Entre les deux termes de chaque série, il y a des rapports qu’il est assez difficile de bien définir. Le principe qui produit le mouvement à droite est le même qui produit le mouvement à gauche ; rien ne sépare distinctement l’une de ces directions de la direction contraire, et il est évident qu’il n’y a pas là de discontinuité. On en peut dire autant du haut et du bas, du devant et du derrière. Il y a donc entre chacun des deux termes un terrain commun où ils se rencontrent et se confondent. Ce point, c’est le principe moteur que l’animal porte en lui-même, et qui décide la locomotion dans un sens ou dans l’autre, selon le besoin ou la volonté. Le principe moteur est immobile ; car il faut toujours un point d’inertie pour que le mouvement soit possible dans une des directions.

Les animaux qui ont du sang ont quatre appareils de locomotion, et ils ne peuvent en avoir davantage. Mais les animaux dépourvus de sang peuvent en avoir un plus grand nombre. Une autre différence entre ces deux genres d’animaux, c’est que ceux qui ont du sang cessent de se mouvoir et de vivre quand on les coupe en deux, tandis que les exsangues peuvent vivre et se mouvoir longtemps après qu’on les a coupés. On dirait que ceux-là sont composés de plusieurs animaux réunis, ayant chacun une vie à part. Les serpents et certains poissons qui n’ont pas de nageoires, par exemple les murènes, remplacent les quatre appareils qui leur manquent par les flexions de leur corps allongé, tantôt convexes, tantôt concaves, à droite et à gauche, en haut et en bas. Là encore, on peut retrouver les quatre appareils, bien que sous une autre forme. Les pieds de l’animal sont toujours en nombre pair, quel qu’en soit le nombre. Avec quatre pieds, il a une station très-solide ; mais on ne pourrait pas concevoir qu’il pût marcher avec trois ; et en réalité, la nature n’offre pas une seule combinaison de cette espèce. Les scolopendres polypodes auxquels on a retranché quelques pieds peuvent marcher, il est vrai, avec un nombre impair de pieds ; mais c’est seulement en suppléant à ceux qu’on leur a retranchés par ceux qui leur restent ; et la loi de parité n’en est pas moins applicable à ces animaux comme à tous les autres.

Le mouvement, quelles qu’en soient la direction et la nature, n’est possible qu’à la condition d’une flexion. Dans la progression, le membre qui s’avance, tandis que l’autre devenu perpendiculaire soutient le corps, doit nécessairement s’infléchir avant de toucher le sol, et avant de devenir droit à son tour, pour fournir successivement au corps l’appui qui lui est indispensable. La flexion du membre est tantôt convexe comme celle du genou, et tantôt concave comme celle des bras. Si le membre ne s’infléchissait pas, la marche serait caduque, et l’animal ne ferait que tomber.

En même temps que le membre avance, la tête s’abaisse, en se projetant pour contribuer à transporter le poids du corps sur la jambe qui va le recevoir. La flexion nécessaire au mouvement est évidente également dans la reptation des serpents, dans les ondulations des chenilles, dans les battements des ailes des oiseaux, dans les battements des nageoires des poissons, qui sont tantôt droites et tantôt recourbées. Enfin, c’est par la flexion de la queue et du corps que les poissons plats, même quand ils sont dépourvus de nageoires, progressent dans le liquide, qu’ils couvrent de leur largeur exceptionnelle.

Le mouvement des volatiles est plus compliqué ; les pattes sont nécessaires aux oiseaux pour voler, de même que les ailes le leur sont pour marcher. Ces corrélations indirectes semblent du premier coup d’œil assez étranges ; mais il en est pour les oiseaux comme pour l’homme, qui ne saurait marcher sans le mouvement alternatif de ses épaules, si ce n’est de ses bras. Chez l’oiseau, la queue, appendue au croupion, dirige le vol, à la façon dont le gouvernail dirige le navire. Les volatiles à ailes pleines, comme les coléoptères, qui n’ont pas de plumes à leurs croupions, non plus qu’aux ailes, volent mal, et s’abattent lourdement, comme un vaisseau désemparé. Voilà aussi pourquoi les oiseaux qui volent peu, comme le paon, le coq, les gallinacés, ne sauraient diriger leur vol en ligne droite. Les oiseaux de grand vol, hérons et flamands, étendent, en volant, leurs pattes en arrière, pour suppléer à leur queue, qui ne les dirige point. Chez les oiseaux de proie, pour qui la rapidité du déplacement est une condition d’existence, tout est calculé dans cette vue. Leur tête est petite ; leur col est mince. Leur thorax, très-charnu, est puissant et taillé comme la proue d’un navire, afin qu’ils puissent d’autant mieux fendre l’air ; les parties postérieures de leur corps sont à la fois plus légères et plus rétrécies, pour ne ralentir en quoi que ce soit leur vélocité.

Si la partie haute du corps des oiseaux était plus lourde, ils ne pourraient se tenir debout, pas plus que les enfants, qui, avant de marcher tout droits, se traînent d’abord sur le sol, en s’appuyant sur leurs quatre membres. Mais, comme, plus tard, c’est la partie inférieure du corps qui, chez les enfants, se développe davantage, ils peuvent se redresser, et ils finissent par marcher comme il convient à la race humaine. Si les oiseaux ne sont pas conformés pour avoir jamais une station aussi droite que la nôtre, notre conformation nous rendrait leurs ailes bien inutiles ; aussi la nature ne nous en a-t-elle pas donné, bien que parfois les peintres se permettent d’en attribuer aux Amours qu’ils représentent dans leurs tableaux.

En comparant les flexions telles qu’elles sont dans l’homme, non plus aux flexions de l’oiseau, mais à celles du quadrupède vivipare, on voit qu’elles s’accomplissent en sens contraires. Chez l’homme, les flexions des bras, c’est-à-dire des membres antérieurs, se font en creux ; et celles des membres postérieurs, en cercle. Dans les quadrupèdes, c’est tout l’opposé ; les membres de devant s’infléchissent en rond, et les membres postérieurs s’infléchissent en creux. Ici encore, il faut admirer la sagesse de la nature. Si les quadrupèdes fléchissaient leurs pattes de devant en forme concave, au lieu de la forme convexe, ils ne les élèveraient pas suffisamment au-dessus du sol, et ils ne marcheraient pas à l’aise ; et de même, si leurs pattes de derrière s’infléchissaient en cercle, elles gêneraient la marche sous leur ventre ; et ils auraient en outre beaucoup plus de peine pour allaiter leurs petits.

D’ailleurs, les flexions ne peuvent avoir lieu que de quatre manières : ou les membres de devant et de derrière pourraient être fléchis dans un seul et même sens, soit convexes, soit concaves, ou fléchis à l’opposé les uns des autres, les uns étant concaves, tandis que les autres seraient convexes. De ces quatre combinaisons possibles, la nature n’en admet que deux, les autres n’étant pas commodes pour l’animal. Dans un seul et même membre, les flexions se contrarient, afin de rendre le mouvement plus facile et plus harmonieux. Ainsi, la cuisse fléchit en creux sur la hanche ; le genou fléchit en rond sur la cuisse, et le pied fléchit en creux sur le tibia ; enfin, les doigts fléchissent en rond sur le pied. Tout devient ainsi plus souple et plus stable.

Dans la marche des quadrupèdes, le mouvement a lieu en diagonale, le pied gauche de derrière se levant en même temps que le pied droit de devant ; et le pied droit de derrière, en même temps que le pied gauche antérieur. Si les deux membres de devant se lèvent à la fois, ce n’est plus une allure de marche, c’est un saut véritable, qui, exigeant un très grand effort, ne peut avoir que très-peu de durée, ainsi qu’on le voit pour les chevaux de course. Si, dans la marche ordinaire, les deux pieds de devant partaient ensemble, l’animal risquerait de tomber à chaque pas. L’animal peut marcher encore en mettant simultanément en mouvement les deux membres d’un même côté ; mais alors l’allure est moins naturelle et moins solide. L’allure la plus ferme et la plus facile est l’allure en diagonale, qui assure constamment des appuis aux deux parties, droite et gauche, du corps en mouvement. Quoique la marche par diagonale soit de règle, il y a des animaux qui, comme les crabes, marchent obliquement, au lieu de marcher droit devant eux. Cependant les crabes mêmes ne font exception qu’à moitié ; car la nature a eu soin de placer leurs yeux obliquement aussi, de sorte que, grâce à cette particularité, on peut dire que les crabes marchent en ligne droite comme tous les autres animaux.

L’organisation des oiseaux n’est peut-être pas aussi loin de celle des quadrupèdes qu’on pourrait le croire. Les ailes, qui, chez eux, remplacent les membres de devant, se replient dans le même sens que les membres antérieurs des quadrupèdes. La plus grande différence, c’est la position de la cuisse, qui, chez l’oiseau, est avancée bien davantage sous le ventre, afin de soutenir le corps, qui ne peut jamais être aussi droit que celui de l’homme. Les ailes sont placées sur les côtés, comme les nageoires le sont en général chez les poissons ; car c’est par cette disposition que les nageoires et les ailes peuvent être le plus utiles, les unes et les autres, pour fendre l’air ou le liquide. C’est dans une intention pareille que les quadrupèdes ovipares, crocodiles, stellions, émydes, tortues, lézards, ont les pattes tournées de côté, afin de pouvoir entrer plus facilement dans les trous où ils vivent, et pour que l’incubation des œufs leur soit plus aisée.

On peut voir encore une intention du même genre dans la conformation des polypodes, c’est-à-dire des animaux qui ont plus de quatre pieds ; leurs pieds antérieurs, qui dirigent le mouvement, sont droits ; ceux de derrière, qui ne font que suivre la direction des premiers, sont obliques et légèrement cagneux. La locomotion des langoustes et celle des crabes mériteraient une étude spéciale. Dans les oiseaux palmipèdes, les pieds, armés de leurs membranes, sont des nageoires ; les pattes sont courtes, parce qu’elles perdent ce que les pieds gagnent ; et elles sont placées en arrière, afin que la propulsion soit plus efficace.

La raison comprend très-bien pourquoi les oiseaux nageurs ont des pieds, et pourquoi les poissons n’en ont pas. Les oiseaux nageurs, tout en nageant fréquemment, doivent pouvoir marcher sur le sol, tandis que les poissons ne doivent vivre que dans le liquide. Ils ne respirent pas l’air, comme les oiseaux ; c’est l’eau qu’ils respirent ; leurs nageoires et leur queue correspondent aux ailes et aux pieds des volatiles, et en font l’office très-suffisamment.

On pourrait pousser plus loin ces rapprochements entre les diverses classes d’animaux ; mais sur les êtres inférieurs, comme les crustacés par exemple, l’observation est très-difficile, et l’on ne sait guère s’ils ont du mouvement ou s’ils n’en ont pas. Tenons-nous en donc aux études précédentes, qui nous apprennent ce qu’est la locomotion chez les animaux supérieurs, et qui préparent naturellement d’autres études dont l’âme peut être l’objet.

Voilà le traité de la Marche des animaux résumé dans ses traits essentiels. L’histoire ultérieure de la science nous montrera que ce traité est incomplet à bien des égards ; mais, pour en porter un jugement équitable, il faut ne jamais perdre de vue que c’est Aristote qui a frayé le chemin ; et qu’il a fait, du premier coup, un pas si gigantesque et si sûr que, pendant des milliers d’années, on n’a rien ajouté à ce qu’il avait dit. Quand l’esprit humain est revenu à la science méthodique et à l’observation de la nature, il n’a pu que continuer la route que le philosophe avait ouverte. On a bien tardé à l’y suivre ; et pour la question de la locomotion animale, l’interruption a été beaucoup plus grande encore que pour l’Histoire des Animaux, ou pour le traité des Parties. Entre Aristote et Fabrice d’Acquapendente, au XVIIe siècle, il n’y a rien absolument ; car on ne peut pas compter pour quelque chose des commentaires, d’ailleurs fort rares, qui ne sont que des répétitions, et qui ne procurent à la science aucun progrès sensible, pas même un progrès de style et d’exposition.

Fabrice, élève et successeur de Fallope, a été professeur éminent d’anatomie pendant cinquante ans, à l’université de Padoue ; il meurt en 1619, et son ouvrage sur la locomotion des animaux ne paraît qu’un an avant sa mort. C’est le fruit d’un long et célèbre enseignement, dont il fait concevoir une haute idée. Voilà bien la science telle que la Grèce l’a entendue et pratiquée, observatrice avant tout, patiente autant que régulière, recueillant les faits et ne cherchant à en expliquer la cause qu’après les avoir constatés, passionnée pour les œuvres de la nature et croyant à sa sagesse, qui est la sagesse même de Dieu. Fabrice, en s’adressant à ses élèves, ne leur cache point ce qu’il doit à Aristote ; et il se plaît à leur rappeler que, depuis le philosophe, personne ne s’est occupé de ce beau sujet, « Doctrina pulcherrima et utilissima, neque ab alio quam ab unico Aristotele exculta. » Il a étudié très-attentivement les deux traités aristotéliques sur le Mouvement et la Marche des animaux ; et il croit répondre à la pensée de l’un et de l’autre en intitulant le sien : « De motu locali animalium secundum totum. » Par là, Fabrice indique qu’il veut ne s’occuper que du mouvement où l’animal se déplace tout entier ; et il exclut les mouvements qui se passent intérieurement, comme ceux du cœur, du poumon, du sang et de toutes les sécrétions, des muscles, des nerfs, etc. Aristote avait aperçu cette distinction ; mais il ne l’avait pas faite avec autant de précision.

Fabrice étudie d’abord le mouvement de progression dans l’homme, et il s’aide de tous les secours que lui offre une anatomie déjà fort avancée par ses prédécesseurs et par lui-même ; il décrit les mouvements de la cuisse, du genou, de la jambe, des pieds et des doigts, faisant une part à chaque membre dans l’action totale du déplacement. De la marche de l’homme, il passe à celle des volatiles, et à celle des quadrupèdes. (De gressu pennatorum, de gressu quadrupedum.) Enfin, il s’arrête assez longuement au vol des oiseaux et à l’action des ailes, et il termine par l’explication de la natation chez les poissons, et de la reptation chez les serpents. C’est, comme on le voit, toute la pensée aristotélique, avec plus d’ordre et avec des connaissances plus étendues, en anatomie et en physiologie. Fabrice les complète encore par des opuscules particuliers sur l’organisation, les fonctions et l’utilité des muscles, sur les articulations des os, sur la respiration, et sur les mouvements du cœur et des intestins. Ces travaux font grand honneur à l’université de Padoue, et ils n’ont été possibles qu’à la condition de tout ce que cette illustre école avait antérieurement accompli, en formant des anatomistes tels que Vésale, Fallope et tant d’autres.

Soixante ans après Fabrice, vers la fin du XVIIe siècle, Borelli et Claude Perrault reprennent la question de la locomotion animale, en la traitant par des méthodes fort différentes. Borelli (1608-1679), né à Naples, professeur d’anatomie à Pise et à Florence, était mathématicien plus encore que médecin et physiologiste. Editeur d’Euclide et d’Apollonius de Perge, astronome, météorologiste, il est, avec son élève, Bellini de Florence, le chef de la doctrine iatro-mathématique, qui n’a guère plus servi la médecine que les mathématiques elles-mêmes. Son ouvrage « De motu animalium » est dédié à Christine de Suède, et il n’a paru qu’un an après sa mort. Dans une préface dédicatoire, Borelli se montre d’une grande piété, et il admire l’œuvre de Dieu dans les êtres animés plus vivement encore que dans le reste de la nature. Il sent toutes les difficultés du sujet qu’il aborde, et il ne se les dissimule pas : « Aggredior arduam physiologiam de motibus animalium. » C’est par les mathématiques et la géométrie qu’il se promet de résoudre ces problèmes. Docile au conseil et à la pratique d’Aristote, il divise son ouvrage en deux parties : l’une consacrée à la pure exposition des faits ; l’autre, à l’explication des causes. Il étudie donc en premier lieu les mouvements externes, la marche chez les bipèdes et les quadrupèdes (gressus, incessus) ; la natation et le vol ; puis, les mouvements de la main, des jambes et de la tête. Arrivant aux mouvements internes, il les décrit pour les viscères, pour le cœur, les artères, les veines, les muscles, les os, pour la circulation du sang et celle des humeurs. A toutes ces descriptions, qui attestent beaucoup de science anatomique, il joint des figures géométriques, et des planches nombreuses. Après de savantes définitions, à la façon des mathématiciens, il avance des propositions ; il en tire des scholies, pour arriver à des conclusions, qu’il regarde comme démontrées et définitives.

Dans la seconde et dernière partie, où il essaie de remonter aux causes, il applique les mêmes procédés pour rendre compte des mouvements intérieurs du sang, du cœur, de la respiration, des reins, du foie, des nerfs, de la transpiration insensible, de la nutrition, de la faim, de la soif, de la fatigue, des convulsions, du tremblement et du frisson que cause la fièvre. Toutes ces recherches témoignent de beaucoup de science et d’application. Cet ouvrage a fait la renommée de Borelli ; et c’est à peu près le seul que l’on connaisse aujourd’hui. On peut toujours le consulter ; mais on devrait se garder de le prendre pour modèle.

Il a fait abus des mathématiques dans une question qui est surtout physiologique ; il a considéré les êtres animés à peu près comme des machines, non pas dans leur nature essentielle, mais dans leurs actes. Il est certain que les lois les plus profondes de la mécanique sont employées par la nature à faire mouvoir les animaux ; et les relations des muscles et des os, par exemple, sont celles des leviers et des points d’appui. La raison de l’homme n’a rien inventé dans cette partie de la géométrie qui ne se trouve déjà dans la locomotion animale. Mais dans l’organisation vivante, il y a bien autre chose encore que des lignes, et des angles. Tout y est concret, et mêlé au principe même de la vie, dont les abstractions mathématiques ne peuvent pas rendre compte. Il faut être très-sobre de ces considérations en physiologie, où elles ne doivent tenir qu’une place secondaire. On a dès longtemps banni de la science ce procédé, qui était fort en faveur au temps où Borelli écrivait ; et si maintenant on parle encore quelquefois de la théorie des leviers en histoire naturelle, on s’y arrête peu, et l’on a raison de laisser à la mécanique rationnelle des développements que la physiologie et l’anatomie ne comportent pas.

Claude Perrault (1613-1688) n’a pas commis la même faute ; il est cependant géomètre et architecte, et architecte qui construit là colonnade du Louvre. Il intitule son ouvrage : « De la méchanique des animaux » (1680) ; mais il se garde bien de faire de la géométrie ; c’est uniquement de physiologie et d’anatomie qu’il s’occupe (tome II, 3e volume de l’édition de Leide, in-4°, 1721). L’ouvrage est divisé en trois parties : la première traite des organes des sens ; la seconde, des organes du mouvement ; et la dernière, des organes de la nutrition, aboutissant à la génération. Perrault présente d’abord quelques considérations générales ; et pour éviter l’équivoque que pourrait causer le titre de son ouvrage, il déclare qu’il ne regarde pas les animaux comme de pures machines ; il avertit ses lecteurs qu’il entend par Animal un être doué de sentiment, et capable d’exercer les fonctions de la vie par un principe que l’on appelle Ame ; cette âme conduit toutes les pièces de la machine animale, comme l’organiste conduit l’orgue qu’il touche. Nous voilà loin de Borelli et des mathématiques.

Selon Claude Perrault, « le mouvement a été donné à l’animal pour rechercher ou fuir ce qu’il a connu par les sens lui être propre ou contraire, » Il distingue dans l’animal deux sortes de mouvement : l’un qui est obscur, comme celui de la sensation et de la digestion ; l’autre qui est manifeste, comme celui de la progression, ou à l’intérieur, celui de la respiration, de la voix et de la circulation. Les organes du mouvement sont les fibres des muscles, dont raccourcissement, qui est assez difficile à expliquer, met les membres et les articulations en jeu. Les muscles sont en général fixés sur les os ; mais dans quelques animaux, comme les écrevisses, les muscles sont situés en dedans des parties dures, qui font tout ensemble fonction d’os et de peau.

La progression est très-diverse selon les espèces, depuis l’huître qui n’a de locomotion que celle qui lui est imprimée par les vagues, depuis le traînement des limaçons, le rampement des serpents, la traction des polypes et des seiches, jusqu’au marcher des animaux terrestres, dont les pieds et les ongles sont appropriés à une foule d’usages, jusqu’au vol des oiseaux, dont les ailes sont une des merveilles les plus étonnantes de la nature, et enfin, jusqu’au nager des poissons, « qui a beaucoup de rapport au voler des oiseaux ».

Les organes de la progression servent en outre à l’animal pour sa défense ou pour l’attaque, tout aussi bien que les dents et les cornes. Les mouvements des parties qui produisent la voix ne sont pas moins variés ; la voix diffère dans les animaux en ce qu’elle est articulée plus ou moins complètement. Tantôt elle est simple et uniforme, comme chez les serpents, les lions, les tigres, les hiboux, les roitelets. Le chant des oiseaux, même le plus agréable, est peu articulé ; il n’y a que l’homme qui jouisse d’une voix capable de produire une variation de tons et d’accents presque infinie. Mais cette perfection elle-même tient beaucoup moins aux organes qu’à l’intelligence dont l’homme a été doué ; car il y a des animaux qui, comme le singe, ont tous les organes de la parole, y compris la luette, et qui cependant ne parlent point.

C’est le cerveau qui est le premier principe du mouvement ; il est divisé en trois parties principales : le cerveau proprement dit, le cervelet, et la moelle de l’épine. Il a ses artères, ses veines et ses vaisseaux excrétoires. Selon les espèces, le nombre de ses ventricules et de ses anfractuosités varie beaucoup. Il est très petit chez la plupart des poissons et chez le crocodile ; il est également peu développé en général chez les oiseaux. Le cerveau des poissons est encore moins fort que celui des oiseaux, bien que leur corps soit plus gros proportionnellement.

Telles sont à peu près les théories de Claude Perrault sur le mouvement animal ; elles ne sont pas absolument originales ; mais elles sont fondées sur des recherches anatomiques fort étendues, où Perrault se faisait aider par ses amis, qu’il guidait. On a peut-être exagéré la valeur de ces théories en plaçant Claude

Perrault à côté de Cuvier, ainsi que Font fait des physiologistes contemporains. Sa part n’est pas aussi grande ; et si l’on se souvient des travaux antérieurs de Borelli, de Fabrice et d’Aristote, les siens perdent un peu de leur prix, bien qu’ils restent toujours fort louables. Claude Perrault est trop instruit pour ne pas connaître les ouvrages physiologiques d’Aristote ; il cite même le philosophe une ou deux fois ; mais il ne semble pas accorder au père de la science toute l’estime qui lui est due. D’ailleurs, il admire autant qu’Aristote les œuvres de la nature ; et pieux comme il l’est, il se trouve en parfait accord avec le païen qui l’avait précédé de si loin dans cet hommage de la raison, qui est aussi l’hommage de la foi.

Buffon, qui n’est pas moins spiritualiste que Perrault, n’a pas consacré une étude spéciale au mouvement, bien qu’il ait fait un « Discours sur la nature des animaux ». Il établit une distinction profonde entre les fonctions qui agissent perpétuellement dans l’animal, comme celles du cœur et du poumon, et les fonctions intermittentes, comme celles du mouvement, suspendues ou excitées par le sommeil et la veille. La cause du mouvement est le désir, qui, dans l’animal, le pousse à son insu, mais dont l’homme a conscience, grâce au privilège de la double nature qui lui a été accordée (Homo Duplex). L’animal est une machine, qui obéit à l’impression des objets extérieurs.

Buffon s’en tient à ces généralités, qui sont surtout de la psychologie. Elles ne regardent pas très-directement l’histoire naturelle ; mais on peut y trouver une sorte de protestation contre le sensualisme qui a régné dans le XVIIIe siècle, et qui refusait à l’âme toute activité. On dirait que Buffon commence déjà la réaction qui, de notre temps, a fait justice de cette erreur dangereuse.

A la fin du siècle, Barthez, le célèbre professeur de Montpellier, reprend la question telle que l’avaient posée Perrault, Borelli et Fabrice, après Aristote. Son ouvrage est intitulé : « Nouvelle méchanique des mouvements de l’homme et des animaux » (Carcassonne, 1798, in-4°). En sa qualité de vitaliste, Barthez considère le principe vital comme le premier moteur des organes ; et dans un discours préliminaire, il essaie de résumer sa théorie personnelle sur ce principe essentiel, qui est « en dehors de toute matière », sur ses forces et ses fonctions. Selon Barthez, les lois du principe vital dépendent de la nature universelle et sont absolument étrangères aux lois connues de la mécanique, de l’hydraulique, de la physique et de la chimie. Mais Barthez se hâte d’ajouter « que ces lois ne sont pas moins étrangères aux facultés de liberté et de prévoyance, qu’on regarde généralement comme étant caractéristiques de l’âme pensante. » Par une contradiction assez singulière, il reconnaît que les organes des animaux et de l’homme sont admirablement conformés, et que les affections de l’âme ont une certaine influence sur les affections du corps ; puis, dans une phrase obscure et peu correcte, il déclare que ce qu’il importe » surtout de connaître le plus possible dans » l’homme vivant, c’est « Etre sympathique, » qui, obéissant à ses lois primordiales, fait se correspondre entre elles, et les forces qui vivifient toutes les parties de son corps et les facultés de son âme pensante. » C’est presque de l’Harmonie préétablie.

Cette théorie, que Barthez appelle un dogme, et qu’il croit généralement admise sur son autorité, ne doit pas nous retenir ; et il vaut mieux passer avec lui à la considération « des causes prochaines et méchaniques » des mouvements qu’il se propose de découvrir. Ce sujet lui semble entièrement neuf, même après le fameux ouvrage de Borelli, qu’il critique vivement, en y trouvant d’ailleurs des vues de détail ingénieuses. Il critique également tous ceux qui ont écrit sur cette matière, ou ont exprimé une opinion sur les causes du mouvement, Gassendi, Descartes, Willis, Mayow, Parent, Haller même ; et il rappelle que les erreurs mathématiques de Borelli ont été réfutées par un grand nombre de mathématiciens, à la tête desquels il nomme Varignon. Barthez en conclut que toutes les explications données jusqu’à lui sont vaines et vagues ; et il se flatte que ses théories personnelles sont les véritables.

Aussi, tient-il à constater comment il les a conçues. Il nous apprend donc que Chirac, le médecin de Louis XV, avait fondé deux chaires à l’école de Montpellier : l’une d’anatomie comparée ; l’autre, pour l’explication de l’ouvrage de Borelli. Ce dernier cours avait été négligé ; et Barthez, chancelier de l’Université de médecine, avait cru devoir réparer ce regrettable oubli, en se chargeant lui-même de commenter les idées de Borelli. De là, le livre qu’il se décide à publier, « malgré des circonstances défavorables et le dérangement de sa santé ».

L’ouvrage se divise en six parties, où l’auteur traite successivement de la station chez l’homme, le singe et l’oiseau, des diverses espèces de saut, des mouvements progressifs de l’homme, des mouvements progressifs des quadrupèdes, du ramper des chenilles et des serpents, du nager des poissons, sans oublier le nager des quadrupèdes et de l’homme ; et enfin, dans la sixième et dernière partie, du vol des oiseaux, en s’arrêtant assez longuement, comme l’avait fait Aristote, au vol très-singulier de l’autruche. Dans toutes ces études, Barthez montre de grandes connaissances d’anatomie et de physiologie ; il a en outre une érudition étendue, et il cite souvent ses prédécesseurs, pour les réfuter, sans toujours les bien comprendre, parce qu’il est trop épris de ses propres pensées. Ses prétentions excessives ne sont pas justifiées ; et il n’a pas résolu définitivement tous les problèmes, comme il l’espérait. Néanmoins, il a le mérite d’avoir poussé de minutieuses recherches plus loin que personne avant lui ; et il a fait voir, par les détails dans lesquels il est entré, que la mécanique des animaux est beaucoup plus compliquée qu’on ne le croit ordinairement, et qu’il y avait là matière aux analyses les plus prolongées et les plus ardues. Si Barthez n’a pas clos la question, il l’a certainement agrandie par l’exemple de théories subtiles et d’aperçus profonds. La forme sous laquelle il les présente n’est pas très-heureuse ; et le style, sans être mauvais précisément, laisse néanmoins beaucoup à désirer. Ce défaut est encore augmenté par l’étrange ponctuation que l’auteur s’est faite, contre toutes les règles de la logique. Ce n’est pas du reste la seule bizarrerie qu’on puisse signaler en lui ; et c’est ainsi qu’il croit que l’homme peut être quadrupède, en dépit de toutes les preuves contraires que nous fournit l’anatomie (page 2).

Barthez conclut tout son travail en revenant à sa théorie favorite du vitalisme, et en déclarant « que les facultés automatiques, que » le principe de vie exerce dans des organes qui lui sont inconnus, opèrent d’une manière si transcendante que l’intelligence humaine ne peut parvenir qu’à en voir quelques effets, dont elle doit renoncer à découvrir les causes premières. » La conclusion est modeste ; mais elle peut sembler assez timide, après les démonstrations d’Aristote sur les causes finales, et après l’adhésion unanime des plus grands esprits qui ont agité ces questions.

Cuvier, qui se range parmi les partisans les plus décidés des causes finales, n’avait à dire sur le mouvement que très-peu de choses dans son Règne animal, qui est surtout une classification. Même dans son admirable ouvrage d’Anatomie comparée, il ne devait étudier que la forme des organes du mouvement, sans presque s’occuper du jeu de ces organes employés par la vie. Il y a consacré un volume sur cinq, et sept de ses précieuses leçons. Après des généralités sur les rapports de la sensibilité et du mouvement, facultés caractéristiques de l’être animé, et sur le rôle des nerfs et des muscles, il décrit un à un tous les instruments de la locomotion, la fibre musculaire, les os, ou les parties dures qui en tiennent lieu, la jonction des os, les tendons et l’action des muscles. Dans cette vue, il montre successivement ce que sont les os et les muscles du tronc, ceux de l’extrémité antérieure ou membre pectoral, ceux de l’extrémité postérieure ou membre abdominal. Il analyse ainsi en détail les organes dans l’homme, les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les poissons, c’est-à-dire dans les vertébrés. Il applique la même méthode aux animaux sans vertèbres, mollusques, céphalopodes, gastéropodes ou acéphales, crustacés, insectes, vers et zoophytes ; et il termine cette magistrale exposition par l’étude des organes locomoteurs considérés en action : station sur un ou plusieurs pieds, marche sur deux pieds ou quatre pieds, action de saisir et de grimper, saut et course, natation et vol. A propos du vol, les dernières observations de Cuvier, comme celles d’Aristote, portent sur des oiseaux qui ne volent point du tout, tels que l’autruche parmi les terrestres, le pingouin et le manchot parmi les aquatiques, et sur les mammifères, tels que la chauve-souris, qui volent assez bien sans avoir de plumes. Enfin, il dit quelques mots sur d’autres mammifères qui peuvent se soutenir dans l’air, sans y fournir un vol continu, non plus que les poissons volants.

Tel est l’ensemble des travaux de Cuvier sur le mouvement ; ils sont considérables ; et aucun naturaliste n’en a fait dans le même cadre de plus exacts ni de plus minutieux. Mais c’est à l’anatomie uniquement qu’il s’est attaché ; et il a laissé presque entièrement de côté la physiologie. Peut-être y serait-il revenu plus tard, s’il lui eût été donné de fournir une plus longue carrière ; mais la physiologie, avec les obscurités inévitables que la vie présente toujours même aux observateurs les plus sagaces, convenait moins que l’anatomie au génie de Cuvier ; et il n’a point tenté, après tant d’autres, d’expliquer le mécanisme du mouvement, dans toutes ses nuances si délicates et encore si obscures.

Il semble que, pendant tout un demi-siècle après Cuvier, la question ait été négligée ; du moins, elle n’a pas été étudiée spécialement ; mais de nos jours, elle a été reprise avec une ardeur qui promet les plus heureuses conséquences. On pourrait citer d’abord le grand et complet ouvrage de M. Henri Milne-Edwards, l’illustre doyen des naturalistes français : Leçons sur la physiologie et l’anatomie comparée de l’homme et des animaux (1857-1881), tomes XI, XII et XIII, sur les fonctions de relation ; le traité de Physiologie comparée de M. G. Colin, 1871, livre III, des Mouvements, pp. 340-522 ; et les ouvrages spéciaux de M. J. Bell-Pettigrew, la Locomotion chez les animaux, 1874 ; et de M. Marey, la Machine animale, 1882.

Les recherches de M. Pettigrew sont, à notre avis, les plus originales de toutes. Il s’est posé la question sous le point de vue le plus général et le plus vrai ; il l’a discutée avec une perspicacité rare ; et il a porté plus loin que personne les observations qui peuvent conduire à la résoudre dans toute son étendue. Ces observations, commencées par lui depuis plus de vingt ans, ont été poursuivies sans relâche. Les trois mouvements qu’il s’agit d’expliquer étant la marche sur le sol, la natation dans l’eau, et le vol dans l’air, c’est surtout au vol que l’auteur s’est attaché, pour deux raisons : d’abord, le vol est le plus beau de tous les mouvements dont la nature a doué les animaux ; c’est la poésie du mouvement, dit M. Pettigrew, par une expression aussi juste que brillante ; en second lieu, malgré les investigations les plus attentives, on ne sait toujours sur le vol que peu de choses ; et le mécanisme des ailes de l’oiseau reste à bien des égards un mystère que la science n’a pas pénétré. L’albatros, ce prince de la tribu ailée, comme l’appelle M. Pettigrew, vole non seulement avec une rapidité extraordinaire ; mais il plane quelquefois à des hauteurs prodigieuses, ses immenses ailes demeurant étendues et sans mouvement, pendant des heures entières. L’aile des moindres oisillons décrit, avec une vélocité presque insaisissable, une série de courbes géminées, dont on n’a pas pu jusqu’à présent se bien rendre compte. L’oiseau ne fait pas plus d’efforts que le quadrupède qui marche sur terre, ou le poisson qui fend les eaux ; c’est le milieu seul qui est différent, ainsi que les surfaces motrices. La locomotion animale est soumise aux mêmes lois que le mouvement des corps en général ; et M. Pettigrew indique les lois principales du mouvement, sans d’ailleurs accorder plus de place qu’il ne faut aux théories mathématiques, dont Borelli a fait abus. Il est, comme Aristote, comme Buffon, un admirateur passionné de la nature, « qui ne travaille jamais contre elle-même » ; et le squelette osseux est, à ses yeux, un miracle de composition. Mais les os, quelque bien agencés qu’ils soient, ont moins d’importance que les muscles, puisqu’il y a des animaux qui se meuvent sans avoir de squelette.

Après ces généralités, où la largeur des vues n’ôte rien à une savante exactitude, l’auteur consacre trois livres successifs à détailler la progression sur terre, la progression sur l’eau et dans l’eau, et la progression dans l’air. En parlant des quadrupèdes et des bipèdes, M. Pettigrew s’arrête particulièrement à l’homme et au cheval, dont les allures résument en quelque sorte celles de tous les autres animaux qui marchent sur terre. Il donne aussi beaucoup d’attention à la marche de l’autruche, qui avait déjà frappé vivement Aristote, ainsi qu’on l’a vu, parce que cette marche est une sorte d’intermédiaire entre le mouvement des quadrupèdes et le mouvement des oiseaux, moitié l’un, moitié l’autre.

Les surfaces motrices sont beaucoup plus grandes chez les poissons que chez les quadrupèdes, attendu que le milieu ambiant est beaucoup plus dense. La queue du poisson est bien un gouvernail, comme Aristote l’avait dit le premier ; et elle sert à la progression plus encore que les nageoires, contrairement à ce que croyait Borelli. Sans parler de tant d’autres animaux aquatiques, la baleine, le marsouin, le lamantin, le dugong, le phoque, l’ours marin, le morse, la tortue, le triton, le crocodile, ont chacun des appareils de queues, ou semblables ou analogues. Le résultat final est le même, « parce que la nature n’est jamais en faute » ; mais les moyens qu’elle emploie et les formes qu’elle adopte varient à l’infini.

Ce qu’elle a fait de plus parfait, entre tant de merveilles, c’est la progression dans l’air, « où elle n’a rien laissé au hasard, non plus que dans le reste des êtres vivants ». L’aile est un levier de troisième genre, c’est-à-dire que la puissance agit entre le point d’appui et la résistance ; l’air est le point d’appui ; la puissance est l’origine de l’aile ; et la résistance est le corps de l’oiseau. De tous les naturalistes, c’est peut-être M. Pettigrew qui a expliqué avec le plus de détails et de précision les phases diverses de cette action puissante, qu’on admire de plus en plus à mesure qu’on la comprend mieux. Monter, descendre, tourner, avancer en ligne droite, l’oiseau accomplit tous ces actes avec une facilité dont rien n’approche ; et le poids de son corps, qui est fort lourd relativement à l’air où il se meut, est un des éléments nécessaires de sa rapidité. Mais c’est dans l’ouvrage même de l’auteur qu’il faut suivre pas à pas cette analyse, qui n’a peut-être pas encore épuisé tout le sujet, mais qui fait voir du moins, dans les procédés de la nature, des profondeurs jusque-là trop peu aperçues.

M. Pettigrew conclut en recommandant aux aéronautes d’imiter, s’ils le peuvent, le vol de l’oiseau et de ne pas chercher, pour s’élever dans l’air, une matière qui ait moins de poids que l’air lui-même. La nature a résolu ce problème par un moyen absolument opposé, puisque le corps de l’oiseau est d’un poids considérable relativement au milieu qu’il parcourt si aisément. C’est aux aéronautes de profiter de ce conseil, s’il leur semble acceptable ; il est tout au moins spécieux ; et l’histoire naturelle peut bien l’adresser aux gens pratiques. Mais, quoi qu’il en soit de cet épisode, M. Pettigrew aura fait faire de très-sérieux progrès à la science de la locomotion ; et la voie qu’il a ouverte, notamment sur le vol de l’oiseau, est celle que la science doit désormais adopter, en usant des ressources toutes nouvelles que lui peut offrir la photographie instantanée, pour fixer des mouvements qui échappent aux regards de l’observateur le plus exercé.

Ici doit s’arrêter la carrière que nous avions à parcourir ; et après avoir essayé de rendre justice aux successeurs d’Aristote, c’est toujours à lui que nous croyons devoir rapporter le principal honneur de la science ; c’est lui qui l’a créée ; sans son génie elle serait peut-être encore à naître. Il n’a pas tout fait sans doute à lui seul ; mais en regardant à ce qui reste à faire dans ce champ indéfini, nous pouvons être équitables envers un passé à qui nous devons tant, et nous montrer reconnaissants par modestie.

DISSERTATION SUR L’AUTHENTICITE ET LA COMPOSITION DU TRAITÉ DE LA MARCHE DES ANIMAUX

Il faut se garder de confondre, comme on l’a fait quelquefois, le Traité de la Marche des Animaux avec le Traité du Mouvement dans les Animaux. Ce dernier traité fait partie des Opuscules, joints ordinairement au Traité de l’Ame, dont ils sont la suite, et qu’ils complètent à bien des égards. (Voir les Opuscules psychologiques, p. 237 de ma traduction.) Quoique les deux traités, du Mouvement et de la Marche, se tiennent de fort près et qu’ils aient des théories communes, il importe de les distinguer, en ce que le premier s’occupe du principe du mouvement, volontaire ou involontaire, dans toute sa généralité, l’étudiant dans l’univers aussi bien que dans les êtres animés, tandis que le second s’occupe exclusivement des organes et des modes particuliers que le mouvement présente à notre observation dans les diverses séries d’animaux.

Le Traité de la Marche, qu’on pourrait intituler aussi de la Locomotion des Animaux, n’est mentionné, ni dans le catalogue de Diogène Laërce, non plus que le Traité des Parties, ni dans celui d’Hésychius ; il ne se trouve que dans le catalogue de l’Arabe ; et le titre en est traduit, dans le latin de Casiri, par ces mots, qui correspondent à l’idée de la locomotion : « De motibus animalis localibus. » (Voir l’édition de Berlin, tome V, p. 1471, n° 45 ; et M. Chaignet, Psychologie d’Aristote, p. 98.) Malgré cet oubli des deux principaux catalogues, l’authenticité de l’étude sur la Marche, ou Locomotion, des Animaux, quelque imparfaite que soit la composition, ne peut être douteuse. Partout la pensée d’Aristote y est reconnaissable dans les théories, si ce n’est dans le style qui les exprime. Cette preuve doit suffire à qui la comprend bien, en dépit de quelques défauts de rédaction ; mais à cette preuve-là, qui est déjà frappante, on peut en ajouter d’autres, qu’il ne faut non plus négliger.

D’abord, le Traité de la Marche est très clairement indiqué, sans l’être nommément, dans le Traité du Mouvement dans les Animaux, qui débute en résumant, de la manière la plus exacte, le Traité de la Marche. Il marque la différence des sujets dans l’un et dans l’autre, celui-ci très spécial, et celui-là, tout général. Il n’y a pas à s’y tromper ; et, bien que le nom même du Traité de la Marche ne soit pas rappelé dans ce passage, le doute n’est pas possible. C’est ainsi que nous devons en juger aujourd’hui à la simple lecture, et qu’en jugeaient les commentateurs dans l’Antiquité, tels que Michel d’Ephèse. (Voir les Opuscules psychologiques, p. 238 de ma traduction, et la note.)

A cette première indication tirée d’un ouvrage aristotélique, on doit en joindre deux autres, qui se trouvent dans le Traité des Parties des Animaux, liv. IV, ch. II, § 14, et ch. XIII, § 6. Le premier de ces deux passages rappelle la théorie des jointures et des flexions ; le second rappelle l’organisation des serpents, qui se meuvent par la reptation. Ces deux références sont d’une parfaite exactitude.

Quant aux citations que fait le Traité même de la Marche des Animaux, elles ne sont également que deux. La première, ch. I, § 6, nomme l’Histoire de la Nature ; et sous cette appellation, qui est peut-être unique dans toutes les œuvres d’Aristote, il faut entendre l’Histoire des Animaux, caractérisée si précisément qu’il n’y a pas à s’y tromper un instant. La seconde citation concerne le Traité de l’Ame, et elle termine le petit Traité de la Marche, ch. XIX, § 3, en annonçant les études psychologiques, dont il est en quelque sorte l’introduction et comme le préambule.

Voilà tout ce qu’on peut dire de l’authenticité du Traité de la Marche des Animaux. Ces renseignements sont très-courts ; mais ils suffisent, du moment qu’on peut affirmer, comme on doit le faire, que ce petit ouvrage est, pour le fond, sinon pour la forme, digne d’Aristote. C’est ce qu’on a essayé d’établir plus haut, en le comparant aux travaux qui, depuis deux siècles et particulièrement de notre temps, ont été consacrés à la même question, c’est-à-dire à la locomotion animale, marche, vol, natation, reptation, etc., dans toutes leurs nuances.

Aristote, par la vue profonde du génie, a devancé de deux mille ans tous les labeurs anciens ou contemporains. Le sien est la première base de tout ce qui a suivi ; et il doit toujours tenir une place éminente, non pas seulement dans l’histoire de la science, mais en outre dans la science elle-même, quelques progrès qu’elle ait faits et quelque juste orgueil qu’elle puisse en concevoir. Tout avances que nous sommes, il n’est pas un zoologiste qui ne doive consulter Aristote, et savoir ce que l’étude de la nature a pu lui inspirer. Ce respect pour un ancêtre et pour le fondateur est en même temps un acte de prudence. Dans les annales de l’intelligence humaine, il n’y a pas un esprit plus puissant, plus fécond, plus étendu, plus observateur, ni plus méthodique. A quelle école meilleure pourrait-on se mettre, quand on aime la vérité et qu’on ne recherche qu’elle ?

Enfin, si la doctrine du petit Traité de la Marche des Animaux n’était pas d’Aristote, il resterait toujours à savoir de qui elle pourrait être ; et, de même que pour le Traité des Parties, il faut dire encore pour celui-ci qu’Aristote seul était capable de le faire et que la gloire doit exclusivement lui en rester. C’est une preuve négative, dira-t-on ; soit, mais elle n’est pas moins péremptoire.

Cette appréciation équitable n’empêche pas de reconnaître que, si la pensée est bien d’Aristote et ne peut être que de lui, la rédaction laisse beaucoup à désirer ; il y a des répétitions assez nombreuses et inutiles ; il y a des négligences d’expressions, qui ne permettent pas toujours de bien saisir l’idée qu’elles rendent incomplètement ; enfin, on peut trouver dans la composition générale un désordre parfois choquant. Pour expliquer ces défauts, on peut recourir à deux hypothèses. L’une, c’est qu’Aristote n’a pas pu mettre la dernière main à ce petit ouvrage ; l’autre, que ce n’est pas lui personnellement, mais un de ses élèves, qui l’aura écrit, comme résumé des leçons du maître. Dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, le fond des pensées appartient bien à Aristote ; et c’est à cette conclusion qu’il convient de s’arrêter.

CHAPITRE PREMIER

Enumération des questions que présente l’étude de la locomotion dans les animaux ; différences des organes locomoteurs ; leur nombre variable, mais toujours pair ; l’homme, l’oiseau, le poisson ; flexions des appareils locomoteurs en sens inverses chez l’homme, chez l’oiseau, chez les quadrupèdes vivipares et ovipares ; mouvement diagonal des appareils locomoteurs ; citation de l’Histoire de la Nature ; résumé des questions à traiter.

§ 1[350]. Pour étudier les organes dont se servent les animaux en exécutant des mouvements de locomotion, nous rechercherons pourquoi chacun de ces organes est tel qu’il est, et dans quelle vue il a pu être donné à l’animal qui l’emploie. Nous aurons également à observer les différences que ces organes peuvent présenter, de l’un à l’autre, dans un seul et même animal, ou relativement aux organes d’autres animaux qui appartiennent à un genre différent. § 2[351]. Mais d’abord, déterminons bien toutes les questions dont nous aurons à nous occuper. Un premier point qu’il faut fixer, c’est le minimum des appareils par lesquels les animaux ont la possibilité de se mouvoir. Nous verrons, ensuite, pourquoi tels animaux pourvus de sang ont reçu quatre de ces appareils, tandis que ceux qui n’ont pas de sang en ont un nombre plus grand ; ou plutôt, nous rechercherons, d’une manière toute générale, pourquoi tels animaux sont sans pieds, pourquoi tels autres en ont deux, pourquoi d’autres en ont quatre, et pourquoi d’autres encore en ont reçu davantage. § 3[352]. Après ceci, nous aurons à nous demander pourquoi tous les animaux qui sont pourvus de pieds ont les pieds en nombre pair, et pourquoi, absolument parlant, c’est toujours en un nombre pair que se montrent les organes de la locomotion. Une autre question qu’il faudra éclaircir comme les précédentes, c’est de savoir comment il se fait que l’homme et l’oiseau ont deux pieds, tandis que les poissons n’en ont pas du tout ; et comment, dans l’homme et dans l’oiseau, qui sont l’un et l’autre pourvus de deux pieds, les flexions des jambes se font dans des sens contraires, l’homme fléchissant la jambe en un cercle convexe, tandis que l’oiseau la fléchit en un sens concave. § 4[353]. Bien plus, l’homme lui-même fléchit en sens contraire ses jambes et ses bras, creusant en forme concave les bras pour les fléchir, et fléchissant le genou en une sorte de cercle convexe. Puis, nous verrons que les quadrupèdes vivipares ont des flexions qui sont opposées à celles de l’homme, et qui sont également opposées entre elles. Ainsi, ils fléchissent les jambes de devant, en formant une espèce de circonférence, et les jambes de derrière en les creusant. Quant aux quadrupèdes qui sont, non pas vivipares mais ovipares, ils ont une flexion particulière, qui est dirigée en un sens oblique.

§ 5[354]. Enfin, une dernière question qu’il faudra encore nous poser, c’est celle de savoir pourquoi les quadrupèdes se meuvent toujours en diagonale.

§ 6[355]. Tels sont donc tous les sujets que nous aurons à étudier, en y joignant aussi ceux qui tiennent de près à ceux-là, afin de découvrir les causes de tous ces phénomènes. Déjà l’Histoire de la nature nous a fait voir ce qu’ils sont réellement ; mais maintenant il nous faut chercher à comprendre pourquoi ils sont ce qu’ils sont.


CHAPITRE II

Application de la méthode générale à l’histoire naturelle ; deux principes généraux ; optimisme ; sagesse de la nature ; les trois dimensions des corps ; deux principes du mouvement et de la locomotion ; différence du moteur et du mobile, l’un agissant par lui-même, et l’autre mû par une force étrangère.

§ 1[356]. Après avoir indiqué préalablement, selon notre habitude, la méthode si souvent appliquée par nous à l’étude de la nature, nous poserons, pour point de départ de nos recherches, l’examen de tout ce qui peut être soumis à cette méthode dans les œuvres que la nature produit. § 2[357]. Le premier principe que nous affirmons, c’est que la nature ne fait jamais rien en vain, et qu’elle réalise toujours le mieux dans le possible, conformément à l’essence de chaque espèce d’animal. Aussi, quand une chose est mieux d’une certaine façon, on peut s’assurer qu’elle est aussi de cette façon même dans la nature. § 3[358]. En second lieu, nous aurons à considérer les différentes dimensions de la grandeur, et à marquer comment sont réparties ces dimensions selon les êtres différents. On distingue six dimensions, qui se divisent en trois séries de deux chacune ; une première série, c’est le haut et le bas ; une seconde, le devant et le derrière ; et la dernière, la droite et la gauche. § 4[359]. Il convient d’y ajouter les principes des mouvements de locomotion, c’est-à-dire la pulsion et la rétraction. Ces deux mouvements existent et agissent par eux-mêmes ; mais l’objet qui est déplacé par un autre objet n’a qu’un mouvement accidentel ; car ce qui est déplacé par quelque chose d’extérieur n’a évidemment pas la faculté de se mouvoir soi-même ; et c’est d’un autre qu’il reçoit son mouvement.


CHAPITRE III

Conséquences de ces principes ; les deux modes de locomotion chez les saltigrades et chez les animaux qui marchent ; condition commune d’un point d’appui pour les uns et pour les autres ; nécessité d’une base ; exemple des athlètes qui sautent avec des haltères ; balancement des bras dans la course ; partie de l’animal qui comprime ; partie qui est comprimée.

§ 1[360]. Ces points étant bien fixés, voyons quelles en sont les conséquences. Chez les animaux qui peuvent changer de lieu, tantôt ce changement se fait par le déplacement du corps entier en une seule fois, comme on l’observe chez les saltigrades ; tantôt le changement s’opère par certaines parties du corps, comme on le voit chez tous les animaux qui marchent. § 2[361]. Dans ces deux changements, l’être mis en mouvement change toujours de lieu en s’appuyant sur la base qui est placée au-dessous de lui, soit qu’il ne s’y appuie qu’en un rapide instant, soit qu’en accomplissant le mouvement sur cette base, l’être ait tout le temps de s’y appuyer. Il en résulte que, si cette base vient à disparaître avant que l’être qui doit se mouvoir, en s’appuyant dessus, ait pu y prendre son point d’appui, ou s’il n’y a pas du tout de base pour les êtres qui doivent se déplacer, aucun alors ne peut se mouvoir, en s’appuyant sur lui-même. § 3[362]. L’animal qui saute ne peut faire ce saut qu’en appuyant la partie supérieure de son corps sur lui-même, et en s’appuyant aussi sur ce qui est sous ses pieds. C’est que, dans les flexions, les diverses parties du corps s’appuient réciproquement les unes sur les autres ; et que, d’une manière générale, ce qui presse s’appuie sur ce qui est pressé. § 4[363]. Voilà comment les athlètes du pentathle sautent plus loin en tenant des haltères que quand ils n’en ont pas ; et comment l’on court plus vite lorsqu’on balance les bras ; car il y a comme un point d’appui dans le développement des bras et des mains. § 5[364]. Toujours l’être qui est en mouvement a tout au moins besoin de deux parties organiques pour opérer son déplacement : l’une qui est en quelque sorte chargée de comprimer, et l’autre qui souffre la compression. Le point qui reste immobile est comprimé, puisqu’il porte quelque chose ; et l’être ainsi soulevé se projette grâce à ce qui porte le poids. Aussi, un être destitué de parties et de membres ne pourrait jamais avoir un mouvement de ce genre, puisqu’il n’y aurait pas en lui de distinction possible entre la partie qui doit supporter et celle qui doit agir et faire le mouvement.


CHAPITRE IV

Entre les six dimensions, le haut et le bas se retrouvent dans les plantes ; mais la position est renversée ; les racines sont le haut, parce que c’est d’elles que vient la nourriture ; distinction du devant et du derrière, de la droite et de la gauche ; la droite et la gauche sont plus ou moins apparentes selon que l’animal a des organes plus spéciaux et plus distincts ; preuves que c’est par la droite que le mouvement commence ; port des fardeaux ; attitudes pour se mettre en défense et pour lancer quelque chose ; exemples des turbinés, où la spire est tournée à gauche, le mouvement se faisant à droite ; exemple encore plus frappant dans l’homme.

§ 1[365]. Nous venons de dire qu’il y a six dimensions qui déterminent la forme naturelle des êtres animés, le haut et le bas, le devant et le derrière, la droite et la gauche. Tous les êtres vivants ont sans exception le haut et le bas ; car ce n’est pas seulement dans les animaux, c’est aussi dans les plantes que le haut et le bas se retrouvent, parce que le haut et le bas se distinguent et se séparent, d’après les fonctions réelles, et que leur différence ne consiste pas dans leur simple position, soit relativement à la terre, soit relativement au ciel. § 2[366]. Le point du corps d’où partent la distribution de la nourriture et la croissance des êtres constitue le haut pour chacun d’eux ; le bas, au contraire, est le point extrême et dernier où la nourriture se répartit. L’un est en quelque sorte un principe et un commencement, tandis que l’autre est un terme et une borne. C’est bien le haut qui est le principe ; et cependant il pourrait sembler que, dans les plantes spécialement, c’est plutôt le bas. C’est que dans les plantes le haut et le bas n’ont pas la même position que dans les animaux. § 3[367]. Il est bien certain que, relativement au tout, la position des uns et des autres est différente ; mais, en fait et en résultat, elle est semblable. Les racines dans les plantes constituent le haut, puisque c’est de là que la nourriture se répand dans le végétal, et que c’est par les racines que les plantes prennent leur nourriture, tout comme les animaux la prennent par la bouche.

§ 4[368]. Mais tous les êtres qui font plus que vivre, et qui sont de vrais animaux, ont à la fois une partie de devant et une partie postérieure, attendu que tous ces êtres ont des sens, et que c’est par les sensations que se déterminent le devant et le derrière dans l’animal. La partie d’où la nature fait dépendre la sensibilité et la partie d’où la sensation vient pour tous les animaux, c’est ce qui en eux est le devant ; et la partie opposée à celle-là, c’est le derrière. § 5[369]. Dans tous les animaux qui non seulement jouissent de la sensibilité commune, mais qui en outre peuvent accomplir par eux-mêmes et par eux seuls le mouvement qui les fait changer de lieu, on distingue, outre les deux parties qu’on vient de nommer, la gauche et la droite, qui, tout comme les parties qui viennent d’être indiquées, se distinguent l’une et l’autre par une fonction d’un certain genre, et non pas seulement par leur position. Le point d’où part naturellement l’initiative du mouvement de locomotion pour le corps, c’est la droite dans chaque animal ; le point qui y est opposé, et qui est fait naturellement pour suivre l’autre, c’est la gauche. § 6[370]. Cette distinction est plus ou moins marquée selon les divers animaux. Dans tous ceux qui ont des organes spéciaux, je veux dire des pieds, des ailes, ou tel autre organe de genre analogue, pour exécuter le mouvement dont ils sont capables, la distinction que nous signalons est marquée davantage. Au contraire, dans les animaux qui ne sont pas pourvus de ces organes spéciaux, et qui ne peuvent avancer qu’en faisant onduler le corps lui-même, par exemple les serpents, le genre des chenilles, et ce qu’on appelle aussi les entrailles de terre, il y a bien encore une gauche et une droite ; mais elles n’y sont pas également apparentes.

§ 7[371]. Une preuve que c’est en effet par la droite que le mouvement commence, c’est que tout le monde porte ses fardeaux avec la partie gauche ; car, de cette façon, ce qui porte peut recevoir le mouvement par la liberté laissée à ce qui doit le lui imprimer. Voilà encore pourquoi on se repose mieux et plus aisément sur la partie gauche, parce que c’est naturellement la droite qui meut et que c’est la gauche qui est mue. Par conséquent, il faut aussi que le poids repose, non sur ce qui doit mouvoir, mais sur ce qui doit recevoir le mouvement. § 8[372]. Si, au contraire, le poids était placé sur le moteur et sur le principe du mouvement, ou il n’y aurait pas de mouvement du tout, ou ce mouvement serait bien plus difficile. § 9[373]. Une autre preuve que c’est bien par la droite que le mouvement commence, c’est l’attitude que l’on prend toutes les fois qu’on lance quelque chose. On avance toujours la gauche ; et, pour affermir son assiette, c’est plus particulièrement la gauche qu’on met en avant, à moins de cas tout à fait fortuit. On ne fait pas le mouvement par le membre qu’on avance, mais bien par celui qu’on retire ; et c’est alors par la droite qu’on se met en défense. C’est encore pour cette raison que la droite est la même dans tous les animaux ; car le principe d’où part le mouvement est le même dans tous ; et pour tous, il est naturellement placé dans la même partie du corps. La droite est toujours le point de départ du mouvement. § 10[374]. Voilà encore pourquoi les turbinés parmi les crustacés sont toujours dirigés à droite. Ils ne se meuvent jamais dans le sens de la spire ; ils s’avancent tous au contraire dans le sens opposé, ainsi que le font les pourpres et les buccins. Comme tous les animaux se meuvent en partant de la droite, et que ces crustacés se meuvent aussi de la même manière, il y a nécessité que tous également se meuvent à droite.

§ 11[375]. C’est l’homme qui, de tous les animaux, a la partie gauche la plus libre et la plus détachée, parce que, de tous les animaux, c’est l’homme qui est le plus conforme à la nature ; et dans l’ordre naturel des choses, la droite vaut mieux que la gauche, et elle est isolée. Aussi, c’est plus particulièrement dans la race humaine que la droite est la plus adroite. La droite une fois bien déterminée, il est tout simple que la gauche soit beaucoup moins mobile, bien qu’elle soit dans l’homme plus indépendante que dans tout autre être, de même que c’est en lui aussi que les autres principes sont déterminés le plus naturellement, je veux dire, le haut et le devant.

CHAPITRE V

Le haut et le devant sont marqués surtout dans les animaux à deux pieds : l’homme et l’oiseau ; les quadrupèdes, les polypodes et les apodes ; définition du pied ; le haut, le milieu et le bas, chez les animaux et dans les végétaux ; singularité des plantes ; position moyenne des quadrupèdes, des polypodes et des apodes ; la station droite et ses nécessités ; importance relative des principes de mouvement, et des lieux où ils sont placés.

§ 1[376]. Tous les animaux chez lesquels le haut et le devant sont déterminés comme ils le sont dans l’homme et dans l’oiseau, sont pourvus de deux pieds. Des quatre membres que possède l’animal, deux, chez les uns, sont des ailes ; chez les autres, ce sont des mains et des bras. Les animaux chez lesquels le devant et le haut sont dans le même sens sont, ou tous quadrupèdes, ou ils ont plus de quatre pieds, ou ils sont sans pieds. § 2[377]. J’appelle Pied la partie représentée par le membre qui marche et qui produit le mouvement de locomotion ; car il semble qu’on ait tiré dans la langue grecque le nom de Pied du mot qui exprime le Plan sur lequel le pied s’appuie. § 3[378]. Il y a des animaux qui ont le devant et le derrière confondus dans le même sens : par exemple, les mollusques, et les turbinés parmi les crustacés. Nous ne nous y arrêterons pas, attendu que nous en avons déjà parlé ailleurs. Mais les lieux étant au nombre de trois, le haut, le milieu et le bas, les animaux à deux pieds ont leur haut dirigé vers le haut de l’univers entier, tandis que les polypodes ou les apodes sont dirigés vers le milieu, et que les plantes le sont vers le bas. § 4[379]. Ce qui fait cette disposition des végétaux, c’est qu’ils sont immobiles, et que, le haut se rapportant toujours à l’alimentation, c’est de la terre que les végétaux tirent ce qui les nourrit. Quant aux quadrupèdes, aux polypodes et aux animaux sans pieds, ils répondent au point milieu, parce qu’ils n’ont pas la station droite. Au contraire, les animaux à deux pieds se rapportent au haut, parce qu’ils sont droits ; ce qui est marqué chez l’homme plus que chez tout autre animal, attendu que, par sa nature, il est au suprême degré un être à deux pieds.

§ 5[380]. Du reste, la raison comprend très-bien que les principes de mouvement partent de ces points divers. Le principe est ce qu’il y a de plus important et de plus digne d’attention. Le haut est plus important que le bas ; le devant, plus que le derrière ; et le droit l’est plus que le gauche. Il est donc tout à fait dans l’ordre que l’on dise de ces parties, les unes à l’inverse de ce qu’on dit des autres, que c’est parce que ces parties renferment les principes, qu’elles sont par cela même plus importantes que les parties opposées.


CHAPITRE VI

La droite commence le mouvement ; division nécessaire du mouvement en deux parties, l’une qui se meut, l’autre qui est immobile ; point commun à toutes deux ; même théorie pour le point d’inertie ; mouvement en avant ; pas de mouvement naturel en arrière ; corrélation intime du haut et du bas, d’une part ; et d’autre part, de la droite et de la gauche ; il n’y a de part et d’autre qu’un seul et même principe pour les deux ; vraisemblance de ces explications pour deux des trois dimensions.

§ 1[381]. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer bien évidemment que c’est par la droite que commence le mouvement. Mais, dans tout continu, où une partie se meut tandis que l’autre partie reste immobile, le tout pouvant se mouvoir dans l’immobilité de l’une des parties, comme alors les deux parties sont soumises à des mouvements contraires, il faut nécessairement qu’il y ait un point commun à toutes les deux où s’établisse leur continuité mutuelle, et d’où parte le mouvement de chacune de ces deux parties. § 2[382]. Ceci n’est pas moins évident quand le corps est à l’état de repos, toutes les fois que chacune des parties opposées l’une à l’autre ont un mouvement propre, selon les antithèses dont nous venons de parler. Il faut alors qu’elles aient toutes un principe commun où se trouve la connexion intime des parties en question ; je veux dire, de la droite et de la gauche, du haut et du bas, du devant et du derrière. § 3[383]. Pour le devant et le derrière, il n’y a point de distinction de ce genre dans l’être qui a la faculté de se mouvoir lui-même, parce qu’il n’y a pas un seul être qui ait naturellement le mouvement en arrière, et que l’être mis en mouvement n’a pas de détermination qui dirige son mouvement dans l’une ou l’autre de ces deux directions indifféremment. Mais pour la droite et la gauche, il y a une distinction, et il y en a également pour le haut et le bas. § 4[384]. Voilà comment, chez les animaux qui marchent à l’aide de membres organisés dans cette vue, il n’y a pas de détermination résultant de la différence du devant et du derrière. Mais pour les deux autres différences, cette détermination existe, la première distinguant la droite et la gauche, attendu que l’une de ces différences se trouve de toute nécessité et immédiatement dans les deux, et que l’autre se trouve dans les quatre premiers. § 5[385]. Puis donc que le haut et le bas, la droite et la gauche, sont essentiellement liés à un même principe qui leur est commun, je veux dire le principe maître du mouvement, il faut, dans tout être qui doit exécuter régulièrement le mouvement partant de chacun de ces points, que la cause de tous les mouvements dont il vient d’être question soit en quelque sorte déterminée et ordonnée par les intervalles qui existent entre ces principes, soit de série opposée, soit de même série que les principes qui sont dans ces parties. § 6[386]. C’est donc précisément le mouvement de droite et de gauche qui est le principe commun d’où partent les mouvements dans l’animal. L’explication est la même pour les mouvements de haut et de bas. C’est là ce qu’on doit supposer, en tant du moins qu’il se passe quelque chose qui en approche, pour chacun des principes dont sont animées les parties indiquées par nous.


CHAPITRE VII

Le mouvement de locomotion par deux ou quatre appareils n’appartient qu’aux animaux qui ont du sang ; chez eux, il n’y a jamais plus de quatre appareils ; différence entre les animaux qui ont du sang et ceux qui n’en ont pas ; ces derniers peuvent vivre après qu’on les a coupés en plusieurs morceaux ; les animaux sans pieds se meuvent aussi par quatre appareils, dont on peut retrouver les équivalents dans les flexions de ces animaux ; explication de ces flexions ; analogie des hommes de grande taille qui marchent voûtés ; marche des serpents et de quelques poissons, murènes, anguilles, kestres de Siphées.

§ 1[387]. On peut donc regarder comme certain que le mouvement de locomotion est le privilège exclusif des animaux qui ont deux ou quatre appareils pour se déplacer, ou du moins que c’est chez eux que ce mouvement est le plus marqué. Mais comme ceci se montre presque uniquement dans les animaux qui ont du sang, il n’est pas moins clair qu’aucun animal de ce genre ne peut se mouvoir par plus de quatre appareils ; et à l’inverse, du moment qu’un être quelconque se meut par quatre appareils seulement, cet être doit avoir du sang. § 2[388]. Les faits qu’on peut observer dans les animaux attestent la vérité de ce que nous avançons. Ainsi, pas un seul animal pourvu de sang ne peut vivre, pour ainsi dire, un seul instant, s’il est divisé en plusieurs parties ; et il ne peut plus jouir alors du mouvement de locomotion qu’il possédait, quand il était complet et continu, et qu’il n’était pas divisé. Tout au contraire, les animaux qui n’ont pas de sang et qui sont en même temps polypodes, peuvent encore, après qu’on les a coupés, vivre fort longtemps dans chacune de leurs sections, et conserver le mouvement qu’ils avaient avant qu’on ne les divisât. On peut citer, par exemple, les scolopendres, et d’autres insectes au corps allongé. § 3[389]. Chez tous ces animaux, la partie postérieure peut accomplir le même mouvement que la partie de devant. Ce qui fait qu’ils vivent même après avoir été coupés, c’est que la constitution de chacun d’eux ressemble beaucoup à celle d’un animal que l’on formerait de la réunion de plusieurs animaux. Ce que nous avons dit antérieurement démontre du reste qu’il en est bien ainsi. Les êtres les mieux constitués par la nature se meuvent, d’après ses lois, par deux appareils ou par quatre appareils.

§ 4[390]. Il en est de même aussi de tous les animaux qui, ayant du sang, sont dépourvus de pieds ; ceux-là aussi se meuvent également par quatre appareils destinés à aider leur mouvement. En effet, ils progressent par deux flexions le plus souvent ; la droite et la gauche, le devant et le derrière se retrouvent dans leur largeur, et dans l’une et l’autre de leurs flexions. Dans la partie qui représente leur tête, l’appareil antérieur est à droite et à gauche ; et dans la partie qui est à la queue, on retrouve les appareils postérieurs. Mais il semble qu’il n’y a que deux points de mouvement, celui qui touche en avant et celui qui touche en arrière. Cela tient à ce que l’animal est fort étroit en largeur, quoique, dans ces animaux aussi, ce soit la droite qui dirige, et qu’elle corresponde avec la partie postérieure comme dans les quadrupèdes. § 5[391]. C’est la longueur de la bête qui exige les flexions. Ici il en est comme pour les hommes de haute taille, qui marchent tout voûtés ; leur épaule droite se porte avant ; et la jambe gauche tend plutôt à demeurer en arrière ; et alors le milieu de leur corps se creuse et se voûte. C’est bien ainsi, croyons-nous, que les serpents marchent sur le sol, par des appareils qui se voûtent ; ce qui revient à dire qu’ils se meuvent tout à fait comme les quadrupèdes, puisqu’ils changent successivement le concave et le convexe. Quand la gauche à son tour conduit les parties antérieures, le concave se produit alors en sens contraire ; et à ce moment, c’est la partie droite qui rentre en dedans. § 6[392]. Représentons la partie droite du devant par A ; la gauche par B. La partie droite postérieure sera C ; et la gauche sera D. Voilà comment se meuvent les serpents parmi les animaux qui se meuvent sur le sol, et les anguilles parmi ceux qui se meuvent dans l’eau, ainsi que les congres et les murènes, en un mot tous les animaux qui se rapprochent encore davantage du serpent.

§ 7[393]. Il y a toutefois quelques-uns de ces animaux aquatiques qui n’ont pas même de nageoires, tels que les murènes ; mais les murènes se servent de l’eau comme les serpents se servent du sol et de l’eau ; car les serpents nagent également, même quand ils se meuvent sur terre. D’autres poissons n’ont que deux nageoires, par exemple, les congres et les anguilles, et aussi une espèce de kestres qu’on trouve dans le lac de Siphées. Aussi, les animaux qui sont habitués à vivre sur terre, comme l’espèce des anguilles, font-ils des flexions plus petites dans l’eau et sur terre. Mais ceux des kestres qui ont deux nageoires compensent par leur flexion dans l’eau les quatre appareils qu’ils n’ont pas.


CHAPITRE VIII

De la marche des serpents ; deux causes font qu’ils ne peuvent avoir de pieds ; les pieds des animaux sont toujours en nombre pair ; impossibilité de la locomotion sur trois pieds ; exemple des scolopendres, auxquelles on a arraché des pieds pour qu’ils fussent en nombre impair ; explication des effets de cette mutilation ; les pieds restants suppléent à ceux qu’on a retranchés. — Résumé partiel.

§ 1[394]. Si les serpents sont dépourvus de pieds, cela tient à deux causes : la première, c’est que jamais la nature ne fait rien en vain, et que, dans chaque cas donné, elle vise à faire toutes choses le mieux possible et qu’elle conserve soigneusement à chaque être son essence propre, et sa manière de rester constamment ce qu’il est. La seconde cause, c’est celle que nous avons déjà dite, à savoir que nul animal ayant du sang ne peut être pourvu de plus de quatre appareils de mouvement. § 2[395]. Il suit évidemment de ceci que les animaux pourvus de sang dont la longueur est disproportionnée au reste de leur corps, comme le sont les serpents, ne peuvent avoir des pieds. D’abord, ils ne pourraient pas en avoir plus de quatre, puisqu’alors ils seraient des animaux privés de sang. Mais tout en ayant deux pieds ou même quatre, ils seraient à peu près complètement immobiles ; et dès lors un mouvement aussi lent leur serait de toute nécessité presque inutile. § 3[396]. D’autre part, tout animal pourvu de pieds a nécessairement les pieds en nombre pair ; et ceux qui emploient exclusivement le saut pour faire leur mouvement de locomotion n’ont pas besoin de pieds pour exécuter un mouvement de ce genre. Les animaux qui doivent employer le saut, sans que d’ailleurs ce mouvement leur suffise, et qui, en outre, ont besoin de la marche, sont constitués de manière que la marche est plus commode pour eux, tandis que pour les autres la marche leur est absolument interdite.

§ 4[397]. Ce qui fait que nécessairement tout animal a des pieds en nombre pair, c’est que le mouvement n’est que partiel, et qu’il ne transporte pas la masse entière du corps d’un seul coup, comme le fait le mouvement du saut ; mais il faut absolument que quelques-uns des pieds qui changent restent en place, tandis que certains autres pieds se meuvent. L’un et l’autre de ces mouvements se font par les pieds opposés, l’animal faisant passer le poids du corps des parties mises en mouvement sur celles qui demeurent en place. Il serait complètement impossible à un être quelconque de marcher avec trois pieds ; car alors l’un des pieds n’aurait absolument aucun point d’appui où porter le poids du corps, ou bien l’autre, à chaque opposition, éprouverait une grande fatigue ; et si l’animal essayait de se mouvoir dans ces conditions, il tomberait inévitablement. § 5[398]. Les polypodes, tels que les scolopendres, peuvent se mouvoir avec un nombre impair de pieds, comme on peut le voir, si l’on veut, en leur enlevant un de leurs pieds ; c’est qu’alors ces animaux peuvent suppléer aux pieds correspondants qui ont été mutilés, par le nombre restant de pieds de chaque côté du corps. Cela tient à ce que, dans ce cas, les parties restantes se relèvent et transportent en quelque sorte la portion mutilée et boiteuse ; mais ce n’est pas là une marche à proprement parler. § 6[399]. Toutefois, il est bien clair que ces animaux mêmes feraient bien mieux leur mouvement s’ils avaient encore leurs pieds en nombre pair, et s’il ne leur en manquait pas un seul de tous ceux qui doivent se correspondre. Ainsi pourvus de tous leurs pieds, ils pourraient bien mieux équilibrer le poids, et ne pas appuyer davantage sur l’un des côtés, en ayant tous les appuis qui doivent correspondre les uns aux autres, sans le vide que laissent les pieds opposés. Mais c’est tour à tour par chaque partie que l’animal s’avance et progresse ; car alors l’aplomb du corps revient tout à fait dans les conditions de forme où il était au début.

§ 7[400]. Nous concluons donc que tous les animaux ont les pieds en nombre pair, et nous avons expliqué la cause de cette conformation.

CHAPITRE IX

Conditions générales du mouvement ; il y faut toujours un point d’inertie ; combinaison de l’extension et de la flexion ; équilibre des membres ; ondulations nécessaires de la marche ; reptation des enfants, et des lutteurs dans la palestre ; action successive des jambes ; marche des animaux dépourvus de pieds ; explication du saut ; explication du vol ; natation des poissons selon qu’ils ont plus ou moins de nageoires ; natation spéciale des poissons plats.

§ 1[401]. S’il n’y avait pas de point d’inertie, il n’y aurait pas de flexion possible, ni de natation, ni de marche en ligne droite ; et voici ce qui le prouve. La flexion n’est pas autre chose que le changement de la ligne droite en un cercle, ou en un angle rentrant. Le redressement en ligne droite n’est que le changement de l’un des deux en la ligne directe. § 2[402]. Dans tous les changements qu’on vient d’indiquer, il faut nécessairement que la flexion ou le redressement en ligne droite se rapporte à un seul et unique appareil. Sans la flexion, il n’y aurait ni marche, ni vol, ni natation. Aussi, comme les animaux pourvus de pieds doivent se tenir alternativement sur l’un et l’autre des deux membres opposés et y porter le poids du corps, il faut nécessairement, quand l’un des deux s’avance, que l’autre s’infléchisse ; car les membres qui se correspondent doivent avoir naturellement la même longueur ; et le membre qui porte le poids doit être tout droit, comme une perpendiculaire abaissée sur la terre. Mais quand le membre avance, il se forme une hypoténuse, elle équivaut à la longueur qui ne bouge pas, et à la ligne intermédiaire. § 3[403]. De plus, comme les membres sont égaux, il faut nécessairement que le membre qui reste en place s’infléchisse, soit dans le genou, soit dans la jointure, comme ce serait si l’un des animaux qui marchent n’avait pas de genou. Ce qui prouve bien qu’il en est ainsi, c’est qu’en marchant sur le sol près d’un mur, la ligne décrite ne sera pas une ligne droite, mais une ligne oblique, parce que la ligne décrite est plus petite quand on fléchit, et plus grande quand on se redresse et qu’on enlève le membre. § 4[404]. D’ailleurs, on peut marcher sans même que le membre fléchisse, comme on le voit chez les enfants qui rampent à terre. On en a dit jadis autant de l’éléphant ; mais c’est une erreur. Dans ces cas divers, il y a toujours aussi un mouvement grâce à la flexion qui se fait, soit dans les omoplates, soit dans les hanches. Mais aucun être ne pourrait jamais, en se tenant tout droit, se mouvoir d’une manière continue et sûre. L’animal ne pourrait alors se mouvoir que comme les lutteurs se meuvent sur les palestres, en se roulant dans la poussière sur les genoux.

§ 5[405]. Comme la partie supérieure du corps est considérable, il faut que le membre s’allonge ; et au moment qu’il a pris sa longueur, la flexion a lieu nécessairement ; car l’animal ne s’étant tenu debout que grâce à la ligne droite, il tomberait si cette ligne droite devenait plus courte, ou du moins il n’avancerait pas. Si, en effet, une des deux jambes étant droite, l’autre venait à s’avancer, elle deviendrait plus grande, tout égale qu’elle est ; car elle égalerait alors et la partie qui reste en place et en outre l’hypoténuse. § 6[406]. Il y a donc nécessité que la partie qui s’avance s’infléchisse, et qu’après qu’elle s’est infléchie, l’animal fasse en même temps étendre l’autre, qui s’incline et s’avance, en demeurant sur la perpendiculaire. Les jambes représentent ainsi un triangle isocèle. La tête s’abaisse un peu plus bas, lorsque se produit la perpendiculaire sur laquelle l’animal s’appuie en marchant.

§ 7[407]. Quant aux animaux sans pieds, il y en a qui progressent par ondulations ; et ce mouvement se produit de deux façons. Les uns marchent sur la terre au moyen de flexions, c’est la manière des serpents ; les autres s’élèvent au-dessus du sol comme le font les chenilles. Cette ondulation n’est réellement qu’une flexion. Il est d’autres animaux qui s’avancent par reptation, comme ceux qu’on appelle entrailles de terre, et comme les sangsues. Ils marchent en s’appuyant sur la partie du corps qui est devant ; puis ils rassemblent tout le reste du corps sur cette partie, et, à l’aide de ce procédé, ils se transportent d’une place à une autre. § 8[408]. Il est bien clair que, si les deux parties, réunies n’étaient pas plus grandes qu’une seule séparément, les animaux à ondulations ne pourraient pas du tout se mouvoir ; car si la flexion en se détendant n’était qu’égale, il ne se produirait aucune progression. Au contraire, en se détendant, elle dépasse la première extension ; et cette portion restant en place, l’animal y ramène encore tout le reste.

§ 9[409]. Dans tous les changements dont on vient de parler, l’être qui se meut progresse, tantôt en s’étendant en ligne droite, tantôt en se redressant sur les parties antérieures, après s’être infléchi avec elles, et en s’infléchissant sur celles qui suivent. Tous les animaux qui sautent doivent fléchir sur la partie du corps qui est inférieure, et c’est en s’y appuyant qu’ils peuvent exécuter leur saut. § 10[410]. Les animaux qui volent et ceux qui nagent procèdent encore de même. Ceux-ci volent en déployant tout droit leurs ailes et en les infléchissant ; les autres en font autant de la nageoire. Les uns d’ailleurs, parmi ces derniers, ont quatre nageoires, les autres n’en ont que deux quand ils sont plus longs, comme on le voit dans les anguilles. En place des deux nageoires qui manquent, ces poissons achèvent le reste du mouvement par la flexion du corps entier, comme nous l’avons expliqué antérieurement.

§ 11[411]. Ceux des poissons qui sont plats se servent de la largeur de leur corps pour remplacer les nageoires qui leur manquent-; ou bien, ils ont aussi deux nageoires. Ceux de ces poissons qui sont tout à fait plats, comme le batos, nagent directement avec les nageoires qu’ils ont et avec les derniers contours de leur corps, en les redressant et en les fléchissant successivement.

CHAPITRE X

Du vol des oiseaux et du mouvement général des volatiles ; nécessité de l’action simultanée des ailes et des pattes ; de la flexion et de l’extension des ailes pleines et des ailes divisées en plumes ; de l’action de la queue, faisant fonction de gouvernail ; vol irrégulier des volatiles sans queue et à ailes pleines ; action des pattes dans le vol des oiseaux de grand vol ; les coléoptères ; queue inutile du paon ; rapidité du vol des oiseaux de proie ; leur tête, leur cou, leur thorax, conformés en vue du vol ; légèreté relative de leurs parties postérieures.

§ 1[412]. On peut se demander comment les oiseaux, soit quand ils volent, soit quand ils marchent, se meuvent avec quatre appareils, puisque nous avons dit que c’est par quatre appareils que doivent se mouvoir tous les animaux qui ont du sang ; mais on n’a pas dit que ce fut par quatre appareils précisément, mais on a dit seulement qu’ils ne peuvent pas se mouvoir par plus de quatre. Ce qui est vrai, c’est que les oiseaux ne pourraient pas voler si on leur était leurs pattes, et qu’ils ne pourraient pas non plus marcher si on leur ôtait leurs ailes, pas plus que l’homme ne peut marcher sans mouvoir les épaules. § 2[413]. Ce qui n’est pas moins vrai, ainsi qu’on l’a dit, c’est que tous les êtres ne se déplacent que grâce à la flexion et à l’extension, puisque tous ne peuvent progresser que sur un appui placé, jusqu’à un certain point, sous eux, et dans un milieu qui leur cède. Par une conséquence nécessaire, il faut que, si la flexion n’a pas lieu dans une autre partie, elle ait lieu au moins dans la partie d’où part le mouvement. Pour les volatiles dont les ailes sont pleines, c’est de cette aile même qu’il part ; pour les oiseaux ordinaires, c’est de la plume ; et pour les autres animaux, pour les poissons, par exemple, c’est de la partie correspondante. Chez d’autres, enfin, tels que les serpents, le principe de la flexion est dans les flexions mêmes du corps.

§ 3[414]. Chez l’animal qui vole, la queue du croupion est destinée à régler le vol, qu’elle dirige, comme le gouvernail dirige les bateaux ; car il faut que les gouvernails aussi fléchissent dans la jointure qui les unit au navire. C’est là ce qui fait que les volatiles dont les ailes sont pleines, et, parmi les oiseaux à ailes divisées, ceux chez qui la queue du croupion n’est pas naturellement consacrée à la fonction qu’on vient de dire, tels que le paon, le coq, et, en général, les oiseaux qui ne volent pas beaucoup, c’est là ce qui fait, disons-nous, que ces oiseaux ne dirigent pas leur vol en ligne droite.

§ 4[415]. En effet, il n’y a pas un seul volatile à ailes pleines qui ait une queue garnie de plumes ; et tous ils s’abattent au hasard, en quelque lieu que ce soit, entraînés comme un navire désemparé de son gouvernail. C’est ce qu’on peut voir également dans les coléoptères, comme le canthare et le hanneton, ou dans les insectes sans élytres, comme les abeilles et les guêpes. Dans les oiseaux de grand vol, auxquels la queue est inutile, comme les flamants et les hérons, et dans tous les oiseaux qui nagent, on peut observer qu’ils volent en étendant les pattes en place de queue, et ils se servent de ces pattes comme ils se serviraient d’une queue pour diriger et gouverner leur vol. § 5[416]. Le vol des coléoptères est à la fois lent et faible, parce que la nature de leurs ailes n’est pas suffisamment proportionnée au poids de leur corps, qui est considérable, tandis que les ailes sont petites et faibles. Et de même qu’un navire de charge essaierait d’avancer à force de rames, de même ces oiseaux ne volent aussi qu’à grand’peine ; la faiblesse de leurs ailes, et celle de leur nature, contribuent chacune pour leur part au résultat que nous venons de dire. § 6[417]. Chez les oiseaux, le paon ne peut rien faire de sa queue, tantôt parce qu’elle est trop grande, et tantôt aussi parce qu’il la perd. Chez les oiseaux ordinaires, il se passe, pour la nature de leurs ailes, tout le contraire de ce qu’on voit pour les volatiles à ailes pleines ; et c’est une remarque qu’on peut surtout faire pour les oiseaux dont le vol est le plus rapide, c’est-à-dire, pour les oiseaux à serres recourbées. § 7[418]. Pour ces oiseaux, la rapidité du vol est une des conditions de leur vie ; et tous les autres organes de leur corps semblent être calculés pour produire ce mouvement qui leur est particulier. Tous ils ont une tête petite, un cou assez mince, un thorax puissant et pointu ; pointu, pour faciliter la marche, comme la proue du navire, qui a la forme d’un Lambda ; puissant, par la chair qui l’entoure et le recouvre, afin de pouvoir fendre l’air, qui le frappe et que l’oiseau doit pouvoir diviser aisément et sans fatigue. § 8[419]. Quant aux parties postérieures du corps de ces oiseaux, elles sont légères et vont en se rétrécissant, pour se rapprocher de plus en plus, afin de suivre les parties antérieures sans gêner l’air par leur largeur. C’est là du moins l’explication qu’on peut donner.

CHAPITRE XI

Des conditions de la station droite ; il ne faut que deux pieds, et les parties hautes doivent être plus légères que les parties basses ; conformation de l’homme ; exemple des enfants, qui d’abord ne peuvent se tenir droits ; conformation différente des oiseaux ; organisation de leur hanche, qui fait comme une double cuisse ; sa fonction remarquable ; l’oiseau ne peut être droit comme l’homme ; et l’homme ne peut avoir d’ailes, comme les Amours des peintres ; loi générale de la nature.

§ 1[420]. On comprend sans peine que, quand un animal doit être debout en marchant, il faut nécessairement qu’il soit bipède, et qu’en lui les parties supérieures du corps soient plus légères et que les parties inférieures aient plus de poids ; car c’est à cette condition uniquement qu’il est possible à l’animal de se porter lui-même avec facilité. Aussi est-ce pour cela que l’homme, qui est le seul entre tous les animaux à se tenir debout, a, proportionnellement au haut du corps, les jambes plus longues que tous les autres êtres pourvus de pieds, et qu’il a aussi des jambes plus fortes. § 2[421]. Le cas des enfants suffit pour donner à cette remarque une pleine évidence ; ils ne peuvent marcher debout, parce qu’ils sont tous des espèces de nains, et que les parties supérieures du corps sont chez eux plus grandes et plus fortes, proportion gardée, que les parties d’en bas. Avec les progrès de l’âge, ce sont au contraire les parties inférieures qui se développent davantage, jusqu’à ce que l’enfant ait pris toute la croissance convenable, et qu’il puisse marcher tout droit, grâce aux proportions que le corps a prises.

§ 3[422]. Les oiseaux, qui sont légers, ont deux pieds, parce que chez eux le poids est en arrière. C’est comme dans la fabrication des chevaux de bronze ; on leur fait toujours lever les jambes de devant. Ce qui fait surtout que les oiseaux, avec leurs deux pattes, peuvent se tenir tout droits, c’est qu’ils ont la hanche pareille à une cuisse, et qu’on dirait qu’ils ont deux cuisses au lieu d’une, d’abord la cuisse qu’ils ont dans la jambe avant la flexion, et ensuite celle qu’ils ont, outre ce membre, à partir du siège. § 4[423]. D’ailleurs, ce n’est pas à proprement parler une cuisse ; c’est plutôt une hanche, et s’il n’en était pas ainsi, l’oiseau ne pourrait pas se tenir sur deux pieds. C’est comme si, dans l’homme et dans les quadrupèdes, la hanche étant toute courte, la cuisse et le reste de la jambe venaient immédiatement après elle ; le corps, par suite, serait trop enclin à tomber. Mais dans l’organisation actuelle, la hanche étant longue, elle va presque jusqu’au milieu du ventre ; et grâce à cette conformation, les jambes, en s’y appuyant, peuvent soutenir le corps tout entier.

§ 5[424]. Il n’en faut pas davantage pour prouver que l’oiseau ne peut pas être debout à la manière de l’homme. Les ailes, dans le rapport qu’elles ont actuellement avec le corps, sont immédiatement utiles ; mais si l’oiseau était droit, elles lui seraient aussi inutiles que celles que les peintres donnent aux Amours qu’ils représentent. § 6[425]. Ce qui n’est pas moins évident, après ce qu’on vient de dire, c’est que l’homme, non plus qu’aucun autre être d’une conformation semblable à la sienne, ne peut jamais être ailé, non seulement parce que, étant un animal qui a du sang, il aurait alors plus de quatre appareils de mouvement, mais aussi parce que, pour les mouvements qui lui sont naturels, la possession d’ailes ne lui serait d’aucune utilité. Or la nature ne fait jamais rien qui soit contre nature.

CHAPITRE XII

Suite des conditions générales de la flexion, qui ne peut avoir lieu sans un point d’inertie ; différences des flexions dans l’homme et dans les quadrupèdes et les oiseaux ; sagesse de la nature ; déplacement successif du poids du corps sur l’une et l’autre jambe ; il faut que le membre dirigeant fléchisse en avant ; flexion du pied et du bras ; conditions de la locomotion dans les quadrupèdes ; rôle et flexion des pattes de devant ; explication de l’organisation actuelle des quadrupèdes ; utilité de cette organisation pour l’allaitement des jeunes.

§ 1[426]. Nous avons déjà dit que, s’il n’y avait pas de flexion dans les jambes, dans les omoplates et dans les hanches, les animaux qui ont du sang et des pieds seraient absolument hors d’état de se déplacer ; et nous avons ajouté qu’il n’y a pas de flexion possible s’il n’y a pas un point d’inertie. § 2[427]. Nous avons dit encore que l’homme qui est pourvu de deux pieds, et que l’oiseau qui a deux pieds comme lui, fléchissent cependant leurs membres en sens contraire. Il en est de même des quadrupèdes, qui fléchissent leurs membres en sens contraire les uns des autres, et en sens contraire de l’homme. Ainsi, l’homme fléchit ses bras en creux, et ses jambes en rond, tandis que les quadrupèdes fléchissent les jambes de devant en rond, et celles de derrière, en creux. L’organisation des oiseaux est toute pareille. § 3[428]. Ceci tient, comme nous l’avons bien des fois répété, à ce que la nature ne fait jamais rien en vain, et que tout en elle vise toujours au mieux possible, dans les conditions données. Par une conséquence nécessaire, comme la locomotion, dans tous les animaux qui en jouissent, se fait par les deux jambes, il faut que, quand chaque jambe se tient debout à son tour, le poids du corps passe dans ce membre ; et, quand l’animal se meut en avant, le pied qui se porte et se place avant l’autre, doit n’avoir point de charge. Puis, la marche venant à continuer, il faut que le poids passe successivement sur ce pied qui le reçoit ; et nécessairement, il faut que le membre, après sa flexion, se redresse de nouveau, l’appareil tout entier et le bas de la jambe demeurant fixes, relativement au pied qui s’est avancé.

§ 4[429]. Il est dès lors possible que les choses s’accomplissent ainsi, et qu’en même temps l’animal avance, du moment que la flexion du membre dirigeant a lieu en avant. Mais ce serait tout à fait impossible, si elle avait lieu en arrière ; car à la façon dont les choses sont actuellement, le corps se projette en avant et l’extension de la jambe a lieu ; mais autrement, il faudrait que le corps se portât en arrière. § 5[430]. De plus, si la flexion se faisait en arrière, le pied ne pourrait se poser que par deux mouvements, et contrairement à ces mêmes mouvements, l’un des deux étant en arrière, et l’autre étant en avant. Dans la flexion simultanée de la jambe, l’extrémité de la cuisse doit nécessairement se porter en arrière, et la jambe doit porter le pied en avant, à partir de la flexion. Mais la flexion se faisant en avant par des mouvements qui ne se contrarient pas, et par un mouvement unique en avant, la progression dont il s’agit peut se faire très-convenablement. § 6[431]. Ainsi donc, l’homme, qui a deux pieds, et qui se déplace naturellement à l’aide de ses jambes, fléchit ses jambes en avant par le motif qu’on vient de dire, et il fléchit ses bras en creux. Cela se comprend de reste. Infléchis en sens opposé, les bras eussent été sans objet, soit pour l’usage des mains, soit pour la préhension des aliments.

§ 7[432]. Quant aux quadrupèdes vivipares, leurs jambes de devant, étant destinées à commencer la progression, et étant placées dans la partie antérieure du corps, doivent nécessairement s’infléchir en cercle, par la même raison qui fait fléchir de cette manière les jambes de l’homme ; car à cet égard les quadrupèdes et les hommes sont entièrement semblables. Ce qui fait que les quadrupèdes fléchissent les pattes en avant comme on vient de l’expliquer, c’est que, la flexion se faisant pour eux dans ce sens, ils peuvent élever beaucoup leurs pattes. § 8[433]. S’ils fléchissaient en sens contraire, ils n’élèveraient les pattes que très-peu au-dessus de terre, parce qu’alors la cuisse entière et sa flexion, sur laquelle s’articule la jambe, passeraient sous le ventre, quand la cuisse s’avancerait. Si les jambes de derrière s’infléchissaient en avant, les pieds ne s’élèveraient alors pas plus haut que ceux mêmes de devant ; car les jambes en s’élevant, non plus que la cuisse et la flexion, ne leur donneraient qu’un bien faible écart, puisque l’une et l’autre viendraient à tomber sous la région du ventre. § 9[434]. Au contraire, en fléchissant en arrière, comme ils y fléchissent en effet, ils ne rencontrent aucun obstacle à leur progression, dans un mouvement des pieds ainsi réglé. On peut même remarquer que, quand ces animaux allaitent leurs petits, cette flexion des jambes leur est nécessaire pour remplir cette fonction, ou du moins leur est beaucoup plus commode ; car s’ils fléchissaient en dedans, ils auraient grand’peine à avoir les jeunes sous eux et à les couvrir de leur corps.


CHAPITRE XIII

Quatre espèces de flexions possibles ; figures qui les représentent ; flexions réelles des bipèdes et des quadrupèdes ; flexions particulières de l’éléphant ; flexions chez l’homme, des bras et des jambes, de la cuisse et de l’épaule, du coude et du carpe ; opposition et harmonie de ces flexions, tantôt concaves, tantôt convexes.

§ 1[435]. La flexion qui se fait dans les articulations peut être de quatre espèces. Nécessairement, ou elle est concave tout à la fois pour les membres de devant et pour ceux de derrière, par exemple en A ; ou elle a lieu circulairement tout au contraire pour les deux, comme en B ; ou en sens opposé pour des membres différents, c’est-à-dire que le devant fléchit en rond, et le derrière en creux, comme on le voit en C ; ou tout à l’inverse, les parties arrondies correspondant entre elles, et les parties creuses étant en dehors, comme on le voit en D. § 2[436]. Il n’est pas un seul animal bipède ou quadrupède qui fléchisse comme on le voit en A et en B. Mais les quadrupèdes fléchissent comme en C ; et, parmi les quadrupèdes, il n’y a que l’éléphant qui fléchisse comme en D. Quant à l’homme, il fléchit les bras et les jambes ; mais il fléchit les bras en creux, et les jambes en rond, et en forme convexe. § 3[437]. Chez l’homme, les flexions des membres sont toujours réciproquement et successivement contraires. Ainsi, le coude se plie en dedans, le carpe de la main est convexe, et à son tour l’épaule est convexe également. Il en est de même de la jambe entière ; la cuisse s’infléchit d’une manière concave, et le genou d’une manière convexe ; le pied s’infléchit contrairement au genou, d’une manière concave. Il n’est pas moins évident que les parties inférieures sont dans une opposition toute pareille avec les parties supérieures, précisément parce que le principe est contraire aussi ; l’épaule est convexe, et la cuisse est concave ; l’olécrane est concave, et le genou convexe ; et le pied, tout au contraire, est concave aussi.

§ 4[438]. Telle est la disposition générale des flexions dans les membres, et telles sont les causes auxquelles tient cette disposition.

CHAPITRE XIV

Du mouvement diamétral ; sa description ; sa nécessité ; le saut ne peut se prolonger ; exemple des chevaux de course ; le mouvement diamétral peut seul donner la stabilité et la durée à la locomotion de l’animal ; allure ordinaire des chevaux ; les animaux qui ont plus de quatre pieds marchent également en diamètre ; marche oblique des crabes ; c’est un phénomène unique ; la nature leur a donné des yeux en conséquence.

§ 1[439]. Les membres de derrière, dans leur rapport avec ceux de devant, se meuvent en diagonale. Après le membre droit de devant, l’animal meut le membre gauche de derrière ; puis, il meut le gauche de devant et le droit de derrière. Cette organisation tient à ce que, si les membres antérieurs se développaient à la fois, et tous deux les premiers, ils se disloqueraient ; la marche pourrait bien même devenir caduque ; car, en quelque sorte, les membres postérieurs la retiendraient par leur tension extrême. § 2[440]. D’ailleurs, ce ne serait plus là une marche de progression ; ce serait un saut véritable. Mais quand un animal saute, il lui est bien difficile de prolonger un tel déplacement. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir combien se lassent vite sous nos yeux les chevaux qui se donnent ce mouvement, comme ceux des courses de cérémonie. C’est pour cela que les animaux ne se meuvent pas en isolant les parties antérieures des parties postérieures. Si les deux membres droits partaient ensemble les premiers, il n’y aurait plus d’appuis pour soutenir l’animal ; et, ainsi en dehors de ses appuis, l’animal tomberait. § 3[441]. Si donc il y a nécessité que le mouvement se produise par un de ces deux procédés, ou qu’il se produise diamétralement, et si l’un et l’autre sont également impossibles, il y a nécessité absolue que l’animal se meuve en diamètre ; car si l’animal se meut comme on vient de le dire, aucun de ces inconvénients n’est possible. C’est pour cette raison que les chevaux et les animaux de même genre restent debout en progressant par diamètre, et non point en mettant tout à la fois en mouvement les deux membres de droite ou les deux membres de gauche.

§ 4[442]. C’est bien encore de la même façon que se meuvent aussi tous les animaux qui ont plus de quatre pieds. Toujours, dans les quatre pieds qui viennent à la suite, ceux de derrière se meuvent en diamètre par rapport à ceux de devant. On peut le voir très-clairement dans les animaux qui se meuvent lentement, et, par exemple, dans les crabes, qui se meuvent de cette façon. § 5[443]. Les crabes sont des polypodes, et leur mouvement est toujours en diamètre, dans quelque sens qu’ils se dirigent. C’est, qu’en effet, cet animal a une locomotion qui lui est toute particulière, et il est le seul, parmi tous les animaux, qui ne se meuve pas devant lui et qui se meuve obliquement. Mais comme dans l’animal ce sont les yeux qui déterminent le devant, la nature a fait que, dans les crabes, les yeux sont d’accord avec les membres ; car leurs yeux se meuvent de côté ; et, par suite, on peut dire que les crabes aussi se meuvent en avant, du moins dans une certaine mesure, grâce à cette organisation.

CHAPITRE XV

Flexions des pattes chez les oiseaux ; les ailes remplacent les membres antérieurs ; leur rôle indispensable ; organisation de la cuisse des oiseaux ; position de leurs ailes ; position des nageoires chez les poissons ; ailes des volatiles à ailes pleines ; progression de tous ces animaux ; disposition des membres sur le côté dans les crocodiles, les lézards, les tortues, etc.; explication de cette disposition.

§ 1[444]. Les oiseaux fléchissent leurs pattes à la manière des quadrupèdes, et leur nature se rapproche à certains égards de la leur. Chez les oiseaux, les ailes remplacent les membres de devant ; et de là vient que leurs ailes se plient dans le même sens que les membres antérieurs chez les quadrupèdes. Pour eux, c’est des ailes que part le principe naturel de la locomotion et du mouvement nécessaire à la marche, puisque le vol est leur mouvement spécial. § 2[445]. Aussi, il n’y a pas un oiseau qui put, si on lui enlevait ses ailes, se tenir debout, ni avancer d’un pas. De plus, comme l’oiseau, tout bipède qu’il est, n’est pas fait pour se tenir droit, et comme les parties antérieures de son corps sont plus légères, il est indispensable, ou du moins il est mieux, pour lui faciliter la station droite, que sa cuisse soit placée en dessous, ainsi qu’elle l’est ; je veux dire par là qu’elle est naturellement placée à la partie postérieure. Du moment qu’il fallait qu’il en fût ainsi, il y a nécessité que la flexion de la patte soit concave, par la même raison qui fait que, dans les quadrupèdes, les membres de derrière sont ainsi fléchis, selon l’explication que nous avons donnée pour les quadrupèdes vivipares. § 3[446]. En général, les oiseaux et les volatiles à ailes pleines, et même les animaux qui nagent dans les eaux et qui ont des organes particuliers pour se mouvoir dans le liquide, doivent être munis de ces organes sur les côtés, en forme d’appendices. Il n’est pas difficile de se convaincre que cette organisation est la meilleure, comme on peut l’observer actuellement, soit dans les oiseaux, soit dans les volatiles à ailes pleines. C’est également ce qu’on peut remarquer dans les poissons ; car, pour les animaux aquatiques, les nageoires sont ce que les ailes sont pour les oiseaux. § 4[447]. Dans les volatiles à ailes pleines, les Ptiles sont placés sur le côté, parce que c’est dans cette position que ces organes, en divisant, de la façon la plus rapide et la plus puissante, ici l’air, et là le liquide, peuvent produire le mouvement. Les parties du corps sont portées à la suite en avant et en arrière, dans le milieu qui cède devant elles, dans le liquide pour les uns, et dans l’air pour les autres. § 5[448]. Les quadrupèdes ovipares qui vivent dans des trous, comme les crocodiles, les lézards, les stellions, les émydes et les tortues, ont tous les pattes obliquement attachées sur le côté et étendues sur la terre ; ils les fléchissent toujours de côté, à la fois pour faciliter leur entrée sous terre, et leur incubation sur les œufs, pendant qu’ils les gardent. Ces membres étant au dehors, il faut nécessairement que ces animaux avancent les cuisses et les placent sous eux pour pouvoir élever le corps ; et, pour arriver à ce mouvement, il n’est pas possible que la flexion ait lieu autrement qu’à l’extérieur.


CHAPITRE XVI

Organisation des polypodes privés de sang ; ils sont cagneux ; leurs flexions particulières ; nécessité de la conformation de leurs pieds ; la cause de cette conformation tient à ce que ces animaux vivent dans des trous ; obliquité de la marche des crabes ; exemples des lézards, des crocodiles et de quelques ovipares ; flexions des polypodes.

§ 1[449]. Nous avons déjà dit que les animaux dépourvus de sang qui ont des pieds en ont un grand nombre, et que, parmi eux, il n’y en a pas un seul qui n’en ait que quatre. Comme il était nécessaire que, sauf les derniers pieds, les autres fussent attachés obliquement et que les flexions fussent en haut, il est clair que ces animaux doivent être un peu cagneux en arrière ; car il faut que, dans eux tous, les membres intermédiaires soient, tout ensemble, et dirigeants, et suivants. § 2[450]. Puisque c’était là leur organisation, il fallait bien qu’ils eussent leur flexion en avant et en arrière : en avant, afin de pouvoir diriger, et en arrière, poursuivre le mouvement des premiers. Comme pour eux cette double conformation était nécessaire, il fallait bien encore qu’ils fussent cagneux et que les flexions fussent obliques, excepté les dernières ; et cela selon la nature plus spéciale de chacune, celles-ci comme devant suivre, et les autres comme devant diriger. On peut ajouter que les flexions sont ainsi disposées à cause de la multiplicité même des membres, puisque, de cette façon, les pieds devaient se gêner beaucoup moins dans la marche, et se heurter bien moins les uns aux autres. § 3[451]. Si ces animaux sont cagneux, c’est qu’ils vivent tous, ou presque tous, dans des trous ; et il n’est pas possible que des êtres destinés à vivre ainsi soient hauts sur leurs pieds. Les crabes sont, de tous les polypodes, ceux qui sont les plus remarquables. Ils ne font pas leur progression en avant ; et ainsi que nous l’avons déjà dit, ils sont les seuls, entre tous les animaux, à avoir plusieurs pieds dirigeants. Cela tient à la dureté de leurs pieds, dont ils se servent non pas pour nager, mais pour marcher ; car ils marchent sur terre presque toujours.

§ 4[452]. Chez tous les polypodes, les flexions se font sur le côté, comme chez les quadrupèdes qui vivent dans des trous ; tels sont les lézards, les crocodiles et bon nombre d’ovipares. Cela tient à ce qu’ils sont troglodytes, soit pendant leur ponte, soit durant leur vie tout entière.

CHAPITRE XVII

Des pieds des langoustes, faits pour nager et non pour marcher ; flexion oblique des pieds chez les crabes, qui sont faits pour marcher plus que pour nager ; progression singulière du crabe avançant tous ses pieds à la fois et en sens oblique ; marche des Psettes ; organisation des pattes des oiseaux palmipèdes ; elles sont placées par derrière et non au centre ; elles sont courtes, mais épaisses et larges ; utilité de cette disposition pour nager ; sagesse de la nature.

§ 1[453]. Les autres animaux ont les pieds cagneux, parce qu’ils sont mous ; mais dans les langoustes, qui ont la peau dure, les pieds sont faits pour nager et non point pour marcher. Chez les crabes, au contraire, la flexion a lieu obliquement ; et leurs pieds ne sont pas cagneux, comme chez les ovipares qui ont du sang et qui sont polypodes, parce que leurs membres sont revêtus d’un tégument dur, qui ressemble à celui des huîtres, et parce que l’animal n’est pas fait pour nager et qu’il est troglodyte. La vie du crabe se passe sur terre ; sa forme est à peu près ronde, et il n’a pas de queue comme la langouste.

§ 2[454]. Les langoustes, en effet, se servent de leur queue pour nager, tandis que le crabe ne nage pas ; et il est le seul où la partie oblique ressemble à la partie postérieure, parce qu’il a plusieurs pieds dirigeants. Cela vient de ce qu’il n’a pas de flexion en avant, et de ce qu’il n’est pas cagneux non plus. Nous venons de dire que ce qui rend non cagneux les pieds des crabes, c’est la dureté de leur tégument, qui est à peu près celui de l’huître. De là, une nécessité pour le crabe de progresser par tous les pieds à la fois et de progresser en sens oblique. D’abord, l’obliquité de la marche est forcée, parce que la flexion est oblique aussi ; et, ensuite, le mouvement simultané de tous les pieds n’est pas moins nécessaire, parce que les pieds qui resteraient immobiles gêneraient ceux qui seraient en mouvement.

§ 3[455]. Les poissons dans le genre des Psettes (barbues) nagent, comme les borgnes marchent, parce que leur nature est toute retournée. Les oiseaux palmipèdes nagent avec leurs pieds ; cependant, comme ils reçoivent l’air et qu’ils respirent, ce sont des bipèdes ; et comme ils vivent aussi dans l’eau, ils sont palmipèdes. Grâce à cette conformation, les pieds leur, tiennent lieu de nageoires. D’ailleurs, ils n’ont pas leurs pattes au centre du corps comme les autres oiseaux, mais ils les ont plus en arrière ; et comme les pattes sont fort courtes, placées en arrière, elles servent à la natation.

§ 4[456]. Si ces oiseaux ont de courtes pattes, c’est que la nature a ajouté aux pieds ce qu’elle enlevait à la longueur des pattes, et qu’au lieu de donner de la longueur à ces membres, elle leur a donné de l’épaisseur, en même temps que de la largeur aux pieds. Cette épaisseur les rend plus utiles que s’ils étaient longs, pour repousser énergiquement le liquide lorsque l’animal doit nager.


CHAPITRE XVIII

Comparaison des oiseaux et des poissons ; leurs différences ; leurs rapports à certains égards ; position des ailes chez les uns, et des nageoires chez les autres ; queues des oiseaux ; queues des poissons.

§ 1[457]. La raison comprend sans peine que les volatiles aient des pieds et que les poissons n’en aient pas. Les premiers passent leur vie dans un milieu qui est sec ; et comme il est impossible de se tenir toujours à une certaine hauteur, il leur faut des pieds ; au contraire, comme les poissons vivent dans le liquide, c’est l’eau qu’ils reçoivent et non pas l’air. Tandis que les nageoires leur servent à nager, les pieds ne leur serviraient à rien ; et s’ils avaient les deux, c’est-à-dire les pieds et les nageoires, c’est qu’ils seraient dépourvus de sang. § 2[458]. Quant aux oiseaux, leur organisation est, dans une certaine mesure, celle des poissons. Ainsi, les oiseaux ont les ailes au haut du corps, et les poissons ont aussi deux nageoires dans la partie déclive et antérieure. Si les uns ont des pieds en dessous, les autres également ont, pour la plupart, des nageoires sous le ventre, et près des nageoires antérieures. Les uns ont un croupion garni de plumes ; les autres ont une queue.

CHAPITRE XIX

Des crustacés ; obscurité de leur mouvement ; ils n’ont pas de droite et de gauche ; leur nature imparfaite rapprochée de celle des phoques et des chauves-souris ; mesure très-restreinte de leur mouvement ; la pince droite des crabes, étant toujours plus forte, indique qu’il y a en eux une sorte de droite et de gauche. — Résumé sur les organes de la locomotion en général ; annonce du Traité de l’Ame.

§ 1[459]. Pour les crustacés, on peut être embarrassé de dire quel est leur mouvement ; et, comme ils n’ont pas de droite ni de gauche, on ne sait d’où leur mouvement peut partir ; mais on voit cependant qu’ils en ont un. Peut-être faut-il supposer que tout cet ordre d’animaux est en quelque sorte mutilé ; et l’on peut croire qu’ils se meuvent comme le feraient les animaux pourvus de pieds, si on venait à leur couper les membres ; tels sont, par exemple, le phoque et la chauve-souris, qui sont bien aussi des quadrupèdes, mais qui ne le sont que très-imparfaitement. § 2[460]. Les crustacés se meuvent sans doute aussi ; mais leur mouvement est contre nature ; ils ne sont pas vraiment mobiles ; ils ne se meuvent que comme des êtres immobiles et attachés à un lieu fixe ; mais, sous le rapport de la marche, ils ne bougent pas. Chez les crabes, il y a encore une droite ; mais celle qu’ils ont est bien imparfaite ; la preuve qu’ils en ont une, c’est leur pince, puisque la pince droite est toujours plus grande et plus forte, comme si la gauche et la droite voulaient par là se distinguer entre elles.

§ 3[461]. Voilà ce que nous avions à dire en ce qui regarde toutes les parties des animaux en général, et spécialement celles qui concourent à leur marche et à toute leur locomotion. Après ces détails, ce qui les suit naturellement, c’est l’étude de l’âme.


FIN DU TRAITE DE LA MARCHE DES ANIMAUX.
  1. . L’organisation des dents. Pour tout ce qui va suivre sur les dents dans les diverses espèces d’animaux, on fera bien d’avoir sans cesse sous les yeux l’Anatomie comparée de Cuvier, qui a consacré à ce sujet toute la XVIIe leçon, t. III, pp. 103 et suiv., 1ere édition. — Et celle de la bouche. L’étude de la bouche tient de très près à celle des dents. La zoologie moderne a peut-être un peu trop négligé la seconde, tout en donnant une grande et juste importance à la première. — Autres que l’homme. Le texte ne peut avoir un autre sens ; mais il semble qu’il serait mieux d’employer une formule plus générale et de dire : « Pour tous les animaux. » — Une destination commune. Dans l’homme aussi, comme dans le reste des animaux, les dents servent à broyer les aliments, bien que ce ne soit pas leur seul usage. — Elles servent aussi à la défense. Presque tous les animaux emploient leurs dents aux combats qu’ils sont obligés de livrer. — À faire et à ne pas souffrir. La distinction est vraie, bien qu’elle ne soit pas indispensable, après ce qui précède. — Les animaux sauvages. Cette expression s’applique surtout aux carnassiers, comme l’auteur le dit ; mais beaucoup d’animaux qui ne sont pas carnassiers se servent de leurs dents pour se défendre, en même temps que pour manger. — D’animaux domestiques. Il serait difficile de citer un animal domestique qui ne se serve de ses dents que pour l’alimentation.
  2. . Mais l’homme… Toutes ces observations sur la denture de l’homme sont très justes, et elles étaient bien neuves du temps d’Aristote. — Les dents de devant. Les incisives. — Aiguës pour pouvoir déchirer. C’est en effet le rôle propre des incisives. — Les molaires. Même remarque, pour la fonction et la forme, soit des molaires, soit des canines. — Aiguës et larges. C’est peut-être exagéré. — Dans ceux des animaux… Il n’y a que trois classes d’animaux qui aient des dents proprement dites : les mammifères, les reptiles et les poissons ; encore toutes les espèces sans exception n’en ont-elles pas ; voir Cuvier, loc. cit. XVIIe leç., p. 103.
  3. Surtout à la parole. Les dents servent sans doute beaucoup à la parole dans l’homme ; mais en tant que l’homme est animal, les dents servent bien plutôt à son alimentation. — Les dents de devant… En effet, toutes les consonnes dites dentales ne pourraient être articulées sans le secours des dents. Ces différentes lettres sont disséminées dans tout notre alphabet ; mais dans l’alphabet sanskrit, elles sont groupées avec la plus parfaite exactitude, et mises au rang qu’elles occupent réellement dans la vocalise humaine. Le peu qu’Aristote dit ici des dentales est fort exact, quoique très concis ; mais en histoire naturelle, il n’avait pas à s’étendre davantage.
  4. On vient de le dire. Au § 1. — Des crocs. Ce n’est pas tout à fait le mot propre pour le sanglier ; mais j’ai dû éviter la répétition du mot de Défense, employée un peu plus haut dans un autre sens. — Qu’ils ont les dents en scie. C’est toute la force du mot dont se sert le texte. Voir la même expression dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 13, p. 127 de ma traduction. Dans ce passage, Aristote a déjà traité des dents, mais moins complètement qu’ici. — S’émousser en se frottant entre elles. L’explication est fort ingénieuse, et elle est incontestable,
  5. Pas un seul animal Voir des observations analogues dans l’Histoire des Animaux, loc. cit.La nature ne fait jamais rien en vain. Grand principe, qu’Aristote a cent fois répété et toujours soutenu, chaque fois qu’il en a trouvé l’occasion. Avec lui, il faut accepter ce principe, qui est profondément vrai, quoique parfois il soit bien difficile de discerner le but que la nature se propose. Voir Buffon sur cette même question, tome XIV, p. 189, edit. de 1830. — Les femelles des sangliers. J’ai conservé la formule grecque ; mais on pourrait dire : Les laies. — Parce qu’elles n’ont pas de crocs. Ou, boutoirs. Je ne vois pas que cette observation ait été recueillie par Buffon, qui a consacré une seule et même étude au cochon et au sanglier, tome XIV, pp. 186 et suiv. édit. de 1830. Il paraît bien que le sanglier est la souche de nos cochons domestiques. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 243, édit. de 1829.
  6. Il nous faut ici faire une remarque. Cette forme de style est fort rare dans Aristote ; et ce retour sur sa propre pensée et sur la marche qu’il lui donne, ne lui est pas du tout habituelle. L’observation qu’il signale ici à l’attention de ses lecteurs est profondément juste. Ce sont des considérations tout à fait pareilles qu’il présente sur la main de l’homme, plus loin, liv. IV, ch. X, §§ 14 et suiv. — Crocs. Ou, boutoirs. — Plus fort et plus courageux. Ceci est vrai dans presque tous les cas et dans toutes les espèces.
  7. Des organes indispensables même aux femelles. Distinction très exacte, et qui ne pouvait échapper à l’esprit d’Aristote. — À des fonctions absolument nécessaires. Les exemples cités un peu plus bas sont frappants. — Des cornes. Ou : Des bois. — Des bœufs-femelles. Ici encore, j’ai conservé la formule du texte, qui reproduit mieux que le mot de Vaches la pensée de l’auteur. — Le plus souvent. Cette restriction est exacte et nécessaire.
  8. Tous les poissons… Cette généralité sur les dents des poissons n’est peut-être pas très juste ; car, selon Cuvier, la classe des poissons varie plus que toutes les autres en ce qui concerne les dents ; voir Anatomie comparée, XVIIe lec. p. 111, 1e édit. — Le scare. Voir sur le scare l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, §§ 7, 9 et 10, p. 162 de ma traduction. — Sur la langue et au voile du palais. Ces détails sont exacts. — En même temps que leur nourriture. Remarque fort neuve au temps d’Aristote. — Sont-elles aiguës. L’observation est juste pour le plus grand nombre des poissons ; mais il y a des exceptions. — Elles divisent, grâce à leur nombre. Il est bien probable que c’est là en effet le but de la nature. — Toute leur force. Tous ces détails sont des plus curieux et des plus intéressants.
  9. . la bouche. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. II, § 1, p. 21 de ma traduction, et aussi livre. II, chapitre IV, page 133 de ma traduction. — Pour la respiration. C’est sans contredit une des fonctions de la bouche ; mais c’est plutôt encore par le nez qu’on respire l’air du dehors, puisque les narines sont toujours ouvertes, tandis que la bouche ne l’est pas toujours. — Leur refroidissement du dehors. Voir le traité spécial de la Respiration dans les Opuscules psychologiques, pp. 359 et suiv. Aristote y réfute les opinions de ses prédécesseurs, Démocrite, Anaxagore, Diogène, Empédocle, Platon dans le Timée ; il établit que c’est par la bouche bien plus que par le nez qu’on respire, et qu’il y a nécessairement besoin que la fonction de la respiration vienne à refroidir le feu vital, qui consumerait l’animal, si rien ne venait le tempérer, id. ibid., ch. VIII, p. 374. Voir Cuvier, Anatomie comparée, leçon XXVIe, consacrée à la respiration. — Nous venons de le dire. Plus haut, § 5. — Au combat et à la lutte. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Chez d’autres. Il n’y a que l’homme tout seul qui ait la parole. — Chez tous les animaux. Le traité de la Respiration commence par constater que tous les animaux sans exception ne respirent pas ; les seuls animaux qui respirent sont ceux qui ont des poumons ; voir ch. I, p. 350 de ma traduction.
  10. Variation… variés. Le texte a une tautologie analogue. — La bouche plus étroite., une grande bouche. La science moderne ne paraît pas avoir insisté sur ces considérations, qui sont cependant aussi justes qu’importantes. — Tous ceux… Ceci s’applique exclusivement à l’espèce humaine, où la bouche sert en effet à ces trois fonctions. — À dents alternées. Voir plus haut. § 4, et dans l’Histoire des Animaux, passim. Ce sont les dents qu’on peut aussi appeler Carnassières. — Dans des morsures. L’explication est excellente. — De leur gueule. J’ai cru devoir ici changer le mot de Bouche, que le texte emploie toujours ; mais ici il s’agit surtout des quadrupèdes carnassiers, de même qu’au paragraphe suivant il est question des poissons.
  11. Les poissons qui mordent. Tels que les requins, parmi les chondroptérygiens par exemple, et aussi les dauphins, que Cuvier signale comme les plus carnassiers et les plus cruels de l’ordre des cétacés, Règne animal, tome I, p. 287, édit. de 1829, et tome II, p. 387. — En pointe et tronquée. Il n’y a dans le texte qu’un seul mot, qui me semble avoir cette force.
  12. Ce qu’on appelle leur bec. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VIII, § 5, p. 151 de ma traduction ; Aristote s’y sert des mêmes expressions à peu près. — Comme on les appelle. Ceci indique probablement que ce terme était d’un usage récent dans la langue grecque. — Qu’ils mangent de la chair. Ce sont les oiseaux de proie. — À vaincre l’ennemi. Le texte est moins précis. — Pour leur assurer la victoire. Même remarque. — Plus recourbées. Que dans les autres espèces d’oiseaux, sous-entendu.
  13. Qui frappent les arbres. Il y a une espèce d’oiseau qui a reçu ce nom spécial ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. V, § 8, p. 32, de ma traduction. Ce sont les grimpeurs, et particulièrement les pics, dont le bec est long, droit, anguleux, comprimé en coin à son extrémité, et propre à fendre l’écorce des arbres ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 448, édit de 1829. — Chez les corbeaux. Voir Cuvier, id. ibid., p. 420. Le bec des corbeaux est très fort, plus ou moins aplati sur les côtés. Dans les grandes espèces, il est encore plus puissant, et la mandibule supérieure est plus arquée. — Le bec est mince. Ce n’est pas un fait général ; et il y a de petits oiseaux qui, proportion gardée, ont le bec très gros.
  14. Les nageurs et les palmipèdes. La science moderne distingue aussi dans l’ordre des palmipèdes les plongeurs, tek que les grèbes, les plongeons, etc. — D’une autre façon. Cette expression est bien vague. — Le groin du cochon. Le texte n’est pas aussi précis ; d’ailleurs, la comparaison est très juste. — Qui vit de racines. Bien qu’il puisse manger de la chair, dont il est très friand. — Les extrémités du bec dentelées. Je ne sais si c’est bien la nuance exacte du mot qu’emploie le texte. Il y a des palmipèdes dont le bec est échancré à la pointe, et cette pointe est un peu arquée ; ce sont, par exemple, les guillemots ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 547.
  15. Qui sont dans la tête. Voir plus haut, liv. II, ch. X et chapp. suivants. Ce résumé d’ailleurs n’est pas très exact, et l’on peut croire qu’il y a ici quelque interpolative. — On l’a nommé ainsi. C’est une allusion à l’étymologie du mot dans la langue grecque. Dans notre langue aussi, le mot de Visage a la même racine que le mot de Vision ; et c’est en effet à cause de la station droite que l’homme regarde devant lui et en haut, et non point en bas.
  16. Parler des cornes. Voir sur les cornes l’Histoire des Animaux, livre II, ch. II, § 18, p. 118 de ma traduction ; mais ce qui en est dit ici est bien plus complet. — Sur la tête. Ceci semblerait faire suite au § dernier du chapitre précédent. — Que les vivipares. Dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., Aristote attribue les cornes surtout aux quadrupèdes. — Par assimilation et par métaphore. Les mêmes expressions se retrouvent presque identiquement dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., où Aristote repousse l’opinion vulgaire qui donne des cornes à certains serpents d’Égypte.
  17. Ayant des pieds à plusieurs divisions. Ce sont les animaux que la science moderne appelle Fissipèdes, ou Polydactyles ; c’est-à-dire ceux dont le pied a plus de deux divisions. Les animaux à cornes ont simplement le pied fourchu, divisé en deux portions. — Des ongles. Ou mieux, Des griffes. J’ai conservé le mot du texte, qui est plus général. — À double pince. Ce sont surtout les ruminants qui sont les animaux à pieds fourchus ; ils ont à chaque pied deux doigts, enveloppés dans deux sabots qui s’appliquent l’un contre l’autre ; mais il y a des ruminants sans cornes, comme le chameau et le lama ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 254 et 260, édit. de 1829. On appelle aussi ces animaux Bifurques. — À la lutte et au combat. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Quelques solipèdes. Il aurait fallu désigner ces solipèdes plus précisément. — Ils ont reçu d’elle… On retrouve ici comme partout le sentiment d’admiration que la nature inspire à l’auteur. — Des éléphants. L’observation n’est pas aussi juste pour les éléphants que pour les chameaux ; car l’éléphant a ses énormes défenses et sa trompe. — Comme les sangliers. Le pied des sangliers ou des cochons a deux doigts grands et armés de forts sabots, et deux doigts latéraux, plus courts et touchant à peine la terre ; Cuvier, Règne animal, tome I, p. 243, édit. de 1829. § 3. — Le développement des cornes….. aux cerfs. On ne peut pas dire que le bois des cerfs leur soit inutile ; mais il est vrai que l’animal s’en rapporte bien plutôt à sa vélocité pour échapper à ses ennemis. — La grandeur et la division du bois. Ceux est exact ; et La fontaine en a fait le sujet d’une de ses plus jolies fables, liv. I, fable X. — Aux buffles. Cette identification peut paraître douteuse ; et comme l’auteur joint ici les gazelles aux buffles, il est possible qu’il s’agisse, non du Bubalus, qui est bien le buffle de l’espèce bovine, mais du Bubalus de l’espèce de l’Antilope ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 1056 et 1057. Ces deux animaux sont également des ruminants. — Bonases. C’est le bison, presque sans aucun doute ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, § 17, page 118 de ma traduction, et liv. IX, ch. XXXII, § 1, page 280 de ma traduction. Ce dernier chapitre est consacré tout entier au bison. — Lancer leurs excréments. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit., liv. IX, ch. XXXII, § 5, — Ce qui les aide à se défendre. Si cela est, ce ne peut être que dans une mesure très restreinte. — D’autres animaux. Il eût été bon de citer quelques exemples spéciaux.
  18. L’âne indien. Aristote semble n’être pas très sûr de ce qu’il avance sur l’âne-indien, qui serait solipède et qui aurait des cornes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 14, p. 116, où il est question aussi de l’âne-indien, qui aurait à la fois une corne unique et un seul sabot. C’est sans doute un animal fabuleux.
  19. La nature leur a fait deux cornes. La raison est excellente et de toute évidence. — L’Oryx. L’Oryx est encore mentionné dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, § 44, p. 116, comme ayant une seule corne et deux pinces. Cet animal est fabuleux, comme l’âne-indien. La zoologie moderne a donné le nom d’Oryx à une espèce d’antilope ; mais cet animal a deux cornes très longues et recourbées ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 1056, trad. franc. — L’Oryx a le pied fourchu. Ainsi, Aristote considérait l’oryx comme un animal très réel. — Les animaux à une corne. Il est certain qu’il n’y en a pas, du moins pour la science dans tout ce qu’elle connaît actuellement.
  20. Il semblerait plus rationnel. L’argument serait juste, si le fait était exact. — De même nature que la corne. La sole et la pince sont elles-mêmes de la corne ; la seule différence est dans la position, les unes aux pieds, les autres sur la tête. — Un défaut de la nature….. une seule et unique corne. Ces considérations peuvent sembler bien subtiles, surtout quand on songe que le fait sur lequel elles reposent n’est pas vrai.
  21. . Les cornes sur la tête. Ici au contraire, l’argument est très solide, et la tête est en effet la seule partie du corps où les cornes peuvent être utiles, — Le Momus d’Ésope. C’est sans doute quelque personnage auquel le fabuliste prêtait ces idées bizarres. La réponse d’Aristote est décisive. Dans la mythologie, Momus est le Dieu de la moquerie ; et l’on citait de lui des critiques du genre de celle qui est rappelée ici, et notamment sur la nature de l’homme. — Faute d’avoir porté ses regards assez loin. On ne peut jamais faire à Aristote un reproche pareil.
  22. Seraient les plus vigoureux. C’est le complément de ce qui précède, et la réfutation directe des théories de Momus. — Les leur mettre sur la tête. La physiologie comparée des Modernes ne paraît pas avoir repris ces considérations, qui ne sont pas cependant sans importance. — Empêchent aussi le moins possible. Autre argument non moins solide que les premiers.
  23. . Il n’y a que les cerfs… Cette remarque est très juste ; et cette particularité doit être soigneusement notée par la science ; le bois du cerf est autre chose que la corne, à la fois par sa nature et par ses intermittences. — Parce que ces bois sont très pesants. C’est vrai ; mais la raison donnée ici n’est pas bonne, puisque le bois repousse et qu’il charge de nouveau l’animal. — N’a pas pris les cornes sur la peau. Tandis que chez le cerf, c’est un os qui naît de la peau ; ce qui le fait appeler Dermique. La ramure se détache de la protubérance frontale vers la fin de l’hiver, ou au début du printemps ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 654, de la trad. franc. Aussi, la science moderne attelle fait une famille des Cavicornes, dans laquelle sont compris les moutons, les bœufs, les bisons, les antilopes, etc. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 200, édit. de 1829. — En accord avec les os. En donnant aux cornes la consistance des os, et en les faisant naître de l’os.
  24. Disposées comme elles le sont. C’est-à-dire, toujours sur la tête et non sur les épaules, comme l’aurait voulu le Momus d’Ésope. — Le moins gênantes. Il est certain que les défenses de l’éléphant, qu’on peut jusqu’à un certain point rapprocher des cornes, le gênent beaucoup et qu’elles finissent par lui devenir si pesantes que, malgré sa force, il a la plus grande peine à les porter. Sur la tête, elles l’auraient beaucoup moins gêné ; mais il y a là une raison naturelle que la science humaine ne peut pas pénétrer.
  25. Qui est toujours raisonnable. C’est là un principe essentiel qu’Aristote n’a pas cessé de proclamer en toute occasion. — À des usages de diverses sortes. Voir plus haut, ch. I, § 1. — Matérielle. Le texte dit précisément : Corporelle. — Et terreuse. Cette expression, assez bizarre pour nous, se rapporte pour Aristote à la théorie des quatre éléments, qui a subsisté dans la science jusqu’au siècle dernier. — Est la gazelle. Je ne sais pas si cette observation est bien exacte ; mais certainement la gazelle est une des plus petites espèces.
  26. Regarder à la majorité des cas. C’est là un principe excellent, puisque le reste fait exception. — La partie osseuse….. est terreuse. Voir la note du § précédent. — La plus grande quantité de matière osseuse….. les plus grands animaux. C’est une espèce de tautologie. — La nature la détourne….. la nature la répartit. Nouvel hommage d’Aristote à la sagesse de la nature ; voir la Préface à ma traduction de l’Histoire des Animaux, p. lxxxiii. — En crocs. Ou, Boutoirs comme ceux des sangliers ; mais j’ai préféré un mot plus général,
  27. N’a la double rangée de dents. Le fait est vrai ; mais la relation entre les cornes et la denture n’est peut-être pas aussi évidente qu’Aristote le croit. — En a fait profiter les cornes. Il eût été facile de voir que cette théorie n’est pas exacte, puisqu’il y a des ruminants, tels que le chameau, qui n’ont pas de cornés, et qui manquent en même temps de dents à la mâchoire supérieure.
  28. Si les femelles des cerfs n’ont pas de cornes. Le fait est exact ; mais l’explication n’est pas aussi bonne, et l’auteur semble se contredire lui-même en reconnaissant que la nature de la femelle est la même que celle du mâle, et que l’une et l’autre sont des bêtes à cornes. — Ne sont pas même utiles aux mâles Ceci est peut-être exagéré. — À cause de leur force. Qui fait que le bois leur est moins pesant.
  29. Cette sécrétion. Les cornes se forment en effet comme les os, et elles en naissent. — Des dents énormes. Il aurait fallu citer expressément quelques espèces, pour que ce rapprochement fût plus scientifique et plus facile à vérifier. — Des crocs. Ou, Des boutoirs. — Comme des cornes. La comparaison est ingénieuse ; mais elle ne paraît pas très exacte. Quoi qu’il en soit de toutes ces théories sur les cornes, il est certain que tout ce chapitre est très curieux, et la zoologie moderne n’a pas produit sur ce sujet rien de plus remarquable ni de plus complet. Elle y viendra sans doute plus tard.
  30. Comme nous venons de le faire. Le sujet qui est résumé ici en quelques mots a commencé avec le chapitre X du premier livre, et s’est poursuivi dans les chapitres suivants et les deux premiers du second livre. L’auteur a successivement traité des sens qui sont dans la tête, l’ouïe, la vue avec les cils et les sourcils, l’odorat, le goût avec la bouche, la langue et les dents, et il a fini par les cornes. De la tête, il passe au cou ; et ses études s’étendent de l’homme à toute la série animale, telle qu’il la connaît et qu’il l’a établie. — Tous les animaux… n’en ont pas. Notamment les poissons. — Les organes pour lesquels… Ces organes pour Aristote se réduisent à deux : le pharynx et l’œsophage. Il est évident que le cou contient beaucoup d’autres organes ; mais l’anatomie de cette région paraît moins avancée que quelques autres, pour le naturaliste grec. — Le pharynx… l’œsophage. Le pharynx est confondu ici avec le larynx, et il ne s’en distingue pas ; c’est une erreur grave. Voir plus bas § 4. Pour que la déglutition ait lieu, c’est-à-dire pour que les aliments arrivent de la bouche à l’estomac, il faut le concours de plusieurs organes : la langue, l’os hyoïde, le voile du palais, le pharynx, et l’épiglotte. Voir Cuvier, Anatomie comparée, Des organes de la digestion, t. III, p. 6, Inédit., et XVIIIe leçon, pp. 260 et suiv. — À la respiration. C’est le larynx qui remplit cet office, et non le pharynx. — Pas de poumon… non plus de cou. Observation exacte. — Le genre des poissons. Cette absence de cou est plus remarquable chez les poissons que chez toute autre espèce d’animaux. — L’œsophage est le canal… L’étymologie seule suffit à expliquer la fonction spéciale de cet organe ; elle signifie « qu’il porte les aliments » de la bouche à l’estomac ; voir Cuvier, Anatomie comparée XXe leçon, p. 306, 1er édit. — N’ont pas non plus d’œsophage. C’est peut-être trop dire ; mais dans les poissons, l’œsophage se distingue à peine de l’estomac ; et en essayant de les décrire tous deux, Cuvier est obligé de les confondre, loc. cit.. p. 416. La partie du canal alimentaire qui répond à l’œsophage est presque toujours très courte, parce qu’il y a très peu de distance entre l’arrière-bouche et la cavité abdominale.
  31. Il n’est pas de nécessité absolue… L’exemple des poissons le prouve bien. — L’estomac peut venir immédiatement. Même remarque. — Ce n’est pas possible pour le poumon. Le poumon est toujours placé, quand il y en a un, assez loin de la bouche, sans doute pour que l’air extérieur ait le temps de se mettre en équilibre de température avec la substance même du poumon. — Par les artères. Il serait plus exact de dire : « Par la trachée-artère ». — Ce conduit. Celui des bronches, la trachée-artère se séparant pour aller à l’un et à l’autre poumon.
  32. L’organe indispensable à la respiration. Cet organe comprend le larynx, la trachée-artère, placée immédiatement au-dessous et se prolongeant dans la poitrine jusqu’à la troisième vertèbre dorsale, où elle se bifurque en bronches. La bronche droite est plus courte, voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIe leçon, p. 307, 1re édit. — Entre la bouche et l’estomac. La fonction même de l’œsophage exige absolument cette position intermédiaire. — Charnu. Ce n’est pas précisément la nature de l’œsophage ; les tuniques qui le forment et le revêtent sont nombreuses et diverses ; elles se rapprochent de l’organisation de la peau plutôt que de la chair ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXe leçon, pp. 352 et suiv. — La tension d’un nerf. Ou : D’un muscle. — Il est charnu. La suite de la phrase explique dans quel sens il faut entendre le mot de Charnu. — En étant trop dur. L’explication est exacte.
  33. Le pharynx et l’artère. En réunissant ainsi le pharynx et la trachée-artère, l’auteur confond évidemment le larynx et le pharynx, bien que les fonctions soient fort différentes. Le pharynx, organe principal de la déglutition, est muscuto-membraneux, ainsi que l’œsophage, qui en est la continuation. La trachée-artère est plutôt cartilagineuse, dans toute sa longueur. — À la respiration…. à la voix. L’erreur continue, et elle devient de plus en plus manifeste. — Lisse et avoir de la solidité. Ceci s’applique très bien au larynx, situé entre l’arrière-bouche et la trachée-artère ; c’est dans le larynx que se forme la voix, chez l’homme et chez les animaux. Il est composé de quatre cartilages, d’une lame fibreuse, de l’épiglotte et de différents muscles. Il est séparé de l’épine dorsale par le pharynx. — L’artère. Par ce mot, c’est évidemment le larynx qui est désigné ; mais j’ai dû rester fidèle à l’expression même du texte, bien qu’elle soit incorrecte. — Bien qu’elle puisse… Il faudrait bien plutôt : « Afin qu’elle puisse » ; mais ici j’ai dû suivre le texte. — Dans l’artère. C’est toujours du larynx qu’il s’agit, comme le prouve, du reste, le détail même que donne l’auteur. — Des douleurs et des toux… Il n’est personne qui n’ait éprouvé de ces accidents.
  34. Que c’est par l’artère… Il est évident que c’est là une erreur, et les raisons qu’en donne Aristote sont les vraies ; mais ce n’est pas une moindre erreur de confondre le pharynx avec le larynx. — Car il n’y a pas de canal… Il est certain qu’il n’y a pas de vaisseau qui fasse communiquer le poumon et l’estomac ; mais on ne voit pas assez nettement la conséquence que l’auteur prétend tirer de ce fait ; l’argument n’est pas présenté clairement. — L’œsophage partir de la bouche. C’est bien en effet la position de l’œsophage ; mais ceci ne sert pas davantage à la démonstration que l’auteur poursuit.
  35. . Les vomissements… Il faut remarquer l’emploi que fait ici Aristote de ces observations, qui sont fréquentes, et qui sont décisives. — L’organe. Le texte dit positivement : Le lieu. — Ce n’est pas dans la vessie. Le fait est exact ; mais la vessie est anatomiquement si loin de l’estomac qu’on ne comprend pas bien comment la méprise avait pu être commise. — Une couleur de lie de vin. Ceci dépend surtout de la qualité des aliments ingérés. — Dans les blessures du ventre. Ici encore, la pensée n’est pas assez développée. — Trop de naïveté….. si naïfs. La répétition est dans le texte, que la traduction a dû reproduire.
  36. L’artère. Il est évident que par l’artère on doit entendre ici le larynx. — Nous venons de l’expliquer. Voir plus haut, § 4. — La nature a imaginé l’épiglotte. Le mécanisme de l’épiglotte est admirable, et Aristote n’a pas manqué de le signaler pour en faire honneur à la sagesse de la nature. L’épiglotte est une valvule cartilagineuse placée sur l’ouverture de la glotte, ou du larynx, pour en défendre l’entrée aux substances alimentaires, qui passent de la bouche dans le pharynx ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIIIe leçon, pp. 278 et suiv. Le bol alimentaire est forcé de suivre sa route et d’entrer dans l’œsophage, parce qu’il est pressé entre les fosses nasales, que lui ferme le voile du palais, et le larynx, que lui ferme l’épiglotte. — Tous les vivipares n’ont pas cet organe. Ce ne sont guère que les mammifères qui ont une épiglotte ; voir Cuvier, loc. cit., p. 279.
  37. Suppléée par le pharynx. Dans les oiseaux, il n’y a pas d’épiglotte ; chez eux le larynx s’ouvre dans l’arrière-bouche par une fente longitudinale, hérissée de papilles cartilagineuses ; voir Cuvier, loc. cit., p. 280 ; et outre ces papilles, il y a des mucosités qui servent à garantir la glotte de l’accès des corps liquides. Les reptiles n’ont qu’un rudiment d’épiglotte ; mais le pharynx ne peut jamais suppléer complètement à l’épiglotte. — Dans l’artère. Nous dirions : Dans le larynx, qui est à l’entrée de la trachée-artère. — Ainsi que nous venons de le dire. Voir plus haut, § 6.
  38. Ce mouvement du larynx. Le texte dit toujours : De l’artère. J’ai cru pouvoir substituer quelquefois le larynx à l’artère, parce que c’est surtout à la hauteur du larynx que se marque la direction des aliments vers l’œsophage ; la trachée-artère proprement dite ne vient qu’un peu plus bas. — Si admirablement combiné. La science ne peut que partager ce sentiment du philosophe grec. — Le long de l’artère. Pour se diriger à l’œsophage, derrière la trachée-artère. — Bien rarement. Observation très exacte d’un mécanisme qui est tout instinctif, et qui ne dépend pas de notre volonté, parce qu’elle se tromperait trop souvent.
  39. Dont on vient de parler. Voir plus haut, § 7. Ce sont les animaux qui ont des écailles ou des plumes. — Leur chair est sèche. Cette explication est bien vague, et peut ne pas paraître très satisfaisante. — Assez de mobilité. Et de souplesse. — Les animaux couverts de poils. Et en général, les mammifères.
  40. Telles sont les raisons. On peut ne pas accepter les raisons que donne Aristote ; mais on doit rendre pleine justice aux efforts ingénieux qu’il fait ici, comme toujours, pour pénétrer le secret de la nature. — En imaginant l’épiglotte. Voir la même expression plus haut, § 7.
  41. Au pharynx. On voit sans peine qu’il s’agit ici du larynx et non du pharynx ; voir la même confusion un peu plus haut, § 4. Le pharynx est le commencement de l’œsophage, comme le larynx est le commencement de la trachée-artère. — En avant de l’œsophage. Anatomiquement, la trachée-artère est en avant de l’œsophage, qui est plus rapproché de la colonne vertébrale ; mais c’est le larynx, et non le pharynx, comme le dit Aristote. — En effet, le cœur. On ne voit pas bien comment ces considérations sur la position du cœur sont en rapport avec le sujet. La pensée de l’auteur semble se réduire à ceci que, de même que le cœur est placé sur le devant de la poitrine et au milieu, de même le larynx, qu’il appelle pharynx, est placé en avant de l’œsophage. — La source de la vie, de tout mouvement… Sur ces fonctions essentielles attribuées au cœur, voir les Opuscules psychologiques, Traité du Sommeil, ch. II, § 10, p. 158 de ma traduction, Traité de la Jeunesse, ch. III, § 7, p. 321, ch. IV, § 3, p. 323, Traité du Mouvement, ch. X, § 3, p. 272, et ch. XI, § 5, p. 277. Voir aussi, le Traité de l’Ame, passim. — La sensation et le mouvement… le devant. Ces généralités ne sont pas très exactes, puisque, si la vue porte en avant, l’ouïe a une action circulaire, et que, si le mouvement est plus naturel en avant, il n’est pas non plus impossible en arrière. — L’artère et le pharynx. Ici comme plus haut c’est le larynx qu’il faudrait dire, puisqu’on le joint à la trachée-artère. — Le pharynx et l’artère se rendent au poumon. Le pharynx n’a aucun rapport avec le poumon, et il ne communique qu’avec l’estomac par l’œsophage. — On peut dire. Toute cette pensée peut paraître bien subtile, quoiqu’elle ne soit pas fausse. Comme on doit s’étonner qu’Aristote ait pu confondre deux choses aussi distinctes que le pharynx et le larynx, il est possible que la faute en soit aux copistes plutôt qu’à lui ; comme les deux mots sont fort rapprochés l’un de l’autre, l’erreur a pu être facile ; et une fois commise, elle aura persisté. Je donne d’ailleurs cette conjecture pour ce qu’elle vaut ; et en supposant même qu’Aristote ait commis lui aussi cette erreur anatomique, ce ne serait au fond qu’une simple méprise de mots, puisqu’il a soigneusement distingué dans son anatomie l’œsophage de la trachée-artère.
  42. Du cou. Voir plus haut ch. III, § 1. Il faut remarquer qu’Aristote suit ici avec la plus grande exactitude la marche qu’il s’est tracée lui-même. — Des viscères. C’est le terme le général pour désigner les organes intérieurs, tant de la cavité thoracique que de la cavité abdominale. — Que dans les animaux qui ont du sang. C’est une erreur ; et les insectes ont des viscères dans l’abdomen, notamment les organes sexuels et les ovaires. Seulement ces viscères sont très petits ; mais Démocrite avait raison ; et si l’on ne voit pas les viscères des insectes, c’est uniquement à cause de leur ténuité, et non point parce qu’ils n’en ont pas. On doute même encore aujourd’hui que le cordon dorsal des insectes leur tienne lieu de cœur. Cuvier soutenait la négative ; d’autres anatomistes soutenaient le contraire ; mais personne ne doute que les insectes n’aient des viscères analogues à ceux des animaux qui ont du sang. — Démocrite. Voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, pp. LXI et suiv.
  43. Après la constitution. Cette indication est peut-être un peu vague ; et elle paraît se rapporter surtout aux œufs d’oiseaux. — Que de trois jours. Ce n’est donc pas immédiatement, mais après quelque temps déjà que le phénomène est distinct. Si l’on prend la poule pour exemple, trois jours sont le septième de l’incubation totale, qui est de vingt et un jours. — Dans les fœtus. Il aurait fallu dire à quelle espèce d’animal et d’oiseau on faisait allusion ; c’est sans doute encore à des œufs de poule. — Les parties extérieures… les parties internes. C’est la grande division qu’Aristote a toujours suivie pour ses descriptions dans l’Histoire des Animaux ; toujours il a passé du dehors au dedans, c’est-à-dire du plus connu au moins connu.
  44. Particuliers aux animaux qui ont du sang. C’est le principe posé un peu plus haut, au § 1. — Se compose de matière sanguine. C’est la traduction exacte du texte ; mais la pensée n’est pas assez claire. — Sur les nouveau-nés. Il ne semble pas que ceci s’adresse exclusivement à l’espèce humaine, et aux enfants nouveau-nés ; l’observation est plus générale ; et c’est sans doute encore des poussins qu’il s’agit plus particulièrement. Il est bien possible que toute cette phrase soit une interpolation. — Antérieurement. Peut-être ceci se rapporte à ce qui a été dit plus haut, liv. II, ch. VI, § 4, sur le sang des embryons, et sur la nature toute sanguine de leurs viscères.
  45. Le sang est nécessaire. Voir sur le sang et ses fonctions diverses, l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, p. 291 de ma traduction — Une seule origine pour les veines. Voir les théories d’Aristote sur le système veineux dans l’homme, Histoire des Animaux, livre III, ch. III et IV. pp. 227 et suiv. Selon sa théorie et ses observations anatomiques, il fait partir toutes les veines du cœur. — Une seule origine vaut mieux. Ce principe est bien vague ; mais ici il est d’une application assez exacte ; l’unité du système veineux dans l’animal serait détruite si les veines partaient de centres différents ; venant toutes du cœur, elles assurent bien mieux la vie organique de l’animal. — C’est le cœur. Voir le chapitre précédent, § 12. — La nature du cœur est veineuse. Ceci n’est pas exact ; et le cœur est un muscle bien plutôt que tout autre chose.
  46. . La place qui convient à un principe. Cette théorie est trop subtile sans cependant être fausse ; mais elle résulte des théories plus générales d’Aristote sur la sagesse de la nature. Voir la description du cœur et sa position dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, pag. 281 et suiv. de ma traduction. — Vers le centre du corps. Le cœur est plutôt placé dans la partie supérieure du corps. Le centre serait plus bas.
  47. Chez l’homme. Il est tout simple qu’Aristote prenne ici l’homme pour type, comme il l’a fait dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VI, § 12, p. 41 de ma traduction. — Dans le centre. Voir le § précédent. — Qui est indispensable. Ce n’est pas la seule partie du corps qui soit indispensable à la vie ; mais celle-là peut sembler l’être plus que toutes les autres. — Les membres ne sont pas absolument nécessaires. Le fait est exact, et la raison qu’en donne l’auteur est péremptoire ; l’animal peut vivre sans ses membres, bien qu’alors il soit mutilé.
  48. Le principe des veines est dans la tête. Ce système est attribué à Syennésis de Chypre, Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, p. 218 de ma traduction. — Dans un lieu froid. Selon les théories Aristotéliques, le cerveau est essentiellement froid. Voir plus haut, livre II, ch. I ; et ch. II, § 5, et surtout ch. VII, § 5. — La région du cœur est tout le contraire. C’est dans le cœur qu’Aristote met le foyer de la chaleur animale. — Ainsi qu’on l’a dit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, §§ 2 et 3, p. 228 de ma traduction. — Qui traverse le cœur. Ceci est très exact ; tous les vaisseaux partent du cœur ou y aboutissent ; mais aucun ne le traverse ; et c’est de ce fait qu’Aristote a conclu que tous les vaisseaux partent du cœur, veines ou artères. — Une partie des veines. C’est l’expression même du texte ; mais cela ne se comprend pas bien. — Le centre du cœur. On pourrait traduire aussi : « Le corps du cœur qui est placé au milieu est naturellement épais et creux. » La différence est légère.
  49. Le seul à avoir du sang. Voir les mêmes théories dans l’Histoire des Animaux, livre I, ch. XIV § 8, p. 88 de ma traduction. — Sans avoir de veines. D’une manière générale, ceci est vrai, parce que les artères et les veines, ou empruntent le sang au cœur, ou le lui rapportent ; il est, comme le dit Aristote : « Le réceptacle commun ». — Pour se précipiter dans les veines. Il faut dire : « dans les artères »; mais du temps d’Aristote on ne distinguait pas encore les artères et les veines. — Le sang ne vient d’aucune autre partie. C’est le contraire qui est exact. Le sang revient des extrémités au cœur par les veines, de même qu’il va du cœur aux extrémités par les artères ; mais ce n’est qu’au XVIIe siècle et par les travaux d’Harvey qu’on a enfin connu la vraie circulation du sang.
  50. . Par l’Anatomie. Ceci peut s’entendre à la fois des dessins d’anatomie qu’Aristote joignait à ses descriptions, ou des dissections qui en étaient la base. — Les naissances des animaux. C’est la traduction exacte du texte ; et l’expression est claire, bien qu’elle soit un peu étrange. La suite de la phrase l’explique de reste. — C’est du cœur… Cette théorie est fort contestable, en ce sens que ce n’est pas du cœur que partent les émotions ; mais il y participe pour sa part. — De toutes les sensations. Voir plus haut, ch. III, § 12, la note sur les ouvrages où Aristote a soutenu cette théorie. Voir les Opuscules psychologiques, Traité du Sommeil et de la Veille, et Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse. — Merveilleusement arrangées. Nouvel hommage à la sagesse de la nature.
  51. De sang….. lui-même ne l’est pas non plus. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIV, § 2, p. 203 de ma traduction. — Il est clair. Cette conséquence n’est pas aussi évidente que l’auteur semble le croire. — Comme le ferait un vase. La comparaison n’est pas très exacte, puisque le cœur ne garde pas le sang, qui ne fait que le traverser. — La raison… l’observation sensible. Voilà les deux conditions de l’excellente méthode qu’Aristote a toujours suivie et qui est la vraie. — La première partie que l’on voit se mouvoir. Voir la même théorie, presque avec les mêmes expressions, dans le Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, ch. III, § 1, p. 318 de ma traduction ; dans ce dernier passage, l’auteur cite le Traité des Parties.
  52. . Tous les animaux qui ont du sang ont un cœur. Cette généralité n’est peut-être pas absolument exacte, du moins dans les théories d’Aristote. Les mollusques, céphalopodes ou gastéropodes ou acéphales, et les crustacés, qu’il classe parmi les animaux exsangues, ont cependant un cœur ; les insectes et les zoophytes n’en ont pas, à moins qu’on ne prenne pour un cœur leur vaisseau dorsal.
  53. . Le foie. Aristote a raison de donner une place secondaire au foie, malgré le rôle important qu’il remplit dans l’organisme entier de l’animal ; celui du cœur est plus essentiel. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 1 et suiv., 1ere édit. — Non plus que le principe du sang. Le foie verse seulement dans l’intestin la bile, qu’il sécrète du sang veineux ; et il contribue à l’action générale sans la constituer, comme le sang peut le faire. — Sa position. Le foie est la plus grosse des glandes conglomérées ; il est situé en grande partie dans l’hypocondre droit ; il s’étend dans la région ombilicale, et il se prolonge quelquefois jusqu’à l’hypocondre gauche ; il s’adapte par sa concavité supérieure à la concavité du diaphragme ; sa face inférieure repose à gauche sur l’estomac, et à droite sur le rein de ce côté. Voir Cuvier, loc. cit. p. 7. — La rate est en quelque sorte le pendant du foie. On ne sait pas encore au juste quelle est la fonction de la rate, bien qu’elle existe dans tous les animaux vertébrés ; elle occupe l’hypocondre droit. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, article 5, tome IV, p. 56, 1re édit. — Le réceptacle du sang. On sait que le foie, à l’exception de tous les autres viscères, est surtout alimenté par du sang veineux. Aristote ne pouvait pas faire cette distinction ; mais on pourrait dire que son génie la devinait. — Pas une veine ne part de lui. Le fait est anatomiquement fort exact. Le sang qui alimente le foie a déjà circulé puisqu’il est veineux, et il n’est pas retourné au cœur ; voir Cuvier, loc. cit., p. 1.
  54. Le cœur est nécessairement le principe du sang. La théorie générale est juste, bien que les arguments ne le soient pas également. C’est bien le cœur, et le cœur seul, qu’on doit considérer comme le principe du sang, qu’il fait circuler dans le corps entier. — C’est la sensibilité. La plante se nourrit ; l’animal se nourrit et sent ; l’homme se nourrit, sent et pense ; voir le Traité de l’Ame, passim. C’est la sensation qui constitue réellement l’animal et la vie. — Son extrémité est pointue. Voir dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, consacré tout entier au cœur, p. 83 de ma traduction. — Placé dans la poitrine. Au-dessus du diaphragme, tandis que le foie et la rate sont placés au-dessous, dans la cavité abdominale. — Dans la partie antérieure. C’est exact, quoique cette position du cœur n’ait peut-être pas la destination qu’Aristote lui assigne.
  55. La partie la moins charnue. Ceci n’est pas exact, si l’on regarde, par exemple, l’organisation de la femme. — Il incline un peu à gauche. L’observation est vraie ; mais le motif ne l’est pas sans doute également. Le cœur n’est pas situé dans les autres mammifères tout à fait de même que chez l’homme ; à cause de leur marche horizontale, chez la plupart, le cœur est placé sur la ligne médiane du corps, dans une situation presque droite d’avant en arrière, et à une certaine distance du diaphragme. — La partie gauche la plus froide. L’auteur aurait bien dû nous apprendre comment il avait pu constater ce fait. Je ne crois pas que la science moderne ait fait des recherches particulières sur ce point.
  56. Antérieurement. Ceci se rapporte à l’Histoire des Animaux, livre II, ch. XII, § 3, p. 177 de ma traduction. La différence de position du cœur chez les poissons n’est au fond qu’une apparence, et elle tient surtout à la forme générale de leur corps. — Est le devant. De sorte que, même chez les poissons, le cœur a sa pointe dirigée vers le devant. Voir le Traité de la Respiration, chap. XVII, § 3, p. 394 de ma traduction ; voir aussi Cuvier, Anatomie comparée, XXIVe leçon, p. 226, 1ere édition.
  57. Une multitude de nerfs. Il faut se rappeler que l’anatomie du temps d’Aristote n’avait pas encore distingué les nerfs et les muscles. Le cœur est un muscle creux, ayant, selon les espèces d’animaux qui ont un cœur, de deux à quatre cavités. Les nerfs qui vont au cœur viennent pour la plupart du grand sympathique ou du trisplanchnique. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, page 184, 1re édit. — Par l’adduction et la détente. Ce sont les deux mouvements de systole et de diastole, de contraction et de dilatation. L’oreillette droite, recevant le sang veineux par la veine cave supérieure, le chasse en se contractant dans le ventricule droit. Ce ventricule le chasse à son tour dans l’artère pulmonaire ; les veines pulmonaires ramènent le sang dans l’oreillette gauche et dans le ventricule gauche, d’où il passe dans le reste du corps par l’aorte. — Antérieurement. Le passage auquel il est fait allusion ici ne se retrouve, je crois, dans aucun des grands ouvrages d’Aristote que nous possédons aujourd’hui. Mais, dans le petit Traité du Mouvement dans les animaux, ch. II, § 5, p. 277 de ma traduction, il a comparé le cœur à un animal dans un animal. Cette comparaison, aussi juste qu’ingénieuse, a été appliquée aussi par lui aux parties génitales chez l’homme. Ibid., § 1. On voit que cette comparaison, qui a été répétée plus tard par bien d’autres, appartient à Aristote. — Sauf les chevaux… Ce sont toujours des exceptions fort rares ; et je ne sais pas si la science moderne en a constaté beaucoup. — Une sorte de soutien. Le cœur est organisé de façon à n’avoir aucun besoin de cet appui, qui gênerait les mouvements dont il est chargé. — Dans tout le reste de leur corps. L’organisation de tout le reste du corps est absolument différente de celle du cœur.
  58. Ont trois cavités… déjà expliqué. Voir la description du cœur dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, p. 83 de ma traduction. Aristote n’a jamais reconnu que trois cavités au cœur ; mais il est vrai que les oreillettes et les ventricules ne sont pas tellement distincts qu’on ne puisse les méconnaître ; et sans doute Aristote, tout en disséquant avec le plus grand soin, aura confondu l’oreillette et le ventricule d’un même côté. — Nous avons démontré déjà. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. § 5, pages 86 et suiv. de ma traduction. — La grande veine. C’est la veine cave supérieure. — Nous aurons à revenir plus tard. Voir plus loin ch. V, §§ 1 et suiv. — D’un sang qui est de deux natures. Ce passage prouve évidemment qu’Aristote et les Anciens, sans connaître précisément la circulation vraie du sang, avaient distingué cependant les deux espèces de sang, très probablement à cause de la couleur, l’un qui était dans la veine cave ; c’était le sang veineux ; l’autre, qui était dans l’aorte ; c’était le sang artériel. — Et qui se sépare. Quelques pas de plus, et l’Antiquité aurait fait la découverte, qui a été réservée au XVIIe siècle et à Harvey.
  59. . Dans tous les cas. On pourrait traduire aussi. « Dans tous les animaux » ; mais l’expression du texte est aussi générale que celle dont je me suis servi pour la rendre en notre langue. — Sont également de grande dimension. Et alors, l’observation est plus facile et plus sûre. On conçoit bien, en l’absence du microscope, ces recommandations réitérées d’Aristote. — Un seul principe commun. Ceci ne se comprend pas bien, à moins qu’on ne suppose qu’une des trois cavités doit être le centre des deux autres ; ce qui ne semble pas être le cas pour le cœur. — Le milieu et l’impair. Ceci encore est bien vague. — Les cavités de droite. C’est l’oreillette et le ventricule de droite. — Et le sang le plus chaud. Il est difficile de dire comment cette différence de température avait pu être constatée ; voir plus haut, § 13. — Les cavités gauches. Il semble donc qu’Aristote reconnaissait deux cavités à gauche aussi bien qu’à droite ; et alors il aurait dû donner quatre cavités au cœur, au lieu de trois.
  60. . Le sang le plus pur. Le sang le plus pur serait le sang artériel, puisque la combustion qui a lieu dans le poumon par le contact de l’oxygène, l’a purifié de tous les éléments étrangers qu’il a pu charrier dans le parcours du corps — Une division d’un certain genre. Le cœur est dans sa totalité composé en quelque sorte de deux cœurs apposés l’un à l’autre, le cœur droit et le cœur gauche ; c’est sans doute ce qu’Aristote aura voulu dire ; mais c’est aller trop loin que de parler de sutures ; et il le sent lui-même en apportant certaines réserves à cette théorie. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIVe lec, p. 196, 1ere édition.
  61. . Les cœurs des animaux très sensibles. Ces distinctions sont bien difficiles à établir. — Ceux des cochons. Il ne paraît pas que le cœur des cochons ait de si grandes différences avec celui des autres mammifères ; voir Cuvier, loc. cit. pp. 205, 207, 209 et 211, 1e édit. — Les différences du cœur… sur le caractère de l’animal. Ces considérations sont fort ingénieuses ; et il est bien probable qu’il y a en effet des relations réelles entre l’organisation du cœur et le moral des animaux ; mais il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de les constater. Les rapports du physique et du moral sont certains ; mais Descartes, aussi bien que Cabanis, n’ont pu les fixer précisément, et il est probable qu’ils échapperont toujours aux observateurs même les plus attentifs. — Dans ces gros organes des animaux. J’ai ajouté l’épithète ; le texte n’est pas aussi précis. — Dans les grands animaux. Peut-être vaudrait-il mieux dire : « Dans les gros cœurs » ; le texte est tout à fait indéterminé.
  62. . Le lièvre, le cerf… Ce sont certainement des animaux timides ; mais il n’est pas constaté qu’ils aient des cœurs proportionnellement plus gros. — Le chat. Il est difficile de comprendre le chat parmi les animaux lâches. — Malfaisants que par peur. Ce serait à prouver. — Sont également froides. Par quelles expériences ou quelles observations Aristote avait-il pu arriver à ces conclusions ? — De même que, dans une petite… chambre. La comparaison n’est pas exacte, parce que, si l’on peut constater le degré précis de chaleur dans une chambre, on ne peut pas également le faire dans le cœur des animaux.
  63. Les mouvements de choses étrangères. Le texte dit précisément : « Les mouvements étrangers ». Il est probable que l’auteur veut désigner par là des mouvements qui ne viennent pas de l’animal lui-même, et qui lui sont communiqués du dehors. — Il y a plus d’air… Ceci encore est assez obscur. — Ne sont jamais chargés de graisse. Je ne sais pas si la science moderne a confirmé ces observations, qui sont tout au moins très curieuses. — Qui sont gras. J’ai ajouté ces mots pour plus de clarté ; le texte dit simplement : « Qui sont de cette façon ». Il semble que cette indication ne peut se rapporter qu’aux animaux qui viennent d’être désignés, comme chargés de chair et de graisse.
  64. . La moindre lésion sérieuse. Il faut sans doute entendre par là une blessure quelconque, bien que le texte ne le dise pas clairement ; mais le cœur n’en a pas moins ses maladies, comme tous les autres organes ; et ces maladies peuvent durer fort longtemps ; Aristote ne pouvait l’ignorer. — De lésion d’aucun genre. La preuve qu’Aristote essaie de donner de cette assertion n’est pas décisive ; et il est bien probable qu’en observant de plus près le cœur des victimes, on y aurait souvent découvert des lésions de diverses sortes. — Comme le sont les autres viscères. Le cœur a ses maladies spéciales comme les autres viscères ont les leurs, des hypertrophies, des inflammations, etc. Mais quoi qu’il en soit, on doit louer Aristote d’avoir porté ses investigations, même insuffisantes, sur les victimes, qui, dans l’Antiquité, étaient l’occasion d’observations nombreuses et faciles. — Ainsi, les reins… Tous ces détails sont exacts ; mais le cœur n’est pas exempt de toutes ces affections. — Près de l’artère. Aristote entend par là la trachée-artère exclusivement ; mais la trachée-artère est encore assez éloignée du poumon, avec lequel elle ne communique que par ses deux branches, les bronches. — De sa jonction avec la grande veine. Ordinairement, la grande veine pour Aristote est la veine cave supérieure ; le foie en est fort éloigné, puisqu’il est au-dessous du diaphragme et que la veine cave est au-dessus. Un sillon que présente le foie à sa partie moyenne et postérieure renferme le tronc de la veine-porte, celui des artères hépatiques et des canaux biliaires. — Communiquent… avec le cœur. Il n’y a pas de communication du foie avec le poumon ; et le cœur lui-même ne communique que très indirectement avec le poumon, si toutefois on peut dire même qu’il communique ; voir la même erreur dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III, § 6, p. 230 de ma traduction. — Quand on les dissèque. Le texte ne peut avoir un autre sens ; et ceci est une preuve de plus à joindre à tant d’autres pour affirmer qu’Aristote a beaucoup disséqué, et qu’il a étudié les viscères des animaux avec autant de soin que nous, si ce n’est avec autant de succès.
  65. C’est de traiter des veines. Il faut voir les théories anatomiques d’Aristote sur le système veineux, dans l’Histoire des Animaux, livre III, ch. III et IV, pp. 227 et suiv. de ma traduction. — De la grande veine et de l’aorte. La grande veine ne peut être que la veine-cave inférieure et supérieure, apportant le sang au ventricule droit par l’oreillette droite. Le diamètre de la veine-cave inférieure est plus grand que celui de la veine-cave supérieure. — Reçoivent… le sang du cœur. Ceci est vrai pour les artères qui reçoivent le sang du cœur par l’aorte ; mais les veines, au contraire, apportent le sang au cœur, qui les reçoit d’elles par l’oreillette droite. — Que des ramifications de celles-là. Cette généralité est exacte.
  66. Nous avons déjà dit. Voir plus haut, liv. II, ch. II, §§ 4 et 5, ch. III, §§ 10 et 12. Voir aussi l’Histoire des Animaux, livre III, ch. II, § 1, et le ch. III, où Aristote expose ses idées personnelles sur le système vasculaire, après avoir réfuté les théories de ses devanciers. — Qui, partant d’une origine unique. On sait que c’est une erreur, et il est difficile de comprendre comment Aristote a pu donner aux vaisseaux qui contiennent le sang une origine unique ; la veine-cave et l’aorte se rapportent toutes deux au cœur sans doute ; mais elles ne tiennent pas l’une à l’autre, et il est clair que leur origine n’est pas la même. Dans cette multiplicité de vaisseaux qui se rendent au cœur ou qui en sortent, il est tout simple que les premières observations n’aient point été fort exactes. — C’est que tous les êtres. Cet argument est plus métaphysique que zoologique, et il n’explique pas les faits. — Qui puisse avoir primitivement cette âme. C’est dans le cœur qu’Aristote place le siège de l’âme, avec plus de raison peut-être qu’on ne l’a placé plus tard ailleurs. — En puissance et en acte… uniquement en acte. — Ces distinctions ne se comprennent pas bien ; et je ne trouve rien dans la théorie psychologique d’Aristote qui les justifie.
  67. . Le principe de la chaleur… On peut bien placer le principe de la chaleur dans le cœur, à cause du mouvement que le cœur communique à tout l’organisme ; mais la chaleur vient bien plutôt du poumon, où se fait une sorte de combustion par le contact du sang avec l’oxygène de l’air, amené par les bronches. — Le principe de la sensibilité. Il est bien difficile de rapporter au cœur le principe de la sensibilité, après celui de la chaleur ; car sans parler des découvertes de la science moderne, il paraît bien que l’instinct seul suffit pour nous faire croire que toutes nos sensations se rapportent à la tête et à l’encéphale, bien plutôt qu’au cœur. Il est à remarquer que cette théorie, qui aurait dû être placée, ce semble, dans le Traité de l’Ame ne s’y trouve pas ; mais elle est dans les Opuscules psychologiques, Traité du Sommeil, ch. II, § 10, p. 158 de ma traduction ; traité de la Jeunesse, ch. III, § 7, p. 321, et Traité du Mouvement dans les animaux, ch. XI, § 5, p. 277.
  68. S’il y a deux veines… Cet argument n’est pas plus acceptable que quelques-uns des précédents. — Le corps est formé de deux parties. Ce fait est de toute évidence ; mais pour que le rapprochement fait ici eût quelque exactitude, il aurait fallu que les deux veines correspondissent aux deux parties dont le corps se compose, et cela n’est pas. — Autant la grande veine est plus importante. On ne peut pas dire que la veine-cave supérieure soit plus importante que l’aorte ; elles le sont toutes les deux également. — Celle-là est dans la région du devant. C’est à peine si l’on peut dire anatomiquement que la veine-cave supérieure soit au-devant de l’aorte ; elles sont à peu près sur le même niveau, la veine-cave venant à l’oreillette droite, et l’aorte sortant du ventricule gauche. — Tous les animaux qui ont du sang… Ces détails anatomiques sont peu exacts ; mais ils prouvent du moins qu’Aristote avait fait de grands efforts pour s’expliquer l’organisation réelle de tout le système vasculaire chez les animaux.
  69. La matière de tout le corps c’est le sang. Cette généralité est exacte, en ce sens que le sang est le fluide nourricier. — Ou ce qui correspond au sang. C’est encore la formule que doit adopter la science moderne. — Vont dans la veine. L’Antiquité, au temps d’Aristote, ne distinguait pas les artères et les veines.
  70. Les recherches sur la Génération. Voir le traité spécial qui porte ce nom, liv. I, ch. IV, § 2. Mais dans ce dernier passage, l’auteur renvoie la discussion qu’il annonce à un traité sur la Croissance et la Nutrition, qu’il se proposait de faire, et qui n’est pas parvenu jusqu’à nous, si d’ailleurs il a été réellement composé. Cette partie des théories zoologiques d’Aristote nous manque ; et cette lacune est fort regrettable, quoiqu’on trouve dans le Traité de la Génération beaucoup de détails épars sur l’action des aliments. — Ainsi que nous l’avons déjà dit. Dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, p. 282 de ma traduction et passim.
  71. C’est ainsi que, dans les jardins. La comparaison se présente tout naturellement à l’esprit ; mais il faut remarquer cette forme de style dans Aristote, parce qu’elle lui est peu habituelle. — Des conduites d’eau. Il paraît d’après ce passage que la pratique des irrigations était déjà poussée assez loin chez les Grecs. — A canalisé le sang. J’ai cru pouvoir adopter cette expression qui répond bien à celle dont le texte se sert. Du reste, il semble qu’ici les maisons n’ont rien à faire, et qu’il devrait s’agir seulement de la construction des caniveaux.
  72. D’une excessive maigreur. Voir des idées analogues dans l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. II, § 3, p. 217 de ma traduction. — Sur les feuilles desséchées. L’exemple est bien choisi, quoique les ramifications des vaisseaux sanguins soient bien visibles directement sur le corps humain. — Des nervures. Le texte dit : « Des veines ». — Dans les irrigations… L’auteur revient à la comparaison qu’il a faite dans le paragraphe précédent. — Deviennent effectivement des chairs. Ou plutôt : « Disparaissent dans les chairs ». — En puissance. Et en fait aussi, puisqu’elles charrient toujours du sang, quelque ténues qu’elles soient.
  73. On n’aperçoit pas de veines. Si on ne les voit pas, c’est uniquement à cause de la ténuité. Ces veinules échappaient à la vue des Anciens ; mais elles n’échappent plus à nos microscopes. — De même que, dans les irrigations. Ici la comparaison cesse d’être juste. — Vont toujours en se rapetissant. C’est là uniquement ce qui empêche de les voir. — La sueur. Physiologiquement, l’explication n’est pas exacte. La sueur n’est pas excrétée par les veines ; mais ce sont des glandes particulières qui produisent le liquide dont la sueur est composée ; ces glandes sont réparties dans tout le corps, et sur toute la surface de la peau. L’organisation de ces glandes est fort compliquée, et elle n’a été étudiée qu’assez récemment.
  74. Une excrétion sanguine. Le fait est certain, bien qu’il soit assez rare. — Le sang se convertissant en eau. Cette altération du sang est très fréquente dans les maladies. — Pour pouvoir le mûrir. C’est-à-dire pour lui donner toutes les qualités qui constituent vraiment le sang. — Composé de terre et d’eau. Ce sont les éléments que les Anciens supposaient dans le sang ; aujourd’hui on sait que la plus grande partie du sang est de l’eau ; mais il contient aussi d’autres matières, albumine, fibrine, globules, et quelques substances diverses. Du reste, il fallait tous les progrès de l’analyse chimique pour que l’on connût la composition du sang. — Ne sont qu’un mélange des deux. C’est vrai pour la partie d’eau que le sang contient ; mais c’est faux pour le reste, par la raison qu’à l’époque d’Aristote la chimie n’était pas née, ni même près de naître, quoiqu’on eût déjà fait beaucoup d’observations sur l’action réciproque des corps les uns à l’égard des autres.
  75. De la quantité excessive de nourriture. Cette observation est d’une grande justesse ; et il est certain que la quantité des aliments s’oppose à une bonne digestion, plus encore que leur mauvaise qualité. — Également susceptible de coction. Cette seconde observation n’est pas moins juste que la précédente. Sous une forme qui n’est plus la nôtre, cela revient à dire que tous les aliments ne sont pas également digestifs. — Dans les canaux les plus larges. Ceci est vrai ; mais ce n’est pas applicable au nez, qui n’est pas un canal naturel pour le sang. Les saignements de nez ne viennent que d’une rupture de quelque vaisseau intérieur ; les fosses nasales n’y sont pour rien, et elles ne servent qu’à la sortie du liquide. — Par la bouche. Même remarque que pour le nez ; les hémoptysies ne viennent pas de la bouche ; elles viennent de beaucoup plus loin, et de quelque membrane du poumon, qui est enflammée par une cause quelconque.
  76. La grande veine et l’aorte, divisées… se rejoignent.. Tout ce passage est rempli d’erreurs évidentes. L’aorte ne se réunit à aucune veine ni à aucune autre artère, puisqu’elle est l’origine commune de toutes les artères du corps ; elle part du ventricule gauche, et après être remontée un peu au-dessus du cœur, elle redescend pour se séparer en deux branches, les artères iliaques primitives ; elle se termine à l’artère sacrée moyenne, avant sa bifurcation. — Elles se partagent. C’est la bifurcation de l’aorte seule ; la grande veine n’a rien à faire ici ; et surtout elle ne se réunit pas à l’aorte. — L’une va de devant en arrière ; et l’autre, au contraire. Tous ces détails anatomiques sont inexacts ; mais si Aristote n’a pas bien vu les choses, il n’en est pas moins certain qu’il a essayé de les voir à l’aide de dissections attentives. — Elles se réunissent en une seule. Je ne saurais dire à quel fait réel ceci peut répondre. — Par l’enchevêtrement des veines. Les veines et les vaisseaux ne suffiraient pas pour relier les parties du corps assez fortement entre elles ; ils y contribuent sans doute ; mais les os, les cartilages, les ligaments de toute sorte y contribuent bien davantage.
  77. . Il faut recourir aux Anatomies. C’est la traduction littérale du texte. Cette désignation peut tout à la fois s’appliquer aux ouvrages spéciaux d’anatomie qu’avait faits Aristote, ou aux dessins anatomiques dont il avait accompagné ses descriptions. — À l’Histoire des Animaux. Voir sur le système veineux tel qu’Aristote le comprend l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. III et ch. IV, pp. 227 et suiv. de ma traduction. — La méthode… Ceci atteste une fois de plus toute l’importance qu’Aristote attache à la méthode. Voir la Préface à l’Histoire des Animaux, tome I, p. XLII et suiv. Aristote a tracé les véritables règles de la méthode, et il ne s’en est jamais écarté.
  78. Le poumon est indispensable…. vivre sur terre. Les poumons, étant les organes de la respiration, sont nécessaires aux animaux qui respirent l’air ambiant. Aristote n’a pas connu leur véritable fonction, qui n’a été constatée que par la découverte d’Harvey ; mais ce qu’il dit du poumon en général n’en est pas moins curieux, ni parfois moins exact. Les poissons, vivant dans l’eau, ont des branchies au lieu de poumons ; les mollusques ont, les uns des poumons, les autres des branchies ; les crustacés sont organisés à peu près de même ; les insectes respirent par des trachées et par des stigmates, placés sur les côtés de l’animal. — Un refroidissement à leur chaleur. C’est la théorie d’Aristote et de toute l’Antiquité ; mais il semble plutôt que la respiration entretient la chaleur, loin de la diminuer. — Que du dehors. Ceci est exact ; et c’est toujours l’air extérieur qui fournit à la respiration, de quelque manière qu’elle s’exerce. — Par le souffle qui leur est inné. Ceci est une erreur ; mais Aristote ne connaissait pas la respiration des insectes.
  79. . De l’eau ou de l’air. On peut dire plus exactement : De l’air seul, puisque c’est l’air qui est dans l’eau que les poissons respirent par leurs branchies. — Aucune espèce de poissons n’a de poumon. C’est exact, et l’auteur a très bien vu quel est le rôle des branchies. — Dans le Traité de la Respiration. Voir ce traité spécial, ch. XII, § 6, p. 385 de ma traduction des Opuscules psychologiques. Dans ce dernier passage, Aristote s’en réfère à l’Histoire des Animaux. Ce petit traité de la Respiration est un des plus curieux et des plus importants de toute la zoologie Aristotélique. — La baleine… le dauphin et tous les cétacés. Sur la respiration des cétacés selon Aristote, voir le Traité de la Respiration, ch. XII, p. 383 de ma traduction. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 281 et 285, édit. de 1829, et son Anatomie comparée, XXVIe leçon.
  80. Réunissent ces deux organisations. Ce sont précisément les amphibies. — Par la constitution et l’équilibre. Il n’y a qu’un mot dans le texte. Voir Cuvier, Règne animal, amphibies, t. I, p. 166 ; les amphibies contiennent deux genres, les phoques et les morses. Il est à remarquer qu’Aristote ne nomme ici aucune espèce d’amphibies. — Recevant du cœur le principe du mouvement. Ceci est exact ; et l’auteur réfute un peu plus bas l’opinion contraire. — Spongieux et très grand. C’est bien là ce qu’est le poumon dans tous les animaux qui en ont un. Il est essentiellement formé de canaux aériens, de vésicules membraneuses, de vaisseaux sanguins, et d’une membrane extérieure enveloppant le tout ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIe leçon, pp. 306 et suiv. — Le souffle y entre… l’air en sort. Cette description est exacte dans sa généralité. Voir aussi tout le Traité de la Respiration, et spécialement, ch. I, § 2, et ch. II, § 5, pp. 350 et 353 de ma traduction.
  81. On a eu tort de croire. A qui doit-on attribuer cette erreur ; Aristote ne le dit pas ; pourtant il a raison contre ceux qu’il attaque, puisqu’en réalité la fonction du poumon n’est pas de faire battre le cœur. Mais à son tour, Aristote commet une erreur non moins grande en disant que l’homme est le seul animal dont le cœur batte. — On peut dire. C’est là une atténuation de cette étrange théorie. — Le seul qui puisse ressentir… Il est bien probable que la peur produit sur le cœur de tous les animaux le même effet que sur le cœur de l’homme. On peut aisément s’en assurer pour le cœur des petits oiseaux, quand on les tient dans sa main ; leur cœur bat avec violence. — L’homme….. de l’avenir. On pourrait supposer que toute cette phrase est une interpolation ; elle interrompt le cours de la pensée, et on la supprimerait sans inconvénient. — Il est placé plus haut que lui. C’est une erreur manifeste, et il est difficile de comprendre comment on a pu la commettre. Le cœur est placé entre les deux poumons, dont une grande partie est beaucoup plus haute que lui. — De telle sorte. L’explication n’est pas plus juste que le fait.
  82. De grandes différences… Ceci est très exact. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIe leç., pp. 296, 339 et suiv. — L’ont plus grand. Ceci est exact ; et chez les mammifères, le poumon tient plus de place dans le thorax que chez les autres vertébrés. — Sec et petit. Ce détail est également assez exact. Chez les oiseaux, le poumon est relativement petit, et il ne forme qu’une seule masse, qui n’est jamais divisée en lobes ; voir Cuvier, loc. cit. p. 346. — Il peut beaucoup se distendre. Je ne sais pas si la science moderne a ratifié cette observation. La forme et le volume des poumons varient beaucoup plus dans les reptiles que dans les oiseaux et les mammifères. Dans les chéloniens, ce sont des sacs ovales, qui s’étendent le long du dos jusqu’au bassin ; voir Cuvier, loc. cit.Qu’on appelle des oiseaux. Cette forme de style n’est employée d’ordinaire par Aristote que pour des choses ou des êtres peu connus.
  83. Et semblable à de l’écume. La comparaison est assez naturelle, et elle se présente tout d’abord, bien qu’elle ne soit pas fort exacte. — N’ont pas soif. L’explication est tout au moins ingénieuse, et peut-être est-elle juste. — Rien que par le mouvement du poumon. On ne peut pas dire que le poumon ait un mouvement. — Aéré et vide. Dans le grec, ces deux adjectifs se rapportent au mouvement du poumon et non au poumon lui-même.
  84. . Les dimensions….. sont moins grandes. Il ne paraît pas que ceci soit fort exact, puisqu’il y a des tortues énormes. Il faudrait d’ailleurs savoir quels sont précisément les animaux dont Aristote entend parler ici. A la fin du paragraphe 5, il a cité les oiseaux avec les chéloniens ; les comprend-il encore dans l’expression générale dont il se sert ? — La chaleur amplifie les choses. C’est bien là en effet l’action de la chaleur ; mais on ne peut pas dire avec Aristote qu’elle rend les corps plus droits. Chez l’homme, la station droite tient à de tout autres causes que la chaleur. L’homme a en moyenne 37 degrés de chaleur dans son intérieur, tandis que les oiseaux en ont 40. C’est surtout la digestion qui cause la chaleur dans l’animal. — Ou pourvu de pieds. M. le Dr de Frantzius propose de lire Rampant, au lieu de Pourvu de pieds ; mais aucun manuscrit n’autorise ce changement. Du reste, Aristote veut dire sans doute que les vivipares n’ont pas besoin pour se réchauffer de s’enfouir dans la terre, parce qu’ils ont assez de chaleur par eux-mêmes. Ce fait pourrait être contesté.
  85. . Est fait en vue de la respiration. Le fait est très exact, quoique Aristote n’ait pas connu la fonction véritable du poumon. — Il n’a pas de sang. Au contraire, le poumon a beaucoup de sang, et Aristote dit positivement dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 7. p. 88 de ma traduction, que, de tous les viscères, c’est le poumon qui a le plus de sang ; il dit à peu près la même chose liv. III, ch. III, § 8, p. 233. Il semble donc qu’au lieu de : « Il n’a pas de sang », il faudrait dire ici : « Il a du sang », et il suffirait alors du changement d’une seule lettre pour faire cette variante ; mais aucun manuscrit ne l’autorise. Il est bien possible d’ailleurs que l’opinion d’Aristote sur l’organisation du poumon ait varié d’un ouvrage à l’autre. — Pour certaines classes d’animaux. En effet, tous les animaux n’ont pas de poumons. — D’appellation commune. Ainsi, il y a des appellations communes pour les vivipares, pour les quadrupèdes, etc., mais il n’y en a pas pour les animaux pourvus de poumons. — Dans ces animaux. C’est-à-dire dans ceux qui ont un poumon, cet organe est essentiel à la vie.
  86. Comme le cœur et le poumon. Il est difficile de bien voir ce qu’Aristote a voulu dire ici ; le cœur est évidemment composé de plusieurs pièces ; le poumon a non moins évidemment deux grands lobes, qui même se divisent encore en lobules. Il n’y a que le poumon des oiseaux dont on pourrait dire qu’il forme une masse unique. Mais les poumons des mammifères sont séparés aussi nettement que leurs reins peuvent l’être. — Participer de ces deux organisations. C’est-à-dire qu’ils sont tout à la fois simples et composés. La forme du foie est très difficile à définir ; mais en général on y reconnaît deux lobes, droit et gauche, sans parler de la vésicule biliaire. La rate est moins divisée ; mais elle n’est pas non plus absolument simple. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pp. 6 et 56, 1ere édition.
  87. Tous les viscères sont doubles. Ceci n’est pas exact, et il y a plusieurs viscères qui sont simples, comme le pancréas, par exemple. Il est bien vrai que la disposition générale du corps, tout en formant une unité, est composée de deux parties accolées l’une à l’autre ; mais ceci ne s’étend pas à tous les viscères, comme Aristote l’avance. — Tend à être composé de deux parties. Ceci est fort exact ; la division est de toute évidence dans le cerveau de l’homme, et dans ses deux hémisphères. Voir Cuvier, Anatomie comparée, IXe leçon, pp. 125 et suiv., 1ere édition ; et surtout pp. 172 et suiv. — Les organes des sens. Il faut excepter le toucher, répandu dans le corps entier. — Des cavités du cœur. La science moderne reconnaît toujours deux parties fort distinctes dans le cœur de l’homme : le cœur droit et le cœur gauche, chacun de ces cœurs ayant son oreillette et son ventricule. Aristote semble avoir pressenti cette distinction.
  88. Dans les ovipares… Ce que dit Aristote des poumons des ovipares est fort exact ; et il suffit de regarder les poumons de la poule pour voir combien la séparation est profonde. — Deux poumons. Ce sont bien en effet deux poumons, formant chacun une masse, qui n’est pas divisée en lobes. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIe Leçon, pp. 296 et suiv., 1ere édition. — Une sorte de foie manqué. Ceci ne peut s’entendre tout au plus que de la forme de la rate ; ce viscère existe assez développé dans tous les vertébrés ; mais on ne sait pas bien encore quelle est sa fonction ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pp. 56 et suiv. Le volume de la rate diminue des mammifères aux oiseaux, des oiseaux aux reptiles, et des reptiles aux poissons. — Dans ceux où elle n’est pas indispensable. Ceci est trop vague, et il aurait fallu déterminer davantage la classe des animaux auxquels on fait allusion. — À droite….. à gauche. C’est vrai pour le foie.
  89. Ces animaux-là. Même remarque qu’au paragraphe précédent. — Les lièvres paraissent avoir deux foies. Cette apparence n’est pas absolument fausse ; et comme dans le lièvre, il y a trois grands lobes et deux petits, on peut croire que ce sont en effet deux foies au lieu d’un ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, p. 11, 1e édition. — Quelques poissons. Généralement, les poissons ont un foie très volumineux ; Cuvier, id. ib., p. 15. Il a parfois deux lobes, et souvent aussi il forme une seule masse ; il n’y a pas de canal hépatique. — Les sélaciens. Je ne crois pas que la science moderne se soit occupée particulièrement du foie des sélaciens.
  90. Plutôt à droite. C’est exact. — La rate est devenue nécessaire… A titre de contrepoids au foie, selon la théorie d’Aristote ; mais alors la rate devrait être plutôt à gauche, tandis qu’elle est dans l’hypocondre droit, comme y est le foie, du moins dans l’homme. Dans les autres animaux, elle est très rapprochée de l’estomac, et du canal intestinal. — Nous venons de le dire. Voir plus haut paragraphe 1. — Son semblable. Cette théorie est purement logique, et les faits n’y répondent pas assez ; il y a plusieurs viscères simples, comme la vessie. — Chacun des viscères. C’est vrai pour quelques uns ; ce ne l’est pas pour un grand nombre.
  91. Au-dessous du diaphragme. Ce sont les viscères abdominaux ; la fonction spéciale que leur prête Aristote n’a rien de réel ; et contre son habitude, il ne s’appuie pas sur l’observation de faits réels. — Attachées par ce lien au reste du corps. Les veines ou artères se rendent aux viscères pour les nourrir ; mais les viscères ne rattachent pas les veines aux diverses parties du corps. — Comme des ancres. C’est une comparaison poétique. — Partant de la grande veine. Ce serait bien plutôt de l’aorte qu’il faudrait dire. L’aorte fournit dans l’abdomen, entre autres artères, l’hépatique et la splénique ; ce sont celles-là qui vont au foie et à la rate ; l’artère hépatique se ramifie dans tout le foie, et quelques-unes de ses ramifications vont à la rate. — Des clous. Métaphore nouvelle, qui ne vaut pas mieux que la précédente. — La grande veine. C’est toujours à l’aorte que ceci semble s’adresser ; peut-être c’est aussi à la veine-cave inférieure ; ce qui pourrait le faire croire, c’est ce que l’auteur dit du foie et de la rate « qui circonscrivent la grande veine ». Le paragraphe suivant indique encore plus clairement la distinction de l’aorte et de la grande veine, qui ne peut être que la veine-cave inférieure, remontant jusqu’à l’oreillette droite du cœur.
  92. Non pas seulement de la grande veine… Ces détails sont exacts ; il y a des veines de la veine-cave qui vont aux reins, comme il y a des artères qui vont de l’aorte aux reins ; mais Aristote ne pouvait pas savoir que les artères vont de l’aorte aux reins, tandis qu’au contraire les veines viennent des reins à la veine-cave. Pour faire cette distinction, il aurait fallu connaître le véritable système de la circulation du sang. — Aident puissamment… à la digestion. On n’en saurait douter, quoiqu’on ignore toujours le véritable rôle de la rate. — Leur nature est très chaude. C’est là une simple hypothèse. — Les reins servent… Voir sur les reins l’Histoire des Animaux, livre I, ch. XIV, § 13, p. 92 de ma traduction.
  93. Le cœur et le foie… Cette conclusion ne tient pas assez directement à ce qui précède. — Comme le principe de la chaleur. Voir plus haut, ch. V. § 3. — La citadelle du corps. L’expression est juste, bien qu’elle soit plus littéraire que scientifique. — À aider la digestion. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pp. 2 et suiv. Le foie verse la bile qu’il sécrète dans le canal alimentaire, et il contribue essentiellement à l’acte de la digestion. Il est alimenté lui-même par le sang veineux qu’il reçoit de la veine-cave ; tous les autres viscères, excepté lui, sont alimentés par du sang artériel. — Tous les animaux qui ont du sang. Ce sont les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les poissons ; voir Cuvier, loc. cit.Un troisième, qui est le poumon. Cette généralité est en partie exacte.
  94. Quant à la rate… Comme aujourd’hui même, on ne sait pas encore quelle est précisément la fonction de la rate, il n’y a pas lieu de s’étonner qu’Aristote l’ait ignorée, et qu’il se soit borné à une assertion vague sur ce point obscur. — De très petite dimension. C’est parfaitement exact ; et Cuvier lui même remarque que la rate varie beaucoup de volume, et qu’elle diminue sensiblement des mammifères aux poissons. Le marsouin a des rates très petites ; dans les oiseaux, elles ne sont que des rameaux des artères du ventricule succenturié et du gésier. La position de la rate ne varie pas moins que son volume et sa couleur. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pages 56 et suiv. et surtout p. 67. — Dans les quadrupèdes ovipares. Ceci est exact ; voir Cuvier, loc. cit.Bon nombre d’animaux à écailles. Par là, on peut entendre surtout les poissons, et aussi les reptiles.
  95. . La rate tire de l’estomac… Ces détails sur la fonction de la rate peuvent être fort ingénieux ; mais ils ne représentent pas des faits réels ; et avec les exigences actuelles de la science, ils ne sont que curieux. — Pleine de sang. C’est exagéré ; et aujourd’hui on considère seulement la rate comme une glande vasculaire sanguine, qui a plus ou moins de sang, selon la santé et selon l’âge. Elle reçoit l’artère splénique, qui est très volumineuse ; et la veine splénique l’est également. Sans attacher plus d’importance qu’il ne convient à ce qui est dit ici de la rate, les physiologistes feraient bien d’y donner quelque attention, parce qu’il est clair que tous ces renseignements résultent d’observations sérieuses.
  96. Cette sécrétion très faible. C’est de la sécrétion urinaire qu’il s’agit. Je ne sais jusqu’où peuvent aller les rapports de la rate à la sécrétion de l’urine ; mais la remarque n’en est pas moins digne d’étude. — À l’état d’indice. Le fait est exact, comme ceux qui suivent concernant les quadrupèdes ovipares. — En écailles… en plumes. Répétition de ce qui vient d’être dit, au § 9. — Les parties de gauche… Cette théorie, indiquée déjà plus haut, ch. IV, § 4, n’est pas appuyée sur des faits certains. Il est d’ailleurs exact que la rate est à gauche, et elle est placée sous l’estomac, et elle y est fixée par l’épiploon gastro-splénique. Elle est longue dans l’homme d’un décimètre environ et un peu moins large, avec une épaisseur de trois centimètres. C’est une sorte d’ellipsoïde.
  97. Chacun des deux contraires. Ici, les contraires sont le froid et le chaud ; et l’on ne voit pas quelles séries correspondantes et symétriques ils forment dans les deux moitiés du corps, qu’ils sont censés se partager. — Ces oppositions sont corrélatives. C’est ce qu’il aurait fallu prouver en étudiant chaque viscère à part, de droite et de gauche. Toutes ces théories sont subtiles et ne répondent pas à des réalités.
  98. . Ne leur sont pas absolument nécessaires. Ceci est vrai si on l’entend d’une manière générale, puisque tous les animaux n’ont pas d’urine et de vessie. Mais, chez les animaux oui en ont, les reins peuvent sembler indispensables, puisque, sans eux, une fonction fort importante ne pourrait pas s’accomplir. Ils existent dans tous les vertébrés au nombre de deux, et ils reçoivent chacun de l’aorte une artère considérable. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome V, pp. 220 et suiv., 1e édit. — Que de très bien constituer l’animal. Les reins ont encore un autre but, comme l’auteur l’indique lui-même dans ce qui suit. — Nous parlerons maintenant de la vessie. Voir le chapitre suivant. — À la suite des reins. C’est bien vague. Plus loin, au chapitre IX, il sera spécialement traité des reins. — Du diaphragme. Voir plus loin le chapitre X, consacré au diaphragme. — Des viscères. C’est à peine si l’on peut dire du diaphragme que ce soit un viscère. C’est une cloison qui sépare l’abdomen du thorax, le ventre de la poitrine, et qui sert beaucoup à la respiration ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXVIe leçon, tome IV, page 355, 1e édition. Le diaphragme est un muscle impair et non symétrique. La science actuelle le range dans la myologie, et non dans la splanchnologie.
  99. Tous les animaux n’ont pas une vessie. Ceci est très exact, et il n’y a même qu’une partie des animaux vertébrés qui possède une vessie. Les mammifères en ont une ; les oiseaux n’en ont pas ; parmi les reptiles, les chéloniens et les batraciens en ont ; elle manque dans les crocodiles, les lézards, les ophidiens, etc.; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXXe leçon, tome V, pp. 237 et suiv., 1e édition. — Un poumon plein de sang. Je ne sais pas si la physiologie comparée de notre temps approuve ce rapprochement entre la vessie et le poumon. — Très bien placée chez ceux-là. La raison que donne ici Aristote n’est peut-être pas satisfaisante ; mais elle est tout au moins fort ingénieuse. — Dans cet organe. C’est-à-dire, dans le poumon ; le texte n’est pas plus précis. Il n’est pas prouvé d’ailleurs que l’afflux du sang dans le poumon provoque davantage le besoin de la soif, chez les animaux qui ont un poumon. — Par une suite nécessaire. Il aurait fallu démontrer par des expériences, ou tout au moins des observations décisives, cette correspondance de la sécrétion du poumon avec la sécrétion de l’urine.
  100. Un réceptacle de cette excrétion. Ceci est de toute évidence pour la vessie ; on ne voit pas aussi bien ce qu’est l’excrétion du poumon selon Aristote. — Boivent très peu. Ce sont en général les oiseaux. — Leur poumon est spongieux. Les poumons sont essentiellement spongieux, afin de pouvoir être flexibles et dilatables, dans la partie de la cavité thoracique qu’ils occupent. — Ne leur sert pas pour boire, mais pour se nourrir. La distinction est très fine et très juste ; mais, chez les poissons, le liquide absorbé est indispensable à la respiration ; il ne sert ni à boire, ni à se nourrir ; mais il sert à la vie. — Les insectes et les poissons. Ce qui est dit ici des insectes est insuffisant pour bien faire comprendre la pensée de l’auteur. Les insectes n’ont pas de poumon ; et ils respirent par les trachées et les stigmates, canaux placés sur les deux côtés de l’animal.
  101. . La tortue fait exception. La vessie est très grosse chez les chéloniens. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXXe leçon, p, 239, 1re édit. — La nature n’est encore qu’imparfaite. Le texte dit plus précisément : N’est que boiteuse ou estropiée. Cette réserve de l’auteur tient à la distinction qu’il fait entre les tortues de mer et celles de terre, dont les unes ont une vessie considérable, et les autres une vessie beaucoup plus petite. — De dimension disproportionnée. C’est-à-dire très petite, comme l’auteur le rappelle à la fin du paragraphe. Je n’ai pas trouvé dans la zoologie moderne des recherches sur la différence des vessies dans les tortues d’eau et dans les tortues de terre. — De là vient donc… Les arguments ne paraissent pas très décisifs — Fort grande… excessivement petite. Je ne sais pas si ces faits sont bien exacts. Voir le § 1 du chapitre suivant.
  102. Il en est de même aussi des reins. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch, XIV §§ 13 et suiv., p. 92 de ma traduction ; et liv. II, ch. XII, § 1, p. 176. Voir aussi sur les maladies des reins, id., liv. III, ch. XIII, § 5, p. 290. — Ou rognons. J’ai ajouté ce synonyme. — Les tortues de mer et de terre. Sur les reins des chéloniens, voir Cuvier, Anatomie comparée, XXXe leçon, tome V, p. 231, 1re édit. — Dans quelques oiseaux. Cuvier, loc. cit. p. 229, remarque aussi que, dans les oiseaux, les reins diffèrent beaucoup des reins des mammifères ; ils sont mieux assujettis, et ils sont enfoncés derrière le péritoine dans plusieurs fosses, creusées le long de la face supérieure du bassin. — Dispersée en plusieurs lambeaux… aplatis et larges. Cette description reproduit assez bien la réalité, d’une manière générale.
  103. . La tortue d’eau douce. J’ai ajouté le mot grec Hémys, que la zoologie moderne a conservé aussi ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 10, édit. de 1829. — N’a ni vessie ni reins. Ceci contredit ce qui vient d’être dit pour la vessie des tortues, à la fin du paragraphe précédent. De plus, c’est une erreur, que Rondelet a réfutée, De Piscibus, p. 446, comme le remarque M. le Dr de Frantzius. La tortue a une vessie et des reins charnus, auprès des testicules. — Suinte aisément. Nouvelle contradiction avec le dernier paragraphe du chapitre précédent. — Plus haut. Ch. VIII, § 1. — Un canal partant de la grande veine. Ceci se rapporte sans doute à l’anatomie de l’homme spécialement ; mais si par la grande veine on doit entendre la veine-cave, il ne serait pas exact de dire qu’un canal part de cette veine ; au contraire, la veine rénale, qui est très volumineuse se rend du rein à la veine-cave. Quant à l’artère rénale, qui n’est pas moins volumineuse, elle part à angle droit de l’aorte pour entrer dans le rein où elle se ramifie.
  104. Une cavité plus ou moins grande. C’est sans doute le bassinet, qui est en effet une poche membraneuse ; elle se rétrécit presque immédiatement et reçoit alors le nom d’uretère. — Excepté ceux du phoque. Les reins du phoque ont ceci de remarquable qu’ils sont formés d’une multitude de petits lobes au nombre de 120 à 140 ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXXe leçon, p. 225, 1re édit. Le marsouin et le dauphin sont organisés de même. — Les plus compacts de tous. Ceci n’est pas exact ; seulement, Aristote aura pris pour une masse unique cet assemblage de petits lobes. — Dans l’homme. Au lieu de comparer l’homme au bœuf, il aurait été mieux au contraire de comparer le bœuf à l’homme, qui a été pris pour type de l’organisation animale. — Composés de plusieurs rognons. Ceci est très exact ; mais dans le bœuf, les lobes sont séparés plus que chez l’homme, et ils sont déjà au nombre de 26 ou 30. — Comme ceux des moutons. Les rognons qui se présentaient le plus fréquemment et le plus aisément aux yeux de l’observateur, devaient être ceux des moutons et des bœufs, immolés pour les sacrifices, ou tués pour l’alimentation. — Très difficile de les guérir. La difficulté tient moins alors à la structure des reins qu’à leur position viscérale.
  105. Le canal qui part de la veine… Ce ne peut-être que la veine rénale, qui va des reins à la veine cave. — Il se perd dans le corps des reins. La veine rénale se divise d’abord en plusieurs branches, subdivisées elles-mêmes en un certain nombre de veinules ; elles se réunissent ensuite pour ne former qu’une seule grosse veine. — Deux canaux. Ce sont les uretères, qui conduisent l’urine du bassinet a la vessie. Les uretères sont assez minces ; mais ils peuvent se distendre beaucoup. — D’autres qui partent de l’aorte. Ce sont les artères rénales, détachées en effet de l’aorte, à chaque rein.
  106. . L’excrétion du liquide, partant de la veine. Ceci ne se comprend pas bien, à moins que l’on n’entende simplement parler du sang que les vaisseaux apportent au rein, et que le rein sécrète sous forme d’urine. — En se filtrant. L’urine, sécrétée par les tubes urinifères de la substance corticale, s’y accumule ; et à mesure que ces tubes se remplissent, l’urine gagne les calices et le bassinet, pour passer dans les uretères, qui la conduisent à la vessie. — Ainsi qu’on l’a dit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, §§ 13 et suiv., p. 92 de ma traduction. — Très forts canaux. Ceci semble contredire ce qui a été dit plus haut, § 4.
  107. Quelle est la fonction des reins. C’est l’élaboration de l’urine. — Le droit est plus haut que le gauche. Ceci est parfaitement exact dans la généralité des mammifères ; et Aristote l’a déjà dit dans l’Histoire des Animaux, livre I, ch. XIV, § 13, p. 92. Seulement, il est certain que dans l’homme le rein droit est plus bas que le gauche, parce qu’il est pressé par le foie. Voir Cuvier, Anatomie comparée, loc. cit. p. 221. — Le mouvement partant de la droite. Ces arguments sont plus du domaine de la métaphysique que de l’histoire naturelle. — Le sourcil droit. Ceci pourrait être exact, sans contribuer à éclaircir le fait que cite Aristote et qui n’est pas réel. — Le foie… touche au rein droit. La partie supérieure du rein droit est en rapport avec le foie et avec la seconde partie du duodénum, de même que le rein gauche est en rapport avec la rate et le grand cul-de-sac de l’estomac.
  108. . Les reins qui ont le plus de graisse. Ceci est exact ; et chaque rein est entouré d’une couche de tissu cellulo-graisseux. La graisse du rein a-t-elle l’influence qu’Aristote lui attribue, c’est plus que douteux ; mais nous ne devons pas trop nous étonner de toutes ces explications hypothétiques que la science essaie à ses débuts. — Est d’une facile coction. Rien ne prouve que ceci soit vrai ; mais ce qui est certain, c’est que le rein est organisé de manière à sécréter l’urine. — C’est la graisse et le suif. Selon que les animaux ont l’une ou l’autre. — Dans les reins eux-mêmes. Ce n’est pas en effet dans les reins que la graisse se forme, mais autour. — Compact et serré. Ce n’est peut-être pas là précisément la structure du rein, bien que, des deux substances dont il se compose, la substance tubuleuse soit plus dure que la substance corticale. — Dans d’autres ouvrages. Ceci se rapporte à l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIII p. 288 de ma traduction, où tout un chapitre est consacré à l’étude de la graisse et du suif.
  109. Nécessairement… nécessaires. La répétition est dans le texte. — Pour garder la chaleur. Il n’est pas impossible en effet que la graisse ait cet objet. — Placés les derniers. Ceci demanderait une explication plus complète. — La hanche. Le fait est exact ; mais l’explication ne l’est pas autant.
  110. C’est donc la graisse… Même remarque que dans les paragraphes précédents sur le rôle de la graisse. — C’est le rein droit qui en a le moins. Aristote ne dit pas comment ce fait a pu être constaté. — La nature… est sèche. Cet argument nouveau est analogue à ceux qui ont été donnés un peu plus haut, et qui ne valent pas mieux. — Il amaigrit plutôt. C’est bien là en effet le résultat du mouvement qui fortifie tout en maigrissant.
  111. Tous les animaux… Il ne semble pas que la science moderne ait attaché autant d’importance qu’Aristote à la graisse des reins ; mais il est vrai que les reins sont généralement revêtus d’une masse de graisse, plus ou moins abondante, chez les vertébrés. La graisse paraît donc nécessaire à la fonction des reins, qui est d’éliminer par l’urine les substances azotées qui ne peuvent plus servir à l’entretien de l’organisme. — Ils en meurent. Buffon dit à peu près la même chose, mais sans parler précisément de la graisse des reins dans le mouton : « La surabondance de la graisse, dit-il, les fait quelquefois mourir », tome XIV, page 161, édit. de 1830. La graisse excessive des moutons provient souvent de la grande quantité d’eau qu’ils ont bue. Les reins ont alors trop à faire et ils deviennent malades, id. ibid. p. 169. Buffon ajoute, p. 172, que c’est surtout autour des reins que le suif s’amasse en grande quantité, et que le rein gauche en a toujours plus que le droit. — Qui ont de la graisse. Le mouton n’a que du suif dans toutes les parties du corps, et non de la graisse. — La graisse est liquide. Ou peut-être simplement : Humide ; ce qui serait plus conforme à la réalité. — L’air… bien renfermé. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à cette théorie ; voir sur la graisse et le suif, l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XIII, p. 288 de ma traduction. — Y cause la maladie. Cette explication est bien vague ; mais il est exact que la graisse des moutons n’est souvent qu’une boursouflure.
  112. . La crampe et la convulsion. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte, dont le sens n’est pas très précis. Peut-être vaudrait-il mieux traduire : La gangrène, ou la pourriture, le sphacèle — Des douleurs mortelles. Ce sont sans doute les douleurs néphrétiques, qui en effet causent quelquefois la mort. — Qui en ont une quantité extraordinaire. C’est fort exact ; voir Buffon, loc. cit.
  113. L’humidité s’y renfermant. On voit d’après les divers passages de Buffon qui viennent d’être cités, qu’Aristote a raison d’attribuer à l’eau la maladie des moutons ; ils boivent, ou on les fait boire, à l’excès, et les reins deviennent très vite malades. — La crampe. Ou comme plus haut : La gangrène. Buffon dit, p. 169, qu’ils périssent de pourriture, si on ne les tue pas sur-le-champ, quand ils sont chargés de cette fausse graisse. — Des canaux qui se continuent jusqu’aux reins. Voir plus haut § 4. Il y a dans cette description des erreurs d’anatomie évidentes ; nous les avons signalées, et nous avons dit comment Aristote avait pu les commettre.
  114. . Sont séparés… par le diaphragme. Cette description est fort exacte, et le diaphragme est une cloison musculaire en forme de voûte qui sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale ; le cœur et le poumon sont dans le thorax ; le foie, la rate, les reins sont dans l’abdomen ; Aristote oublie l’estomac. Ce sont les organes principaux de la digestion, et de ce qu’on peut appeler la dépuration. — Le centre phrénique. J’ai pris cette expression pour reproduire, du moins en partie, celle même du texte. L’anatomie actuelle l’a conservée aussi. Le centre phrénique occupe la partie médiane du diaphragme, et un peu au-dessous de la partie supérieure. — Des autres viscères. J’ai ajouté ceci pour plus de clarté ; et c’est une conséquence de ce que l’auteur vient de dire. — Du nom qu’on vient de citer. Le texte est un peu moins explicite.
  115. Tous les animaux… Cette généralité est exacte. — A pour objet… Le diaphragme a bien l’objet que signale Aristote ; mais l’explication que donne le philosophe n’est pas aussi acceptable. On ne comprend pas bien que le diaphragme protège l’âme sensible, et la soustraie à l’influence des aliments. — Une sorte de vestibule. Ces métaphores peu habituelles à Aristote rappellent le Timée de Platon. — Le plus précieux du moins précieux. L’idée n’est peut-être pas très juste, et la partie abdominale, qui est en bas, n’est pas moins précieuse que la partie thoracique, qui est en haut. L’une et l’autre sont indispensables à la vie de l’animal. — Puisque c’est lui qui reçoit la nourriture. C’est vrai : mais c’est le haut qui la reçoit d’abord et qui la lui envoie par la bouche, la déglutition du pharynx et l’œsophage.
  116. Le diaphragme est, vers les côtes… C’est sans doute aux piliers du diaphragme que ceci fait allusion ; la description d’Aristote est bien concise en comparaison de celles qu’exige actuellement la science ; mais elle n’est pas fausse. — Au centre, il est plus membraneux. C’est le centre phrénique des Modernes. — Pour se raidir. Ou peut-être : Pour faire force. — Une défense… contre la chaleur. Cette théorie physiologique n’est pas exacte, quoique l’auteur prétende l’appuyer sur des faits bien observés. — La pensée et la sensibilité se troublent. Il est certain que l’état des viscères inférieurs indue très vivement sur les dispositions de l’intelligence et du caractère. — Le nom de phrénique. Dans la langue grecque, le mot qui répond à celui de Phrénique peut s’appliquer aussi à la pensée ; et c’est là ce qui justifie le rapprochement étymologique que fait Aristote. — N’a rien de la pensée. Cette restriction était nécessaire. — Fort voisine. Ceci ne se comprend pas très bien, si l’on admet qu’il est question ici de voisinage matériel, car le diaphragme est fort loin de la tête et de l’encéphale ; mais sans doute l’auteur veut dire seulement que le centre phrénique est presque aussi sensible que peut l’être l’organe de la pensée.
  117. Mince à son milieu. Ceci n’est pas inexact, quoique la description du diaphragme donnée ici soit insuffisante ; voir l’Anatomie descriptive de M. Jamain, p. 245, 3e édition. — Davantage encore vers les côtes. Ce sont sans doute les deux gros faisceaux charnus qu’on appelle les piliers du diaphragme, et qui s’insèrent à la seconde et à la troisième vertèbres lombaires. — Il faut qu’il reçoive le moins de fluide possible. Cette théorie est la suite des précédentes et ne vaut pas mieux. — Il attirerait bien davantage de vapeur humide. Même remarque.
  118. . Dans le rire. Les physiologistes modernes expliquent le rire par une inspiration longue, suivie d’inspirations courtes et saccadées, auxquelles succède une inspiration nouvelle assez prolongée, suivie encore d’inspirations écourtées. Quand le rire est trop fort, il fatigue les muscles abdominaux et particulièrement le diaphragme ; et voilà sans doute comment Aristote est amené à s’en occuper ici. — Qu’on soit chatouillé.. Le chatouillement provoque le rire ; mais ce n’en est pas la cause unique. — Jusqu’à cette région. Celle du diaphragme. — La pensée est mise en mouvement. C’est-à-dire que l’on rit sans le vouloir. — C’est la finesse de sa peau. Je ne sais pas si la physiologie moderne accepte cette explication ; ce serait la sensibilité de la peau plutôt que sa finesse. — Le seul animal qui rie. Cette observation a sans doute été faite pour la première fois par Aristote. — Qui avoisine l’aisselle. Le texte ne peut pas avoir un autre sens, et les manuscrits n’offrent pas de variante ; mais il est positif que le chatouillement sous l’aisselle n’est pas une cause de rire.
  119. Des blessures. Le fait est assez fréquent pour qu’on ait pu l’observer d’une manière suffisante, soit dans l’Antiquité, soit de nos jours. — Dans le voisinage du diaphragme. Ceci est exact, bien que l’explication qu’en donne Aristote puisse ne pas l’être. Il ne semble pas que la chaleur ait rien à faire ici. — D’une tête d’homme. Aristote a bien raison de réfuter ce conte. — Homère. Voir l’Iliade, chant X, vers 457 ; c’est Diomède abattant la tête de Dolon, qui parle encore au moment où il reçoit le coup mortel. Le vers d’Homère n’a pas du tout le sens qu’on voulait y prêter ; et l’on conçoit très bien que la tête soit coupée au moment où l’homme parle encore. J’ai laissé avec intention une sorte d’équivoque dans ma traduction. — Sa tête et non pas lui. Ceci indique une variante dans le texte d’Homère au temps d’Aristote ; cette variante repose sur une seule lettre. Le texte actuel n’a rien de douteux ; le participe qu’emploie le poète se rapporte à Dolon, et non point à sa tête, comme le voulait la variante antique.
  120. En Carie. Dans la partie sud-ouest de l’Asie Mineure. La contrée était habitée par des Grecs en même temps que par des indigènes. Halicarnasse, patrie d’Hérodote, était la principale ville, sur le bord de la mer, en face de l’île de Cos. Les Cariens passaient pour peu intelligents ; et le conte absurde que cite Aristote ne dépare pas la réputation qu’on leur avait faite. — Jupiter « à l’armure ». C’était sans doute une divinité locale.
  121. Mais il est bien impossible. La réfutation est péremptoire ; la trachée-artère une fois tranchée, la parole ne peut plus se produire. — Coupée et séparée. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui coupent si lestement les têtes. Il y a cette nuance d’ironie dans l’expression du texte. Ces mœurs féroces n’ont guère changé dans ces pays depuis le temps d’Aristote. — Chez d’autres animaux. Cet argument n’est pas moins fort que le précédent. — L’homme est le seul animal… Répétition de ce qui vient d’être dit plus haut, § 5. — Puisse faire encore quelques pas. C’est l’impulsion antérieure qui continue et achève son effet. — Les animaux qui n’ont pas de sang. Ce sont les insectes. — Dans d’autres ouvrages. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 2, p. 69 de ma traduction ; voir aussi dans les Opuscules psychologiques, Traité de la Longévité, etc., ch. VI, § 4, p. 301 de ma traduction. Aristote est revenu à plusieurs reprises sur ce phénomène, qui est en effet très curieux.
  122. . On voit donc… Résumé des chapitres précédents depuis le chapitre IV, où commence l’étude des viscères. — Aux extrémités intérieures des veines. Ceci veut dire seulement que tous les viscères sont en rapport avec des vaisseaux. Cela est vrai d’une manière générale, puisqu’ils sont tous alimentés par des artères parties de l’aorte. — Que la vapeur humide puisse sortir… Voir plus haut, § 4 et § 1. — Elle forme le corps des viscères. Ceci ne se comprend pas très bien, et la formation des viscères ne peut pas évidemment s’expliquer ainsi. — Pleins de sang. C’est exact ; mais Aristote ne savait pas que ce sang est fourni aux viscères par les rameaux artériels de l’aorte. — La même nature de corps. Ceci n’est pas moins obscur que ce qui précède, et le corps des viscères diffère beaucoup de l’un à l’autre, comme il est dit à la fin du paragraphe. Le chapitre qui suit, contenant des considérations applicables à tous les viscères en général, doit être séparé de celui qui précède. Il se borne à établir que tous les viscères sont protégés par une membrane.
  123. Tous les viscères sont renfermés dans une membrane. Le fait est exact dans sa généralité. Le foie tient au diaphragme par trois replis du péritoine ; le cœur est enveloppé par la double membrane du péricarde ; les parois internes de la trachée-artère sont tapissées par une membrane qui vient de l’arrière-bouche ; les poumons sont revêtus d’une membrane commune qu’on appelle la plèvre, et qui est au poumon ce que le péritoine est aux viscères de l’abdomen ; la rate est presque complètement enveloppée par le péritoine, etc. etc. Ainsi, l’assertion d’Aristote peut être considérée comme vraie. — Qu’ils soient garantis.. l’abri… soit léger. Toutes ces explications sont très justes. — Aucune humeur. Ceci est moins exact, parce que les membranes sécrètent généralement quelque humeur qui leur est spéciale et qui les lubrifie.
  124. . Le cœur et l’encéphale. Le péricarde et les méninges. Mais l’encéphale est surtout protégé par la boîte osseuse où il est renfermé. Il est en outre enveloppé, comme tout l’axe cérébro-spinal, de trois membranes : la pie-mère, qui est la plus interne ; l’arachnoïde, qui est la seconde, et la dure-mère, qui est la plus extérieure. — C’est fort rationnel. Nouveau témoignage d’admiration pour la sagesse de la nature. — Les maîtresses de la vie. C’est une belle expression, qui a le mérite d’être parfaitement vraie.
  125. Dont il vient d’être question. Dans tous les chapitres qui précèdent. — Qui ne les ont pas tous. Ceci est très exact, comme le prouve l’anatomie comparée. — Plus haut. A partir du chapitre IV, l’auteur a traité constamment des viscères. — Diffèrent même dans les animaux qui les ont. On peut voir les détails de ces différences, telles que les connaît la science actuelle, dans l’Anatomie comparée de Cuvier. — Ne l’ont pas semblable. On peut voir dans Cuvier, Anatomie comparée, XXIVe leçon, ce qu’est le cœur des mammifères, des oiseaux, des reptiles, des poissons, pages 166 à 226, et ce que sont les organes de la circulation chez les animaux sans vertèbres, leçon XXVIIe, pp. 392 et suiv. — Le foie, par exemple. Id. ibid. XXIIe leçon, pp. 6 et suiv.
  126. Des poissons et des quadrupèdes ovipares. Observation très exacte. — Les oiseaux… ont un foie. Les oiseaux ont un foie profondément divisé en deux lobes, et en général plus volumineux que celui des mammifères. Sa figure est aussi plus uniforme ; il est placé au milieu, sans incliner plus à droite qu’à gauche, et sous les deux hypocondres. — La couleur de leur foie. Dans l’homme, la couleur du foie est d’un brun rougeâtre, parce qu’il n’est presque formé que de vaisseaux de différente nature. La couleur est à peu près la même dans les autres mammifères. Chez les oiseaux, elle est d’ordinaire aussi d’un rouge brun, et parfois d’un rouge vif ou pâle. Souvent le lobe gauche est le plus petit. — Surabondance d’excrétion. Ainsi, les oiseaux n’ont pas d’urine ; ou plutôt l’excrétion liquide se mêle chez eux à l’excrétion sèche.
  127. Qui n’ont pas de fiel. Dans les mammifères, la vésicule du fiel est générale ; mais il y a quelques exceptions, notamment chez les rongeurs ; les pachydermes, les ruminants en manquent, ainsi que quelques amphibies et quelques cétacés ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pp. 35 et suiv., 1e édit. — À l’équilibre du corps et à sa santé. Les recherches les plus récentes confirment cette théorie. La bile, extraite par le foie du sang veineux qui l’alimente, est indispensable à la digestion ; elle contient une sorte de savon animal très odorant, qui absorbe la plus grande partie du sang apporté en abondance par la veine-porte. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 3 et suiv. — Le plus sanguin de tous les viscères. Cette assertion n’a rien de faux, bien qu’elle soit peut-être un peu exagérée. Le poumon a plus de sang que le foie. — Des quadrupèdes ovipares. Chez les reptiles, le foie est relativement considérable ; il se prolonge fort loin en arrière sous les intestins ; sa couleur tire plutôt sur le jaune que sur le rouge brun des mammifères. — Du crapaud ou de la tortue. Chez les chéloniens, le foie est partagé en deux masses arrondies et irrégulières ; celle de droite occupe l’hypocondre ; l’autre tient à la petite courbure de l’estomac. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, page 15, Inédit.
  128. Les animaux à cornes, et à pieds fourchus. Aristote n’aurait peut-être pas dû se borner à une seule classe d’animaux, en parlant de la rate. Ce viscère varie beaucoup de forme, de volume, de couleur, de consistance, de grosseur, chez tous les vertébrés autres que l’homme. Voir Cuvier, loc. cit. pp. 59 et suiv. — La chèvre, le mouton, etc. Cuvier n’a fait aucune remarque particulière sur la rate de ces animaux. — Ont une rate très longue. C’est ce qu’a observé également Cuvier, loc. cit. p. 66, pour le cochon et l’éléphant. — L’homme. La rate chez l’homme occupe l’hypocondre droit ; mais cette situation varie beaucoup, ainsi que sa forme et son volume ; Cuvier, id. ibid. p. 57. — Et le chien. La rate est en effet chez le chien étroite et longue, prismatique ou aplatie ; Cuvier, id. ibid. p. 66. — Dans les solipèdes. Chez le cheval, la rate est plate et triangulaire. Bien qu’Aristote ne s’étende pas beaucoup sur les faits qui concernent la rate, l’étude qu’il en fait n’en est pas moins très remarquable. Ses observations sont justes ; et quoi qu’il ne connaisse pas les fonctions de la rate, encore ignorées de nos jours, on sait nettement qu’elle tient une place essentielle dans l’organisme, et il l’étudie aussi bien qu’on pouvait le faire de son temps. Il est à remarquer du reste que, dans l’Antiquité, il n’a pas été le premier à ouvrir cette route. On peut voir dans Hippocrate quelle attention la médecine donnait déjà aux affections de la rate, plus ou moins réelles ; voir l’article Rate dans la table générale de l’Hippocrate de E. Littré. Voir aussi un peu plus haut, ch. VII, § 3, et l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XI, § 5, p. 170 de ma traduction.
  129. Les viscères. L’étude des viscères a été commencée plus haut, ch. IV et suivant. — Avec la chair. Cette explication de la différence de la chair et des viscères est très insuffisante. Il est bien vrai, comme le dit l’auteur, que la chair est au dehors, et les viscères à l’intérieur ; mais il y a bien d’autres différences plus importantes que celles-là. Aristote aurait pu les signaler. — Participe de celle des veines. Ceci est exact dans cette mesure que les viscères sont creux ainsi que les veines ; mais les fonctions des viscères sont très diverses, tandis que la fonction des veines est unique. — Les uns sont faits pour les veines. Il semble au contraire que ce sont les veines (artères et veines) qui sont faites pour les viscères qu’elles alimentent. — Les autres ne sauraient s’en passer. Ceci est beaucoup plus exact. L’anatomie et la physiologie comparée attestent que les viscères sont nourris par le sang que leur apportent les artères ; sans elles, ils ne vivraient pas. Le foie seul est nourri par du sang veineux ; mais il n’en a pas moins besoin de sang.
  130. L’estomac. On aurait pu traiter de l’estomac avant les viscères ; mais on peut tout aussi bien en traiter après ; il n’y a point ici d’ordre nécessaire. L’estomac est bien placé, comme le dit Aristote, sous l’œsophage ; mais il eût été possible de préciser davantage les choses. Beaucoup d’autres viscères sont situés de même ; mais la poche que forme l’estomac est plus particulièrement placée entre l’œsophage et le duodénum, dans l’hypocondre gauche, qu’il remplit en grande partie ; et il s’avance même jusque dans l’hypocondre droit. — Immédiatement après la bouche. Comme dans bon nombre de poissons. — L’intestin. Cet intestin, c’est le duodénum, après le pylore.
  131. Tout le monde peut comprendre. L’objet du canal alimentaire ou intestinal est en effet de toute évidence ; à une de ses extrémités il reçoit la nourriture ; et à l’autre, il en expulse le résidu, ou l’excrément. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXe leç., pp. 352 et suiv., 1re édit. ; voir aussi la Préface à l’Histoire des Animaux, p. XXXII. — Dans un seul et même lieu du corps. Ceci n’est peut-être pas très exact, et Aristote lui-même a constaté qu’il y a des animaux chez lesquels la bouche et l’anus se confondent. Mais il est vrai que, même dans ce cas, il y a eu une élaboration intermédiaire pour la nutrition de l’animal.
  132. Il faut absolument un lieu… La théorie est ici parfaitement exacte. — Séparées pour les lieux mêmes… D’une manière générale, ceci est encore très vrai. — De la Génération. C’est le traité qu’Aristote a consacré à cette grande question, étudiée avec autant de soin par Buffon et par Cuvier. — La Nourriture des animaux. Aristote avait également fait un ouvrage spécial sur ce sujet ; mais cet ouvrage n’est pas parvenu jusqu’à nous ; on peut s’en faire une idée par les observations relatives à la nutrition qu’il a répandues dans toute son histoire naturelle.
  133. Pour le moment….. les parties qui le complètent. L’étude des fonctions de l’estomac est en effet l’objet particulier de ce chapitre ; elle est déjà assez vaste sans la compliquer. — Des estomacs pareils. On peut voir les différences que présente l’estomac chez l’homme, les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les poissons, etc. dans Cuvier, Anatomie comparée, XXe leçon, pp. 352 à 416. — Comme le cochon. L’estomac du cochon a une conformation particulière ; il est globuleux ; et le grand cul-de-sac est surmonté d’une sorte de capuchon ; voir Cuvier, loc. cit. p. 391.
  134. . La seule différence. D’après les détails donnés plus bas. il semble bien qu’il y a plus d’une seule différence. — D’épines et de bois. Cette expression est exagérée. — Pourvus de plusieurs estomacs. Ce sont les ruminants ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 12, p. 127 de ma traduction. — Et même les bêtes à cornes. Bœufs, chèvres, moutons, etc. — N’ont pas la double rangée de dents. Voir Histoire des Animaux, liv. II, ch. II, § 11, p. 112 de ma traduction, et ch. III, § 12, p. 126. — Organisé tel qu’il l’a. Voir, sur les estomacs des ruminants, l’Histoire des Animaux, livre II, ch. XII, § 9, pp. 181 et 182 de ma traduction. — Des dents de devant. Le chameau a des canines aux deux mâchoires ; mais il n’a d’incisives qu’à la mâchoire inférieure, au nombre de six ; à la mâchoire d’en haut, il n’a qu’un bourrelet calleux. Voir Cuvier, Règne animal, t. 1, pp. 254 et suiv.
  135. L’estomac. Il serait plus exact de dire : « Les estomacs ». — Antérieures. Mais le chameau a des molaires au nombre de dix-huit ou vingt. — La dureté du palais. Je ne vois pas que la zoologie moderne ait constaté cette organisation particulière. — La partie terreuse. Ceci se rapporte à la théorie des quatre éléments, où la terre représente toujours la partie solide et dure des corps. — Rumine ainsi que les bêtes à cornes. Bien qu’il n’ait pas de cornes. — Ses estomacs… Voir sur les estomacs des ruminants, Cuvier, loc. cit. t. I, p. 255, et M. Claus, Zoologie descriptive, p. 1052, trad. franc.
  136. Ont plusieurs estomacs. On distingue en général quatre estomacs chez les ruminants : panse, bonnet, feuillet et caillette ; quelques ruminants n’en ont que trois ; mais comme tous ces estomacs se communiquent, on peut dire que c’est un seul estomac, qui a plusieurs divisions. Ceux des ruminants qui ont des cornes se distinguent aussi selon que ces cornes sont creuses ou pleines. — Le premier la reçoit non élaborée. C’est la panse, où descendent d’abord les herbes qui, arrachées au sol, ne sont que concassées grossièrement par une première mastication. — Le second. C’est le bonnet ; quoique petit et globuleux, il saisit l’herbe, l’imbibe et la comprime en petites pelotes, qui remontent à la bouche pour y être remâchées. — L’autre, élaborée entièrement. C’est peut-être dire trop ; mais les aliments remâchés redescendent dans le troisième estomac, nommé le feuillet, à cause de ses lames longitudinales. — L’autre, enfin,… C’est la caillette, qui a des rides nombreuses, et qui ressemble beaucoup à l’estomac des animaux ordinaires. C’est là que s’accomplit la véritable digestion. — Coulante et à l’état de bouillie. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. On voit que la description des quatre estomacs des ruminants, telle que la donne Aristote, est fort exacte ; et les Modernes n’y ont pas beaucoup ajouté.
  137. . Les animaux de cet ordre. C’est-à-dire les Ruminants. — L’estomac, la résille, le hérisson, la caillette. Ce ne sont pas tout à fait les noms actuellement adoptés ; mais les faits sont exacts ; et les observations, identiques. — L’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. XII, § 9, p. 181 de ma traduction. — Dessins anatomiques. Malheureusement ces dessins ne nous ont pas été conservés par la tradition. Voir la Préface à l’Histoire des Animaux, p. CLXVI. Voir aussi, dans la table de ma traduction, l’article Dessins, où sont rappelées toutes les citations qu’en fait Aristote.
  138. Les oiseaux. Comme les oiseaux n’ont pas de dents, il leur faut un appareil qui remplace celui de la mastication chez les mammifères. Il faut voir, sur cette différence fondamentale, Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, t. XIX, pp. 51 et suiv., édit. de 1829 ; Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leç., pp. 193 et suiv. ; et aussi XXe leç., p. 404, sur l’œsophage et l’estomac des oiseaux. — Le gésier. Ceci est peut-être un peu trop général ; et dans le paragraphe suivant, Aristote pousse l’analyse un peu plus loin et la rend plus minutieuse. Avant que, dans l’oiseau, les aliments n’arrivent au canal intestinal, ils traversent trois poches, qui sont des dilatations de l’œsophage, le jabot, puis le ventricule succenturié, qui est un peu moins dilaté que le jabot, et enfin le gésier, qui est l’estomac proprement dit. Ces trois dilatations successives présentent bien des différences chez les diverses espèces d’oiseaux ; voir Cuvier, loc. cit. pp. 407 et suiv.
  139. . Une partie gonflée de cet œsophage. C’est le jabot, dont la distension se manifeste fortement au dehors. — La nourriture non élaborée. Les aliments ne sont digérés en effet que par le gésier. — Une partie de l’estomac qui se renfle. Ceci est moins exact ; car c’est une partie de l’œsophage bien plutôt que de l’estomac. — Fort et charnu. Ceci s’applique très bien au gésier, qui est revêtu de trois membranes, et qui a des parties presque aussi dures que de la corne. — L’insuffisance de la bouche. L’expression est fort heureuse.
  140. . Il y a des oiseaux… un vaste gésier. Cuvier, loc. cit., s’est arrêté assez longuement à décrire le gésier du héron. Ce gésier a des muscles très minces, et il semble ne former qu’un seul grand sac avec le ventricule succenturié. On dirait qu’il n’y a pas là de gésier proprement dit, et qu’il n’y a qu’un estomac membraneux. On voit que, dans ses traits généraux, la description du naturaliste grec est exacte, et qu’il avait bien aperçu les différences d’organisation. — Des estomacs qui sont humides. Ceci est peut-être obscur ; et sans doute c’est d’après les excrétions de ces oiseaux qu’Aristote juge que leur estomac doit être humide et qu’il digère imparfaitement les aliments.
  141. Les poissons ont des dents. Cette généralité est exacte ; mais les dents des poissons varient beaucoup. Cuvier y a consacré une longue étude, Anatomie comparée, XVIIe leçon, article IV, pp. 175 et suiv., 1re édition. Les dents des poissons se distinguent surtout par leur forme et par leur position, en crochet, en cône, à couronne plaie, tranchantes, implantées dans les os intermaxillaires, ou dans la mâchoire inférieure, ou au palais, ou sur la langue, ou sur les osselets des branchies, ou à l’œsophage, ou au pharynx. Toutes ces diversités sont isolées et uniques, ou bien mêlées les unes aux autres. Les brochets de nos étangs sont au nombre des poissons qui ont le plus de dents. Le requin a ses dents en triangle isocèle, plus longues que larges, etc. — Le scare. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, §§ 7 et 10, pp. 160 et 162 de ma traduction. — Les animaux… ruminent. Ce retour aux ruminants paraît assez singulièrement placé ici ; et on peut croire que c’est une interpolation, puisque la phrase suivante revient aux poissons. — Ne la divisent que très imparfaitement. Ceci est plus exact que ce qui précède ; et les poissons en général ne font ordinairement qu’avaler leur nourriture. — Les dents leur seraient bien inutiles. Il faut sous entendre : « Si ces dents étaient faites comme celles des quadrupèdes. » Sur l’appareil de la digestion chez les poissons, voir la Zoologie descriptive de M. Glaus, p. 793, trad. franc.; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 127, édition de 1829.
  142. Du genre de celui des oiseaux. Ceci est peu exact, bien que l’auteur essaie de justifier cette observation par les détails qui suivent. Dans la plupart des poissons, l’œsophage ayant le même diamètre que l’estomac, il est très difficile de les distinguer l’un de l’autre ; et, en les décrivant, Cuvier est obligé de les confondre, p. 416, Anatomie comparée, XXe leçon. Ils engouffrent leur proie de la bouche dans l’estomac. Du reste Aristote a raison de dire que l’œsophage des poissons est très court. — Des excroissances compactes. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote a voulu désigner par là, surtout sous cette forme générale. Il s’agit peut-être des replis que forme chez quelques poissons la membrane interne, et parfois aussi la membrane musculeuse ; mais il aurait fallu désigner plus précisément les poissons dont il s’agit. L’épaisseur de ces membranes est très variable. Peut-être est-ce aussi de la vessie natatoire qu’Aristote aura voulu parler, ou peut-être encore des appendices pyloriques. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 24, p. 191 de ma traduction, et la note, où les oiseaux et les poissons sont comparés comme ici. La science moderne paraît avoir attaché à ces appendices beaucoup moins d’importance qu’Aristote.
  143. Le contraire de ce qu’elles sont… Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit., et aussi p. 193. — Certains vivipares. Il aurait fallu désigner plus précisément les vivipares chez lesquels on observe ces excroissances. On ne sait pas au juste ce qu’Aristote entend par ces excroissances.
  144. L’espèce entière des poissons. Cette organisation est en effet générale chez les poissons, et tous les zoologistes modernes l’ont reconnue. — Que passer sans digestion. L’observation est très juste. — Excessivement gloutonne. Le fait est en général incontestable, quoiqu’il y ait encore parmi les poissons des espèces plus voraces les unes que les autres. — La dégustation. C’est le sens propre du mot grec ; dans notre langue, le mot de déglutition serait beaucoup moins exact. — Le désir… revint. L’explication est fort ingénieuse.
  145. Plus haut. Voir plus haut § 4. — Très Petit. Cette généralité est peut-être exagérée. Chez les mammifères, par exemple, l’estomac n’est pas petit. — Du chien… du cochon. Déjà cette théorie des deux types d’estomacs se trouve dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 13, p. 184 de ma traduction. Cuvier a décrit l’estomac du cochon, comme celui de beaucoup d’autres mammifères, sans y rien signaler de très particulier, Anatomie comparée, XXe leçon, p. 391, 1re édit. Cet estomac est globuleux ; le grand cul-de-sac est très ample ; mais il ne paraît pas qu’il diffère beaucoup de l’estomac de tant d’autres mammifères. Celui des ruminants est bien plus remarquable. Cuvier ne dit rien de l’estomac du chien.
  146. Les intestins. Ce détail d’anatomie comparée est fort exact. Par l’Intestin, il faut entendre tous les viscères placés au-dessous de l’estomac et après lui, depuis le pylore jusqu’au rectum et à l’anus. — Des différences nombreuses. Ces différences sont en effet aussi nombreuses que réelles. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, XXIe leçon, pp. 433 et suiv., 1er édit. — L’intestin est simple. Ceci veut dire sans doute que l’intestin est continu d’un bout à l’autre, et qu’on peut le déplier malgré ses circonvolutions. — Partout semblable. C’est-à-dire d’un diamètre égal, tandis que d’autres intestins peuvent avoir des diamètres variables. — Les chiens. Il semble que la peine qu’ont les chiens à rendre leurs excréments tient à la dureté des matières plutôt qu’à l’étroitesse du canal intestinal. — L’intestin est plus étroit… On peut voir que dans l’homme, l’intestin grêle, duodénum, jéjunum, iléon, va en se rétrécissant de haut en bas, et qu’il en est encore de même pour le gros intestin. — Plus large par en bas. Ceci n’est pas très exact, s’il s’agit de la plupart des animaux, comme le dit Aristote.
  147. Sont plus grands. Cuvier, Anatomie comparée, XXIe leç., a donné des tables de la longueur des intestins dans les mammifères. Le bélier a en intestins vingt-sept fois la longueur de son corps, tandis que dans l’homme c’est seulement sept ou huit fois. — À cause de la grandeur de ces animaux. Ce n’est pas la principale raison. Dans les ruminants, la longueur du canal doit suppléer au défaut de boursouflure dans les gros intestins, et au peu de volume du cæcum ; voir Cuvier, loc. cit., p. 445. Chez les solipèdes au contraire, la longueur est beaucoup moindre, parce que leurs gros intestins sont énormes et boursouflés. — Afin de pouvoir élaborer la nourriture. Cette explication est tout à fait acceptable ; et les intestins sont généralement beaucoup plus longs dans les herbivores que dans les carnassiers. — Ce qu’on appelle le côlon. La science actuelle a conservé cette dénomination : le côlon, ascendant, transverse, descendant, S iliaque. Le gros intestin, qui est le côlon dans toute son étendue, commence après le cæcum ; et va jusqu’au rectum et à l’anus. — Aveugle et massive. C’est le cæcum. — Plus étroit. Voir au paragraphe précédent une assertion que celle-ci semble contredire.
  148. Reste droit. C’est le rectum, comme son nom l’indique. C’est la dernière portion du tube digestif ; il a plusieurs courbures, malgré sa direction générale. Son diamètre, moindre que celui de l’S iliaque, va en augmentant de haut en bas, jusqu’à l’orifice. — L’Archos. Ou Anus. J’ai conservé le mot grec ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 8, p. 181 de ma traduction, et la note. — La nature a fabriqué ingénieusement. C’est toujours l’admiration bien connue d’Aristote pour la sagesse de la nature. — Qui absorbent plus de fourrage. Ce sont les ruminants surtout. — L’amplitude du lieu. Il est certain que l’abdomen est plus ample chez ces animaux que chez les autres. Est-il plus chaud ? comme l’auteur le pense ? C’est douteux.
  149. A partir de là. Le point de départ anatomique n’est pas assez clairement indiqué ; et l’on ne voit pas nettement quelle est la partie du canal alimentaire que l’auteur entend désigner. — À partir de l’estomac supérieur. C’est sans doute l’estomac proprement dit, où aboutit l’œsophage, et qui se termine par le pylore. — L’intestin devient plus étroit. Ceci est exact. — À partir du côlon. En supposant même que tous ces détails ne soient pas anatomiquement aussi exacts que possible, ils témoignent qu’Aristote avait disséqué avec grand soin, pour pouvoir les recueillir. — L’estomac du bas. Peut-être vaudrait-il mieux traduire : « La cavité du bas » ; mais le texte emploie le même mot dans l’un et l’autre cas ; et j’ai dû l’imiter. — Tout à fait desséché. C’est un peu exagéré. — La sortie de l’excrément… La remarque est ingénieuse. — Plus modérés. C’est la traduction littérale ; le texte dit même : « Plus sages ». — De grands espaces. Peut-être ceci est-il relatif à la longueur des intestins. Sur ces rapports du canal intestinal à l’élaboration plus ou moins rapide des aliments, voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIe leç., p. 141. Les étranglements du canal suppléent à sa brièveté ; d’autres fois, c’est l’augmentation du diamètre qui supplée à la longueur ; ou c’est sa petitesse qui diminue l’effet de la longueur. — Provoque le désir… L’explication peut sembler très juste. — La conformation toute droite… Même remarque.
  150. . Des réceptacles. Ce sont sans doute les estomacs des animaux qui n’en ont qu’un. — Sont voraces. Les carnassiers et les poissons en général. — Dans la cavité d’en haut. C’est l’estomac proprement dit, précédant le reste du tube intestinal — En avançant. C’est la propulsion du bol alimentaire, depuis la bouche jusqu’à l’anus. — Un point intermédiaire. La théorie est exacte logiquement ; mais la physiologie aurait sans doute beaucoup de peine à spécifier les lieux et les phases de cette transformation, quelque réelle qu’elle puisse être.
  151. Le jéjunum. Le mot grec répond tout à fait à celui que nous empruntons du latin ; et il signifie également le Jeûne. Le jéjunum est la seconde partie de l’intestin grêle entre le duodénum et l’iléon ; il est ainsi nommé, parce que, dans le cadavre qu’on dissèque, on le trouve presque toujours vide. — Le petit intestin. C’est l’intestin grêle. — Qui vient après l’estomac. En effet, l’intestin grêle s’étend de l’estomac au gros intestin. — L’estomac d’en haut… l’estomac d’en bas. Il serait peut-être mieux de dire : « La cavité d’en haut, la cavité d’en bas »; mais le texte répète le même mot qui, un peu plus haut, a exprimé l’Estomac. — Qui ne peut plus être utilisé. C’est la partie des aliments qui doit être rejetée, après toutes les élaborations successives dans toute la longueur du canal intestinal, depuis la mastication jusqu’à la défécation. — Dans les animaux qui sont plus gros. C’était une précaution anatomique tout indiquée d’observer surtout les animaux les plus gros. Aristote la recommande souvent ; et ceci prouve une fois de plus qu’il la pratiquait lui-même avec soin. — Les deux lieux. C’est-à-dire l’estomac, rempli par l’office de l’œsophage, et le canal intestinal, commençant au pylore. — Une sorte d’état intermédiaire. Ceci ne peut se rapporter qu’à l’acte de la chymification, qui commence dans l’estomac, peu après l’ingestion des aliments ; ils se mélangent au suc gastrique ; et quand le chyme est suffisamment élaboré, il sort par le pylore dans le duodénum, et il s’y transforme en chyle, qui nourrit tout l’organisme, et en excrément, qui doit être rejeté. — L’instant du changement est extrêmement court. La remarque est juste, bien que l’expression soit un peu vague. — Dans les femelles… dans les mâles. Ces détails ne paraissent pas exacts ; et les sexes n’ont rien à faire ici. J’ai gardé les mots de Femelles et de Mâles, qui sont dans le texte, quoique ceci semble se rapporter à l’espèce humaine. — Avant le cæcum. Le cæcum, ou l’Aveugle, est ainsi appelé parce qu’il forme une sorte de cul-de-sac ; c’est la première partie du gros intestin, avant le colon et le rectum. Tous les détails qui ont été donnés ici par Aristote attestent que, dès cette époque, l’anatomie des entrailles était assez avancée. Les parties principales du canal alimentaire sont distinguées ; elles ont reçu des noms qui, depuis lors, n’ont presque pas changé. L’analyse n’est pas poussée très loin ; mais dans ses limites, elle est exacte, et c’est déjà beaucoup. Hippocrate paraît avoir distingué l’intestin grêle, Aphorisme, VIe section, § 24, p. 568, tome IV, édit. E. Littré, et le gros intestin, Épidémies, liv. VI, IVe section, § 6, t. V, p. 308, édit. E. Littré.
  152. La présure. La forme de style que prend ici le texte semble annoncer que le mot était assez récent dans la langue grecque, et assez peu connu encore. La présure se trouve dans le quatrième estomac, ou caillette, des jeunes ruminants, et notamment du veau, tant qu’ils sont encore nourris de lait. — Il n’y a que le lièvre qui l’ait. Je ne sais pas si ce fait est bien constaté. — Pourvus de plusieurs estomacs. Ce sont les ruminants surtout. — Ni dans le grand estomac. C’est le premier des estomacs des ruminants ; voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVI, § 11, p. 307 de ma traduction. — Le hérisson. C’est le troisième estomac des ruminants ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, §§ 9 et 10, p. 181 de ma traduction.
  153. . À cause de l’épaisseur de leur lait. L’explication n’est peut-être pas très exacte, non plus que celle qui suit. La présure dans quelques animaux semble être une sécrétion toute particulière, que les autres n’ont pas. — Se caille. Quelle que soit la valeur réelle de ces observations, elles montrent tout au moins une extrême attention à se rendre compte des faits. — Le lièvre a de la présure. Dans le lièvre, le cæcum est très long et très large ; c’est comme un second estomac. Voir Buffon, tome XIV, p. 128, édit. de 1830. — Dans les Problèmes. Il n’y a rien dans les Problèmes, tels que nous les avons, qui se rapporte à la présure. Cette partie des Problèmes a dû exister puisqu’elle est citée ici ; mais elle ne nous est pas parvenue, comme tant d’autres ouvrages.
  154. La même organisation des viscères… Le sujet, commencé au chapitre IV du liv. III, sur les viscères, se poursuit ici ; et ce premier chapitre du liv. IV est la suite et le complément du livre précédent. J’ai cependant suivi la division ordinaire des livres, bien qu’elle soit peu justifiée ; mais il y a toujours plus d’inconvénient que d’avantage à s’écarter de la tradition en ce genre. — Chez les quadrupèdes ovipares. Comme les lézards, les crocodiles, etc. — Serpent… un long lézard. Dans la classification de Cuvier, Règne animal, tome II ; les reptiles sont divisés en quatre ordres, chéloniens, sauriens ou lézards, ophidiens ou serpents, et batraciens. Sur les lézards, voir loc. cit., pp. 30 et suiv., édit. de 1829, et sur les serpents, p. 71. Le rapprochement qu’Aristote fait ici entre les serpents et les lézards est peut-être exagéré. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 17, pp. 186 et suiv.
  155. Dans les serpents et les poissons. La ressemblance est réelle pour certaines espèces ; mais il ne faut pas l’étendre trop loin. — Un poumon. Les serpents en général n’ont qu’un grand poumon, avec un petit vestige d’un second ; Cuvier, loc. cit., p. 75. Les serpents dits Rouleaux n’ont même qu’un seul poumon, ainsi que les Amphisbènes. — La tortue… Voir plus haut, ch. VIII, § 3, p. 76. — L’humidité se tourne… en écailles… en plumes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 8, p. 6 de ma traduction.
  156. Une couleur blanchâtre. Le fait est exact, comme on peut le vérifier plus particulièrement sur la tortue. — Une saumure terreuse. Ceci se rattache à la théorie des quatre éléments, qu’Aristote adopte toujours. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXXe leç., tome V, p. 220, 1re édit. — Douce et potable. La science moderne ne ratifierait pas ces théories.
  157. La vipère… les sélaciens. Le rapprochement entre la vipère et les sélaciens n’est pas faux, en ce sens que, parmi les sélaciens, les femelles de quelques espèces ont des oviductes qui tiennent lieu de matrice, pour les petits qui éclosent dans le corps. D’autres espèces font des œufs revêtus d’une coque cornée. La vipère aussi a des œufs qui éclosent avant d’avoir été pondus ; Cuvier, Règne animal, t. II, p. 87 et p. 384, édit. de 1829. — Ils sont ovipares à l’intérieur. C’est-à-dire que les petits éclosent au dedans, avant de paraître au dehors. — Tous ces animaux. Ceci est un peu vague, et l’on ne sait à quoi précisément le rapporter. Les animaux dont on vient de parler sont les reptiles, les sélaciens, et aussi les oiseaux. — Une double rangée de dents. Ce sont tous les mammifères, sauf les ruminants.
  158. Les reptiles. Aristote entend parler surtout des serpents, comme le prouvent les détails qui suivent. — Longue et étroite. C’est cette conformation qui frappe tout d’abord dans les serpents ; et elle entraîne une foule de conséquences dans leur organisation générale. Les viscères doivent se rétrécir en proportion, ainsi qu’Aristote le fait observer avec toute raison.
  159. Ont un épiploon, un mésentère… Tout ce paragraphe peut paraître bien écourté, et même assez déplacé. On peut croire que c’est quelque addition qui sera passée de la marge dans le texte. — Trachée-artère…. œsophage. Même remarque. — Précédemment données. Ceci doit se rapporter à tous les développements qui ont été donnés sur les viscères, depuis le chapitre IV du liv. III ; mais on peut le rapprocher aussi de l’Histoire des Animaux, liv. II, chap. XI et XII.
  160. Ont de la bile. Cette généralité est exacte ; et tous les vertébrés ont de la bile. — Tantôt dans le foie. La fonction propre du foie, c’est de sécréter la bile, et, en la versant dans le canal intestinal, de modifier le chyme alimentaire, qu’elle convertit en chyle. En même temps, elle excite dans le canal une irritation qui contribue à la propulsion du bol alimentaire. Ce sont les conduits hépatiques qui transportent la bile à l’intestin ; mais la bile est détournée, en quantité plus ou moins grande, dans un réservoir particulier, qui est la vésicule du fiel ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, t. IV, pp. 5 et 35, 1e édit. — Tantôt isolée et suspendue. C’est la vésicule du fiel qu’Aristote désigne ici. Il a bien raison de signaler cette différence dans la sécrétion de la bile, puisqu’il y a une foule d’animaux qui en sont dépourvus, l’éléphant, le rhinocéros, les cerfs, les chameaux, les solipèdes, le marsouin, le dauphin, etc.; Cuvier, loc. cit., p. 36. — Comme si la nature de la bile… Ceci n’est pas très clair ; et sans doute Aristote veut faire allusion au rôle de la bile dans la digestion. — Chez les poissons. Le foie est généralement très considérable dans les poissons ; et d’ordinaire il ne forme qu’une seule masse. La situation de la vésicule est très variable ; elle est fort grosse dans les espèces les plus voraces. Voir Cuvier, loc. cit. p. 41. — L’amia. Je ne sais pas si la science moderne a sanctionné cette observation d’Aristote ; mais ce détail prouve qu’il avait disséqué ce poisson avec grand soin ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 327 sur l’amia, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 827, trad. franc. ; voir aussi le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, t. I, p. 124 de leur édition et traduction de l’Histoire des Animaux. L’amia est le boniton, la pélamys sarda de la Zoologie moderne, dont Cuvier et Valenciennes ont décrit la vésicule biliaire. — La plupart des reptiles. Voir Cuvier, Anatomie comparée, t. IV, p. 40, XXIIe leçon.
  161. Doit servir à la sensation. L’erreur que réfute Aristote est assez singulière, et il est difficile de voir quel était le fondement de cette théorie. Peut-être venait-elle du rapport qu’on croyait trouver entre le tempérament bilieux et le caractère. — Elle rend l’âme plus douce. Les gens atrabilaires sont en général fort irritables. — Le cheval… le cerf… le chameau… Toutes ces observations sont fort exactes, et la zoologie actuelle les a confirmées. — Des veinules. Ce sont sans doute les canaux hépatiques, qui naissent dans le foie par une foule de racines excessivement fines. — Le phoque… le dauphin. Ces remarques sont également exactes.
  162. . Parfois, dans un même genre… le genre des rats… l’homme. Je ne sais pas si la zoologie moderne a reconnu l’exactitude complète de tous ces détails ; mais ils témoignent encore une fois, après tant d’autres, et du soin qu’Aristote apportait dans toutes ces études, et de ses travaux anatomiques. Les différences entre des individus de la même espèce n’ont pu être reconnues que par les dissections les plus attentives. — On a observé par hasard… on prononce. C’est toujours l’erreur qui conclut du particulier au général. — Les moutons et les chèvres. Ceci est exact. — Naxos… Chalcis, en Eubée. Les mêmes faits sont rapportés dans l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XIV, § 11, p. 91 de ma traduction.
  163. Dans les poissons. Sur le foie des poissons et leur vésicule, on peut voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, pp. 15, 32 et 41, Inédit., t. IV. — Fort loin du foie. Ceci ne semble pas très exact. — Nous l’avons déjà dit. Plus haut, § 1. — Anaxagore. Sur les travaux zoologiques d’Anaxagore, voir la Préface à l’Histoire des Animaux, p. LIX. — Elle reflue… Il faut sous-entendre : « D’après la théorie d’Anaxagore ». — La peine de les disséquer. Voilà une des preuves les moins contestables des dissections auxquelles Aristote a dû se livrer. — N’ont pas le moindre rapport. Cette affirmation est bien concise ; il aurait fallu la développer davantage.
  164. Qui peut se trouver dans le reste du corps. Peut-être Aristote veut-il par là indiquer la jaunisse. — N’a pas de but ultérieur. L’action de la bile sur la digestion et sur l’organisme entier n’a été bien connue que de notre temps ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, 1e édit. — Chercher toujours à découvrir… C’est au contraire ce qu’Aristote a toujours fait, et ce qu’il a fait spécialement dans le présent traité ; on ne saurait l’en blâmer, bien qu’il soit souvent prudent à la science de ne pas prononcer sur le but que se propose la nature. — Se borner à constater. Règle de méthode très sage, quand elle est appliquée avec discernement.
  165. . La constitution du foie est saine. C’est-à-dire, qui n’ont pas de maladie de foie. — La partie du sang. Aristote ne pouvait pas savoir que le foie est alimenté par du sang veineux, au lieu de l’être par du sang artériel, comme tous les autres viscères ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leç., p. 2, 1e édit. — D’un goût agréable. Dans les animaux dont le foie peut servir à la nourriture de l’homme. — La plus douce au goût. Le texte dit simplement : La plus douce. — Qui est sous la bile. Ceci ne se comprend pas bien ; c’est la traduction littérale ; mais par la bile, il faut sans doute entendre ici la vésicule biliaire. A propos de la douceur du foie, quelques commentateurs ont cru qu’Aristote avait eu comme un pressentiment de la découverte faite de nos jours par Claude Bernard, sur l’élaboration du sucre par le foie. Cette conjecture trop favorable au naturaliste grec n’a rien de fondé, et Aristote ne parle ici que de la saveur et du goût qu’offre le foie quand on le mange. — Des parties. J’ai ajouté ces mots. — Devient de la bile. Il semblerait d’après ceci que la bile résulterait de quelque corruption du sang ; il n’en est rien ; et la bile est un produit indispensable à la bonne digestion et à la santé ; ce produit est tout à fait naturel.
  166. N’a pas un but spécial. Tout au contraire le but de la bile, pour prendre les expressions aristotéliques, est très bien déterminé ; c’est une des humeurs qui doivent être versées dans le canal alimentaire, et qui sont absolument nécessaires au travail dont il est chargé. — Anciens naturalistes. Il est regrettable que l’auteur ne les nomme pas. — C’est de n’avoir pas de bile. C’est là une erreur qui se trouve parfaitement réfutée quelques lignes plus bas. — Aux solipèdes et aux cerfs. Sur l’âge des chevaux, voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. XXII, § 7, p. 371 de ma traduction, et aussi la note de la page 375. Pour les cerfs et leur longévité, voir le même ouvrage, liv. VI, ch. XXVI, § 5, p. 387. — Le dauphin et le chameau. Ceci est exact ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, t. IV, p. 36, 1re édit. Aristote n’a pu connaître ce détail anatomique que par la dissection.
  167. Qui est si utile et si nécessaire. L’observation est parfaitement juste ; mais elle contredit ce qui a été dit un peu plus haut, § 7. — La cause d’une vie plus ou moins longue. Il n’y a pas de preuve suffisante de l’exactitude de cette théorie. — Approche du cœur. Il est certain que le cœur a une tout autre fonction, et qu’il ne saurait sécréter la bile, qui a un organe spécial dans le foie. — Ne sont jamais absolument indispensables. Cette théorie n’est pas exacte ; et le cœur, ou l’organe correspondant, est au moins aussi indispensable que le foie, dans toutes les espèces d’animaux. — Il n’y a que le foie… La physiologie moderne n’a pas ratifié cette théorie. — La bile est une excrétion. Aristote semble croire en résumé que la bile est une matière excrémentielle, et qu’elle doit être rejetée du corps, comme la partie des aliments qui ne peut pas être utilisée pour la nutrition ; il n’en est rien ; la bile est une sécrétion régulière, comme celle du pancréas ; et l’une et l’autre exercent une action puissante, quoique obscure, sur la masse du sang ; toutes deux sont très utiles.
  168. Du mésentère. Voir au chapitre suivant ; celui-ci sera exclusivement consacré à l’épiploon. L’un et l’autre ne sont que des prolongements du péritoine. Après avoir tapissé l’abdomen, le péritoine se replie sur lui-même pour former les mésentères, et les épiploons, qui fixent et enveloppent différentes portions du canal alimentaire, ou qui forment des culs-de-sac, dont les parois, ordinairement chargées de graisse, sont plus ou moins libres et flottantes dans la cavité abdominale ; voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIIe leçon, tome IV, pp. 68, 74 et 83, 1ere édition. — Garnie de suif. Ou plutôt dégraisse, d’une manière générale ; mais Aristote a soin de faire la distinction selon les diverses espèces d’animaux. — Antérieurement. Voir l’Histoire des Animaux. livre III, ch. XIII, p. 288 de ma traduction ; voir aussi sur l’épiploon et sa place, id. ibid., ch. II, § 3, p. 283.
  169. L’épiploon….. est suspendu. Cette description n’est pas fausse, mais elle est incomplète ; pour savoir précisément quelle est la place des épiploons, il faut lire Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 83 et suiv. — Une couture tracée au-dessous. Ce n’est pas là l’apparence des épiploons ; et ce sont évidemment des replis bien plutôt que des coutures. — Il enveloppe….. Ceci s’applique au péritoine et non à l’épiploon. — Sa disposition y est toujours semblable. Ceci est exagéré, et l’on peut voir dans Cuvier, loc. cit., pp. 83 et suiv., toutes les variétés que présente l’épiploon dans les seuls mammifères.
  170. . En effet… Toute la théorie qui est développée dans ce paragraphe peut paraître bien insuffisante ; elle tient à celle des quatre éléments, qui a régné dans toute l’Antiquité, et qui n’a disparu que devant les progrès de la chimie moderne. — L’épaisseur même de la membrane Cette explication est la suite de la précédente.
  171. L’origine de l’épiploon. Il est toujours fort difficile de découvrir la vraie cause ; mais ici celle qu’on attribue à l’épiploon peut paraître bien incomplète. Le mieux, était de constater simplement le fait, sans essayer de remonter plus haut. — La nature l’emploie. Il est bien certain que la nature a eu un but en faisant l’épiploon tel qu’il est ; mais quel est au juste ce but ? La science le cherche encore. Mais d’une manière toute générale, l’épiploon ou les épiploons, par la place seule qu’ils occupent, doivent concourir a la fonction de la digestion. — L’épiploon est gras. Ceci est exact ; mais la graisse est moins abondante dans l’épiploon gastro-hépatique, que dans le gastro-colique, et dans les petits appendices des gros intestins ; voir Cuvier, Anatomie comparée, loc. cit., p. 85. — Flottant au milieu du ventre. C’est de là que lui est venu son nom, comme on sait. — Avec le foie, qui est placé tout auprès. L’épiploon gastrohépatique sert de moyen d’union entre le foie et l’estomac. De la surface inférieure du foie, il s’étend à la petite courbure de l’estomac, et il tient aussi à la petite courbure depuis l’œsophage jusqu’au duodénum ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, p. 84.
  172. Le mésentère… Voir le chapitre précédent, § 1. — Le mésentère, ou plutôt les mésentères, sont des prolongements du péritoine qui fournissent une enveloppe extérieure au canal intestinal, et qui le retiennent aux parois de l’abdomen ; ils existent dans tous les vertébrés ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome IV, pp. 74 et suiv., 1re édit. — Jusqu’à la grande veine et à l’aorte. Ceci est assez exact anatomiquement, sans être d’ailleurs assez précis. Le mésentère proprement dit est un vaste repli étendu en avant de la colonne vertébrale, non loin de laquelle passent en effet la veine cave et l’aorte. Puis, viennent les autres mésentères, mésocolon ascendant et descendant, mésocolon transverse, mésocolon iliaque, et mésorectum. Les mésentères vont des parois abdominales à un organe, pour y porter les vaisseaux et les nerfs qui lui appartiennent. — Des intestins à l’aorte… Ces détails sont assez exacts. — Pour peu qu’on y regarde. Et qu’on observe les faits avec le soin qu’Aristote a toujours recommandé.
  173. . En effet, comme… L’explication donnée ici ne s’applique pas assez directement au mésentère, et elle pourrait aussi bien s’appliquer à tout autre organe. — Il doit y avoir quelque organe… Ceci est exact ; mais ce n’est pas là la fonction des mésentères. La fonction qu’Aristote veut désigner ici, et qui est en effet indispensable, est celle des vaisseaux chylifères, qui prennent naissance de la paroi interne des intestins, et qui sucent dans l’intestin toutes les portions définitivement nutritives ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome III, p. 7, De la digestion en général. — À travers des racines. Voir plus haut, livre II, ch. III, § 9, cette métaphore déjà employée par l’auteur. Cuvier se sert, loc. cit., de la même métaphore, qui se présente tout naturellement, et il parle « de la succion de petites racines des vaisseaux chylifères. »
  174. . Qui est la terre. Suite de la métaphore employée dans le paragraphe précédent. — D’avoir pour racines les veines. Ce n’est pas là une condition particulière aux mésentères ; tous les viscères, tous les organes du corps en sont là ; ils sont tous alimentés par le sang que leur apportent les artères, et qui est ramené au cœur par les veines. Les artères principales du mésentère sont l’artère mésentérique supérieure, qui naît de la partie antérieure de l’aorte au-dessous du trou cœliaque, et gagne le mésentère près du mésocôlon transverse, et l’artère mésentérique inférieure, moins volumineuse. — On voit par là… Cette explication n’est pas aussi claire que l’auteur semble le croire. — C’est ce que nous dirons plus tard. L’étude qu’annonce Aristote est celle de la digestion tout entière ; c’est une des plus complexes de toute la physiologie et de l’anatomie ; et cette fonction n’a été bien connue que de nos jours, sans l’être même encore tout entière. Cuvier y a consacré près de deux volumes de son Anatomie comparée, tout le troisième, et une partie du quatrième, 1ere édition. — Sur la Génération des animaux, Aristote, dans ce traité spécial, est revenu bien des fois à la question de la nutrition ; mais il ne l’a pas exposée d’une façon particulière ; voir la table de l’édition de MM. Aubert et Wimmer, p. 436. — Sur l’Alimentation. Ou la Nutrition. Ce traité, qui est mentionné encore par Aristote dans les Opuscules, du Sommeil, ch. III, § 2, p. 162 de ma traduction, n’est pas parvenu jusqu’à nous. C’est une perte regrettable, comme tant d’autres.
  175. Et concourt à la génération. C’est l’objet du grand traité qui porte ce nom, et qui peut passer pour le chef-d’œuvre zoologique d’Aristote. — Plus tard… plus convenable… C’est ce qu’a fait le philosophe ; et la question essentielle de la génération a été étudiée par lui avec toute l’attention qu’exige un tel sujet, et avec une profondeur qui, à certains égards, n’a pas été dépassée.
  176. Les animaux qu’on appelle mollusques et crustacés… Il ne semble pas que ce sujet tienne assez étroitement à ce qui précède. L’alimentation des mollusques et des crustacés est sans doute fort curieuse à étudier ; mais jusqu’ici il a été surtout question des viscères intérieurs ; et c’est cette étude spéciale qui paraîtrait devoir être continuée dans ce chapitre. Du reste, tout ce que dit ici Aristote n’en est pas moins digne d’intérêt. Sur les mollusques et les crustacés en général, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. VI, p. 37 de ma traduction, et liv. IV, ch. I, § 2, p. 2. — Une organisation intestinale…. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. I et suiv., édit. de 1830. L’organisation des mollusques est fort singulière, et le naturaliste français s’est appliqué longuement à la faire connaître, parce qu’elle est compliquée ; il a établi six classes de mollusques, tandis qu’Aristote, en leur donnant un nom commun, semble n’y voir qu’une seule espèce. — Qui sont privés de sang. Comme les insectes et les crustacés, ainsi que le dit l’auteur ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I. — Le fluide qui compose les entrailles. Ce fluide, qui est le sang, nourrit les viscères ; mais on ne peut pas dire qu’il les compose.
  177. Pourvus de sang… qui en sont privés. Ce sont là les deux classes principales qu’Aristote a établies entre les animaux, selon qu’ils ont ou n’ont pas de sang, d’après ses théories. Mais la zoologie actuelle reconnaît que tous les animaux ont du sang ; seulement il est rouge chez les uns, et blanc chez les autres. — Ni veine ni vessie… ne respirant pas. Ces détails ne sont pas exacts. Les mollusques respirent et leur circulation est double ; les testacés respirent également, ainsi que les insectes, bien que par des organismes différents. — Qui réponde au cœur. Ceci est exact ; mais le cœur n’est pas le principe de la sensibilité, comme Aristote le dit ici, et comme il l’a répété souvent.
  178. Des organes qui servent à la nutrition. Puisque autrement ils ne pourraient pas vivre. Au fond, la fonction est la même ; ce sont les procédés seuls qui différent. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, Introduction, Fonctions organiques, pp. 34 et suiv., édit. de 1830. — Deux dents… Ceci se rapporte spécialement aux mollusques céphalopodes, qui ont dans leur bouche, placée entre leurs pieds, deux fortes mâchoires de corne, semblables au bec d’un perroquet ; Cuvier, loc. cit., p. 9. Entre ces deux mâchoires, est une langue hérissée de pointes cornées. — Un appendice charnu. Ce n’est pas dire assez. — Les crustacés… les testacés. Les choses ne sont pas aussi évidentes dans ces deux ordres de mollusques ; voir Cuvier, tome III du Règne animal, édit. de 1830, p. 117 et p. 183. — Pour goûter leur nourriture. Bien que les organes du goût ne soient pas très distincts chez ces animaux, ils doivent nécessairement posséder ce sens par l’excellente raison qu’en donne Aristote ; voir Cuvier, Règne animal, Introduction, pp. 11 et suiv.
  179. Dont on a parlé déjà. Plus haut, livre II, ch. IV, § 3, il a été question de l’abeille ; mais ceci doit se rapporter surtout à l’étude approfondie qui a été faite de l’abeille dans l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. 26 et 27, p. 228 et suiv. de ma traduction. Voir également sur les mouches et les fourmis l’Histoire des Animaux, livre V, ch. 7, p. 142 de ma traduction. Tout ce paragraphe sur les insectes paraît ici déplacé, puisque l’auteur revient immédiatement aux crustacés, qu’il avait commencé à étudier dans le paragraphe précédent.
  180. . Au début. Plus haut, § 4. — Le limaçon. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. 4, § 4, p. 3 de ma traduction, et aussi livre IV, ch. 2, § 20 ; ibid. ch. 4, § 11, p. 44.
  181. Un long œsophage… gésier pareil à celui des oiseaux. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. I, § 16, p. Il de ma traduction. Ces détails sont exacts, si on les rapporte aux céphalopodes. Après la bouche et les deux mâchoires, leur œsophage se renfle en jabot, et donne dans un gésier aussi charnu que celui d’un oiseau. Puis, vient un troisième estomac où le foie, qui est très grand, verse la bile par deux conduits. L’intestin est simple et peu prolongé ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 9e édition de 1830 ; le naturaliste français s’accorde de tous points avec le naturaliste grec. — Les seiches et les polypes. Voir Cuvier, loc. cit., page 11. — Teuthies. Ou Teuthides. C’est le calmar, le petit ou le grand, Loligo vulgaris, ou une espèce très rapprochée ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 14 ; et le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, tome I, p. 150, n° 6. — Deux cloaques en forme d’estomacs. Je ne trouve pas des détails analogues dans les ouvrages modernes de zoologie. Les céphalopodes ont deux branchies, une de chaque côté ; la grande veine cave, arrivée entre elles, se partage et donne dans deux ventricules charnus ; ce sont ces ventricules qu’Aristote aura appelés des estomacs. Voir Cuvier, id. ibid., p. 9.— D’une chair plus molle. Les calmars n’ont pas de coquille ; mais, en place, ils ont dans le dos une lame de corne en forme de lancette.
  182. Par le même motif que chez les oiseaux. Ce rapprochement est ingénieux et exact, puisque la teuthis ou calmar ne peut pas non plus broyer ses aliments. — Leur encre. Les céphalopodes, qui forment la première classe des mollusques, ont cette sécrétion particulière d’un noir très foncé qu’on appelle leur encre ; ils l’emploient à teindre l’eau pour se cacher et se dérober à leurs ennemis ; elle est produite par une glande et déposée dans un sac qui est diversement situé selon les espèces ; Cuvier, id. ibid., p. 10. — Ce manteau a une issue. Le manteau des céphalopodes se réunit sous leur corps, et forme un sac musculeux qui enveloppe tous les viscères ; un entonnoir charnu, placé à l’ouverture du sac, devant le col, donne passage aux excrétions ; Cuvier, Règne animal, tome III, p. 8. — Le conduit. Ou, Le sac.
  183. Tous les mollusques. Il faut restreindre ceci aux céphalopodes. — Chez la seiche. La bourse de l’encre chez les seiches est détachée du foie, tandis que chez les poulpes elle est enchâssée dans le foie, ainsi que chez les calmars ; et quoique cette bourse soit enfoncée plus profondément dans l’abdomen, on la distingue davantage ; voir Cuvier, loc. cit… pp. 12, 14 et 16. — Dans les moments de crainte. Les mêmes détails sont donnés sur la seiche et son encre dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 17, p. 12 de ma traduction. — En haut….. en bas. Ces détails sont assez exacts, comme le montrent ceux qui viennent d’être donnés sur la seiche d’après Cuvier. — Davantage de cette encre. Je ne sois pas si cette différence a été constatée récemment par nos zoologistes.
  184. . Sa vie se passe près de la terre. Par opposition à la teuthis, qui, selon Aristote, est de haute mer. Je ne sais pas d’ailleurs, si cette différence est bien réelle. — Le polype a pour lui… L’expression est un peu trop générale, à moins qu’on n’entende par là le polype appelé Polype d’Aristote, qui a des tentacules six fois aussi longues que son corps et garnies de cent vingt paires de ventouses ; Cuvier, Règne animal, t. III, p. 12, édit. de 1830. — Le changement de couleur. Ce phénomène n’a pas été constaté, à ce qu’il semble, par la science moderne. Aristote lui-même n’en parle pas dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, §§ 19 et suiv., où il s’est étendu longuement sur le polype. Il y dit seulement que les polypes sont de diverses couleurs, § 23, p. 16 de ma traduction ; mais le fait n’est pas faux, puisque Cuvier remarque que la peau des poulpes surtout change de couleur par place et par taches, plus vite encore que celle du caméléon. Cuvier, loc. cit., p. 10.
  185. Au bas du corps. Répétition de ce qui vient d’être dit au § 8. — La seiche non plus n’a pas de vessie. Nouvelle preuve du soin avec lequel Aristote avait disséqué les animaux dont il parlait. — La plus terreuse… plus de terreux en elle. C’est toujours l’application de la théorie des quatre éléments. Le terreux ne signifie que la partie solide dans les organes dont il s’agit. — L’os de la seiche. Voir dans Cuvier, Règne animal, t. III, p. 16, édit. de 1830, la description de l’os de la seiche, qui n’est réellement qu’une coquille d’une nature particulière, et qui est friable. — Le polype n’en a pas. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 18, p. 13 de ma traduction. — Cartilagineux et léger. Cette description paraît exacte ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 14, édit. de 1830. La zoologie moderne ne semble pas avoir attaché autant d’importance à ces détails.
  186. On vient de dire… Ce paragraphe tout entier n’ajoute rien à ce qui précède ; et il est assez inutile. On pourrait supposer que ce n’est qu’une addition faite par une main étrangère. — À être craintifs. La privation de sang n’est pas nécessairement cause de la timidité ; des insectes qui n’ont pas de sang, par exemple les abeilles, n’en sont pas moins très courageux ; mais il n’en est pas moins vrai que la disposition à la peur se rattache à une certaine disposition matérielle de l’organisme. — C’est aussi la peur… Voir plus haut, § 8.
  187. Les crustacés. Sur les crustacés, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, p. 18 de ma traduction. — Langoustes… crabes, Id. ibid., § 3, p. 19. — Les deux premières dents. Voir plus haut, § 3. — Nous l’avons déjà dit. Plus haut, § 5, et aussi § 3. Pour tous ces détails, voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, §§ 17 et suiv., p. 28 et suiv. — Ils ont l’œsophage… La science moderne n’a guère donné sur l’organisation des crustacés plus de détails qu’Aristote n’en donne ici ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 183, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 398, trad. franc. Le canal digestif chez les crustacés s’étend en ligne droite de la bouche à l’anus, et il présente dans sa partie gastrique des tubes hépatiques simples ou ramifiés. Dans quelques espèces plus grosses, l’œsophage s’élargit avant de se terminer dans l’estomac, pour constituer un estomac masticateur, armé de pièces solides. Ce sont sans doute ces pièces qu’Aristote appelle des dents. — Celles d’en haut. On ne voit pas clairement à quoi ceci peut répondre. — Simple et tout droit. Ceci est exact.
  188. . Les testacés. Sur les testacés, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, pp. 37 et suiv. de ma traduction. — Chez les plus grands. Cette recommandation, que fait souvent Aristote, était surtout nécessaire en l’absence du microscope. — Ainsi qu’on l’a dit. Un peu plus haut, § 3. — On l’a dit plus haut. Voir § 5. Tout ce paragraphe n’est en grande partie que la répétition de ce qui précède ; et c’est sans doute quelque main étrangère qui aura, sans nécessité, fait cette addition. — La micon. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 19, p. 29 de ma traduction. La micon semble se confondre avec la mytis, ou encre, des céphalopodes. Sur l’organisation entière des testacés, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, pp. 37 et suiv. — Bonne à manger. Il est probable que, dans la Grèce, on mangeait les escargots, comme on en mange chez nous.
  189. . Les pourpres et les buccins. Sur l’organisation des buccins et des pourpres, voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 97 et 99, édit. de 1829. — Beaucoup de genres et d’espèces. De testacés. Cuvier, loc. cit., fait des testacés le premier ordre des acéphales ; et il y place les huîtres, les moules, les camacées, les cardiacés, les enfermés, etc. Le deuxième ordre des acéphales est composé des acéphales sans coquille. Id. ibid., pp. 145, 135,141,144, 153 et 162. — D’autres ont deux valves. Ceci est exact ; et il semble, d’après Cuvier, que tous les testacés sont bivalves ; mais les turbines sont univalves et forment la division la plus nombreuse des pectinibranches ; toutes ces coquilles sont univalves, en spirale ; voir Cuvier, loc. cit., p. 70. — Des opercules sur la partie découverte de la chair. Il est difficile de reconnaître clairement dans ces détails trop concis l’organisation réelle des turbines. Peut-être Aristote veut-il parler de leurs branchies, composées de nombreux feuillets, et rangées parallèlement comme les dents d’un peigne, d’où leur vient le nom de Pectinibranches ; elles sont attachées au fond de la cavité pulmonaire, qui occupe le dernier tour de la coquille. Près des branchies, est un organe particulier, formé de cellules qui renferment une humeur très visqueuse. Cette humeur forme une enveloppe commune, qui couvre les œufs. — Servent à les défendre. Cuvier parle aussi d’opercules, loc. cit., p. 72 ; mais il ne dit pas que l’opercule ait été donné à l’animal pour sa défense.
  190. Qui ne leur appartient pas. C’est le rocher, qui tient lieu d’une seconde valve en quelque sorte. — Les lépades. Ou, Écuelles ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 17, page 48 de ma traduction. La zoologie actuelle a conservé le nom de Lépade ; mais elle l’applique à une espèce de cirrhipède ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 409, trad. franc. La lépade dont il est ici question semble être la Patella mammilaris, qui abonde dans la Méditerranée. — Les peignes et les moules. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 135 et 122. — Le hérisson de mer. C’est l’oursin, échinus ; voir la description qu’en donne Cuvier, Règne animal, t. III9 pp. 230 et suiv., édit. de 1829. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. V, pp. 56 et suiv. de ma traduction. Tout un chapitre est consacré au hérisson de mer, ou oursin.
  191. Absolument opposée à celle des mollusques. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, chapp. III, IV et V, où ces différences d’organisation sont signalées souvent. — La partie terreuse. C’est-à-dire, Solide. — N’a aucune espèce de chair. C’est exact. — Une bouche, puis une sorte de langue… Pour tous ces détails, voir l’Histoire des Animaux, locc. citt. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, aux lieux que nous venons de citer. — D’après les Descriptions Anatomiques. Par malheur, ces descriptions, qui eussent été si curieuses, ne sont pas arrivées jusqu’à nous ; voir la Préface à l’Hist. des Animaux, p. CLXVI, et la Dissertation préliminaire, p. CCXVIII. — Par des explications… par la vue. On ne saurait trop remarquer ce passage, qui montre que c’est d’une manière systématique qu’Aristote a joint des dessins spéciaux à ses descriptions zoologiques.
  192. Les hérissons… et les téthyes. On ne peut guère douter que les téthyes d’Aristote ne répondent aux ascidies de la zoologie actuelle, comme le remarquent le docteur de Frantzius, edit. des Parties des Animaux, p. 309, § 33 ; et Cuvier, Règne animal, t. III, p. 165, en confondant les ascidies, avec le Thétyon des Anciens (téthyon). Dans l’Histoire des Animaux, tout un chap. 6 du liv. IV, est donné aux téthyes, que l’auteur rapproche aussi du hérisson de mer, § 2, p. 63 de ma traduction. Mais les téthyes sont des zoophyles, tandis que les hérissons de mer sont encore des mollusques. Il est donc possible que le nom de téthyes intercalé ici soit une addition étrangère ; et ce qui autorise cette conjecture, c’est qu’il est surtout question des hérissons dans ce paragraphe, et que l’auteur ne revient aux téthyes que plus loin, § 29. — Ont cinq dents. C’est ce que dit aussi Cuvier, Règne animal, t. III, p. 231. — De tous les animaux dont on vient de parler. C’est-à-dire, des crustacés et des testacés. — Un œsophage. Ce n’est pas précisément un œsophage ; mais un intestin fort long, attaché en spirale aux parois intérieures du test par un mésentère. Ces animaux ont cinq ovaires, qui sont la partie mangeable des oursins, et qu’Aristote a peut-être pris pour des estomacs. Voir Cuvier. loc. cit., p. 231. — À une seule issue. Qui, en effet, est l’anus des oursins. — Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, § 16 ; et aussi Histoire des Animaux, liv. IV, ch. V, § 1, p. 56 de ma traduction. — Leurs œufs. Ce sont les ovaires de Cuvier. — Certains corpuscules noirs. On ne sait pas précisément ce qu’Aristote a voulu désigner par là ; voir la note de M. le docteur de Frantzius, p. 309, § 36.
  193. Étant fort multipliés. Ceci est fort exact, et l’on peut voir dans Cuvier, t. III, pp. 218 et suiv., édit. de 1829, tous les genres et les espèces des échinodermes pédicellés et sans pieds, parmi lesquels on peut distinguer les astéries, les oursins, les holothuries, les molpadies, etc., etc. — Ainsi nommés. Cette formule prouve qu’Aristote ne se trompait pas, et qu’il voyait bien que ces œufs prétendus n’étaient pas de véritables œufs. Aujourd’hui même, l’organisation de ces zoophytes, ou rayonnes, n’est pas parfaitement connue. On mange au printemps les ovaires des oursins, qui sont rougeâtres et d’un goût assez agréable. Voir Cuvier, loc. cit., p. 232. — Le micon. Ou La micon, puisque le mot grec est féminin ; voir sur le micon, l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, § 19, et ch. IV, § 13, p. 46 de ma traduction. On ne sait pas précisément quelle est la matière qu’Aristote appelle le micon ; il est possible que ce soit la liqueur qui est épanchée dans toute la cavité des échinodermes, et qui se porte au gré de l’animal dans la partie extérieure, qu’elle étend, ou qui rentre dans la partie vésiculaire intérieure ; Cuvier, loc. cit., p. 224. — Les lépades. Voir plus haut, § 13.
  194. Ce qu’on appelle l’œuf. Il est difficile de savoir ce qu’Aristote appelle l’œuf dans les bivalves ; et il n’y a rien dans la zoologie moderne qui puisse servir à l’expliquer. C’est peut-être le pied, qui est attaché entre les quatre branchies. La bouche est à une extrémité et l’anus à l’autre ; aux côtés de la bouche, sont quatre autres feuillets triangulaires, qui servent de tentacules. Tout en constatant que l’on a tort d’appeler cette partie des bivalves un œuf, Aristote donne des détails trop longs pour qu’on puisse croire qu’il s’est complètement trompé ; voir Cuvier, loc. cit. y p. 117. Si ce n’est pas le pied des bivalves qu’Aristote prend pour un œuf, ce ne peut être que leur bouche, qui cependant ne doit pas varier avec les saisons.
  195. Les hérissons de mer. Ou, Oursins. — Ils ont cet œuf dès leur naissance. Ici encore, il est bien difficile de voir ce qu’Aristote a voulu décrire ; il n’y a rien dans les oursins qui puisse y répondre ; voir Cuvier, loc. cit., p. 230. — Ainsi qu’on le suppose. L’auteur aurait dû nommer les naturalistes qu’il réfute. — Par la lumière de la lune. C’est une observation délicate, puisque la chaleur de la lune est à peu près nulle. — L’Euripe de Pyrrha. Voir l’Histoire des Animaux, livre V, ch. X, § 3, p. 157 de ma traduction, où tous ces détails sont déjà donnés presque mot pour mot.
  196. Ils en ont cinq. On ne peut comprendre par là que les cinq ovaires des oursins, situés autour de l’anus, et ayant chacun un orifice particulier. Les oursins ont bien les cinq dents dont il est question ici ; mais on ne peut pas dire qu’ils aient cinq estomacs. — L’embonpoint de l’animal. Voir plus haut, § 19, — Chez les huîtres. Est-ce du petit ligament de la charnière des huîtres que l’auteur veut parler ici ? — Presque sphérique. C’est exact. — N’est pas unique. En effet, le corps des oursins est composé de cinq pièces anguleuses, qui se joignent exactement. — Que l’œuf soit ainsi disposé. Ici encore l’explication est des plus obscures ; l’oursin n’a pas d’œuf ; et s’il s’agit des ovaires, il faut se rappeler qu’il y en a cinq, et non point un seul. Un peu plus bas, il est question non plus d’un œuf unique, mais de cinq œufs, § 23.
  197. . La tête au centre. D’une manière générale, ceci est exact. Comme ces animaux sont rayonnés, le centre a pu être pris pour leur tête, aussi bien que pour leur bouche. — Que l’œuf soit continu. Ceci ne se comprend pas bien ; mais les manuscrits n’offrant pas de variante, il faut garder le texte tel qu’il est. — Les œufs ne soient pas en nombre pair. Il y a autant d’œufs, si ce sont des œufs toutefois, que de rayons composant l’animal. — En diamètre. C’est-à-dire, composé de deux parties correspondantes, comme la suite l’explique. — Les huîtres et les peignes. Ces deux espèces font partie l’une et l’autre de la famille des testacés acéphales ; et ici encore, il paraît bien qu’il ne peut être question de la charnière qui se trouve également chez les deux ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 120 et 122, édit. de 1829. On peut croire que toute cette portion du texte a été altérée.
  198. Trois ou cinq… cinq œufs. Ceci semble bien indiquer que ce qu’Aristote appelle ici des œufs n’est que la division des oursins en cinq compartiments.
  199. L’estomac de ces animaux… Si tous ces renseignements ne sont pas exacts, et s’ils n’ont pas été ratifiés par la science moderne, ils prouvent du moins avec quelle attention Aristote avait étudié et cherchait à comprendre toutes ces organisations inférieures. — Le nombre de leurs dents. Qui est bien de cinq, comme le dit Aristote. — Chaque œuf. Cette indication semble bien correspondre aux cinq compartiments des oursins. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. V, p. 56 de ma traduction. — À se mouvoir. Bien que les oursins fassent partie des échinodermes pédicellés, le mouvement est bien peu marqué chez eux. Leurs pieds ainsi nommés sont les tentacules qui passent par les petits trous de l’enveloppe. On les compte par centaines, et c’est en les allongeant ou en les raccourcissant que ces animaux peuvent se mouvoir ; Cuvier, loc. cit., p. 224. — L’estomac… partagé en cinq. Dans les oursins, la bouche est garnie de cinq dents enchâssées dans une charpente calcaire très compliquée, ressemblant, dit Cuvier, à une lanterne à cinq pans. C’est sans doute ce qu’Aristote aura nommé des estomacs ; Cuvier, loc. cit., p. 231, édit. de 1829.
  200. On voit donc… La conclusion n’est peut-être pas aussi certaine que l’auteur semble le croire. — Des œufs. Ou plutôt : Ce qu’on appelle des œufs. — Plus de chaleur. Le fait n’est pas impossible ; mais rien ne le prouve. — Qui ne sont pas comestibles. Cette traduction n’est pas certaine, parce que la signification du mot grec lui-même ne l’est pas. Les manuscrits n’offrent pas de variante. — Quelque chose à leurs piquants. L’explication est ingénieuse, et selon toute apparence, elle est vraie. — Leurs piquants leur servent de pieds. Ceci n’est exact qu’en partie. La surface du test est armée d’épines articulées sur de petits tubercules, et mobiles au gré de l’animal ; elles servent à ses mouvements avec les pieds, qui sont situés entre elles ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 231, édit. de 1829-1830.
  201. Quant aux téthyes. Voir plus haut, § 17. — Diffère très peu de la nature des plantes. Et de là, leur nom de Zoophytes, qu’Aristote n’a pas inventé, à ce qu’il semble, mais qu’il a indiqué aussi clairement que possible. — Que les éponges. Cuvier place les éponges, parmi les polypes à polypiers, à la suite des téthyes (Théthyes) id. ibid., p. 321. — La condition de la plante. Les éponges sont des corps marins fibreux ; elles n’ont de sensible qu’une sorte de gélatine ténue qui se dessèche sans laisser aucune trace ; Cuvier, id. ibid., p. 322. — C’est que la nature. La zoologie actuelle ne pourrait pas dire mieux. — Excessivement légère. Et c’est là ce qui fait que la science a tant de peine à les classifier.
  202. Comme on l’a dit. Voir l’Histoire des Animaux, livre V, ch. XIV, §§ 3 et suiv., pp. 187 et suiv. de ma traduction. — Quand on la détache. Du rocher, où elle est implantée. — Les holothuries, ainsi dénommées. La science moderne a conservé ce nom pour des échinodermes pédiceliés ; mais elle ne place pas les holothuries aussi près des éponges que le fait Aristote ; elles ont une organisation assez compliquée, avec bouche, intestin, œsophage, anus, etc.; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 238. — Les poumons marins. Je ne sais si on peut confondre ces poumons marins d’Aristote avec les pulmonés de la zoologie moderne, dont l’organisation est très supérieure à celle des holothuries et surtout des éponges ; Cuvier, loc. cit., pp. 37 et 46. — Aucun des sens. Ceci ne peut pas s’appliquer absolument aux holothuries ni surtout aux pulmonés, qui ont au moins le toucher.
  203. L’Épipètre. J’ai conservé le mot grec en mettant l’équivalent français entre parenthèses. Il paraît que cette plante est un sédum rupestre, ou amplexicaule. Théophraste, Histoire des plantes, liv. VII, ch. VII, § 49 p. 119, édit. Firmin-Didot, nomme l’épipètre ; mais c’est seulement pour dire que cette plante n’a point de fleur ; il ne parle pas de la propriété particulière dont il est question ici.
  204. Les téthyes. Voir plus haut, § 26. — En étant attachées. Comme les éponges. — Quelque sensibilité. On peut le croire d’après la raison qu’en donne Aristote, parce qu’en effet ces animaux ont une substance charnue sans os ni corne d’aucun genre ; voir Cuvier, loc. cit., p. 320. La croûte des téthyes comme celle des éponges présente deux ordres de trous pour recevoir l’eau et la rejeter. — Deux conduits et une seule fente. On pourrait trouver ici que les observations du naturaliste grec ont été poussées plus loin que celles de la science moderne. — On ne voit pas clairement… Le fait est exact, et l’eau que les téthyes rejettent ne peut pas être prise pour leur excrément. — Comme les autres testacés. On peut douter que les téthyes doivent être classées parmi les testacés.
  205. Un végétal. Le rapport indiqué par Aristote est réel, puisque le végétal n’a pas non plus d’excrétion ; mais il y a encore d’autres rapports non moins importants, l’immobilité, par exemple. — Pour le point essentiel de la vie. C’est là une théorie qui peut être exacte ; mais qui ne semble pas s’appuyer sur aucun fait. — Cnides. Acalèphes. Sur la cnide ou acalèphe, voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XIV, § 1, p. 187 de ma traduction. La zoologie moderne a conservé le nom d’Acalèphe pour les orties de mer, qui forment la troisième classe des zoophytes. Ce ne sont pas en effet des testacés, et Aristote a raison de les distinguer. — Ils sortent de toutes les divisions admises. Et qui chez les Anciens ne pouvaient pas être poussées aussi loin que chez nous ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 274. — De la plante et de l’animal. D’où leur nom de zoophytes, ou animaux rayonnes, quatrième et dernier embranchement des animaux, selon Cuvier. — Quelques espèces se détachent. C’est exact. Par exemple, les méduses nagent en contractant et en dilatant leur ombrelle, bien que leur substance soit gélatineuse et sans fibres apparentes. Parmi les polypes, les uns se fixent par leur base ; les autres peuvent la détacher tout à fait et nager ; voir Cuvier, loc. cit. pp. 274 et 290. — Bien qu’elles aient une bouche. Le fait est exact ; et dans la plupart des espèces, cette bouche tient lieu aussi d’anus.
  206. . Des étoiles de mer. Ce sont les astéries de la zoologie moderne, qui forment la première partie des Échinodermes pédicellés. Leur corps est divisé d’ordinaire en cinq rayons, au-dessous desquels est la bouche, qui sert aussi d’anus ; Cuvier, loc. cit. p. 225, — Se jettent sur les huîtres. Je ne sais si ce détail a été constaté par la zoologie moderne. — On pourrait en dire autant des testacés. Ceci est trop concis, et n’est pas assez clair.
  207. Les organes de l’alimentation… Cette étude a commencé plus haut avec le chapitre V, pour les animaux qui n’ont pas de sang. — Le siège principal de la sensibilité. Il faut se rappeler que, dans les théories d’Aristote, c’est la sensibilité qui constitue essentiellement l’animal et le sépare de la plante, qui n’a que la faculté de nutrition. Cette théorie est profondément juste, et la science l’a conservée comme un de ses principes fondamentaux. — Dans les mollusques… Les détails anatomiques qu’Aristote donne ici sur les mollusques ne sont pas très exacts ; mais l’organisation de ces animaux est très obscure, et il est fort difficile de distinguer les viscères. — Une partie liquide. Ou, Humide. — Une membrane… Je ne crois pas que la science actuelle reconnaisse rien de pareil. Est-ce le système nerveux, est-ce la circulation des mollusques qu’Aristote veut décrire ? La principale masse médullaire, qu’on appelle leur cerveau, est placée en travers de l’œsophage, qu’elle enveloppe comme d’un collier. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 2, édit. de 1830. — La Mytis. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 17, p. 12 de ma traduction, la mytis des mollusques est la membrane où est contenue l’encre des céphalopodes. Ici, la mytis semble être plutôt le siège de la sensibilité. — Crustacés. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, consacré aux crustacés, Aristote ne parle pas de leur mytis.
  208. Traversé dans son milieu par l’œsophage. Il semble que ceci ne peut se rapporter qu’à la masse médullaire qu’on nomme quelquefois le cerveau des mollusques. — Ainsi qu’on l’a déjà dit. Au paragraphe précédent. Mais au paragraphe qui suit, Aristote assimile cet organe au cœur. — La distension indispensable. Je ne sais pas si l’œsophage des mollusques se développe réellement autant que l’auteur paraît le croire. — De son dos. Ceci ne se comprend pas bien ; mais les manuscrits n’offrent pas de variante. — L’encre est sur l’intestin. Ces détails ne sont peut-être pas très exacts anatomiquement ; sur l’organisation des mollusques céphalopodes et sur leur encre, voir Cuvier, Règne animal, tome III, pp. 9 et suiv., édit. de 1830. — De l’orifice de sortie. Ceci non plus ne paraît pas fort exact. Dans les céphalopodes, l’entonnoir charnu qui donne passage aux excrétions est placé à l’ouverture du sac devant le cou. C’est le manteau qui forme le sac musculeux dont tous les viscères sont enveloppés ; la bouche est percée entre les pieds.
  209. Analogue au cœur. Le mécanisme de la circulation est assez compliqué chez les mollusques ; ils ont trois ventricules ; mais il ne paraît pas qu’ils aient un organe qu’on puisse appeler leur cœur ; voir Cuvier, loc. cit. La douceur du liquide. De quel liquide peut-il être question ici ? C’est ce qu’on ne voit pas. — Parfaitement cuit et sanguin. Quelle que soit la valeur de ces explications, elles prouvent avec quel soin Aristote avait fait l’anatomie de ces animaux, si difficiles à observer, même aujourd’hui, avec tous les moyens que nous possédons. — Le siège principal de la sensibilité. Voir plus haut, § 32. — Est disposé de même. Il aurait fallu plus de précision dans ce rapprochement. — Dans le milieu des deux organes. Ce qui ne veut pas dire que toujours le siège du principe sensible soit à égale distance des deux extrémités, celle par où entre la nourriture, et celle par où sort le résidu. — Entre la droite et la gauche. On ne sait s’il s’agit ici du cœur dans les vertébrés, ou du centre phrénique.
  210. Dans des Études antérieures. Ceci se rapporte sans doute à l’Histoire des Animaux, où tout un chapitre, liv. IV, ch. VII, pp. 67 et suiv. de ma traduction, a été consacré aux insectes. — Entre la tête et le renflement du ventre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, §§ 2 et suiv., p. 68. — Ioules. Le nom grec a été conservé par la science moderne à toute une famille d’arthropodes chilognathes, les Iulides ; voir la zoologie de M. Claus, p. 533, trad. franc. Les anneaux de ces insectes sont en nombre indéterminé. — Après qu’on les a coupés en deux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 3, p. 68.
  211. . Des différences considérables… Ces observations sont fort exactes. — Les fonctions de la langue et celles des lèvres. Remarque fort ingénieuse, et tout à fait neuve du temps d’Aristote. — Cet organe de sensibilité à l’intérieur des dents. Cette théorie est peut-être moins acceptable que les précédentes. Le système nerveux des insectes est en général composé d’un cerveau formé de deux ganglions opposés, donnant huit paires de nerfs, et de douze ganglions inférieurs. Le lieu où Aristote place la sensibilité chez les insectes paraît choisi d’une manière arbitraire. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 293 et suiv., édit. de 1830 ; voir aussi la zoologie de M. le Dr Claus, pp. 548 et suiv., trad. franc.— L’intestin tout droit, et simple. Ceci n’est pas très exact ; et le tube digestif des insectes est, au contraire, étendu et compliqué ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 543.
  212. C’est la cigale… La science moderne s’est surtout occupée pour la cigale d’expliquer le mécanisme du son qu’elle produit ; elle a moins étudié son appareil buccal. Aristote en a fait une étude particulière dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 11, p. 74 de ma traduction. — À cause de leur froideur. Cette théorie peut être fort contestée ; mais on ne peut pas méconnaître que l’explication donnée ici par Aristote ne soit au moins fort ingénieuse. — De l’humidité qui provient de l’air. Il a été reconnu que la cigale se nourrit de la sève des arbres. — Les éphémères… le Pont-Euxin. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVII, § 19, p. 216 de ma traduction. — Les cigales vivent davantage. Voir l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XXIV, consacré tout entier à la cigale, pp. 218 et suiv. de ma traduction ; mais l’auteur n’y parle pas de la longévité.
  213. Des parties intérieures. Cette étude a commencé surtout avec le chapitre IV du livre III ; mais on peut la faire remonter aussi au chapitre I, du livre II. Tout ce paragraphe peut sembler ici hors de sa place, malgré la précision et la justesse des considérations qu’il présente sur la méthode de l’auteur ; mais dans les chapitres qui suivent, Aristote revient aux insectes, aux crustacés, aux mollusques, pour passer ensuite à des matières plus importantes, l’homme surtout, et finir par des matières qui le sont beaucoup moins. On ne saurait méconnaître qu’il y a quelque désordre dans la fin de ce quatrième livre. Les sujets qu’il traite sont disparates et n’ont pas entre eux un lien suffisant, Les détails sont toujours du plus grand intérêt, et généralement d’une grande exactitude ; mais l’exposition n’est pas régulière ni assez systématique. Voir sur ces questions la Dissertation sur la composition du Traite des Parties des Animaux, et aussi la Dissertation sur la composition de l’Histoire des Animaux.
  214. Les insectes. Voir l’étude générale sur les insectes dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, p. 67 de ma traduction. — D’autant de parties. Les trois parties les plus apparentes dans les insectes sont la tête, le thorax et l’abdomen ; mais ce ne sont pas les seules ; et avec les pattes, les ailes, les élytres, etc., elles forment à peu près autant de parties que dans une foule d’autres animaux. — Assez de différences. On pourrait même dire : Les plus nombreuses différences. Le nombre des espèces d’insectes actuellement connues s’élève à plusieurs centaines de mille ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 563, trad. franc. Il n’y a pas un autre ordre d’animaux qui en présente autant, sans compter les espèces fossiles, qui se multiplient indéfiniment. — Tous beaucoup de pattes. Ceux qui en général en ont le moins en ont six ; les autres en ont un nombre considérable ; ce qui leur a fait donner le nom de Myriapodes. — Le mouvement plus facile. L’explication peut être contestée ; car les insectes qui ont tant de pattes ne sont pas ceux qui se meuvent le plus vite. — Les Ioules. Voir au chapitre précédent, § 35. — L’insuffisance de leurs pattes. Cette théorie ne paraît pas non plus très exacte.
  215. Ont quatre ailes. Ce sont surtout les coléoptères, qui ont six pattes et quatre ailes, les deux supérieures recouvrant les deux autres, comme des étuis ou élytres. — Chez les abeilles. Les abeilles sont comprises aujourd’hui dans les hyménoptères (ailes membraneuses), formant le quatrième ordre des insectes ; elles ont également six pattes, et quatre ailes, simplement veinées, et non en réseau comme celles des nevroptères, les deux inférieures plus petites que les supérieures. — Des mouches. C’est l’ordre des diptères, avec deux ailes membraneuses, une trompe, des palpes, des antennes, etc. C’est le septième ordre des insectes. — Les hannetons. De l’ordre des coléoptères, six pattes, quatre ailes dont les deux supérieures sont des élytres, d’où l’on a tiré le nom de ce premier ordre des insectes. — C’est pour cela… Théorie contestable.
  216. N’est pas divisée. Comme le sont les ailes et les plumes des oiseaux. — Ce n’est pas une plume. Il était bon de noter cette différence. — Qui se rapproche du cuir. La remarque est juste, bien que l’élytre soit moins souple que le cuir. — En se repliant. Cette faculté n’appartient qu’à certaines espèces. — S’enroulent sur eux-mêmes… se rendent plus durs. Tous ces détails sont exacts. — Les canthares. Voir sur ces insectes, l’Histoire des Animaux, liv. V, ch. XVII, § 15, p. 213 de ma traduction. Le nom de cantharus a été donné par la science moderne à un poisson de la famille des acanthoptères, et celui de cantharis a été conservé à un coléoptère, du genre des pentamères, ou à tarses à cinq articles ; voir la Zoologie de M. Claus, pages 637 et 849. — Quand ils ont peur. Beaucoup d’insectes font également cette manœuvre, quand ils éprouvent quelque crainte.
  217. Plusieurs centres de vie. Parce qu’ils vivent encore après qu’on les a coupés. — Ils se rapprochent des plantes. Ce rapprochement est peut-être ici un peu exagéré. Cette théorie se retrouve plus précise et plus développée dans le Traité de la Jeunesse et de la Vieillesse, ch. II, §§ 3 et suiv., p. 315 de ma traduction. — Ne va que jusqu’à un certain point. Car il faut que l’animal ait conservé les organes de la nutrition.
  218. Ont des dards. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 5, p. 71 de ma traduction. — L’ont à la langue. Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. § 4, sur la langue des insectes. — L’organe du sens de l’odorat. C’est la trompe, qui fait aussi l’office d’un nez ; mais il est assez singulier de comparer l’insecte à l’éléphant. — Par cet organe. Voir sur la langue des insectes, Cuvier, Anatomie comparée, XIXe leç., tome III, pp. 347 et suiv., 1ere édit. L’organisation de la trompe est surtout remarquable et très variée chez les diptères.
  219. Ont des dents. Les insectes n’ont pas de dents, à proprement parler ; même les insectes broyeurs n’en ont pas. Leur bouche est formée d’une lèvre supérieure nommée labre ; et de chaque côté, il y a des mandibules ; en dedans, il y a les palpes maxillaires, le menton et la languette ; dans les insectes suceurs, les mâchoires et le labre forment en s’allongeant une trompe tubuleuse plus ou moins longue ; voir la Zoologie de M. Claus, p. 539, trad. franc. C’est la lèvre supérieure, avec les mandibules, qui sert à diviser les matières solides. — Ils seraient facilement détruits. Ceci ne se comprend pas bien ; et l’expression de la pensée est insuffisante. Peut-être cette remarque s’applique-t-elle aux dards et non aux insectes ; mais le texte ne se prête pas grammaticalement à cette dernière interprétation. — Chez les scorpions. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 5, p. 71. Le corps des scorpions se termine par une queue longue et grêle, composée de six nœuds, dont le dernier finit en un dard ; sous l’extrémité de ce dard, sont placés deux petits trous par lesquels sort une liqueur venimeuse, contenue dans un réservoir intérieur. Voir Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 267, édit. de 1829.
  220. À deux ailes. C’est l’ordre des diptères, comme ce nom l’indique ; il comprend le cousin, le taon, la mouche, etc. Voir le Règne animal de Cuvier, tome IV, p. 325, et la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 597, trad. franc, — Étant si petits… si faibles. Cette explication n’est peut-être pas très juste, bien qu’elle soit certainement fort ingénieuse ; mais il est difficile de savoir pourquoi la nature a mis le dard, tantôt en avant, tantôt en arrière, chez quelques insectes.
  221. Le même organe… des usages dissemblables. Sur ce point, l’opinion d’Aristote a varié plus d’une fois ; et tantôt il loue la nature d’avoir appliqué un seul organe à plusieurs usages ; tantôt au contraire, il la loue d’avoir consacré exclusivement un seul organe à un usage unique. Voir sur cette théorie la Préface à l’Histoire des Animaux, p. LXXVIII. Mais, comme il le dit ici, il vaut mieux que chaque organe n’ait qu’une seule fonction toute spéciale. — Soit spongieux. Ce n’est pas là tout à fait la nature de la trompe de certains insectes. — Une lampe au bout d’une broche. C’était un instrument à deux fins, comme ces couteaux de Delphes, dont il est parlé dans la Politique, liv. I, ch. I, § 5, p. 4 de ma traduction, 3e édit. Aristote, dans ce dernier passage, loue la nature d’être moins parcimonieuse que les fabricants de ces couteaux à plusieurs fins. — En cas d’impossibilité. Voilà l’opinion définitive du philosophe.
  222. . Les pattes de devant plus grandes… Je ne crois pas que la zoologie moderne ait étudié particulièrement ces différences dans la longueur des pattes des insectes. — Des yeux durs… Voir, sur les yeux des insectes, Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 299, et Anatomie comparée, t. II, XIIe leçon, p. 442, 1ere édit. Les yeux des insectes sont durs, comme le dit Aristote ; mais il ne semble pas que leur vue soit mauvaise. — C’est ce que font les mouches. Observation très facile, que chacun de nous a pu faire. — Du genre de l’abeille. Cette habitude n’est pas aussi marquée chez l’abeille que chez la mouche. — Les pattes de derrière sont plus grandes. Ceci semble contredire le début du paragraphe.
  223. Qui sautent. Voir, sur le saut des insectes, Cuvier, Anatomie comparée, tome I, VIIe leçon, p. 497, 1re édit. — En étendant leurs pattes… La zoologie moderne ne semble pas avoir étudié spécialement le mécanisme du saut chez les insectes, bien qu’elle fasse un groupe particulier des sauteurs, criquets, sauterelles, grillons, etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, page 569, trad. franc. — En forme de gouvernail. Cette comparaison n’éclaircit pas les choses ; et elle ne se comprend pas bien. Les manuscrits n’offrent pas de variante ; voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 7, p. 73. Comme l’étymologie du mot de Gouvernail en grec se rapproche beaucoup de l’étymologie du mot de Saut, il est possible qu’il y ait ici quelque erreur de copiste. — Sont pourvus de six pattes. Cette observation est exacte ; et les orthoptères, second ordre des insectes, ont tous six pattes, comme le dit Aristote, qui ne se trompe guère dans tous ces détails.
  224. Le corps des testacés. L’auteur revient aux testacés, dont il a été déjà question dans le chapitre V ; il semble de plus qu’il devrait être traité des testacés, avant les insectes. On peut donc supposer ici quelque désordre ; ce qui n’ôte rien d’ailleurs à l’exactitude et à l’importance des faits. — N’est pas divisé en plusieurs parties. Comme le corps des insectes, dont on vient de parler. — Sédentaires. Ceci est peut-être exagéré et trop général. Les acéphales testacés, qui sont bivalves, se meuvent fort peu ; mais on ne peut pas dire qu’ils soient sans mouvement, puisqu’il y a des espèces qui nagent, comme les peignes et les limes ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, page 122. — Qu’un mouvement très faible. Ceci n’est pas non plus très exact ; car il y a des testacés qui nagent très vite par le mouvement de leurs valves. — La nature leur a donné… C’est là une théorie chère à Aristote et qu’il ne manque jamais de rappeler. Elle est profondément vraie ; et sans elle, il est impossible de rien comprendre à l’histoire naturelle ; voir la Préface à l’Histoire des Animaux, p. LXXXII, § 2. Ainsi que nous l’avons déjà dit. Voir plus haut, ch. V, §§ 13 et suiv. — En spirale, comme les buccins. Tous les buccinoides ont une coquille spirale, dont l’ouverture a, près de la columelle, une échancrure pour le passage du siphon, qui lui-même n’est qu’un repli prolongé du manteau ; voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 91, édit. de 1830. — Le genre des solens. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 3, p. 37 de ma traduction. Les solens de Cuvier ont la coquille bivalve et oblongue ; leur charnière, pourvue de dents saillantes, a toujours son ligament à l’extérieur. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 686, trad. franc. La coquille est étroite et équivalve, en manche de couteau.
  225. La tête en bas. Il est difficile de comprendre ce qu’Aristote a voulu dire ici, bien que les détails où il entre attestent une observation fort attentive. Les testacés, qui forment la quatrième classe des mollusques, sont appelés acéphales, parce qu’en effet ils n’ont point de tête apparente, et qu’ils ont seulement une bouche cachée dans le fond du manteau ; le corps de l’animal, composé du foie et des viscères, y est également renfermé. Le cerveau est sur la bouche, qui est à une extrémité, tandis que l’anus est à l’autre ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 115 et suiv. — Renfermé dans une membrane. Cette membrane est le manteau, qui a deux lames, avec les quatre feuillets branchiaux ; Cuvier, ibid., p. 117. — Tous les testacés ont une tête. La science moderne ne reconnaît pas de tête aux testacés ; ce que le naturaliste grec prend pour une tête n’est que la bouche de l’animal.
  226. . Peuvent tous se mouvoir. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. II, pp. 18 et suiv. de ma traduction. Cuvier fait des crustacés la seconde forme des animaux articulés, troisième grande classe du règne animal ; il reconnaît aussi que, grâce à leur organisation, on retrouve en eux, comme parmi les vertébrés, la marche, la course, le saut, la natation et le vol ; Règne animal, tome III, p. 180. L’étude des crustacés ne paraît pas complète dans le grand ouvrage de Cuvier, écrit de sa main ; mais elle est reprise dans le IVe volume du Règne animal, p. 30. Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 398 et suiv., trad. franc., qui divise la classe des crustacés en six ordres. Les quatre genres d’Aristote ne sont pas assez étendus ; il est vrai qu’il ne prétend citer que les principaux ; mais, même en se bornant, il aurait pu être plus précis. L’identification que je donne n’est peut-être pas très certaine. Voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, Histoire des Animaux, tome 1, page 154. — De sous-espèces… Ceci est très exact, et l’on peut s’en convaincre par la Zoologie de M. Claus, loc. cit. M. Latreille, Règne animal de Cuvier, p. 81, tome IV, édit. de 1829, reconnaît qu’Aristote a fait sur les langoustes des observations intéressantes.
  227. Les crabes et les langoustes. Voir, pour les crabes, Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 30 et 36, de la main de Latreille ; et pour les langoustes, p. 80, ibid. Les crabes se distinguent des langoustes surtout par la différence de longueur de la queue ; les uns forment la famille des brachyures ; les secondes, celle des macroures. — Des pinces. Ce sont, en général, les deux pieds antérieurs, qui sont en forme de serres, et parfois aussi les suivants ; voir Cuvier, id. ibid., tome IV, p. 23. — Leur tiennent lieu de mains. Le rapprochement est exact. — Les uns en dedans. Ce sont les pieds. — Les autres en cercle. Ce sont les pinces ; mais la description n’est pas exacte ; et il eût été bon de la développer un peu davantage pour la rendre plus claire.
  228. Les crabes n’en ont pas. C’est exagéré ; les crabes ont une queue ; seulement cette queue est moins grande que celle des langoustes. — Parce qu’elles nagent. Ceci est tellement vrai que les langoustes se tiennent pendant l’hiver dans les profondeurs de la mer, et qu’au printemps elles se rapprochent de la terre ; voir Cuvier-Latreille, Règne animal, tome IV, p. 80, édit. de 1829. — Comme sur de véritables rames. La comparaison est très juste. — Leur vie près de la terre. Je ne sais pas si ce détail s’applique très bien aux crabes, qui vont aussi en pleine mer ; mais, encore une fois, l’identification de ces crustacés est fort difficile ; il s’agit peut-être des écrevisses plutôt encore que des crabes. — Les maïas. Le nom grec a été conservé par la science moderne pour une famille de crustacés brachyures ; voir Cuvier-Latreille, tome IV, p. 59, édit. de 1829, et la Zoologie de M. Claus, p. 495. — Les Héracléotes. Il semble bien que ces crabes d’Héraclée sont nos crabes tourteaux ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wiramer, Histoire des Animaux, tome I, p. 155. Voir aussi l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. 11, § 3, p. 19 de ma traduction. Les héracléotes étaient ainsi nommés, sans doute, parce qu’on les trouvait dans le voisinage d’une ville du nom d’Héraclée.
  229. Les pattes très grêles… très courtes. Ces détails paraissent assez exacts. — Avec d’autres petits poissons. Le sens du texte n’est pas très net ; celui que j’ai adopté me paraît encore le plus probable. — Leurs derniers pieds fort larges. Les pieds des crabes sont attachés sur les côtés de la poitrine ; les derniers sont terminés par un article très aplati en nageoire, plus large que le même article des pieds précédents ; voir Cuvier-Latreille, Règne animal, tome IV, p. 31, édit. de 1829. — Ou des rames. Répétition de ce qui vient d’être dit au § 3. — Les carides. Ou Les squilles ; voir Cuvier-Latreille, tome IV du Règne animal, p. 108. — En ce qu’elles ont une queue. Plus haut, dans le paragraphe précédent, il a été dit déjà que les crabes n’ont pas de queue. — Elles n’ont pas de pinces. Tandis que les langoustes en ont de très fortes. — Un plus grand nombre de pieds. L’auteur aurait pu préciser le nombre de pieds des uns et des autres.
  230. Les parties inférieures du corps. Ceci se rapporte plus particulièrement aux langoustes, comme la suite le prouve. — Ressemblent à des branchies. Ceci est très exact. Les branchies dans les crustacés, en général, au nombre de sept paires, sont placées sur les côtés du corps. Dans l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 11, p. 25 de ma traduction, Aristote a minutieusement décrit cette organisation chez le homard. — Les femelles des langoustes. Aristote a comparé aussi la femelle et le mâle de la langouste, mais sur des points différents, dans l’Histoire des Animaux, livre IV, chapitre II, §§ 8 et suivants, p. 22. — Les parties du bas. Ceci désigne la queue. — Elles y étalent leurs œufs. Dans tous les crustacés, brachyures ou macroures, cette organisation est presque toujours pareille ; la queue de la femelle s’infléchit et se recourbe pour protéger les œufs. — Au dehors d’elles. Le texte dit précisément : Au loin. — Les poissons. Dans la plupart des espèces de poissons, la femelle pond ses œufs, que le mâle vient ensuite couvrir de sa laite, qu’il répand. — Les autres animaux. Comme les oiseaux. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 14, p. 26 de ma traduction.
  231. . La pince droite plus grosse. Cette observation se trouve déjà dans l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 15, p. 27. — C’est qu’en général… Cette explication générale n’est peut-être pas très juste, comme le prouve ce qui est dit au paragraphe suivant. — La nature accorde… Voir l’étude des dents, en général, dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. ni, §§ 12 et suiv., p. 126 de ma traduction.
  232. Les homards seuls. Je ne sais pas si la science moderne a ratifié ces observations ; voir aussi l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 17, p. 27 de ma traduction. — Ils appartiennent à un genre qui en a. L’explication peut paraître un peu trop simple. — Sont mutilés. Ceci n’est pas suffisamment clair ; car il aurait fallu dire si cette mutilation est de nature, ou si elle est purement accidentelle chez quelques homards mutilés par d’autres, dans les combats qu’ils se livrent. Comme les pinces de la première paire de pattes sont excessivement développées, il est possible qu’elles se brisent souvent aux obstacles qu’elles rencontrent.
  233. Dans les Descriptions Anatomiques. Malheureusement, ces collections anatomiques de dessins et d’explications ne sont pas arrivées jusqu’à nous. Elles eussent été infiniment curieuses. — Dans l’Histoire des Animaux. On peut voir, pour toutes les références qui précèdent, les études faites sur les crustacés dans l’Histoire des Animaux, passim ; sur cette question des dessins et des explications d’anatomie, je me permets encore de renvoyer le lecteur à ma Préface de la traduction de l’Histoire des Animaux, tome I, p. CLXVI.
  234. Nous avons déjà traité. Voir plus haut, ch. V, §§ 1 et suiv. ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, pp. 1 et suiv. de ma traduction. — Comme nous l’avons fait pour les autres animaux. Dans le présent traité passim, et dans l’Histoire des Animaux. — À l’extérieur. Par opposition à l’étude des viscères, dont il a été question uniquement. — Le sac de leur corps. Cette description générale des mollusques est exacte dans ses traits principaux ; on peut la comparer à celle qu’en donne Cuvier, Règne animal, t. III, p. 7, édit. de 1830. — Les pieds en avant, près de la tête. Tout ceci s’adresse plus particulièrement à ceux des mollusques qui s’appellent les céphalopodes, première classe des mollusques. Leur manteau, qui se réunit sous le corps, forme un sac musculeux qui enveloppe tous les viscères ; leur tête sort de l’ouverture du sac ; elle est ronde et pourvue de deux grands yeux, et couronnée par des bras ou pieds charnus, à l’aide desquels l’animal peut saisir, marcher et nager. Entre les bases des pieds, est percée la bouche dans laquelle deux fortes mâchoires de corne sont assez semblables à un bec de perroquet ; Cuvier, loc. cit., p. 9. — Le derrière est soudé au devant. Ceci est expliqué dans le paragraphe suivant, par le diagramme que trace l’auteur. — Les testacés turbines. Dont la coquille est en spirale d’un bout à l’autre.
  235. La partie terreuse au dehors. C’est toujours la théorie des quatre éléments, qui domine dans ces explications ; et ici la partie terreuse des testacés, c’est leur coquille. — La forme de leur corps. La ressemblance n’est pas aussi grande que l’auteur semble le croire. — Les turbines à hélice. C’est en général la famille des pectinibranches de la zoologie moderne ; voir Cuvier, Règne animal ; tome III, pp. 70 et suiv.
  236. Figurée par une ligne droite. L’idée est fort ingénieuse ; et l’on peut y reconnaître la théorie de l’unité de composition, appliquée à toute la série animale, telle qu’Aristote pouvait la connaître ; d’ailleurs, il ne l’exagère pas, comme on l’a fait de nos jours ; voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, p. CXLIX. — La tête, et ce qu’on appelle le tronc. Ces deux parties ne manquent jamais dans les animaux supérieurs, dont Aristote a fait la classe des animaux qui ont du sang. — C’est en vue de ces parties Cette considération est très vraie ; et en effet la tête et le tronc sont les parties essentielles de l’animal. — Les membres de devant et ceux de derrière. Ce ne sont que des accessoires, fort utiles sans doute, mais non indispensables.
  237. La ligne droite tend à s’établir…. C’est là une théorie que la science moderne a négligée, et qui vaut cependant la peine qu’on la recueille. L’animal, dans toute sa généralité, peut alors être représenté par un tube ouvert à ses deux extrémités ; et ce tube est tantôt en ligne droite, et tantôt il est infléchi de manière à ce que les deux extrémités se touchent, comme c’est le cas dans les céphalopodes. — L’extrémité s’infléchit. Ceci est fort admissible ; et, depuis Aristote, on n’a pas donné de meilleure explication. — Par le manteau. C’est exact. — Dans les polypes. Qui forment la quatrième classe des zoophytes. Parmi les céphalopodes, on distingue les polypes dits d’Aristote. Ce sont probablement ceux dont il est parlé ici en termes généraux. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 12, édit. de 1830. — Le nom spécial de tête. C’est bien en effet une tête ; et cette partie de l’animal ne peut pas recevoir un autre nom. — La spire. Le mot grec est Strombos ; et la science moderne l’a conservé pour une famille de mollusques a siphon ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 715, de la trad. franc. La coquille est en spirale conique.
  238. Chez les uns. Chez les mollusques, qui n’ont point de squelette articulé, ni de canal vertébral ; leur peau est nue et très sensible, Cuvier, loc. cit., p. 3. Ceci est vrai des mollusques nus surtout. — Chez les autres. Ce sont les testacés, où le manteau ne peut plus contenir et cacher la substance plus ou moins dure qui s’y dépose, et qui finit par former une coquille ; voir Cuvier, loc. cit., p. 5. Mais les testacés sont si près des mollusques que le naturaliste français a pris le parti de ne plus en faire un ordre particulier. La distinction subsistait pour Aristote. — Voilà comment… Ceci se rapporte au diagramme du § 4. — L’excrément sort près de la bouche. Dans les céphalopodes, un entonnoir charnu, placé à l’ouverture du sac devant le cou, donne passage aux excrétions.
  239. Chez les mollusques les pieds… Chez les mollusques et particulièrement chez les céphalopodes, les pieds peuvent être pris tout aussi bien pour des bras, placés près de la tête. Longs et charnus, en forme de cônes, ils peuvent se fléchir en tous sens, et ils sont très vigoureux ; armés de suçoirs et de ventouses, ils peuvent se fixer avec beaucoup de force aux corps qu’ils embrassent ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 8. — Contrairement à ce qu’ils sont chez les autres. C’est bien vague. — Ils ne font que nager. Ce détail ne paraît pas très exact ; car la seiche, qui a huit pieds, peut aussi ramper. — Les polypes. Ce sont sans doute les polypes dits d’Aristote. — Les dents du haut. Ce qu’Aristote appelle ici des dents représente les pieds du calmar ; l’animal en a huit avec des suçoirs, quatre de chaque côté ; puis, la tête porte encore deux bras beaucoup plus longs, dont le bout, armé de suçoirs, est élargi ; voir Cuvier, loc. cit., p. 14. Sur les teuthies ou petits calmars, voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. I, § 8, p. 6 de ma traduction. Peut-être Aristote veut-il aussi parler des deux nageoires qu’a le sac des calmars. — Des huit autres. On ne peut pas douter qu’ici Aristote entende parler des pieds, bien qu’il les appelle des dents. L’usage des tentacules peut les faire prendre pour des dents aussi bien que pour des pieds.
  240. . Les seiches et les teuthies. Dans la zoologie moderne, il y a encore une espèce de calmar qui se nomme Onychoteuhis ; Cuvier, loc. cit., p. 15. On a donné aussi le nom de teuthis à une famille de poissons acanthoptères ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 855, trad. franc. — Portent le poids et le meuvent. Ceci prouve qu’il s’agit bien de pieds et non pas de dents ; mais comme ces pieds sont aussi des mâchoires, la confusion est possible. — Chez le polype. Ce sont les poulpes et les polypes dits d’Aristote ; ce ne sont pas les polypes à polypiers de la zoologie actuelle.
  241. Ont huit pieds. Aristote revient ici à parler de pieds et non plus de dents. Le nombre huit est, d’ailleurs, exact. Les huit pieds des seiches sont tous à peu près égaux ; mais ils ne sont pas petits, comme le dit Aristote. Cuvier les trouve, au contraire, très grands, à proportion du corps ; ils sont réunis à leur base par une membrane. L’animal peut s’en servir pour ramper. — La nature… Aristote se plaît à signaler ces compensations, où il reconnaît la sagesse prévoyante de la nature.
  242. Aux uns… pour nager. Ce sont les polypes que l’auteur veut designer. — Pour marcher. L’expression est peut-être un peu exagérée. — Deux trompes fort longues. Ceci se rapporte moins spécialement aux polypes d’Aristote qu’aux calmars, qui ont près de la tête deux bras beaucoup plus longs que leurs pieds, et qui leur servent pour se tenir comme à l’ancre, quand les flots sont agités. Voir Cuvier, Règne animal, t. III, pp. 12 et 14, édit. de 1830. Il semble du reste que le naturaliste grec fait ici quelque confusion entre les seiches et les polypes ; et qu’il attribue aux uns ce qui n’appartient qu’aux autres. Du moins, c’est ce qui résulte des descriptions que la science moderne donne de ces différents mollusques. — Les polypes n’ont pas besoin de ces trompes. Il reste toujours de l’obscurité sur ce qu’il faut entendre par Polypes.
  243. . Des suçoirs et des tentacules. Tous les céphalopodes ont des suçoirs et des ventouses, qui leur rendent tous les services que signale ici Aristote. — Les tissus… Il est assez difficile de bien voir de quel instrument de chirurgie il peut être question ici. Pour certains pansements ou pour certaines opérations, les médecins, dès le temps d’Hippocrate, revêtaient leurs doigts d’une enveloppe faite de feuilles de palmiers ; mais on ne sait pas très précisément comment était faite cette espèce de gant ; voir le mot Saura dans le Trésor d’Henri Etienne, édit. Firmin-Didot. Je ne trouve rien dans le traité de l’Officine du Médecin, qui ait rapport à ce détail, Œuvres d’Hippocrate, t. III, pp. 273 et suiv., édit. et trad. E. Littré. — Sont tissus de fibres. Ceci ne représente pas bien la conformation de ces animaux. — Tout ce qui vient à leur portée. Ce sens n’est pas très sûr, parce que l’expression du texte est très vague. — Comme elles sont flexibles. Ceci est exact, qu’il s’agisse des pieds ou des tentacules des mollusques. — Qui les touche tout entier. Ceci est également exact. — Au lieu de mains. Le rapprochement est tout naturel ; et ces tentacules, longs et puissants, sont, pour bien des mollusques, des armes redoutables, comme Cuvier le remarque, loc. cit. 7 p. 12.
  244. Toutes les autres espèces. Cette indication est trop vague ; et l’on ne voit pas assez, clairement de quelles espèces il est question ici. — N’en a qu’un. Ce détail est assez précis pour qu’il puisse faire reconnaître l’espèce particulière que l’auteur veut signaler. Les élédons, dits d’Aristote, n’ont qu’une rangée de ventouses le long de chaque pied ; voir Cuvier, Règne animal, t. III, p. 12, édit. de 1830 ; mais je ne trouve rien de pareil dans les ouvrages actuels de zoologie ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 725 et suiv., trad. franc. — Le mieux… une condition nécessaire. Ce sont bien là les théories ordinaires d’Aristote. Le nécessaire dont il est question ici est le nécessaire hypothétique, c’est-à-dire la nécessité de certaines conséquences d’après les conditions initiales.
  245. Tous ces animaux. On doit entendre par là les mollusques en général. Les seiches en particulier ont, outre leurs deux longs bras, une nageoire charnue régnant de chaque côté de leur sac. Les calmars ont également deux nageoires aux côtés de leur sac. C’est là sans doute ce qu’Aristote veut désigner. — La nageoire plus large… Tous ces détails attestent de nombreuses observations, auxquelles la science moderne ne paraît pas avoir attaché la même importance. — Pour se diriger. Cette explication paraît vraie. — Le croupion… la caudale. Le rapprochement est ingénieux et exact. — Chez les polypes. Ici encore l’indication est trop peu précise. Dans les calmars, les nageoires sont placées vers la pointe du sac.
  246. Des insectes, des crustacés. Ces études diverses commencent avec le chapitre V, et se continuent dans les chapitres suivants.
  247. Encore une fois. Ceci peut se rapporter tout à la fois et à ce Traité des Parties, et aussi à l’Histoire des Animaux, passim. Du reste, l’étude annoncée ici, et qui se poursuivra dans les chapitres suivants, n’a pas la prétention d’être complète ; elle ne fait qu’ajouter des considérations générales, fort importantes, aux détails qui ont été donnés antérieurement. — Vivipares qui ont du sang. Ce sont les animaux supérieurs, les mammifères de la science moderne. — Que nous avions pu laisser de côté. Le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Parmi celles dont nous avions déjà parlé. Aristote ne se répétera pas pour cela ; et dans les questions qu’il a étudiées antérieurement, il ne prendra que quelques points spéciaux pour les développer de nouveau, et Un peu davantage. — Aux animaux ovipares pourvus de sang. Le chapitre XI, qui suit, traite surtout des reptiles ; le chapitre XII traite des oiseaux ; et le chapitre XIII, des poissons. Ces chapitres sont fort curieux ; mais ils sont bien incomplets.
  248. La tête… le cou… le dos. Il n’a pas été très souvent question de ces parties de l’animal, dans le présent ouvrage, bien qu’elles n’aient pas été tout a fait omises ; voir plus haut, liv. III, ch. III ; mais c’est dans l’Histoire des Animaux qu’il en a été traité tout au long, liv. I, ch. VII, p. 43 de ma traduction ; ch. X, p. 58, sur le cou ; ch. XII, § 4, p. 70, ch. XIII, sur le cerveau, p. 72 ; et liv. II, ch. I, § 2, p. 99. — Chez les crabes. Voir plus haut, ch. VIII, § 1. Dans les crustacés décapodes, la tête est tellement unie au thorax qu’on ne peut presque pas la distinguer ; ils ont cependant un cerveau ; Cuvier, Règne animal, t. IV, pp. 18 et 30. — Les uns en ont un aussi. Ce sont les oiseaux. — Les autres n’en ont pas. Ce sont les poissons. — Un poumon… un cou. Ces relations du poumon et du cou sont exactes, sous la forme générale où elles sont présentées ici. — Qui ne tirent pas leur respiration du dehors. Ce sont sans doute les poissons qu’Aristote veut désigner par là. Voir plus haut, liv. III, ch. VI, sur les fonctions générales du poumon.
  249. Pour le cerveau… Voir l’Histoire des Animaux, liv. 1, ch. XIII, § 2, p. 73 de ma traduction. — Située à l’opposé du cœur. C’est encore plus une opposition de fonctions qu’une opposition de lieu. — Antérieurement exposées. Voir plus haut, liv. II, ch. VII ; et aussi, ch. I, § 10. — Quelques-uns des sens. Il aurait mieux valu dire que la nature a placé tous les sens dans la tête, sauf un seul, le toucher, qui est répandu dans tout le corps. — Une troisième partie. C’est la bouche, ou l’orifice par lequel doivent entrer les aliments qui servent à la nutrition de l’animal, avant que le résidu inutile ne soit rejeté.
  250. Fût mis au-dessus du cœur. Cette théorie est très vraie, bien qu’Aristote ne connût pas tout ce que la physiologie a pu nous révéler sur les rapports nécessaires des viscères entre eux. D’ailleurs, les considérations de cet ordre appartiennent à la philosophie bien plus encore qu’à l’histoire naturelle. — Le passage des aliments. Qui se fait surtout par l’œsophage, qui commence dès l’arrière-bouche et le pharynx. — Du centre du mouvement et de la coction. Il est probable que ceci doit s’appliquer à la fonction du cœur et à la digestion.
  251. . Le cou est fait pour la trachée-artère. C’est trop dire ; le cou renferme bien la trachée-artère ; mais il renferme encore bien d’autres organes ; et il n’est pas fait spécialement pour celui-là, comme d’ailleurs l’auteur lui-même le reconnaît quelques lignes plus bas, en comprenant dans le cou la trachée-artère et l’œsophage. — Le cou est flexible. C’est exact ; mais on ne conçoit pas comment Aristote a pu se tromper sur l’ostéologie du cou chez le loup et le lion. Cette erreur étrange sur le lion a été déjà commise et signalée dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 2, p. 99 de ma traduction ; ici, on joint une seconde erreur sur le loup, qui n’a pas plus que le lion cette organisation irrégulière. La vue qui est prêtée à la nature relativement à ces animaux est donc tout à fait fausse. Si le cou du lion et du loup n’eût été composé que d’un seul os, loin d’être plus fort, il eût été très faible et presque inutile, parce qu’il n’aurait presque pas eu de mouvement. Le lion a treize vertèbres dorsales, six lombaires, trois sacrées et vingt-trois coccygiennes ; le loup en a un peu moins ; mais elles sont disposées de même ; voir Cuvier, Anatomie comparée, IIIe leçon, t. I, pp. 155 et 157, 1re édit. Ce qui est vrai, c’est que dans les carnassiers, l’atlas et l’axis sont proportionnellement beaucoup plus grands.
  252. Chez les animaux. Ceci s’applique surtout aux quadrupèdes, et non pas aux animaux en général. — Au lieu des membres. On pourrait traduire aussi : Des pattes, puisqu’il s’agit des animaux. — Et ce qu’on appelle des mains. La tournure peut paraître assez étrange, puisque Aristote ne l’emploie habituellement que pour des choses peu connues. — Il est le seul qui ait une station droite. Cette remarque était très neuve au temps d’Aristote. — Sont divines. Cette haute estime de la nature de l’homme est toute platonicienne, ou plutôt Socrate la proclamée le premier ; voir les Mémoires de Xénophon, liv. I, ch. IV. — De penser et de réfléchir. La philosophie du XIXe siècle ne saurait dire mieux.
  253. Le matériel… Le rapport indique ici entre la matière et l’esprit, dont est composée la nature de l’homme, est le vrai ; et la sagesse moderne n’a rien à y changer. — Et ils sont devenus des quadrupèdes. Cette interprétation des vues du Créateur peut être contestée ; mais elle est du moins bien ingénieuse.
  254. Quelque chose de la constitution du nain. La suite explique bien ce qu’Aristote entend par là. D’une manière générale, le nain est, dans cette théorie, l’être dont les parties supérieures sont beaucoup plus grosses proportionnellement que les parties inférieures du corps, — Ce qu’on appelle le tronc est en haut. Au lieu de tronc, on pourrait garder le mot grec de Thorax, qu’emploie le texte et que la science moderne a conservé. — Dans les adultes. Par opposition aux enfants, dont il est parlé plus bas, et chez qui la disproportion est manifeste.
  255. Rampent-ils… C’est aussi à cause de la faiblesse de leurs muscles ; car les enfants se redressent longtemps avant que leur conformation de nains ait disparu. — Ils restent immobiles. C’est en effet le premier état de l’homme, qui exige tous les soins des parents et qui provoque la famille. — Les parties inférieures qui se développent. Il ne paraît pas que la science moderne ait porté ses observations sur ce point, qui est cependant bien curieux. — Chez les quadrupèdes. Peut-être cette différence de croissance n’est-elle pas aussi marquée qu’Aristote semble le croire.
  256. Les poulains… L’observation est juste ; et cette conformation des jeunes chevaux est en effet très remarquable. — Se toucher la tête avec la jambe de derrière. On peut voir très souvent les poulains faire ce mouvement, qui leur est familier, et qui plus tard devient beaucoup plus difficile, si ce n’est tout à fait impossible. — Polydactyles… dépourvus de cornes. Ceci s’applique plus spécialement à une partie des quadrupèdes.
  257. Les oiseaux, les poissons… Il faut toujours sous-entendre que ces animaux sont considérés ici au moment de leur naissance ; car plus tard, cette observation s’appliquerait à eux beaucoup moins bien. — Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, § 8. — Moins d’intelligence que l’homme. Le fait est certain, quoique l’explication ne le soit peut-être pas autant. — Quelque chose du nain. Par exemple, une tête démesurément grosse par rapport au reste du corps. — D’autres facultés. Toutes physiques.
  258. Redisons-le. Voir plus haut, § 6. — Qui pousse en haut. Le mot du texte est d’un sens obscur ; et celui que je donne paraît encore le plus probable. — La partie terreuse. Ou Solide. — L’animal s’allonge vers la terre. L’expression de cette pensée n’est pas assez claire. Le passage de l’animal à la plante est une des questions les plus curieuses et les plus difficiles de la physiologie générale ou biologie ; et il semble que pour la résoudre, c’est surtout à l’étude des zoophytes qu’il faudrait s’adresser. Quoi qu’il en puisse être, M. le Dr de Frantzius a raison de trouver que cette théorie est une des plus importantes de tout l’ouvrage. — Le haut en bas. C’est-à-dire, le principe de vie dans les racines, qui plongent dans la terre, au lieu de l’avoir en haut, dans la tête et le cœur. Cette généralité, ainsi comprise, est vraie. — La graine. Le texte dit positivement : La semence.
  259. On doit voir… pourquoi. Ce qu’on voit très clairement, c’est le fait ; mais on n’en voit pas aussi bien la cause ; et l’explication du philosophe n’est pas absolument satisfaisante. — Pourquoi l’homme… Quelle que soit l’opinion que l’on porte sur ces théories, on doit rendre cette justice à Aristote qu’il a senti profondément la grandeur et le privilège de l’homme parmi tous les animaux. — Il n’avait aucun besoin. Ceci est parfaitement vrai.
  260. Anaxagore prétend… Sur la haute valeur de cette théorie d’Aristote, voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, p. CXXXVI. — La raison nous dit, tout au contraire. Cette réfutation est d’une finesse et d’un bon sens des plus rares ; la science moderne ne saurait dire mieux, et souvent elle est loin de dire aussi bien. Sur la question générale, voir la Physique, livre II, ch. III, p. 53 de ma traduction. — La nature sait toujours… Aristote ne cesse d’admirer la nature dans toutes ses œuvres ; et ici, en effet, son admiration ne saurait être exagérée. — De donner une flûte… La comparaison est frappante, quoique un peu familière. — Le plus petit au plus grand… L’expression du texte est aussi indéterminée que celle de ma traduction.
  261. Est meilleure… C’est une application du principe de l’optimisme, qu’Aristote empruntait à l’école Platonicienne. — Dans des conditions données. Cette réserve est très sage et très conforme à la réalité ; seulement, les conditions primordiales échappent au jugement de l’homme ; et il doit le plus souvent les accepter et les subir comme des faits, qu’il peut comprendre, mais dont il ne dispose pas. — Un instrument qui remplace tous les instruments. On ne peut pas faire de la main humaine une description plus exacte, ni une appréciation plus pratique.
  262. La nature a concédé… Voir plus haut, § 14. — Applicable au plus grand nombre d’emplois. Il serait difficile de trouver rien de plus juste et de plus vrai ; et la supériorité de l’homme sur le reste des animaux éclate dans la conformation de sa main, presque autant que dans les facultés de son intelligence. — Que l’homme est mal partagé. La science, aidée de la raison, n’a jamais trouvé des arguments plus simples ni plus forts. — Parce que, dit-on. Il serait curieux de savoir à qui Aristote répond dans ce passage ; c’étaient sans doute les Sophistes, qui avaient soutenu cette opinion. — Parce qu’il est nu. C’est déjà la pensée reproduite en termes si simples et si grands par Pline : « Nudum et in nudo humo », Livre VII, ch. I.
  263. . Une seule et unique ressource. L’observation est de toute évidence ; mais Pline ne l’a pas recueillie, quoiqu’elle méritât de l’être. — Tour à tour griffe… lance… épée… Tout cela est aussi ingénieux que vrai. On ne saurait trop remarquer des considérations si hautes et si exactes. — Elle peut tout saisir et tout retenir. En ces quelques mots, le philosophe caractérise l’utilité prodigieuse de la main ; voir sur toute cette théorie Chateaubriand, Génie du christianisme, livre V, ch. XIII, citant Cicéron et Aristote.
  264. La conformation même de la main. Ceci est de la physiologie et de l’anatomie d’une profonde intelligence. — Capable de s’écarter et de se diviser. Cette analyse générale suffit pour bien faire comprendre le rôle de la main. La différence de la longueur et de la position des doigts suffit pour l’expliquer entièrement ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, IVe leçon, Os de la main, et Muscles de la main, pp. 300 et 317.
  265. De côté, il n’y a qu’un seul doigt. C’est le pouce, « le seul doigt dont l’os du métacarpe puisse s’écarter et se rapprocher des autres d’une manière sensible ; aussi est-il opposable aux autres doigts »; Cuvier, loc. cit., p. 307, 1ere édition. — Court et épais. Ces deux épithètes conviennent bien au pouce, comparé aux autres doigts. — De bas en haut… C’est bien là en effet l’office du pouce. — Égaler l’action de tous les autres. C’est la traduction littérale ; mais on peut trouver que cette pensée pouvait être exprimée plus exactement.
  266. S’il est court… L’argument est très solide, et il est certain que, si le pouce était aussi long que les autres doigts, il rendrait beaucoup moins de services. — Le dernier doigt soit petit. Il s’agit du petit doigt, à ce qu’il semble ; cependant la suite tendrait à prouver qu’il s’agit toujours du pouce, qui en un sens est bien aussi le dernier doigt, en même temps qu’il est le plus petit. — Celui du milieu soit allongé. C’est le fait ; mais la comparaison que fait Aristote du doigt du milieu à la rame d’un navire est plus poétique que scientifique. La rame du milieu dans un navire est la plus longue, parce qu’elle correspond à la plus grande largeur du vaisseau ; mais la main de l’homme n’offre rien de pareil. — Le grand doigt. L’idée de grandeur équivaut ici à celle d’importance ; il ne s’agit pas de la grandeur effective. — Les autres doigts ne serviraient presque à rien. Cette observation est parfaitement juste, et c’est parce que le pouce est opposable, qu’il est si utile. On peut remarquer, relativement à tout ce passage, qu’Aristote n’a pas parlé des phalanges des doigts, qui ont cependant aussi une grande importance.
  267. La conformation des ongles. Cette seconde théorie tient essentiellement à celle qui précède et qui concerne les doigts. Le rôle assigné aux ongles par Aristote est bien le leur ; ils diffèrent chez l’homme de ce qu’ils sont chez les autres animaux. — Les flexions des bras… disposées à l’inverse. Ces observations ne sont pas moins justes que les précédentes. — Que ces membres remplacent les mains… Il aurait fallu ajouter : « Dans une certaine mesure. » — Les solipèdes. Dans la zoologie moderne, les solipèdes forment un genre très nettement déterminé qui comprend le cheval, l’âne, le zèbre, le louagga et le dauw, qui peut-être n’étaient pas tous connus d’Aristote. Ce sont des pachydermes à sabot et non ruminants ; sous leur sabot, ils portent de chaque côté de leur métacarpe et de leur métatarse des stylets, qui représentent deux doigts latéraux ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 251, édit. de 1829. Le sabot entoure le doigt du milieu ; les doigts, dont il reste des indices, sont le deuxième et le quatrième. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 1046, trad. franc. — Avec les pieds de derrière. C’est en effet par la ruade à peu près exclusivement que les solipèdes, ou équidés, peuvent se défendre.
  268. C’est encore pour cela. L’explication peut paraître insuffisante ; il fallait se borner à constater les faits. — Tels sont les lions et les loups… Cette conformation des doigts, cinq en avant et quatre en arrière, est fort exacte pour le lion et les félidés en général, léopards, panthère, tigre, puma, etc. Il en est de même pour les chiens et les loups. Tous ces renseignements donnés par Aristote sont parfaitement exacts ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 1077 et 1079, trad. franc. — Ce cinquième doigt… Des pattes de devant. — Du grand cinquième doigt de la main. C’est-à-dire : Du pouce ; mais ceci est un peu exagéré ; et dans ces digitigrades, à ongles rétractiles ou non-rétractiles, le cinquième doigt antérieur n’est pas opposable comme le pouce. — Quant aux petits polydactyles. C’est sans doute aux lézards que ceci se rapporte, et aussi aux tortues. Le nombre des doigts varie beaucoup dans les reptiles ; voir Cuvier, Anatomie comparée, ve leçon, p. 390, 1e édit. — Afin qu’appuyés… Ici encore l’explication peut ne pas satisfaire.
  269. . Ce qu’on appelle la poitrine. Il semblerait, d’après cette tournure, que le mot dont Aristote se sert était encore assez récent ; voir, sur la poitrine, l’Histoire des Animaux, livre I, ch. VII et ch. X, § 2, pp. 43 et 59, de ma traduction. Souvent la poitrine est confondue avec le tronc. — Large… étroite. Toutes ces considérations sont parfaitement justes ; et, de tous les animaux, c’est l’homme qui a la poitrine la plus large.
  270. C’est là encore ce qui fait… Cet argument est très solide ; et l’homme seul est conformé de manière à avoir des mamelles sur la poitrine, où, comme le dit Aristote, elles se développent librement. — Par la raison qu’on vient de dire. La chair a été placée sur la poitrine de l’homme, selon Aristote, pour protéger la région du cœur. Il en est de même chez la femme ; mais de plus, les mamelles de la femme servent à l’allaitement des enfants. — Déjà fait remarquer bien souvent. C’est en effet une théorie qu’Aristote a bien souvent exposée dans ses ouvrages d’histoire naturelle et dans les autres. Mais cette théorie n’est pas très constante chez lui ; et tantôt il loue la nature d’employer un seul organe à plusieurs fins, et tantôt il la loue de n’appliquer qu’un seul et unique organe a une fonction unique. — S’il y a deux mamelles. La raison donnée est de toute évidence. — Les côtes se réunissent les unes aux autres. Anatomiquement ceci n’est pas exact, et ne se comprend pas bien. M. le Dr de Frantzius suppose avec raison que ce passage doit être altéré. Les cotes ne se réunissent pas : mais elles vont s’appuyer sur le sternum.
  271. Un obstacle à la marche. L’argument est excellent et très clair. — Disposées de bien des manières. Selon la conformation particulière de chaque animal. — Les solipèdes… les mamelles entre les cuisses. Les juments, les ânesses, parmi les solipèdes, ont bien les mamelles entre les cuisses ; mais elles n’ont pas de cornes. On appelle ces mamelles Inguinales. — Et ils n’en ont que deux. C’est exact dans toute la famille des équidés (solipèdes, uniongulés). — Le porc et le chien. On connaît la multiplicité des mamelles et des petits chez ces deux espèces d’animaux domestiques. — Comme le lion. C’est également exact ; voir, sur les mamelles chez les divers animaux, l’Histoire des Animaux, livre II, ch. III, pp. 119 et suiv. de ma traduction.
  272. Quant à l’éléphant… Voir l’Histoire des Animaux, loc. cit. § 2, p. 120. — C’est qu’il est fissipède. Voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. 1, § 4, p. 100. La conformation des pieds de l’éléphant est très curieuse. — C’est que ce sont là les premières mamelles. On ne voit pas bien quel est le rapport que l’auteur prétend établir ici. — Elles sécrètent plus de lait. Je ne sais pas si la science moderne a vérifié le fait ; mais ce détail prouve, après mille autres, combien les observations d’Aristote étaient attentives et minutieuses.
  273. On peut bien s’en convaincre. Ces renseignements sont d’une parfaite exactitude. — Où le jeune doit rester unique. En général, les pachydermes, comme l’éléphant, le cheval, etc., n’ont qu’un petit, de même que l’espèce humaine n’a ordinairement qu’un enfant. — Les premières mamelles. Au nombre de deux le plus habituellement, parce qu’il peut y avoir quelquefois deux petits, et parce qu’il y a deux parties du corps. — Dans la région du ventre. L’expression du texte est aussi indéterminée. — Qui ont plus de petits à nourrir. L’explication est de toute évidence.
  274. En largeur… deux seulement. Toutes ces considérations sont très justes. — Placées en long. C’est évident, du moment qu’il y a plus de deux mamelles. — Ou qui ont des cornes. Comme le cerf, le bœuf, etc., énumérés un peu plus bas. — N’ont tous qu’un petit. C’est exact. — Tous les animaux de même ordre. C’est-à-dire, les ruminants en général.
  275. Se fait par le haut du corps. Cette théorie n’est peut-être pas très sûre. — Que la nature a placé les mamelles. L’explication laisse beaucoup à désirer ; mais il n’est pas toujours facile de discerner précisément les vues de la nature dans tout ce qu’elle fait. — L’homme femelle et mâle. J’ai conservé la formule du texte. — Dans les chevaux… les uns n’en ont pas… les autres en ont. Je ne sais pas si la zoologie moderne a confirmé ces observations. Sur les mamelles et leur conformation dans la série animale, il faut lire Cuvier, Anatomie comparée, XXIXe leçon, t. V, pp. 153 et suiv., 1e édit.
  276. La région du ventre. C’est le terme général qu’emploie le texte. — Le ventre n’est pas limité… L’observation est très juste ; et la disposition du ventre et de l’abdomen est en effet tout autre que celle de la poitrine et du thorax. Voir l’Anatomie comparée de Cuvier, IIIe leçon, pp. 202 et suiv. 1ere édit. — Les côtes n’empêchent pas le gonflement. L’argument est très vrai ; et l’intention de la nature est en ceci parfaitement manifeste. — Ne gênent pas non plus la matrice… Même remarque. — L’extrémité de ce qu’on nomme le tronc. Il aurait peut-être fallu ajouter : l’extrémité postérieure et antérieure, puisque l’excrétion sèche ou liquide a deux sorties différentes.
  277. À l’exception d’un petit nombre de mâles. L’auteur aurait dû indiquer plus précisément quelques exemples. Il paraît que chez beaucoup d’invertébrés, et notamment les vers, il n’y a qu’un seul conduit pour les deux sécrétions. Voir l’Anatomîe comparée de M. Gegenbaur, p. 817, trad. franc. — Nous nous proposons de démontrer plus tard. Dans le grand Traité de la Génération des Animaux, où la question du sperme et de son action sera discutée tout au long. — Qu’elles émettent leur fruit. Ce sens me paraît le plus probable ; mais l’expression du texte n’est pas tellement claire qu’on ne pût aussi l’interpréter autrement.
  278. Un peu plus tard. Dans le Traité de la Génération des Animaux, livre I §§ 68 à 86, edit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer. — Une excrétion. Ceci est de toute évidence. — Des matières assez semblables. Cette restriction est exacte ; et si les deux matières se rapprochent l’une de l’autre, la ressemblance n’est pas une identité. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. III, ch. XVII, pp. 312 et suiv. de ma traduction ; et liv. VII, ch. I, §§ 2 et suiv., p. 404 de ma traduction. — Dans l’Anatomie. On sait que les nombreux ouvrages consacrés par Aristote à l’anatomie ne sont pas parvenus jusqu’à nous. C’est une perte des plus regrettables. Il est possible qu’il s’agisse aussi des Dessins Anatomiques ; voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, p. CLXVI. — Dans le Traité de la Génération. Voir ce traité spécial, loc. cit.
  279. Les formes mêmes de ces diverses parties. Toutes ces considérations sont aussi justes que profondes. Il ne paraît pas que la science moderne les ait reprises, bien qu’elles soient essentielles. — Nerveux. Le terme est bien général ; mais j’ai dû reproduire l’expression du texte, sans essayer de la changer. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 8, p. 124. — Sans altération morbide. La remarque est exacte et très ingénieuse. — Est composée d’éléments qui permettent ces deux situations. Cette généralité est vraie, quoique vague ; mais c’est seulement dans ces derniers temps que l’anatomie et la physiologie ont bien connu l’organisation très compliquée de ces parties. — Et à recevoir l’air. Ceci se rapporte aux théories particulières d’Aristote sur l’émission du sperme ; voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII, § 1, p. 437 de ma traduction. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XXIXe leç., tome V, pp. 63 et suiv., 1ere édit.
  280. Chez les quadrupèdes. Ceci s’applique surtout aux mammifères. — Urinent par derrière. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 7, p. 123 de ma traduction. — Cette position leur est utile dans l’accouplement. C’est, en effet, par derrière que s’accouplent les quadrupèdes, sauf quelques rares exceptions, qui du reste ne sont pas bien constatées. — Le lynx. Le nom a été conservé par la zoologie actuelle ; le lynx, ou loup-cervier, est de la famille des félidés ; il a presque disparu de l’Europe ; il se distingue par les pinceaux de poils dont ses oreilles sont ornées ; voir Cuvier, Règne animal, l. 1, p. 163, édit. de 1829 ; et la Zoologie descriptive de M. Claus, page 1079, trad. franc. Les détails donnés ici sont exacts ; mais quoique ces animaux urinent par derrière, l’accouplement n’en a pas moins lieu, en avant du mâle, comme chez les autres quadrupèdes. — Pas un seul solipède. Ajoutez : Mâle.
  281. La disposition….. des jambes. La raison en est donnée au paragraphe suivant ; c’est la station droite qui exige cette conformation des parties inférieures du corps humain. — Mais l’homme est sans queue. Ceci est exact, bien que le coccyx puisse passer pour un rudiment de queue, et, comme dirait Aristote, un indice de queue. Placé à l’extrémité du sacrum, il en est le prolongement. Il répond aux vertèbres de la queue chez les mammifères. Cuvier, en parlant des vertèbres dans l’homme, dit que la région de la Queue a très peu d’étendue ; Anatomie comparée, IIIe leç., p. 150, 1ere édit. — Il a des fesses… Sur la conformation de l’homme, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, chapp. XI et XII, pp. 66 et suiv. de ma traduction ; et liv. II, ch. II, § 12, p. 114. — Sont dépourvues de chair. Tandis que chez l’homme elles sont remarquablement charnues. — Épineuses. Il est difficile de comprendre ceci, à moins que l’on ne suppose que l’auteur désigne par là les ergots de certains volatiles.
  282. La cause, unique… Toutes ces considérations sont d’une exactitude irréprochable, et la science de nos jours n’a rien à y ajouter. — La nature a diminué… On ne peut guère contester cette vue de la nature dans les proportions qu’elle a données au corps de l’homme, allégeant les parties hautes et donnant du poids aux parties inférieures. — Servir aussi au repos. Cette destination est de toute évidence ; et la théorie des causes finales reçoit ici une application dont il n’est guère permis de douter ; l’homme ne s’asseoit pas simplement parce qu’il a des fesses ; mais il a des fesses pour s’asseoir. Cette partie de l’organisation humaine n’a point été étudiée récemment à ce point de vue ; voir Buffon, Description de l’homme, t. XI, pp. 412 et suiv., édit. de 1830. — Avec leurs quatre supports… toujours couchés. C’est là ce qui fait que bon nombre de quadrupèdes dorment habituellement debout. — Chez l’homme… Observation dont chacun de nous peut vérifier la justesse par une expérience constante.
  283. Qu’il est sans queue. Voir plus haut, § 35. — L’usage de la queue n’est plus nécessaire. L’équilibre de poids que la queue doit établir est obtenu par le poids des fesses ; et la queue n’est plus indispensable. — Des formes de nains. Voir plus haut, §§ 11 et 12. — Des jambes très sèches. C’est surtout aux pattes que ceci s’applique ; car chez beaucoup de quadrupèdes, le haut de la cuisse est très charnu ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. II p. 113 de ma traduction.
  284. . Protégée et couverte… Cette partie de l’explication est acceptable ; mais la théorie de la répartition de la nourriture entre le croupion et les pattes, l’est bien peu ; et ici, il aurait fallu se borner à constater les faits sans chercher à les expliquer. — Quant au singe. Voir, sur le singe, l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. V, pp. 134 et suiv. de ma traduction. — Des deux formes. Moitié bipède, moitié quadrupède. — Il n’a ni queue ni fesses. Ceci n’est pas exact si on le prend d’une manière générale. Ainsi, les orangs n’ont pas de queue, et ce sont les singes propres, dont Buffon faisait sa première classe ; les gibbons n’en ont pas non plus ; maïs ils ont des fesses calleuses comme les guenons, tandis que les orangs n’ont pas de callosités aux fesses. Les guenons sont pourvues de queue et de fesses calleuses, etc., etc.; mais ce que dit Aristote n’est pas faux cependant, en ce sens que les caractères indiqués par lui ne se retrouvent que dans quelques singes, et non dans tous ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 86 et suiv., édit. de 1829.
  285. . De très grandes différences. Le fait est exact ; et les queues sont de formes, de longueur et de mobilité très diverses selon les espèces d’animaux. Voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. II, § 4, p. 106 de ma traduction, et ch. VI, § 1, p. 440. Je ne connais pas dans la science moderne une étude générale de la queue ; c’est un sujet qui mériterait une investigation particulière.
  286. Les pieds ne sont pas moins différents. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, pp. 387 et suiv., 1ere édition. — Sont solipèdes. Ou Équidés. Ils n’ont qu’un doigt parfait et deux imparfaits, réduits à un seul os en forme de stylet ; voir Cuvier, loc. cit., p. 390. — Deux pinces. Ce sont les pieds fourchus, ou bisulques. — D’autres ont plusieurs divisions. Ce sont les polydactyles ou fissipèdes. Les animaux à pieds fourchus sont en général les ruminants, formant, selon Buffon, une quarantaine d’espèces. Tous les autres quadrupèdes sont fissipèdes, ainsi que l’homme. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 254, édit. de 1829. — De l’élément terreux. C’est toujours la théorie des quatre éléments, où tous les corps solides sont assimilés à la terre. — Au lieu de cornes et de dents. Les solipèdes n’ont pas de cornes ; mais ils ont des dents.
  287. N’ont pas d’osselet. Sur le rôle de l’osselet, voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. II, § 15, p. 116 de ma traduction. — Qui est un gond. La comparaison est simple et ingénieuse ; et le rôle de l’osselet est bien en effet celui-là ; mais il est difficile de savoir pourquoi cet os, donné à certains animaux, a été refusé à certains autres. L’explication d’Aristote est acceptable, faute d’une meilleure, que les modernes n’ont pas donnée. — Plus solide et plus sûre. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Mais il semble que ceci tend à faire l’éloge de l’osselet, dont l’auteur ne semblait pas d’abord approuver l’intervention entre les deux parties du membre. — Voilà pourquoi… Cette explication est excellente pour la position de l’osselet, placé toujours dans les membres de derrière et non dans ceux de devant. — Ce qui fait la solidité et l’aplomb. On peut répondre que les animaux qui n’ont pas d’osselet, ont, dans leur train de derrière, au moins autant d’aplomb et de solidité que les autres.
  288. Le coup est bien plus pesant. Il n’est pas impossible que la présence de l’osselet ait ce résultat ; mais les membres dans lesquels l’osselet existe ne l’appliquent guère de cette façon. — Pour ruer contre ce qui les gêne. Ceci ne paraît pas exact ; et l’auteur semble se contredire lui-même, en supposant que les solipèdes ne ruent pas. — On dirait… Cette théorie des compensations naturelles est une de celles auxquelles Aristote se plaît à revenir le plus souvent. — Les polydactyles n’ont pas d’osselet. Le fait est exact. — Et la largeur s’est agrandie… Le sens n’est pas très sûr ; et l’expression du texte présente la même obscurité que ma traduction. — Pourvus de deux pinces. Ce sont les bisulques, ou pieds fourchus, comme la plupart des ruminants. Il est remarquable que ces études sur l’osselet et ses fonctions n’aient pas été reprises par les Modernes.
  289. . L’homme a des pieds plus grands. Cette observation est très juste, et tout ce qu’Aristote dit du pied de l’homme est le digne pendant de ce qu’il a dit plus haut de la main. La science actuelle a presque complètement abandonné ces considérations générales, qui sont cependant plus importantes que les faits de détail, accumulés avec tant de soin, et parfois d’inutilité. — Le seul être qui se tienne droit. Voilà la véritable raison de la conformation du pied. — Étant de saisir et de serrer les objets. La fonction de la main ne peut pas être expliquée avec plus de concision et de vérité. Ces explications, devenues aujourd’hui banales, étaient fort neuves du temps d’Aristote. — La partie du pied qui n’est pas fendue. Et que nous appelons la plante du pied.
  290. Il est préférable… Il n’y a pas moins de vérité dans ces considérations que dans les précédentes, et l’on serait fort embarrassé de nos jours d’expliquer la conformation du pied de l’homme mieux que ne le fait le naturaliste grec. — Des ongles sur les mains. Voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. XI, § 8, p. 69 de ma traduction. — À cause de leur délicatesse. Le texte dit précisément : « A cause de leur faiblesse. »
  291. Nous avons étudié presque tous les animaux. Sous les points de vue où ils sont considérés dans le présent traité ; car le but de l’Histoire des Animaux est tout autre et purement descriptif, tandis qu’ici l’objet que s’est proposé l’auteur, c’est d’expliquer le mécanisme des fonctions de chaque organe et de chaque viscère. — Les uns sont quadrupèdes. Ce sont les chéloniens et les sauriens. — C’est celui des serpents. Ou comme les appelle la science moderne, les Ophidiens ; ce sont les serpents proprement dits, parmi les reptiles. — À la Marche des Animaux. Voir ce traité, ch. VII, édition de Berlin, p. 707, b, 21. Il faut bien distinguer ce traité de la Marche des Animaux, du traité du Mouvement dans les Animaux. Ce dernier se trouve dans les Opuscules psychologiques, p. 237 de ma traduction ; mais il s’occupe exclusivement du principe général du mouvement dans l’animal, rattaché au mouvement même de l’univers. Sur les reptiles, voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 4 et suiv.
  292. . Autres que les serpents. L’exception est fort et acte. Les ophidiens sont seuls sans pieds, et par cette raison, ils méritent le mieux le nom de reptiles ; voir Cuvier, loc. cit., p. 68. — Une forme qui se rapproche…. L’observation est très juste, et les détails qui suivent la fortifient. — Le crocodile de rivière. C’est le crocodile ordinaire, spécialement celui du Nil. Aristote l’appelle ainsi pour le distinguer de l’animal que les Grecs appelaient le crocodile de terre, et qui n’est qu’un saurien stellion de grande taille ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, tome I, p. 117 ; voir Cuvier, Règne animal, tome II p. 32, — Une langue… Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VI, § 2, p. 141 de ma traduction. — Un animal terrestre et un animal aquatique. C’est en effet parmi les amphibies qu’on peut classer les crocodiles. — La place de la langue. L’expression est exagérée ; le crocodile a bien une langue ; mais elle est non-protractile, et elle est attachée presque complètement jusque sur les bords ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, page 18. Cuvier n’a presque rien dit de cette organisation du crocodile dans son Anatomie comparée, XVIIIe leç., article III, c, sur la langue des reptiles ; voir aussi XVe leçon, t. II, p. 680.
  293. Plus haut. Voir plus haut liv. II, ch. 17, § 8 ; et aussi l’Histoire des Animaux, loc. cit., où il est dit également que, pour bien voir la langue des poissons, il faut leur ouvrir fortement la bouche. Les chondroptérygiens n’ont même pas de langue. — Une langue serait bien peu utile aux poissons. L’explication est vraie, et, tout au moins, fort ingénieuse. — Ni mâcher, ni déguster. Le fait est incontestable. — Ne consistent qu’à les avaler. De là vient la voracité bien connue des poissons, et particulièrement des squales et des traies. — La langue qui fait sentir les saveurs. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IX, § 13, p. 56 de ma traduction. On n’est pas d’accord, même aujourd’hui, sur la partie de la langue qui fournit surtout la gustation ; voir la Physiologie comparée de M. G. Colin, 2e édit., tome I, p. 299 ; voir aussi la Zoologie de M. P. Gervais, 3e édition, p. 266. Il paraît que c’est le nerf lingual de la cinquième paire qui donne plus particulièrement la sensation de la saveur,
  294. Possèdent donc ce sens, C’est-à-dire que tous les vivipares ont le sens du goût beaucoup plus développé que les autres animaux dont il vient d’être question. — Par le gonflement de l’œsophage. Je ne sais pas si la science moderne accepté cette théorie ; mais elle reconnaît au moins que la partie supérieure des voies digestives, le pharynx, partage avec la langue la propriété de transmettre les impressions du goût ; voir le Traité élémentaire de physiologie humaine de M. J. Béclard, pp. 928 et 934, 6e édit. Il semble que, pour Cuvier, la langue est exclusivement l’organe du goût ; voir l’Anatomie comparée, XVe leç., articles I et II, pp. 676 et suiv. — Ont en quelque sorte un autre sens. Malgré la forme restrictive de l’expression, ceci peut paraître un peu exagéré ; les vivipares n’ont pas, à proprement parler, un autre sens ; mais il est certain qu’en général le sens du goût est beaucoup moins développé chez les animaux que le sens de l’odorat. C’est peut-être là ce qu’Aristote a voulu indiquer.
  295. . La langue bifide. Ceci est un fait évident ; la zoologie moderne ne paraît pas y avoir donné grande attention, bien que cette conformation soit certainement fort curieuse. Voir plus haut, liv. II, ch. XVII, § 6, p. 192. — Ainsi que nous l’avons déjà dit. Ceci se rapporte à l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. XII, § 19, p. 188 de ma traduction, où Aristote parle de la langue des serpents, à peu près dans les mêmes termes qu’ici. — Les phoques. Dans ce même passage de l’Histoire des Animaux, Aristote parle également de la langue du phoque. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 167, édit. de 1829, dit que la langue du phoque est échancrée ; mais on peut trouver qu’elle est bifide comme celle du serpent, quoique moins fine. — Sont friands. Je ne suis pas sûr de ce sens ; le mot du texte ne signifie habituellement que Maigre, et c’est la signification qui lui est donnée plus d’une fois dans l’Histoire des Animaux. Cette signification n’est pas acceptable ici ; et bien des commentateurs ont compris que ces animaux étaient Avides et non pas Maigres. J’ai suivi cet exemple. — Les dents carnassières. C’est le sens le plus probable du mot grec ; il est souvent employé dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. III, § 13, p. 127 de ma traduction. On pourrait traduire encore : « Les dents en scie », ou simplement : « Dents aiguës ». — Comme les ont les poissons. L’expression est bien vague ; il faudrait dire plutôt : « Certains poissons ». Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIIe leçon, article IV, Dents des poissons, pp, 175 et suiv. — Tous les organes des sens. Tandis que dans beaucoup d’espèces d’animaux, il n’y a que quelques-uns des sens, à l’exclusion des autres. Ici, les quadrupèdes ovipares sont les chéloniens et les sauriens de Cuvier, et aussi les batraciens ; il y a quelques sauriens à deux pieds. Voir le Règne animal de Cuvier, t. II, pp. 4 et suiv., édit. de 1829. — Il n’y a que le simple conduit. Ceci est vrai pour beaucoup de quadrupèdes ovipares ; mais ce n’est pas exact pour le crocodile, qui a pour l’oreille deux sortes de lèvres charnues, lesquelles se ferment à volonté ; Cuvier, id. ibid., p. 18. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VI, § 3, p. 141 de ma traduction.
  296. La cause en est… la dureté de leur peau. La physiologie actuelle n’admettrait pas sans doute cette explication. — Les uns,.. Ce sont les oiseaux dont on vient de parler. — Les derniers. Ce sont les quadrupèdes ovipares, dont il est surtout question. — Des carapaces. Le sens du mot grec est assez indéterminé, et il est plus général. Les carapaces appartiennent surtout aux chéloniens ; les sauriens, comme les crocodiles, ont une peau très dure ; mais ce n’est pas précisément une carapace. Voir sur cette synonymie douteuse l’Histoire des Animaux, Li. I, ch. VII § 5, p. 38 de ma traduction, et la note. — Les gros serpents. Ils n’ont que des écailles ou des plaques. — Les crocodiles de rivière. Ce sont les crocodiles ordinaires pour les distinguer des crocodiles de terre, qui ne sont qu’une espèce de gros lézard ; voir plus haut, liv. II, ch. XVII, § 7. — N’ont pas la paupière supérieure. L’expression est insuffisante ; et l’auteur veut dire seulement que, chez ces animaux, la paupière supérieure ne sert pas à fermer l’œil comme la paupière d’en bas chez les oiseaux ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VIII, § 6, p. 151 de ma traduction. — Par la raison qu’on a déjà donnée. Ceci se réfère sans doute au passage de l’Histoire des Animaux qui vient d’être cité. — Il y a quelques oiseaux. Dans l’Histoire des Animaux, loc. cit. ce sont surtout les oiseaux lourds, et qui volent mal. — Ces autres animaux. C’est-à-dire, les quadrupèdes ovipares. — Ont les yeux plus durs. Le fait peut être exact ; mais l’explication paraît assez douteuse. — Ont plus besoin…. d’une vue perçante. Cette théorie est vraie.
  297. . La tête étant divisée… en bas seulement. Ces détails sont exacts ; mais ils sont ici hors de place, ainsi que tous ceux qui suivent jusqu’à la fin du chapitre. On peut supposer qu’il y a quelque désordre ; mais ces renseignements n’en sont pas moins curieux. Quant à la tête, c’est l’expression du texte ; mais ce n’est pas précisément de la tête qu’il s’agit ; c’est plutôt des deux mâchoires. On peut voir l’importance que Cuvier attache à la fonction des mâchoires, Anatomie comparée, tome III, pp. 11 et suiv, XVIe leçon.
  298. La cause en est. L’explication est excellente ; et c’est déjà la théorie de Cuvier sur les conditions d’existence. Voir ma Préface à l’Histoire des Animaux, p. cxxiv, — Ne sert qu’à broyer. Comme on le voit chez les ruminants ou chez le cheval. — Qui ont des molaires. Voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIIe leçon, Des molaires chez les mammifères, tome III, p. 158 et suiv. 1ere édit. — La nature ne fait jamais rien d’inutile. Grand et solide principe, qu’Aristote a cent fois répété, et qu’on ne saurait répéter trop souvent ; voir ma Préface à l’Histoire des animaux, p. LXXVIII.
  299. Qui fasse mouvoir la mâchoire d’en haut. C’est une erreur énoncée déjà dans l’Histoire des Animaux, livre I, ch. IX, § 11, p. 55 de ma traduction ; et livre III, ch. Vu, § 4, p. 255. — Cela tient à ce que ses pieds… Sur les pieds du crocodile, voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. I, § 7, p. 103 de ma traduction. Il ne paraît pas que la science moderne ait trouvé rien de particulier dans les pieds du crocodile ; ils sont petits comme tous ceux des sauriens ; et il est vrai, comme le remarque Aristote, qu’ils ne peuvent servir, ni à saisir ni à retenir les choses. — Où le coup peut être le plus fort. L’explication serait ingénieuse, si elle était exacte ; mais elle ne l’est pas, puisque la mâchoire d’en haut chez le crocodile n’est pas mobile ; elle ne se meut qu’avec la tête entière ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 18, édit. de 1829. Ce qui fait l’illusion, c’est que la mâchoire inférieure se prolonge derrière le crâne. — Le mouvement de la mâchoire d’en haut. C’est une simple supposition, que l’observation dément.
  300. Les crabes. Voir plus haut, ch. VIII, § 1, p. 176. — De leur pince. Ou peut-être plutôt : « De leur serre ». Elle est placée sur la première paire de pieds. — Il faut que la pince… L’explication est exacte. — Les dents qui sont chargées de déchirer. Voir dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. ni, § 12, p. 126 de ma traduction, une longue étude sur les dents. — Qui n’ont pas à se presser. Le sens n’est pas très clair ; mais l’expression du texte n’est pas plus nette que celle que j’ai dû employer. — La fonction est divisée. L’explication est ingénieuse et vraie. — Les deux services à la fois. Il ne paraît pas en réalité que cette organisation de la bouche du crocodile ait rien de particulier.
  301. Parce qu’ils ont un poumon. Cette relation du cou et du poumon n’est pas aussi générale dans la série animale que l’auteur semble le croire. — Si l’on entend par le Cou… Voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. VI, p. 43, et ch. X, p. 58 de ma traduction. — Le serpent… de cou véritable. En général, les ophidiens ont une trachée-artère très longue ; ils n’ont qu’un grand poumon avec vestige d’un second très petit ; et l’on comprend que cette organisation, jointe à celle de leurs mâchoires, ne comporte guère de cou. La physiologie moderne ne paraît pas s’être arrêtée, comme Aristote, à cette étude du cou des serpents. — Une particularité qui sépare… Cette particularité est en effet fort remarquable et méritait d’être notée. Cuvier en dit un mot, Anatomie comparée, me leçon, p. 175, 1ere édition ; et il explique l’absence du cou dans les serpents par la disposition générale de leurs vertèbres ; mais il ne parle pas du mouvement giratoire du cou.
  302. Peut se rouler. Voir Cuvier, loc. cit. p. 176. Ses vertèbres doivent être très flexibles. C’est très vrai ; et de plus, ces vertèbres sont très nombreuses ; le boa constrictor en a 304, dont 252 portant les côtes ; les autres serpents en ont presque autant. Les vertèbres de la queue ne portent point de côtes. — Cartilagineuses. C’est peut-être trop dire. — En vue du mieux. C’est une application du principe de l’optimisme, qu’Aristote a toujours soutenu. — Il ne lui servirait de rien. Tout cela est fort ingénieux.
  303. Les animaux de ce genre. Ceci se rapporte sans doute exclusivement aux serpents ; mais l’expression aurait pu être plus précise ; j’ai dû la rendre telle qu’elle est. — Qui répond à la poitrine. Les serpents proprement dits n’ont pas de sternum ; et il n’est pas exact de dire qu’ils ont une partie de leur corps répondant à la poitrine des autres animaux. — Ils n’ont pas de mamelles. La chose est tellement évidente qu’il n’y avait pas besoin de le dire ; mais Aristote aura cru nécessaire de la mentionner, parce qu’il y a des reptiles vivipares, tels que la vipère. — La mamelle… Voir sur les fonctions des mamelles, l’Histoire des Animaux, livre VII, ch. I, § 10, p. 409, et aussi livre I, ch. X, § 2, p. 59 de ma traduction. — Le lait ne se trouve… Voir l’Histoire des Animaux, livre III, ch. XVI, p. 301, et livre VII, ch. VII p. 431 de ma traduction. — La nourriture analogue. C’est le jaune de l’œuf ; voir l’Histoire des Animaux, livre VIII ch. II, p. 258 de ma traduction. — Dans le Traité de la Génération. Voir ce traité livre III, § 40, édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer ; mais dans ce traité spécial, livre III, § 41, Aristote renvoie à l’Histoire des Animaux pour des détails plus complets ; voir ce dernier traité, loc. cit.
  304. . Traité de la Marche des animaux. Voir ce traité, ch. I et chap. XII et suiv. A la fin du ch. I, Aristote se réfère aussi à l’Histoire des Animaux, où, en effet, il a étudié les différents modes de flexion dans les Animaux, livre II, ch. I, § 6, p. 102 de ma traduction. Sur les queues des animaux, voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. II, p. 107 de ma traduction ; et sur la queue des oiseaux, voir le Traité de la Marche, ch. X, § 15. Le caméléon. Il est évident que ce passage sur le caméléon est ici complètement déplacé ; c’est sans doute une erreur des premiers copistes. D’ailleurs, Aristote a traité tout au long du caméléon dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. VII, p. 143 de ma traduction. — La peur… Voir plus haut, livre II, ch. IV, § 3. Il ne paraît pas d’ailleurs que ce soit la peur qui fasse changer le caméléon de couleur.
  305. Nous en avons à peu près fini… Le résumé n’est pas très exact, puisque l’auteur, dans tout ce qui précède, a parlé aussi fort longuement des animaux qui n’ont pas de sang, par exemple au ch. IX, de ce livre IV, qui leur est consacré.
  306. Pour les oiseaux. Il faut comparer ces généralités sur les oiseaux à celles qu’a présentées Cuvier, Règne Animal, tome I, pp. 301 et suiv., édit. de 1829 ; et celles de Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, tome XIX, pp. 24 et suiv., édition de 1829. — Les oiseaux ont peu de parties..,.. Ils différent de tous les animaux. Cuvier reconnaît aussi, loc. cit. 9 p. 310, « que de toutes les classes d’animaux, celle des oiseaux est la mieux caractérisée, celle dont les espèces se ressemblent le plus » et qui est séparée de toutes les autres par un plus grand intervalle. » Buffon a énuméré également les qualités particulières et distinctives de l’oiseau, qu’il loue avec une sorte d’enthousiasme ; voir surtout p. 70, loc. cit.
  307. Ils ont tous des ailes. C’est en effet la particularité essentielle qui sépare l’oiseau du reste des êtres ; voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. V, § 9, p. 32 de ma traduction. — L’aile est divisée. Ceci est vrai pour la plupart des oiseaux. — Des ailes pleines. C’est là sans doute une allusion aux ailes des chauves-souris. La membrane qui remplit les intervalles des bras, des avant-bras et des doigts, est une aile véritable, plus étendue en surface que l’aile des oiseaux, et qui permet à l’animal de voler très haut et très rapidement. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 112, édit. de 1829. — Tantôt elle a un tuyau. Ce détail se rapporte à la plume et non plus a l’aile ; mais en grec, le même mot désigne l’aile et la plume.
  308. Cet organe du bec. Voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. VIII, § 5, p. 151 de ma traduction. — Chez l’éléphant. On ne comprend pas bien que l’auteur parle aussi brusquement de l’éléphant, qui semble n’avoir rien à faire ici. Le bec de l’oiseau remplace en quelque sorte le nez ; et par une association d’idées assez naturelle, on passe du nez à la trompe ; mais dans tout ceci, la pensée n’est pas suffisamment exprimée. — Chez quelques insectes. Il eût été bon de désigner plus précisément quelques-uns de ces insectes. L’appareil buccal est très divers selon que l’insecte se nourrit de liquides, ou qu’il est broyeur comme les coléoptères, les névroptères, etc., etc., ou suceur comme les lépidoptères, etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 540, trad. franc. ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 4 et suiv. et p. 297, édit. de 1829. — Remplit la fonction des dents et des lèvres. Cette appréciation est fort exacte. — Des sens chez les oiseaux. Ceci n’est pas dans le texte ; mais j’ai cru devoir faire cette addition, à cause de ce qui suit. Il a été question de la répartition des sens chez les animaux en général dans l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. 8, pp. 77 et suiv. de ma traduction. — Ils ont un cou. Ce détail se rapporte évidemment aux oiseaux. — Par la même raison… Sur le cou des animaux, voir l’Histoire des Animaux, livre II, ch. VIII, pp. 148 et suiv. — Court… très long. Tous ces détails sont parfaitement exacts ; et c’étaient les premiers qui devaient frapper l’observateur. Voir Cuvier, Règne animal, t. I, p. 302. — Les palmipèdes. Voir Cuvier, loc. cit., p. 311 et 543 et suiv. Ce sont les seuls oiseaux dont le cou dépasse et quelquefois de beaucoup, la longueur des pattes. — La nourriture qui est à terre. Et aussi, dans la profondeur de l’eau.
  309. . Qui sont carnivores. Ces observations ne sont pas moins exactes que les précédentes. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 313 et suiv. Les oiseaux de proie sont parmi les oiseaux ce que les carnassiers sont parmi les quadrupèdes. — N’a-t-il un long cou. Cette remarque est exacte. — Les palmipèdes… fort écourtés. Ce sont les nageurs, comme le cygne, le canard, etc. C’est plus particulièrement la famille des Lamellirostres de Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 565 et suiv.
  310. Les becs n’offrent pas moins de différences. Sur le bec des oiseaux, voir Cuvier, Anatomie comparée, XVIe leç., t. III, pp. 60 et suiv., 1ere édit. — Tout droit. Comme les pics, qui en ont besoin pour percer l’écorce des arbres. — Un bec crochu. Comme celui de tous les oiseaux de proie. — Les vaincre à force ouverte. Ceci est une sorte de répétition de ce qui a été dit au paragraphe précédent.
  311. Ceux qui vivent dans les marais… de l’herbe. Le cygne, par exemple, vit également de poissons et de végétaux. — Le bec leur sert à fouiller l’eau… La description est fort exacte. — Le bec long, ainsi que le cou. Ceci convient particulièrement aux échassiers, qui ont un bec proportionné à la longueur de leurs pattes. — Vivent des petites bêtes. Les échassiers vivent de poissons, de reptiles, de vers, d’insectes ; quelques-uns se contentent d’herbages, et vivent éloignés de l’eau ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 494, édit. de 1829. — Comme d’une ligne à pêcher. Il est possible que ceci ne soit qu’une interpolation. La comparaison n’est pas tout à fait fausse ; mais elle n’est guère dans les habitudes du style aristotélique. — Comme le flotteur et l’hameçon. Ce rapprochement est exagéré.
  312. . Est de la même venue. L’expression du texte ne semble avoir que ce sens ; mais elle est bien vague et bien incomplète, et elle ne donne pas une description suffisante de la constitution de l’oiseau, bien que cette description ne soit pas fausse. — Au lieu de bras. Comparativement à l’homme. — Et de membres de devant. Comparativement au reste des animaux. — Qui peuvent se déployer. Ou peut-être, Suspendues. — Une partie toute spéciale. Et oui est le caractère essentiel de leur organisation. — Au lieu d’omoplate. Ceci n’est pas exact ; et l’épaule des oiseaux est composée de trois os : la clavicule, la fourchette et l’omoplate. Voir Cuvier, Anatomie comparée, IVe leç., t. I, p. 248, 1e édit. La fourchette est un os particulier à l’oiseau ; il est étonnant qu’Aristote l’ait omis. — Se plient en dedans. Voir, sur les flexions dans les membres des animaux, l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. XI, § 3, p. 65 de ma traduction.
  313. Sont à la circonférence du corps. C’est la traduction littérale du texte ; mais l’expression n’est pas tout à fait juste ; et il aurait mieux valu dire : Aux côtés du corps. — Il y a nécessité. Afin que l’oiseau conservât encore quelques affinités avec les quadrupèdes, et que la nature procédât, ici comme ailleurs, par nuances presque insensibles. — Par plus de quatre appareils. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. V, § 14, p. 34 de ma traduction. — Qui vivent sur terre et qui y marchent. C’est bien aussi ce que fait l’oiseau ; mais il a de plus le privilège de voler. — Seulement.. Cette restriction est très juste.
  314. Sont très puissantes. Ceci est surtout vrai des oiseaux de proie ; mais on peut dire d’une manière générale que les muscles des ailes des oiseaux sont les plus puissants de toute la création. Le vol exige un effort prodigieux ; et l’organisation entière de l’oiseau correspond à cette nécessité primordiale ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 301 et suiv.; et aussi Buffon, Discours sur la nature des oiseaux, p. 34, édit. de 1829. — Avec quatre appareils. C’est ce qui vient d’être dit, plus haut, § 8. — La poitrine en pointe et charnue. C’est la fourchette et le sternum, qui chez les oiseaux ont une forme toute particulière. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 941, trad. franc. — Pointue en vue du vol. C’est évident. — Un grand revêtement. L’expression grecque n’est pas plus précise.
  315. Sous la poitrine. Ou plutôt : Sous la partie qui répond à la poitrine. — La flexion des pattes. C’est précisément le haut de la cuisse plus que la flexion des pattes ; on pourrait traduire aussi : La flexion des membres. — Un nombril. Sur l’organisation de l’œuf, voir l’Histoire des Animaux, liv. VI, ch. III, § 2, p. 269 de ma traduction. — Il disparaît. Il est certain qu’il n’y a pas trace de nombril chez les oiseaux adultes, comme il en reste chez l’homme durant toute sa vie ; mais ceci tient à tout le développement de l’oiseau. Tant qu’il est dans l’œuf, il a nécessairement certaines attaches, d’abord avec l’oviducte de la mère, puis ensuite avec le jaune, qui le nourrit ; mais une fois nés il n’a plus rien de tous ces rapports ombilicaux ; la vésicule germinative répond peut-être à l’ombilic. Voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 956, trad. franc. — Les Études sur la Génération. Voir le Traité de la Génération des Animaux, liv. III, § 29, édit. et trad. de MM. Aubert et Wimmer, page 226 et passim ; notamment, liv. II, § 66, p. 168. — La suture se fait à l’intestin. L’expression du texte n’est pas plus claire ; et je ne trouve pas dans la science actuelle des investigations spéciales sur ce sujet, qui mérite d’ailleurs l’attention qu’Aristote y a donnée. Voir Cuvier, Règne animal, t. 1, p. 309, édit. de 1829. — Une partie des veines. Voir l’Histoire des Animaux, liv. VII, ch. VII, § 6, p. 440 de ma traduction.
  316. Des ailes étendues et puissantes. Ceci s’applique surtout aux oiseaux de proie diurnes. — À la condition de voler beaucoup. La science actuelle ne pourrait pas trouver des explications plus complètes, ni plus vraies. — Des plumes en abondance. Selon Cuvier, « les plumes ont été données à l’oiseau pour le garantir contre les rapides variations de température, auxquelles ses mouvements l’exposent » ; Règne animal, t. I, p. 304 et p. 396, édit. de 1829. — Et de grandes ailes. L’envergure varie beaucoup de dimension ; elle est surtout étendue chez les rapaces. — La rapidité de leur vol. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, page 956 de la trad. franc.
  317. Qui ne volent guère… fort lourdes. Ce sont surtout les gallinacés, dont le port est pesant et dont le vol est court. Voir Cuvier, Règne animal, t. 1, pp. 311 et 468, édit. de 1829. Les muscles pectoraux sont très faibles et rendent le vol difficile. — Qui mangent des fruits. Les gallinacés vivent principalement de grains. — Qui nagent et vivent près de l’eau. Ce sont les oies, les canards, les cygnes, etc. — Les oiseaux à serres crochues. Ce sont les oiseaux de proie. — De très petits corps. Comparativement à l’envergure des ailes. — Des corps volumineux. Comme on peut le voir chez les gallinacés.
  318. Des ergots. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. VIII, § 9, p. 154 de ma traduction. — Au lieu d’ailes. Ceci n’est pas exact ; les ergots n’excluent pas les ailes ; mais ils vont d’ordinaire avec de mauvaises ailes. — D’ergots et de serres crochues. C’est exact. — Ne fait jamais rien d’inutile. Grand principe, dont Aristote ne cesse jamais de montrer les applications. — Ne serviraient en quoi que ce soit. C’est peut-être trop dire ; les oiseaux de proie ont assez d’armes sans celle-là ; elle pourrait néanmoins leur servir, s’ils l’avaient avec les autres. — Elles seraient en outre dangereuses. Ceci est parfaitement vrai ; et il suffit de voir marcher des vautours et des aigles, pour se convaincre de l’exactitude de cette observation. — Faites pour empoigner. C’est la force de l’expression du texte.
  319. Marchent mal. Tout au contraire, les gallinacés, par exemple, et tant d’autres oiseaux non carnassiers, marchent très fermement sur le sol. — La partie terreuse de leur corps et leur chaleur native. C’est une application de la théorie des quatre éléments, adoptée par Aristote, et qui a régné, quelque fausse qu’elle fût, jusque dans les temps modernes. — Les ergots sur les pattes. Dans l’ordre des gallinacés, par exemple. — Dans les ongles des pieds. Dans l’ordre des oiseaux de proie. — S’affaiblit en se dispersant. Il ne faut pas attacher trop d’importance à ces théories singulières ; la physiologie était alors privée de trop de secours pour être plus exacte dans ses analyses.
  320. Aux uns, la nature donne… Toutes ces observations sont pleines de sagacité, et la science moderne les ratifie. — La longueur des pattes. Ce sont les échassiers de la zoologie actuelle, « Le bas de leurs jambes est nu ; leurs tarses sont très hauts ; et ils peuvent ainsi entrer dans l’eau jusqu’à une certaine profondeur sans se mouiller les plumes, et y pêcher au moyen de leur cou et de leur bec, dont la longueur est généralement proportionnée à celle des jambes » ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 493, édit. de 1829. — Elle remplit l’intervalle des doigts des pieds. Ce sont les palmipèdes, « dont les pieds sont faits pour la natation, implantés à l’arrière du corps, portés sur des tarses courts et comprimés et palmés entre les doigts » ; Cuvier, id. ibid., p. 545. — Une sorte de rame. La comparaison est fort juste. — Des causes faciles à comprendre. Ces causes sont les circonstances diverses qui dominent la vie de ces oiseaux, habitant le long des eaux ou vivant dessus.
  321. . En vue du mieux. C’est le principe de l’optimisme, qu’Aristote a toujours soutenu. — Les nageoires….. des espèces de rames. Nouvelle comparaison aussi juste que la précédente. Cette forme de style est fort rare dans Aristote. — Les poissons….. ces oiseaux. Le rapprochement est frappant ; et la science moderne pourrait en tenir compte. — Vient à faire défaut. Soit par suite de l’organisation naturelle, soit par suite d’un accident.
  322. Ils doivent vivre dans les marécages. C’est là en effet la vie des échassiers, sur les rives des fleuves et des lacs, au bord de la mer et des étangs, en un mot, dans les contrées marécageuses. Perchés sur leurs longues jambes, ils cherchent de petits insectes, des mollusques, des vers, des grenouilles, des poissons. Leurs pattes très hautes ont les tibias nus, avec des tarses fort allongés. — De longs doigts. Parmi les échassiers, les uns n’ont pas de doigts postérieurs. Ils doivent marcher dans les eaux basses, sur des fonds vaseux. Le quatrième doigt est tantôt rudimentaire, tantôt long et armé ; tantôt aussi à demi-palmé, ou tantôt tout à fait libre. — Plusieurs flexions. Je ne vois pas que la science moderne ait observé ce dernier détail ; voir sur les échassiers en général M. Claus, Zoologie descriptive, p. 970, trad. franc. Les échassiers s’appellent aussi Oiseaux de rivage, dans les nomenclatures actuelles. Voir encore Cuvier, Règne animal, tome I, p. 433 sur les doigts des échassiers ; et sur les doigts des oiseaux, id. ibid, p. 304, édit. de 1829 ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 946, édit. franc.
  323. N’étant pas faits pour voler. Ceci n’est pas applicable à tous les échassiers ; car les hérons volent très haut et très longtemps. — La nourriture qui se dirige… Voir plus haut, § 14 et la note. — En les étendant en arrière. L’observation est fort exacte ; et les pattes ainsi placées font équilibre, avec la queue, qui est très courte en général, à la partie antérieure du corps. Cuvier adopte aussi en partie le système des compensations d’organes ; ainsi en parlant des brévipennes, il dit que leurs extrémités postérieures ont repris en force ce que leurs ailes ont perdu ; Règne animal, tome I, p. 494, édit. de 1829. — Un petit nombre d’espèces… Il aurait fallu désigner plus précisément ces espèces, puisque ce détail ne s’applique, ni aux échassiers, ni aux palmipèdes dont il vient d’être question. — Dans les oiseaux à serres crochues. Ceci peut sembler une interpolation, ou tout au moins une addition mal placée.
  324. L’étendent en volant. Cette observation est encore très exacte ; et cette extension du cou en avant est faite aussi pour équilibrer le corps entraîné dans un vol rapide. — Volent en le repliant. Il aurait fallu ici encore indiquer précisément quelques espèces de volatiles. — Soit moins exposé à des accidents. Il n’est pas sûr que cette explication soit aussi bonne que l’auteur semble le croire ; et cette position du cou tient sans doute plutôt aux conditions mêmes du vol.
  325. Ont une hanche. Voir sur cette conformation de l’oiseau l’Histoire des Animaux, livre II, ch. VII, § 2, p. 149 de ma traduction, et la note. Voir aussi, sur cette articulation des membres postérieurs chez les oiseaux, la Zoologie descriptive de M. Claus, pp. 942 et 945, trad. franc. ; voir également Cuvier, Règne animal, t. I, p. 304, où il n’y a que des indications succinctes. — Ils ont deux cuisses. Ceci est exagéré ; et le bassin des oiseaux, tout allongé qu’il est, ne peut pas être assimilé à une cuisse. Le fémur est court et solide, et la jambe est beaucoup plus longue que la cuisse ; la cuisse est presque horizontale ; et par suite, la jambe doit être reportée en avant ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, pp. 912 et 945, comme ci-dessus. — Ne se tient pas droit. L’explication est excellente ; le tronc chez les oiseaux est toujours placé plus ou moins obliquement ; il ne peut jamais être droit comme chez l’homme. — Est celle des nains. Dans les théories mêmes d’Aristote, ceci n’est pas très exact, puisque la tête et le cou des oiseaux sont en général assez petits, tandis que, chez les nains, la partie supérieure du corps est trop grosse, et particulièrement la tête. Voir plus haut, ch. X, §§ 8, 9, 11 et 38.
  326. Au lieu de cette partie. Le texte est aussi vague que ma traduction ; « Cette partie » désigne sans doute la partie supérieure du corps. — Le milieu. C’est le sternum des oiseaux avec tous ses appendices. — Ne se tient pas droit cependant. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 302, édit. de 1829, a expliqué aussi pourquoi l’oiseau ne peut se tenir droit, « Les extrémités antérieures, destinées à les soutenir dans le vol, ne pouvaient servir ni à la station, ni à la préhension ; ils sont donc bipèdes ; leur corps devait être penché en avant de leurs pieds ; les cuisses se portent donc en avant, et les doigts s’allongent pour lui fournir une base suffisante ; le bassin est très étendu en longueur… les ischions et surtout les pubis se prolongent en arrière, etc., etc. » Voir aussi la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 938, trad. franc. et p. 942. — La même disposition chez les quadrupèdes. Les jambes des quadrupèdes sont en général osseuses et sèches, en vue de rendre le mouvement plus facile. — Plus haut. Voir plus haut, ch. X, § 35, et aussi § 22. Sans exception. J’ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l’expression grecque ; mais le fait n’est pas exact ; et il y a des oiseaux, comme l’outarde, qui n’ont que trois doigts. Il est bien vrai que l’autruche (le moineau de Libye) n’en a que deux, à quatre phalanges chacun. — Les palmipèdes aussi bien que les fissipèdes. Ces détails ne sont pas tout aussi vrais que l’auteur semble le croire ; voir Cuvier, Anatomie comparée, Ve leçon, tome I, p. 390, 1ere édit. ; voir aussi M. Claus, Zoologie descriptive, p. 942, trad. franc. — Plus tard. Voir le ch. XIV qui termine l’ouvrage. — Les oiseaux ont trois doigts. On aurait pu désigner précisément quelques espèces. — N’a aucune longueur. C’est ce qu’on observe souvent chez les échassiers, dont le pouce est en général oblitéré. — Pour la crex. J’ai dû conserver le nom grec, parce que l’identification n’est pas sûre ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, édit. et trad. de l’Histoire des Animaux, tome I, p. 100 ; ils croient que la crex pourrait être l’himantopus rufipes, ou ostralegus. Voir l’Histoire des Animaux, livre IX, ch. II, § 10, p. 137 de ma traduction. Dans la zoologie moderne, la crex est une espèce de râle, dont le doigt postérieur est plus court que les autres ; mais ce ne serait pas un échassier, comme on l’avait cru quelquefois, et comme le dit ici Aristote. — Jamais plus de quatre doigts. Cette observation est exacte.
  327. Torcol. Le mot grec est Yunx, que la zoologie moderne a conservé, en y ajoutant l’épithète de Torquilla. Cette conformation singulière des pieds du torcol est signalée aussi dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. VIII, § 3, p. 150 de ma traduction. — Moins porté en avant. Je ne sais pas si la science moderne a noté ce détail. — Tous les oiseaux ont des testicules. Ceci ne tient pas à ce qui précède, et cette fin du chapitre n’est peut-être qu’une interpolation. Voir, sur les testicules intérieurs des oiseaux, l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. I. § 4, p. 199 de ma traduction. — De la Génération des Animaux. Voir ce traité spécial, livre I, § 32, p. 60, édit. et trad. Aubert et Wimmer.
  328. . Bien plus déformées. Aristote établit donc une sorte de gradation entre les animaux, les oiseaux venant après les quadrupèdes, les reptiles après les oiseaux, et les poissons après les reptiles. C’est encore à peu près l’ordre que suit Cuvier dans son Règne animal. — Ni jambes, ni mains, ni ailes. Ce sont là en effet les premières différences qui doivent frapper tout d’abord les observateurs, bien qu’elles ne soient pas les seules. — Antérieurement. Ceci se rapporte sans doute à l’Histoire des Animaux, livre II, ch. IX, p. 155 de ma traduction. — Est continu de la tête à la queue. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas de cou distinct. Cuvier se borne à dire, Règne animal, tome II, p. 123, que les membres étant peu utiles aux poissons sont fort réduits. Le corps des poissons a généralement la forme d’un fuseau, plus ou moins comprimé ; voir M. Glaus, Zoologie descriptive, pp. 778 et 779, trad. franc. La tête est immédiatement réunie au tronc et solidement articulée avec lui. La région cervicale mobile fait presque complètement défaut. — La queue faite de la même manière. La queue est chez les poissons une pièce essentielle ; car c’est elle qui sert surtout à la progression et à la natation. Aristote a toute raison d’y attacher beaucoup d’importance.
  329. Dans les torpilles. M. le docteur de Frantzius, p. 319, note 108, pense qu’il y a ici quelque erreur ; la torpille a la queue courte et assez charnue ; voir aussi Cuvier, Règne animal, tome II, p. 396, édit. de 1829. — Les trygons. Le trygon est une espèce de pasténague et de raie, dont la queue est armée d’un aiguillon, et est assez grêle ; c’est un repli en forme de nageoire ; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 399, édit. de 1829 ; voir aussi l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. V, § 4, p. 30 de ma traduction. — Et autres espèces de sélaciens. Les poissons ici nommés sont bien des sélaciens, c’est-à-dire des chondroptérygiens à branchies fixes ; les squales, les raies en font partie. — Épineuse et longue. La queue des squales est grosse et charnue, particulièrement celle des rhinobates, parmi les raies, qui ont en général la queue mince ; voir Cuvier, loc. cit., pp. 385f 395 et 397. — Par la même cause. L’auteur n’a pas dit cette cause pour les torpilles ; il a seulement signalé le fait. — Dans les grenouilles. Il s’agit ici des grenouilles marines, et non des grenouilles ordinaires ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 5, p. 159 de ma traduction ; et liv. IX, ch. XXV, § 1, p. 214. Voir aussi le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, édit. et trad. de l’Histoire des Animaux, t. I, p. 146, n° 90. La grenouille marine d’Aristote paraît être le Lophius piscatorius ou Baudroie, qui n’est pas une espèce de raie, et qui n’est pas un sélacien ; voir M. le docteur de Frantzius, loc. cit., p. 320, note 109. Il y a encore dans la zoologie moderne une famille de poissons appelés les batrachides ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 856.
  330. N’ont pas de membres indépendants. Ceci est en partie une répétition du paragraphe 1. — Sont faits naturellement pour nager. Il y a d’autres animaux que les poissons qui nagent aussi ; mais ce n’est pas là leur qualité essentielle, comme pour les poissons. — La nature ne fait jamais rien de superflu. Principe de la plus haute importance, qu’Aristote a toujours soutenu, et dont il démontre l’application réelle chaque fois que l’occasion s’en présente. — Comme…. ils ont du sang. Cette réflexion ne paraît pas ici bien placée.
  331. Quatre nageoires et des pieds. Il semblerait résulter de ceci que tous les poissons auraient quatre nageoires ; ce serait une erreur, puisque beaucoup de poissons en ont moins ou plus, ou même n’en ont pas du tout. — Du moment qu’ils avaient du sang. Ceci ne se comprend pas bien ; et ce pourrait être une interpolation. — Les cordyles. Sur le cordyle, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. I, § 13, p. 10, et ch. V, § 6, p. 31 de ma traduction, et liv. VIII, ch. II § 8, p. 12. — Qui ont des branchies, ont des pieds. Il semble que ceci se rapporterait assez bien au têtard des grenouilles, comme le croit M. le docteur de Frantzius. Le têtard est, à sa naissance, pourvu d’une longue queue charnue, sans autres membres que de petites franges autour du cou ; elles disparaissent au bout de quelques jours pour devenir des branchies ; les pattes de derrière et de devant se développent ; la queue disparaît, ainsi que les branchies, et les poumons restent seuls à respirer ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 103, édit. de 1829. MM. Aubert et Wimmer, édit. et trad. de l’Histoire des Animaux, t. II catalogue, p. 116, § 8, croient que le cordyle est la larve du Triton palustris, comme le soupçonnait Cuvier. — Le batos. Sur le batos, voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. IV, § 2, p. 26 de ma traduction. On ne sait pas au juste ce qu’est le batos ; mais il paraît bien qu’il est de la famille des sélaciens plats ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer. p. 145. — Le trygon. C’est la Pasténague ; voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. V, § 49 p. 30 de ma traduction. Le corps des raies, dont le trygon fait partie, est horizontalement aplati et ressemble à un disque ; mais il n’est pas exact de dire qu’elles sont sans nageoires ; il est vrai que les nageoires des pasténagues sont moins développées que celles des raies communes. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 395 et 399, édit. de 1829. — Car, autrement, ils seraient dépourvus de sang. Ceci encore peut paraître une interpolation.
  332. L’anguille, le congre. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. V, § 2, p. 29. — Des kestres. J’ai cru devoir conserver le mot grec, parce que l’identification est fort douteuse ; dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 4, p. 157, j’ai traduit kestres par mulets ; mais cette identification non plus n’est pas sûre. — Dans le lac (ou l’étang) de Siphées Voir, sur le même fait, l’Histoire des Animaux, loc. cit. Siphées ou Tiphées est en Béotie. — N’ont pas du tout de nageoires. La même observation se trouve dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 5, p. 158 de ma traduction.
  333. La raison… L’explication est fort ingénieuse. — La Marche… Voir le traité spécial sur la Marche des Animaux, ch. VII et VIII, où il est question aussi des Kestres de l’étang de Siphées. — Le Mouvement des Animaux. Voir ce traité spécial, ch. IX, p. 268 de ma traduction, Opuscules psychologiques ; mais cette référence n’est peut-être pas très exacte ; et il n’y a rien dans ce petit traité qui se rapporte précisément aux serpents. — Exsangues. C’est toute la classe des insectes,
  334. Deux nageoires. Aristote attache une grande importance au nombre des nageoires ; et c’est une opinion que partage encore Linné ; mais la science actuelle ne semble pas en tenir autant de compte ; les nageoires ne lui fournissent que des caractères secondaires par leur nature plus encore que par leur nombre (Malacoptérygiens, Acanthoptérygiens). Aristote aurait dû nommer les poissons à deux nageoires. L’anguille a deux nageoires, près des branchies. Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IX, § 4, — Ressemblent à des serpents. Telles sont les anguilles et les lamproies. C’est la famille des malacoptérygiens apodes, qui, outre les anguilles, contient le congre commun, le serpent de mer, les murènes, etc.; voir Cuvier, Règne animal, t. II, p. 348, édit de 1829. — Les deux nageoires. Sous-entendu : « Qui leur manquent ». — Longtemps hors de l’eau. Dans les Fragments de Théophraste, p. 455, édit. Firmin-Didot, on trouve une étude sur les poissons qui peuvent vivre plus ou moins longtemps hors de l’eau. — Ne frétillent. C’est le sens le plus certain du mot grec. — Une nature qui serait capable de marcher. A la manière des serpents ; mais l’organisation de l’appareil respiratoire chez les serpents ne leur permet pas de vivre longtemps ainsi. — Ces nageoires sur le dos. C’est exact. — Près de la tête. Même remarque. — À se mouvoir en place des nageoires. C’est ce qui arrive aux raies, qui se meuvent surtout grâce à leur largeur.
  335. . Le batos. Voir plus haut § 4. — Et les poissons de cette espèce. Cette indication reste obscure, parce que nous ne savons pas ce qu’est précisément le batos, si ce n’est peut-être qu’il est de la famille des raies. — En place des nageoires qu’ils n’ont pas. On ne peut pas dire que la raie n’a pas de nageoires, bien qu’elle soit fort large ; elle a des pectorales extrêmement étendues, qui se joignent en avant l’une à l’autre. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 395. — La grenouille-marine. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 5, page 59 de ma traduction. — La torpille a ses deux nageoires à la queue. Ceci est vrai de toute la famille des raies, dont la torpille fait partie ; ce sont les nageoires dorsales qui sont sur la queue ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 395 et 397 ; mais Cuvier donne plus d’attention à la faculté électrique de la torpille qu’à ses nageoires. — Ses demi-cercles. Ceci se rapporte à la conformation générale de la famille des raies, dont le disque est rhomboïdal. Les cyclostomes n’ont qu’une nageoire sur le dos.
  336. Nous avons déjà parlé. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, pp. 155 et suiv. de ma trad. — Et aussi de leurs sens. Voir l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VIII, § 6, p. 80 de ma traduction. — Des branchies. C’est ce qui a été établi dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 4, p. 157, et dans l’étude générale sur les poissons, comparés aux autres animaux. — Dans le Traité de la Respiration. Voir le Traité spécial de la Respiration, chap. II et III, pp. 351 et 354 de ma traduction, Opuscules psychologiques. — Les sélaciens… ont les branchies découvertes. Ceci n’est peut-être pas tout à fait exact. Les branchies des sélaciens ne sont pas libres par le bord externe, comme chez les autres poissons ; elles sont adhérentes par ce bord, et elles laissent échapper l’eau par des trous. C’est là ce qui fait ranger les sélaciens parmi les chondroptérygiens à branchies fixes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 383. — Sont cartilagineux. C’est-à-dire que leurs os, au lieu d’être durs, ne sont que des cartilages. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 376, édit. de 1829.
  337. Les mouvements… sont lents. Ceci semble se rapporter uniquement au mouvement des branchies ; car le mouvement des squales-sélaciens est, au contraire, d’une rapidité prodigieuse ; mais j’ai dû conserver dans ma traduction l’indécision qui est dans le texte. D’ailleurs, la suite explique assez clairement la pensée de l’auteur. — Puisque les branchies. Le texte ne désigne pas expressément les branchies ; mais il ne peut être ici question que de ces organes. — Pour l’expiration. Il serait mieux de dire d’une manière générale : « Pour la respiration ». Voir le Traité de la Respiration, loc. cit., où Aristote réfute Anaxagore, Démocrite et Diogène d’Apollonie, sur la respiration des poissons. — Il ne faut pas d’opercule. Quelle que soit la valeur de ces théories physiologiques, elles attestent une fois de plus l’attention extrême qu’Aristote apportait à observer les faits, pour arriver à les expliquer.
  338. Les Descriptions Anatomiques. Malheureusement cet ouvrage d’Aristote nous manque comme tant d’autres ; voir la Préface à ma traduction de l’Histoire des Animaux, p. CLXVI. — Dans l’Histoire des Animaux. Voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 4, pp. 157 et suiv. de ma traduction. — Ce qui fait… Cette explication est la conséquence des théories d’Aristote sur les quatre éléments et sur la chaleur animale. La science moderne ne paraît pas s’être occupée du nombre plus ou moins grand des branchies.
  339. La bouche des poissons. Cette observation est très juste ; et la conformation de la bouche dans les poissons est un caractère assez important pour constituer toute une famille, celle des cyclostomes ou suceurs. Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 402, et M. Claus, Zoologie descriptive, p. 808, trad. franc. Les cyclostomes paraissent être, en fait de squelette, les plus imparfaits de tous les vertébrés. — En dessous. Tous ces détails sont exacts. — Qui se retournent sur le dos. La même observation est déjà faite dans l’Histoire des Animaux, livre VIII, chapitre IV, § 8, page 24, de ma traduction. — La nature… C’est la théorie ordinaire d’Aristote sur la sagesse qui éclate dans toutes les œuvres de la nature. — De se gorger de nourriture. Ces poissons sont en effet très voraces et semblent l’être même plus que tous les autres. Parmi les sélaciens, les requins ont une renommée terrible, qui, comme le dit Cuvier, en fait l’effroi des navigateurs ; Règne animal, tome II, p. 388.
  340. Leur museau circulaire et étroit… C’est fort exact. — La bouche tout ouverte. Ce sont les cyclostomesv seconde famille des chondroptérygiens. — À dents alternantes. Ou En forme de scie. — Ceux qui ne sont pas carnivores… Je ne sais pas si la science moderne accepte ces généralités.
  341. Ont la peau écailleuse. Voir Cuvier, Règne animal, Tome II, p. 125, Les écailles sont générales chez les poissons ; mais elles manquent parfois, comme dans les clycostomes. Quand il y en a, elles sont implantées dans la peau ; quelquefois aussi elles sont tellement petites qu’elles paraissent manquer, comme dans les anguilles. D’ordinaire, elles constituent des lamelles solides, et elles se recouvrent les unes les autres, comme les tuiles d’un toit, etc., etc. Voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 782, trad. franc. — Par son éclat. Cet éclat très réel est produit par des paillettes cristallines irisées ; ce sont des pigments de la couche épidermique ; mais parfois aussi, la peau est rugueuse et comme chagrinée, par exemple dans les squales, ainsi que l’auteur le dit un peu plus bas. — Des piquants cartilagineux. Ce n’est pas tout à fait le cas des sélaciens. La zoologie moderne a souvent employé les écailles comme caractères distinctif des espèces.
  342. Aucun poisson n’a de testicules. La même observation se trouve dans l’Histoire des Animaux, livre III, ch. I, § 4, p. 199 de ma traduction. C’est d’ailleurs une erreur ; et chez les poissons, la laite tient lieu de vrais testicules. — Les serpents n’en ont pas. Tout ceci encore n’est guère qu’une répétition de ce qui est dît dans l’Histoire des Animaux, loc. cit. Les serpents ont aussi des testicules, contrairement à ce que croit le naturaliste grec. — Le canal des excréments et celui de la génération. Le fait est exact ; mais comme ceci ne tient pas assez à ce qui précède, on peut supposer que c’est une interpolation. — Ils n’ont pas de vessie. Dans l’Histoire des Animaux, Aristote fait une exception pour la tortue, livre II, ch. XII, § 1, p. 176 de ma traduction. Il répète la même observation livre III, ch. II, § 4, et livre V, ch. IV, § 5 ; il se répète encore dans le Traité de la Génération, livre I, § 25, p. 62, édit. et trad. Aubert et Wimmer. Voir aussi plus haut, dans ce Traité des Parties, livre III, ch. VIII, § 3.
  343. Les différences générales qu’offrent les poissons. Voir les généralités sur les poissons dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. IX, p. 155 de ma traduction. — Un évent. Voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. IV, § 2, p. 26 de ma trad.; et liv. IV, ch. X, § 8, p. 107. — Ils reçoivent l’eau de la mer. Sur la respiration du dauphin, voir l’Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. II, § 4, p. 10 de ma trad. Voir aussi Cuvier, Règne animal, tome I, p. 285, édit. de 1829. — Une nécessité non moins grande de le rejeter. Toutes ces explications sont remarquables d’exactitude.
  344. Sur la Respiration. Voi le traité spécial sur la Respiration, ch. XII consacré tout entier au mécanisme de la respiration chez les cétacés à évent ; au § 6 de ce chapitre, Aristote renvoie à l’Histoire des Animaux, Opuscules psychologiques, p. 385 de ma trad. — La respiration et des branchies. Cette opposition n’est pas aussi nettement marquée dans le Traité de la Respiration, ch. II, § 2, p. 382 de ma trad. Aristote croyait que les branchies ne servaient qu’au refroidissement de l’animal ; il ne savait pas que les branchies ne servent qu’à la respiration. — En avant de leur encéphale. Voir l’organisation particulière des cétacés dans Cuvier, Règne animal, tome I, p. 285, édit. de 1829. L’ouverture par laquelle s’échappe le jet d’eau est percée au-dessus de la tête. — Ce qui fait… L’explication peut paraître insuffisante. — Terrestres et aquatiques. Ceci peut sembler exagéré ; mais l’auteur indique lui-même ce qu’il entend par là.
  345. Les phoques et les chauves-souris. Au premier coup d’œil, le rapprochement paraît étrange ; mais ce qui le justifie, c’est que ces deux espèces d’animaux sont mammifères. On peut voir que, dans la science actuelle, les chauves-souris sont rangées aussi parmi les carnassiers chéiroptères, entre les singes, les ours et les phoques ; Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 111, 135 et 166, édit. de 1820. Ainsi la classification d’Aristote n’a rien de faux ; et même elle doit paraître très profonde. — Les phoques, quoique aquatiques… Voir sur le phoque, l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 11, p. 105 de ma trad. Dans le livre I, ch. I, § 17, p. 13, le phoque et la chauve-souris sont rapprochés comme ils le sont ici. — Ont des pieds. Le fait est exact ; mais les pieds du phoque ne lui servent presque pas à marcher, comme Aristote lui-même le remarque, loc. cit. Voir Cuvier, Règne animal, t. I, p. 167. Le phoque a cinq doigts à tous les pieds. Les doigts vont en décroissant du pouce au petit doigt ; aux pieds de derrière c’est le pouce et le petit doigt qui sont les plus longs. Les pieds sont enveloppés dans la peau du corps en avant jusqu’au poignet, en arrière jusqu’au talon. Les intervalles des doigts sont remplis par des membranes. — Les rapprochent tout à fait des poissons. Ceci est peut-être un peu exagéré. — Sont en scie et fort aiguës. Les phoques ont quatre ou six incisives en haut, quatre ou deux en bas, des canines pointues, et des machelières au nombre de vingt, vingt-deux ou vingt-quatre, toutes tranchantes et coniques ; Cuvier, loc. cit., p. 166. — Quant aux chauves-souris, elles ont des pieds. Les pieds des chauves-souris sont faibles ; ils ont cinq doigts, en général égaux, armés d’ongles tranchants et aigus. — Comme volatiles. Le texte n’est pas plus explicite que ma traduction, et le sens reste assez obscur ; les manuscrits ne donnent aucune variante. — Pas de queue… Ceci ne serait pas exact, si l’auteur ne faisait lui-même une restriction ; absolument parlant, les chauves-souris ont une queue, plus ou moins courte selon les espèces ; mais cette queue n’est pas en effet comme celle des volatiles. Le croupion non plus ne ressemble pas à celui des gallinacés. — Leurs ailes sont de la peau. C’est là en effet le caractère distinctif des chéiroptères. Le repli de la peau qui prend aux côtés du cou s’étend entre les quatre pieds et leurs doigts ; cette appareil les soutient dans l’air et leur permet de voler. L’intervalle des bras, des avant-bras et des doigts est rempli par une membrane, qui constitue des ailes plus étendues en surface que celles des oiseaux. Aussi les chauves-souris volent très haut et très rapidement. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 112, édit. de 1829. — Des ailes divisées. Tandis que celles des chauves-souris ne le sont pas. Quelles que soient l’exactitude et la valeur des renseignements donnés ici, ils montrent tout au moins l’attention qu’Aristote avait donnée à l’étrange organisation de la chauve-souris et des animaux qui lui ressemblent. — La queue serait en outre un obstacle… Peut-être aurait-il fallu expliquer ceci un peu davantage, puisque chez les oiseaux, la queue, loin d’être un obstacle, facilite au contraire le vol, comme on l’établi plus haut.
  346. Une double organisation… C’est ce caractère qui permet de joindre l’autruche aux animaux dont il vient d’être question dans le chapitre précédent. Comme le phoque, comme la chauve-souris, l’autruche semble tenir de deux natures, de l’oiseau et du quadrupède tout à la fois. — N’est pas quadrupède… n’est pas oiseau. La zoologie moderne range l’autruche parmi les échassiers brévipennes, quoiqu’elle présente de grandes différences avec les oiseaux de cette famille ; ils volent en général très bien, tandis qu’elle ne vole pas, comme Aristote le remarque ; voir Cuvier, Règne animal, t. 1, p. 395, édit. de 1829. — À des poils. Ceci est très exact. On sait que les plumes de l’autruche sont très particulières ; elles sont lâches et flexibles ; leurs tiges sont minces ; les barbes, quoique garnies de barbules, ne s’accrochent point ensemble comme celles des autres oiseaux ; Cuvier, loc. cit.
  347. Des cils aux paupières supérieures. Cuvier remarque aussi que les paupières de l’autruche sont garnies de cils ; mais il ne dit pas que ce soit exclusivement la paupière supérieure, ni que les cils soient durs comme des crins. — Deux pinces comme un quadrupède. Ceci n’est pas tout à fait exact ; mais l’autruche n’a que deux doigts, dont l’externe, plus court de moitié que l’autre, manque d’ongle. Aristote se trompe quand il dit que ce sont des pinces et non pas des doigts. On connaît des autruches à trois doigts ; mais elles sont d’Amérique et d’Australie.
  348. Sa grosseur. Cuvier fait aussi la même observation, et il semble qu’il avait sous les yeux le texte d’Aristote, en décrivant les échassiers brévipennes comme il le fait. Selon lui, les forces musculaires dont la nature dispose auraient été insuffisantes pour mouvoir les énormes ailes que la masse de ces oiseaux aurait exigées, s’ils avaient dû se soutenir dans l’air ; mais leurs extrémités postérieures ont repris en force ce que leurs ailes ont perdu. Les muscles des cuisses et des jambes ont une épaisseur énorme ; l’autruche court si vite qu’aucun animal ne peut l’atteindre à la course. Aussi, dans la zoologie contemporaine, a-t-on pu faire des autruches un ordre à part sous le nom de coureurs ; voir Buffon, l’Autruche, tome XIX, p. 319, éd. de 1829, et la Zoologie descriptive de M. Claus, page 1003, trad. franc.; voir aussi M. Pettigrew, la Locomotion chez les animaux, 1874, p. 65 et 71. Dans l’Histoire des Animaux, liv. IX, ch. XVI, § 1, page 185 de ma trad. Aristote parle du nombre considérable des œufs du moineau de Libye, l’autruche. Il ne rappelle pas ici ce détail, qui est très exact ; les œufs sont au nombre de 16 à 20 ; et c’est le mule qui les couve. La nomenclature actuelle a conservé en partie le mot grec qui répond à Moineau, et elle appelle l’autruche Struthio-camelus.
  349. Dans tout ce qui précède. Ce résumé, quoique un peu bref, est exact ; et c’est de la physiologie comparée, comme nous dirions, qu’Aristote a faite dans le Traité des Parties. Il a posé les fondements de la science, voilà plus de vingt-deux siècles ; et si les observations récentes ont accumulé un nombre immense de faits nouveaux, elles n’ont rien ajouté, ni aux principes, ni à la méthode. Voir sur ces généralités la Préface au Traité des Parties et la Dissertation ; voir aussi la Préface à l’Histoire des Animaux. — La génération. Voir le traité spécial où Aristote a étudié ce sujet essentiel, avec une profondeur qui, depuis lui, n’a guère été surpassée ; sur bien des points, la science moderne n’a eu qu’à confirmer ses observations et ses théories.
  350. Pour étudier. Ce premier chapitre et le suivant sont consacrés à exposer la méthode qui sera adoptée dans ce petit traité. C’est un soin qu’Aristote a toujours pris, ainsi qu’on peut le constater déjà dans l’Histoire des Animaux ; mais on le voit surtout dans le Traité des Parties, dont le premier livre tout entier n’a pas d’autre objet. Sur cette question de la méthode, consulter le début de l’Histoire des Animaux, avec la note qui s’y rapporte ; voir aussi la Préface à ma traduction, page CXIV. — Pourquoi… dans quelle vue. C’est toujours la théorie des causes finales, qu’Aristote le premier a préconisée, et qui seule peut donner à la science de la nature un véritable intérêt, quand elle est appliquée avec discrétion et sagacité. Sans cette théorie, la nature n’a pas de sens ; elle n’est plus qu’une collection de faits curieux sans doute, mais profondément obscurs. Tous les grands naturalistes ont cru, comme Aristote, aux causes finales ; et comme lui, ils se sont efforcés de les scruter, avec la certitude de pouvoir les découvrir. — Dans un seul et même animal. Par exemple, dans un seul et même quadrupède, où les membres de devant et ceux de derrière, qui servent également à la locomotion, offrent de grandes différences. — D’autres animaux… Par exemple, le quadrupède et le reptile, l’oiseau et le poisson, qui appartiennent à des genres éloignés les uns des autres. Mais, malgré de grandes et évidentes dissemblances, le but est le même, et le moyen seul diffère ; c’est toujours à la locomotion que servent les organes, quelque divers qu’ils soient. — à un genre différent. C’est de l’anatomie comparée, au sens où l’entendent les Modernes. Aristote n’a pas créé le mot ; mais il a créé la science, en la fondant sur des observations et des comparaisons aussi nombreuses qu’exactes, comme le prouve le présent traité, analysant une question spéciale, après les généralités fécondes de l’Histoire des Animaux, et du Traité des Parties.
  351. Toutes les questions. Les questions énumérées ici seront développées successivement, dans les chapitres suivants, avec plus ou moins d’étendue. — Le minimum des appareils. Dans les bipèdes, les appareils sont au nombre de deux, du moins à ce qu’il semble ; mais les bras chez l’homme, et les ailes chez l’oiseau, complètent le nombre des appareils, qui sont toujours quatre. Ce point d’ailleurs sera éclairci dans les chapitres suivants. — Pourvus de sang. Ce sont presque tous les animaux supérieurs. — Ceux qui n’ont pas de sang. Pour Aristote, ce sont surtout les insectes. Dans la science moderne, ces dénominations ont disparu ; et l’on ne connaît plus que les animaux à sang rouge, et les animaux à sang blanc. De part et d’autre, il y a du sang indistinctement, c’est-à-dire, un fluide nourricier, qui est indispensable, et qui ne diffère qu’en couleur. Cependant Cuvier, dans son Anatomie comparée, tome IV, p. 163, 1ere édition, penche à croire que la nutrition des insectes se fait par imbibition et qu’ils n’ont ni vaisseaux lactés, ni vaisseaux sanguins ; mais Cuvier n’en croit pas moins au sang des insectes, que l’air vient chercher en quelque sorte par les trachées, puisque le sang ne peut pas, chez ces animaux, aller chercher l’air dans les poumons, « Le suc nourricier est absorbé par les parois de l’intestin, et se répand immédiatement dans la spongiosité du corps ; » Cuvier, Règne animal, tome I, p. 35, édition de 1829. — Sans pieds. Ce sont la plupart des reptiles, et particulièrement les ophidiens ; ce sont aussi les poissons. — Reçu davantage. Comme une foule d’insectes, les hexapodes, les décapodes, les myriapodes, par exemple, et aussi les crustacés.
  352. En nombre pair. La question est importante, et cependant on ne voit pas qu’elle ait été reprise depuis Aristote ; c’est peut-être que la raison de ce phénomène est évidente. Le corps étant composé de deux parties, l’une droite et l’autre gauche, la locomotion ne pouvait se faire que des deux côtés. Pour les animaux qui n’ont ni droite ni gauche, la question est différente ; ou plutôt, elle ne peut être posée. — L’homme et l’oiseau… les poissons. Ce sont la de simples questions de fait ; il faut constater les réalités ; mais il faut préalablement les admettre. — N’en ont pas du tout. Les poissons ne diffèrent peut-être pas autant qu’Aristote semble le croire ; on retrouve aussi en eux des organes correspondants à ceux des autres animaux. C’est là ce qui fait que la natation chez les animaux aquatiques et le vol chez les oiseaux se confondent à plus d’un égard. — Se font dans des sens contraires. Ceci est parfaitement exact ; et Aristote reviendra plus d’une fois sur cette curieuse observation.
  353. En sens contraire ses jambes et ses bras. Cette observation n’est pas moins exacte. — Concave… convexe. Le texte n’est pas aussi précis ; mais le sens n’a rien de douteux. — Des flexions qui sont opposées à celles de l’homme. Ceci est également exact ; Aristote reviendra plus loin sur ce détail. Cette conformation différente des flexions est la suite nécessaire de la conformation même des quadrupèdes, portés sur quatre appuis au lieu de deux. C’est à la condition seule de flexions de ce genre que leur locomotion est possible. — Qui est dirigée en un sens oblique. Ceci se rapporte aux membres des reptiles, crocodiliens, chéloniens et batraciens ; les ophidiens ont pour se mouvoir les torsions et les ondulations de leur corps entier, au lieu des membres qui leur manquent.
  354. Toujours en diagonale. Le fait n’est pas général ; et au lieu de la diagonale, certains quadrupèdes ont une autre allure, l’amble, qui est naturelle chez quelques-uns et qui peut aussi être factice ; les deux parties du corps semblent avancer l’une après l’autre, les deux membres du même côté se mouvant ensemble, au lieu de se mouvoir alternativement. Mais la question que se pose Aristote n’en est pas moins curieuse et digne d’étude ; voir l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. I, § 12, page 105 de ma traduction. La marche des quadrupèdes, et notamment celle du cheval, est beaucoup plus compliquée qu’elle ne le paraît au premier coup d’œil. On y reviendra plus loin.
  355. . Les causes de tous ces phénomènes. C’est la recherche des causes finales, qui doit venir après l’observation des faits ; elle est la partie essentielle de la science, en dépit des préjugés, fort en vogue aujourd’hui, qui veulent l’en bannir. — L’Histoire de la nature. Ou, si l’on veut, par une traduction non moins exacte, l’Histoire naturelle. Cette dernière expression a peut-être un air trop moderne ; et c’est là ce qui m’a empêché de l’adopter, bien qu’elle soit l’équivalent absolu de l’expression grecque. Du reste, on doit penser qu’ici Aristote entend, par l’Histoire de la nature, désigner l’Histoire des Animaux, dont le caractère général est bien celui qui est rappelé dans ce passage. — Pourquoi ils sont ce qu’ils sont. C’est l’explication scientifique, après l’observation matérielle.
  356. Après avoir indiqué….. la méthode si souvent appliquée… Ceci démontre bien qu’Aristote ne s’est pas astreint à la méthode d’observation uniquement par l’instinct de son génie ; il a fait plus ; et c’est, avec une réflexion profonde, qu’il a posé la théorie de cette méthode à la tête de tous ses ouvrages principaux. A cet égard, la méthode d’observation, dont il est le père, lui appartient en propre. Notre dix-septième siècle ne peut en revendiquer l’honneur ; et les Modernes auraient tort d’usurper une gloire qui revient à la Grèce toute seule. — Dans les œuvres… C’est l’expression même du texte ; et cette expression, générale comme elle l’est, semble s’appliquer à l’ensemble des choses, et non pas seulement aux êtres animés que produit la nature.
  357. . La nature ne fait jamais rien en vain. C’est le principe dont Aristote a fait le fondement inébranlable de toute son histoire naturelle ; c’est le principe même des causes finales, et par suite de l’optimisme. Sous une forme ou sous une autre, tous les grands esprits et tous les grands naturalistes s’y sont rangés. Sans ce principe, la science est un chaos. Voir la Préface à l’Histoire des Animaux, pp. LXXXII et suiv. Voir aussi Claude Perrault, Méchanique des Animaux, édit. de 1721, pp. 334 et suiv.; et M. J. Bell-Pettigrew, la Locomotion chez les Animaux, p. 35, édit. de 1874. — Le mieux dans le possible. C’est, au fond, la même théorie que celle des conditions d’existence, établie par Cuvier. — Conformément à l’essence de chaque espèce. C’est ainsi que les conditions changent de l’homme au quadrupède, du quadrupède à l’oiseau, de l’oiseau au poisson. — On peut s’assurer… Et l’esprit de l’homme s’associe par là, dans la mesure qui lui est accordée, à l’intelligence infinie, qui éclate partout dans la nature ; en comprend les intentions, en partant de la réalité qu’il observe, pour atteindre, dans ses secrets les plus éloignés, le but poursuivi. Les grandes découvertes de la science ne sont pas autre chose ; et de nos jours, on peut citer la découverte de Neptune par Leverrier. Les perturbations d’Uranus exigeaient la présence d’un corps dans l’espace ; l’homme pouvait être sûr à l’avance que la nature l’y avait mis, dès qu’il a une foi absolue aux lois que le créateur a imposées à la matière.
  358. En second lieu. Après le principe posé dans le paragraphe précédent, celui-ci paraît d’une importance secondaire ; il est nécessaire cependant d’en tenir compte en histoire naturelle. Aristote s’en est servi dans son Histoire des Animaux, liv. I, chap. XI et XII, pp. 63 et suiv. de ma traduction ; mais il n’a pas fait à ce principe une aussi grande place qu’ici, — Les différentes dimensions. Ces six dimensions de la grandeur ou de l’espace sont très-réelles ; et elles se divisent, comme le dit Aristote, en trois séries de deux chacune. Il a insisté sur ces distinctions dans l’Histoire des Animaux, loc. cit., plus qu’il ne le fait actuellement ; voir aussi le Timée de Platon, trad. V. Cousin, p. 141.
  359. Il convient d’y ajouter… Dans la suite des pensées d’Aristote, ce principe devrait se placer avant ceux dont il vient de parler, et immédiatement après le principe des causes finales. L’objet spécial du présent traité, c’est d’expliquer la locomotion des animaux ; et cette considération particulière devait l’emporter sur toutes les autres. — La pulsion et la rétraction. D’une manière générale, ce sont bien là les deux sortes de mouvements qui servent à déterminer la locomotion et le déplacement des êtres ; les bipèdes et les quadrupèdes en particulier doivent pousser leurs membres et les retirer successivement, pour que leur corps puisse avancer. — Agissent par eux-mêmes. Cette pensée n’est pas assez claire. Sans doute, Aristote veut distinguer les mouvements volontaires et les mouvement involontaires ; mais l’expression pouvait être plus nette pour une pensée aussi simple. Du reste, pour les principes généraux du mouvement, c’est la Physique qu’il faut consulter, ainsi que le petit traité du Mouvement dans les Animaux, Opuscules psychologiques, de ma traduction.
  360. Quelles en sont les conséquences. Peut-être les considérations qu’Aristote va exposer ne sont-elles pas celles qui sortent les premières des principes antérieurement indiqués ; mais ces considérations n’en sont pas moins justes ; et la distinction entre le saut et la marche ordinaire des animaux est parfaitement réelle. — Par le déplacement du corps entier. Il n’y a pas un naturaliste qui n’ait distingué le saut des autres espèces de mouvement ; mais il eût été plus naturel de ne parler du saut qu’après avoir traité de la marche. — Les saltigrades… On pourrait prendre une expression plus générale, et ne rapporter celle du texte qu’aux animaux qui sautent, que ce soit d’ailleurs leur mode habituel de locomotion, comme il arrive pour les saltigrades proprement dits (Attides), ou que ce soit un mode exceptionnel de mouvement, comme il arrive pour les quadrupèdes et pour les reptiles, ou même pour les poissons, quand ils font des sauts et des bonds ; voir pour les saltigrades M. Claus, Zoologie descriptive, p. 520, trad. franc.; et pour le saut, voir Cuvier, Anatomie comparée, t. I, p. 496, septième leç., art. IV, 1re édit. ; et M. G. Colin, Physiologie comparée, t. II, p. 446, édit. de 1871. — Par certaines parties du corps. Le corps entier arrive à se déplacer ; mais c’est par des organes spéciaux qu’il est mis en mouvement, pieds, pattes, ailes, nageoires. — Qui marchent. Sur le sol par un mouvement de progression, qui est le mouvement qu’Aristote a surtout en vue dans la présente étude.
  361. En s’appuyant sur la base. Le texte n’est pas tout à fait aussi développé ; mais le sens est très-exactement rendu. Il est reconnu par tous les physiologistes et les mathématiciens que le mouvement ne peut jamais avoir lieu dans l’animal qu’à cette condition. Quelle que soit l’espèce de levier qu’emploie la locomotion animale, il faut de toute nécessité un point d’appui. Sans ce point fixe, le mouvement est impossible. Voir M. Marey, la Machine Animale, pp. 107 et 108, édit. de 1882. — Aucun alors ne peut se mouvoir. Cet axiome de mécanique est incontestable ; et l’animal, spécialement considéré, ne peut se mouvoir qu’à la condition de s’appuyer sur une base résistante, même dans le saut, comme Aristote le dit dans le paragraphe suivant.
  362. L’animal qui saute. Voir Cuvier et M. G. Colin, loc. cit.Dans les flexions… La théorie est présentée ici d’une manière trop concise ; et la science moderne en peut dire beaucoup plus sur le jeu des flexions dans les animaux ; mais cette considération générale est bien conforme aux faits, quoique l’analyse n’ait pas été poussée assez loin. — S’appuient réciproquement. C’est la conséquence nécessaire de la constitution entière de l’animal, et du système complet qu’il forme. Voir Cuvier, Anatomie comparée, t. I, p. 56, 1ere édit. — Ce qui presse s’appuie sur ce qui est pressé. Ainsi, le pied de l’homme s’appuie sur le sol qu’il presse ; et le sol est pressé par notre pied dans la marche, ou dans la station ; en un mot, dans toutes les attitudes.
  363. Voilà comment les athlètes. Le fait est parfaitement exact ; et l’on saute beaucoup plus loin quand on tient des haltères et qu’on lance ses bras en avant ; le poids des haltères contribue à entraîner le corps. Mais quelle que soit l’exactitude de cette observation, on peut trouver qu’elle n’est pas placée très-bien ici ; ce n’est peut-être qu’une interpolation. — Lorsqu’on balance les bras. Chacun de nous a pu faire cent fois cette observation sur lui-même ; voir Cuvier, Anatomie comparée, t. I, p. 488, 1ere édit.; et M. J. Bell-Pettigrew, la Locomotion chez les Animaux, p. 14, édit. de 1874, et page 30 ; voir aussi M. G. Colin, p. 453, loc. cit. Voir enfin Barthez, Méchanique nouvelle des mouvements de l’homme et des animaux, p. 64.
  364. Toujours l’être. Ce paragraphe semble, à première vue, ne faire que répéter ce qui vient d’être dit ; mais cependant on peut penser qu’Aristote restreint ici le principe général au corps même de l’animal qui se meut. Il faut toujours qu’il y ait là, comme ailleurs, deux points, dont l’un est nécessairement fixe pour que l’autre puisse s’y appuyer. — Deux parties organiques. L’expression est bien vague ; et aujourd’hui on préciserait bien davantage les choses par le rapport des muscles aux os. Ces derniers sont le point fixe à l’égard des fibres musculaires, comme le sol est le point résistant sur lequel le tout doit s’appuyer. — Il n’y aurait pas en lui. Ceci confirme l’explication que je donne de ce passage ; il s’agit des réactions qui se passent dans l’animal lui-même, et non plus des conditions extérieures du mouvement ; les deux questions sont différentes.
  365. Nous venons de dire. Voir plus haut, ch. II, § 3. — Tous les êtres vivants. Par cette expression générale, Aristote comprend les plantes aussi bien que les animaux ; les plantes vivent, bien qu’elles ne soient pas animées. — C’est aussi dans les plantes. Aristote s’était beaucoup occupé de botanique ; mais ses ouvrages sur les plantes ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Il a fait faire la botanique par son disciple Théophraste, ne pouvant à lui seul développer toutes les sciences que créait son génie. Voir la Dissertation sur l’authenticité et la composition de l’Histoire des Animaux, p. CXCI de ma traduction. — D’après les fonctions réelles. La distinction est fort ingénieuse ; peut-être n’est-elle pas également vraie ; mais la raison qu’en donne Aristote est assez justifiée. Si la situation de l’organe de la nutrition indique le haut dans l’être vivant, il est certain que les racines sont le haut de la plante, puisqu’elles la nourrissent.
  366. Le point du corps… Cette définition est fort acceptable ; mais ailleurs Aristote rapporte le haut dans le corps des animaux à une autre cause ; le haut et le bas dans l’homme coïncident avec le haut et le bas de l’univers ; voir l’Histoire des Animaux, livre I, ch. XII, § 2, p. 69 de ma traduction. — Le point extrême et dernier. Ce point n’est pas assez précisé ; et l’on peut comprendre qu’il s’agit soit de l’orifice excrétoire, soit de l’extrémité des membres inférieurs, où la nourriture se répartit comme partout. — Il pourrait sembler que, dans les plantes D’après la théorie d’Aristote, ce n’est qu’une apparence trompeuse, puisque c’est par la racine que la plante se nourrit. — Le haut et le bas.. n’ont pas la même position… Une fois qu’on admet la théorie d’Aristote, cette conséquence est nécessaire.
  367. Relativement au tout. C’est la traduction littérale du texte ; par le Tout, Aristote entend l’univers, comme le prouve le passage de l’Histoire des Animaux, cité au paragraphe précédent. Voir le Traité de Platon, trad. V. Cousin, p. 182. — En fait et en résultat. Il n’y a qu’un seul mot dans le grec. Le fait, ce sont les fonctions dont il est question au § 1. — Constituent le haut. Ceci est vrai, si l’organe de la nutrition détermine le haut dans l’animal. Il n’est pas moins certain que ce sont les racines qui nourrissent la plante, comme c’est par la bouche et l’œsophage que se nourrissent les animaux supérieurs.
  368. De vrais animaux. J’ai ajouté l’épithète, pour mieux marquer la pensée, qui, du reste, est très-claire. — De devant… postérieure. C’est la seconde des trois séries, deux à deux, indiquées plus haut, ch. II, § 3. — C’est par les sensations. Les organes des sens chez l’homme sont placés en avant, surtout la vue, l’odorat, le goût ; l’ouïe est à la circonférence, et le toucher est départi au corps entier. — La sensation….. devant… derrière. C’est un moyen de distinguer en effet les deux directions, en avant, en arrière ; et il nous serait difficile de trouver une explication plus satisfaisante.
  369. . De la sensibilité commune. L’expression du texte n’est pas plus définie que ma traduction. Par la sensibilité commune, on peut entendre, ou l’ensemble des cinq sens, ou le sens du toucher répandu dans toutes les parties du corps. Le contexte peut admettre l’une ou l’autre de ces explications. — Le mouvement… En opposition aux animaux qui sont immobiles. — La gauche et la droite. Voir plus haut, ch. II, § 3 ; c’est la dernière des trois séries distinguées dans les six directions. — Par une fonction d’un certain genre. Voir plus haut, § 1. — L’initiative du mouvement. C’est la théorie qui est exposée déjà dans l’Histoire des Animaux, livre II, ch. I, § 12, p. 105 de ma traduction. — Est la droite dans chaque animal. Je ne sais pas si cette observation est aussi générale qu’Aristote semble le supposer ; elle n’est pas difficile à faire ; mais il ne paraît pas que la science moderne ait reprise. Il est tout simple d’ailleurs que le mouvement commence par la droite chez l’homme, la partie droite étant chez lui plus libre et plus alerte que la gauche.
  370. . Plus ou moins marquée. Aristote avait donc observé le phénomène d’aussi près qu’il avait pu, puisqu’il avait porté son attention non seulement sur l’homme, mais sur plusieurs espèces d’animaux. — Les entrailles de terre. Voir, sur cette singulière expression, l’Histoire des Animaux, livre VI, ch. XV, §§ 3 et 4, p. 305, de ma traduction. Ces entrailles de la terre, ainsi appelées, donnaient naissance aux anguilles, à ce que supposait la crédulité populaire, qu’Aristote ne partage pas. — Il y a bien encore une gauche et une droite. L’auteur aurait dû expliquer ceci un peu plus clairement ; nous distinguons bien une gauche et une droite dans les reptiles et dans les animaux que cite Aristote ; mais à quel signe les y reconnaît-on ?
  371. Une preuve… La preuve ici donnée n’est pas péremptoire ; il est bien vrai qu’en général nous portons nos fardeaux du bras gauche, afin d’avoir la main droite plus libre ; mais la main droite recherche instinctivement cette liberté, précisément parce qu’elle est plus apte au mouvement et plus habile que la gauche. Je ne vois pas que, dans la physiologie moderne, on ait cherché à expliquer cette prédominance de la droite. Cette prédominance est de nature ; et elle tient sans doute a la position du cœur dans le corps humain. C’est une sorte de protection puissante donnée à cet organe essentiel de la vie. La gauche est défendue par la droite. — On se repose… L’observation est exacte, et l’explication qu’en propose Aristote est fort ingénieuse. Si l’on admet que c’est la droite qui commence le mouvement, il est dans l’ordre que ce soit la gauche qui soit plus particulièrement à l’état de repos.
  372. Si, au contraire… Ceci est la conséquence logique de ce qui précède ; et en effet, la droite doit, à ce compte, être plus libre que la gauche.
  373. Une autre preuve… Cette nouvelle preuve se fonde, comme les précédentes, sur un fait très-réel ; et l’attitude qu’on prend pour lancer quelque chose est bien celle que dit Aristote. Ceci est vrai pour la plupart des hommes ; mais ce ne l’est plus pour les gauchers, qui avancent la jambe droite, précisément parce qu’ils lancent de la gauche. Il faut toujours que la position des membres se contrarie en diagonale. Dans le gaucher, le bras gauche se retire, et c’est la jambe droite qui est placée en avant. Voir Barthez, Nouvelle méchanique des mouvements de l’homme et des animaux, p. 50. — Par la droite qu’on se met en défense. A moins qu’on ne soit gaucher ; mais c’est l’exception. — La droite est la même dans tous les animaux. Je ne sais pas si cette généralité, fondée sur l’origine du mouvement, est parfaitement exacte. Il est constaté que le cheval commence le mouvement par le pied droit ; mais il reste à savoir ce qu’il en est de tant d’autres animaux ; voir M. J. Béclard, Traité élémentaire de Physiologie humaine, p. 742, 6e édition. — La droite est toujours le point de départ… C’est un fait à vérifier ; et c’est peut-être un desideratum dans la science moderne.
  374. Voilà encore pourquoi les turbinés… On pourrait croire que tout ce paragraphe est une interpolation ; on ne comprend pas bien en effet comment les turbinés viennent figurer ici. Voir, sur les turbinés, l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. IV, § 2, p. 38 de ma traduction. — Tous également se meuvent à droite. C’est à cette généralité qu’aboutit la digression faite dans ce paragraphe ; elle est déjà indiquée plus haut.
  375. C’est l’homme… Il semble que la pensée interrompue dans le paragraphe précédent reprend ici son cours régulier. — La plus libre et la plus détachée. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Ceci ne veut pas dire que dans l’homme, la gauche soit plus libre que sa droite, mais seulement que la gauche est plus libre dans l’homme que dans le reste des animaux. L’observation, même dans ces limites, n’est peut-être pas très-juste ; mais elle est encore confirmée par la fin de ce paragraphe. — Le plus conforme à la nature. La prééminence de l’homme n’est pas plus douteuse pour Aristote qu’elle ne l’est aujourd’hui pour les plus savants et les plus illustres de nos naturalistes. — Elle est isolée. L’expression du texte est aussi vague ; et je n’ai pas cru devoir la préciser davantage. La droite se distingue et se sépare de la gauche par les mouvements plus complets qu’elle peut exécuter. — La droite est la plus adroite. Cette tautologie est encore plus marquée dans l’expression grecque ; elle est une simple répétition d’un même mot, qui peut signifier tout à la fois Droit et Adroit. — Dans l’homme plus indépendante. Ceci se rapporte au début même de ce paragraphe. — Les autres principes. Voir plus haut, ch. 2f § 3.
  376. Sont pourvus de deux pieds. Il n’y a, en effet, que l’homme et l’oiseau qui soient bipèdes, et chez qui le haut et le devant soient déterminés comme ils le sont. Chez les autres animaux, il y a bien aussi un haut et un devant ; mais ils y sont moins déterminés. — Des mains et des bras. C’est la traduction exacte ; mais il eût été préférable de dire simplement des bras, puisque le bras comprend la main nécessairement. — Le devant et le haut sont dans le même sens. Le texte est un peu moins précis ; et il se sert d’un pronom indéterminé.
  377. . J’appelle Pied. Cette définition du Pied n’est peut-être pas aussi complète que l’auteur semble le croire ; mais elle suffit à indiquer sa pensée ; le pied est, selon lui, le membre qui prend l’initiative du mouvement de locomotion. — Dans la langue grecque. J’ai dû ajouter ceci, parce que, dans notre langue, cette ressemblance n’a pas lieu. On peut trouver d’ailleurs que l’étymologie donnée ici n’est pas très-juste, bien que la forme des mots soit en effet très-rapprochée. C’est une simple coïncidence.
  378. Confondus dans le même sens. Il serait peut-être plus exact de dire Indistincts, au lieu de Confondus. — Déjà parlé ailleurs. Aristote a beaucoup parlé des turbinés et des crustacés dans l’Histoire des Animaux, et il est possible qu’il se réfère ici à ce qu’il a dit dans cet ouvrage ; voir notamment liv. IV, ch. IV, § 7 et ch. V, § 4 ; mais il se peut aussi qu’il fasse simplement allusion à ce oui vient d’être dit des turbinés un peu plus haut, ch. IV, § 10. Ce dernier passage, du reste, n’est pas en parfaite conformité avec celui-ci. — Vers le haut de l’univers entier. Voir plus haut, ch. IV, § 3. Le haut dans l’homme est dans le même sens que le haut de l’univers, d’après la théorie d’Aristote ; c’est la pensée répétée plus tard par le poète : « Cœlum que tueri… » — Les polypodes. Ce sont d’abord tous les quadrupèdes, et tous les animaux qui ont plus de quatre pieds. — Les apodes. Ce sont les reptiles de toutes les espèces du genre ophidien. — Les plantes le sont vers le bas. Voir plus haut ch. IV, § 3, où l’on explique que les racines représentent le haut dans les plantes.
  379. C’est qu’ils sont immobiles. L’argument n’est pas décisif ; et ce n’est pas l’immobilité des végétaux qui pour eux détermine le haut. — Le haut se rapportant toujours à l’alimentation. Ce second argument est le vrai. Comme les aliments, de quelque genre qu’ils soient, ont un certain poids, il faut qu’ils entrent par le haut pour descendre peu à peu dans toutes les parties du corps, par suite des transformations qu’ils subissent. — Ils répondent au point milieu. C’est-à-dire qu’ils sont horizontaux, au lieu d’être verticaux. — Ce qui est marqué chez l’homme. Voir plus haut, ch. IV, § 11. — Un être à deux pieds. Tous les naturalistes, en décrivant la station droite chez les oiseaux et chez l’homme, en ont marqué les profondes différences ; voir Barthez, Nouvelle méchanique des mouvements de l’homme et des animaux, p. 43, édition de 1798 ; Cuvier, Anatomie comparée, l. 1, p. 480, 1e édition ; M. G. Colin, Traité de Physiologie comparée, tome I, p. 376, édition de 1871.
  380. De ces points divers. Ou, De ces parties diverses ; ce sont le haut, la droite et le devant, comme on l’a expliqué dans tout ce qui précède. — De plus important et de plus digne d’attention. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Les parties opposées. Le bas, la gauche, le derrière. Ces considérations, bien qu’un peu subtiles, ne sont pas fausses ; et la supériorité signalée par Aristote est certaine. La main droite est beaucoup plus importante pour nous que la gauche.
  381. . Suffit pour montrer. C’est une question de fait, qui ne demande pas d’explication ; il suffit de constater la réalité, qui peut ensuite devenir le fondement d’une démonstration régulière. — Dans l’immobilité de l’une des parties. Il faut toujours une partie immobile qui serve de point d’appui à l’autre partie destinée à se mouvoir. C’est le rôle que jouent les os, relativement aux muscles, qui sont en quelque sorte la partie mobile, puisque ce sont eux qui exécutent le mouvement. — Un point commun. Ceci résulte de la connexité même des parties destinées par leur rapport mutuel à former un tout ; mais la condition essentielle du mouvement est toujours un point fixe, sur lequel le levier qui agit puisse s’appuyer.
  382. Quand le corps… de repos. Après le mouvement, on doit considérer l’état de repos ; et ce qui était vrai dans le premier cas ne l’est pas moins dans le second. Il faut aussi, pour le repos, un point commun où les parties diverses, et antithétiques, se joignent et communiquent. Ainsi pour la droite et la gauche, il doit y avoir un point commun qui n’est plus ni un ni l’autre ; de même pour le devant et le derrière, le haut et le bas. — Les antithèses dont nous venons de parler. Voir plus haut, ch. II, § 3, et passim.
  383. Pour le devant et le derrière. Ceci revient à dire que tous les animaux doués d’un mouvement propre marchent toujours devant eux ; et quelques lignes plus bas, l’auteur affirme qu’il n’y a pas d’animal qui naturellement marche en arrière. C’est qu’Aristote ne connaissait pas les serpents amphisbènes, qui marchent dans les deux sens, parce que leur tête est tout d’une venue avec le reste du corps. C’est là, selon Cuvier, Règne animal, tome II, p. 72, édition de 1829, ce qui leur permet de marcher également bien dans les deux sens ; néanmoins l’organe de la vue est placé en avant chez ces animaux, comme chez tous les autres ; voir aussi H. Claus, Zoologie descriptive, p. 916, trad. franc. — Indifféremment. J’ai ajouté ce mot.
  384. Voilà comment… Ceci ne fait guère que répéter ce qui vient d’être dit dans le paragraphe précédent. — De la différence du devant et du derrière. Cette assertion doit être restreinte au mouvement, puisqu’à tout autre point de vue, le devant est très-différent du derrière dans la plupart des animaux ; les amphisbènes font une exception à peu près unique. — Dans les deux… dans les quatre premiers. Le texte ne peut avoir un autre sens ; mais il n’est pas assez clair. Sans doute, Aristote veut dire que d’abord la distinction de droite et de gauche est certaine, et que la distinction du haut et du bas, avec celle de droite et de gauche, forme quatre termes distincts. Par les quatre premiers, il faut entendre les quatre premières distinctions, le devant et le derrière ne venant qu’en dernière ligne. Mais quoi qu’il en soit de cette explication, ce passage reste très-obscur.
  385. Puis donc que le haut et le bas… Ce paragraphe n’est pas beaucoup plus clair que le précédent. — Le haut et le bas. L’auteur n’a pas montré jusqu’à présent quel est le rapport du haut et du bas au principe initial du mouvement. Il a expliqué seulement que le haut est la partie qui fournit l’alimentation à l’animal ; et c’est d’après cette condition qu’il a pu dire que les racines sont le haut de la plante, puisque c’est par là qu’elle se nourrit. Quant au droit et au gauche, ils sont bien déterminés par le mouvement, puisque, selon Aristote, c’est toujours par la droite que le mouvement commence. — Par les intervalles. Il y a une distance nécessaire de la droite à la gauche, et du haut au bas, comme il y en a une aussi entre le devant et le derrière. — De série opposée. Par exemple, le haut et le droit, le bas et le derrière, etc. — Soit de même série. La droite et la gauche, le haut et le bas, le devant et le derrière.
  386. Le principe commun. Il y a en effet dans l’animal un principe de mouvement qui se dirige tantôt à droite, tantôt à gauche ; et ce principe peut être considéré comme étant commun aux deux, puisqu’il s’applique également à l’un et à l’autre, bien qu’il commence par l’un des deux plus spécialement. — L’explication est la même. C’est-à-dire que pour le haut et le bas, il y a aussi un principe commun, qui se dirige tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. — C’est là ce qu’on doit supposer. Cette formule, peu ordinaire à l’auteur, semble annoncer que lui-même n’est pas très-sûr des explications qu’il vient de donner sur une question d’ailleurs difficile.
  387. Deux ou quatre appareils. Les bipèdes et les quadrupèdes ; voir plus haut, ch. I, § 2, et ch. V, §§ 1 et suiv. — Dans les animaux qui ont du sang cet être doit avoir du sang. Cette généralité n’est pas exacte ; car beaucoup d’animaux qui ont du sang n’ont pas les quatre membres. L’auteur croit que cette théorie s’appuie sur les faits ; mais il se trompe ; et ce sont précisément les faits qui la condamnent.
  388. . Les faits. Aristote essaie bien toujours d’appliquer ici la méthode d’observation ; mais les faits qu’il choisit ne sont pas démonstratifs. — S’il est divisé en plusieurs parties. Le fait est exact ; mais il ne se rapporte pas à la théorie que l’auteur veut exposer. — Pourvu de sang. Peut-être faudrait-il ajouter : Et pourvu de deux ou quatre appareils. — Les animaux qui n’ont pas de sang. Il y a des éditions qui donnent un texte contraire : « Les animaux qui ont du sang ». C’est évidemment une erreur ; et ce qui prouve bien que c’est la négation qui est la leçon véritable, ce sont les exemples cités plus bas ; ils s’appliquent à des insectes qui, selon Aristote, n’ont pas de sang. D’ailleurs les mêmes observations se retrouvent dans l’Histoire des Animaux, liv. IV, ch. VII, § 3, p. 69 de ma traduction ; et dans ce passage, Aristote cite, parmi les insectes, la scolopendre, comme il la cite ici. — Les scolopendres. Voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 335 et 338. Les insectes myriapodes ont vingt-une paires de pattes ; leurs antennes ont dix-sept articles ; leurs yeux sont au nombre de huit ; quatre de chaque côté. Il y a des espèces de scolopendres qui ont plus de vingt-une paires de pattes. — Au corps allongé. Quelques scolopendres ont jusqu’à deux décimètres de long.
  389. La partie postérieure… la partie de devant. Ceci se rapporte aux deux parties dans lesquelles l’insecte a été coupé, et non à la constitution naturelle de la bête. — De la réunion de plusieurs animaux. Cette comparaison ne paraît pas très-exacte. — Antérieurement. Voir plus haut, ch. IV, § 11, la remarque sur l’homme, et ch. V, § 1 et suiv.
  390. Sont dépourvus de pieds. Ce sont les reptiles ophidiens, les serpents proprement dits. Il eût été bon d’indiquer nommément les animaux auxquels ceci s’applique. La suite du paragraphe ne les désigne pas suffisamment. — Par quatre appareils. Ou, Indices, pour reproduire plus littéralement l’expression du texte. Il ne s’agit plus ici de quatre membres comme dans les quadrupèdes. — Par deux flexions. C’est ce qu’on peut voir en effet dans les insectes qui marchent comme la chenille. La flexion du corps a deux branches qui font une sorte de voûte ; une partie s’étend et s’avance, et l’autre la suit. L’animal progresse assez vite de cette façon. — La droite et la gauche, le devant et le derrière. Il n’est pas parlé du haut et du bas, bien qu’on pût cependant les distinguer, même dans le plus rampant des insectes. — Qui représente leur tête. Cette expression semblerait faire croire que la tête de ces insectes est difficile à distinguer. Ce serait une erreur. — Et dans la partie qui est à la queue. Toute cette description laisse beaucoup à désirer. — Qui touche en avant….. qui touche en arrière. C’est bien là en effet l’apparence. Le corps se replie en arcade ; les deux extrémités sont les seules à toucher le sol, en avant et en arrière ; le reste du corps est surélevé, pour pouvoir s’avancer en se développant. — Ce soit la droite qui dirige. Il aurait fallu citer quelques faits à l’appui de cette assertion, qui n’est peut-être pas fausse.
  391. C’est la longueur de la bête. La raison ici donnée est de toute évidence. — Comme pour les hommes de haute taille. Le fait est exact ; mais la comparaison ne l’est pas autant. — Tout voûtés. C’est une observation que tout le monde a pu faire, ainsi que la suivante. — C’est bien ainsi… que les serpents. La conformation des serpents est tellement différente que ce rapprochement n’a rien de fondé. — Qui se voûtent. Soit horizontalement, soit verticalement. — Tout à fait comme les quadrupèdes. Cette assertion est fort exagérée, et elle n’a quelque réalité qu’avec la restriction que fait l’auteur dans les lignes qui suivent. — Quand la gauche à son tour. C’est-à-dire, quand le serpent fait une reptation à gauche, après l’avoir faite à droite. — Qui rentre en dedans. Le fait est certainement exact ; mais le mouvement de reptation est tout autre chose que le mouvement progressif des quadrupèdes.
  392. Représentons la partie droite… On peut refaire la figure d’après ces indications ; mais les manuscrits ne la donnent pas. Les quatre lettres ABCD doivent former une ligne ondulée dans le genre de celle que décrivent les serpents. Voir sur la reptation, Claude Perrault, Méchanique des Animaux, pp. 369 et 384, édit. de 1721 ; Barthez, Nouvelle méchanique des mouvements, etc., 4e section, p. 135 ; Cuvier, Anatomie comparée, t. I. pp. 23, 51, qui n’a pas traité spécialement de la reptation ; M. J. Bell-Pettigrew, La Locomotion chez les animaux, pp. 46 ; M. G. Colin, Physiologie comparée, p. 456, 1er volume.
  393. Les murènes. Voir l’Histoire des Animaux, liv. I, ch. V, § 3, où se trouvent les mêmes détails, presque dans les mêmes termes ; et aussi liv. II, ch. IX, § 5, pp. 29 et 158 de ma traduction ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 351, édit. de 1829. — Kestres. J’ai dû conserver le mot grec, parce que l’identification est incertaine ; il est peu probable que ce soient des espèces de muges. Voir MM. Aubert et Wimmer, et leur catalogue, en tête de leur édition et traduction de l’Histoire des Animaux, t. I, p. 130 — Le lac de Siphées. Ce lac est nommé dans l’Histoire des Animaux, liv. II, ch. IX, § 4, p. 157 de ma traduction. Le lac, ou l’étang, de Siphées était en Béotie. — Qui sont habitués à vivre sur terre. L’expression n’est pas juste ; mais j’ai dû la conserver, parce que c’est celle du texte. — Ceux des kestres qui ont deux nageoires. Ce ne sont pas alors des muges, puisque les muges ont des nageoires dorsales, ventrales et pectorales ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 230, édit. de 1829.
  394. Si les serpents sont dépourvus de pieds. La reptation des ophidiens est un des phénomènes de locomotion les plus remarquables, et Aristote a bien fait de ne pas la négliger. Les explications qu’il en donne sont bien insuffisantes sans doute ; mais ce sont les premières. — La première, c’est que jamais… Il ne semble pas que cette cause, qui est profondément vraie dans sa généralité, ait ici une application spéciale ; c’est un admirable principe que l’homme demande à sa raison, mais qui ne concerne pas plus les reptiles que le reste de la création. — Le mieux possible. Fondement de l’optimisme, qu’Aristote a toujours professé, sur les traces de Platon, son maître, et de Socrate. — Que nous avons déjà dite. Voir plus haut, ch. VII, § l, et ch. II, § 2.
  395. Il suit évidemment de ceci. La conséquence n’est pas du tout évidente, comme l’auteur paraît le croire. Ce sont là simplement des considérations abstraites, qui ne sont pas fausses précisément, mais qui ne tiennent pas d’assez près au sujet qu’on traite. — La longueur est disproportionnée. Le fait est vrai ; mais il n’a pas les conséquences qu’on lui donne. — A peu près complètement immobiles. On ne dit pas pourquoi, si ce n’est que leur mouvement serait trop lent ; mais il y a beaucoup d’autres animaux dont la locomotion est encore plus lente que celle des reptiles, en dépit des pieds dont ils sont pourvus.
  396. En nombre pair. L’observation est juste ; et ce nombre pair tient évidemment à ce que le corps a deux parties, la droite et la gauche ; voir plus loin, § 4, et plus haut, ch. I, § 3. — Qui emploient exclusivement le saut. On pourrait citer les puces, et d’autres insectes, qui paraissent n’avoir que ce moyen de locomotion. Ces animaux sautent si bien, parce que leurs jambes et leurs cuisses de derrière sont très-longues et très-épaisses. Leur saut se fait par un déploiement subit des articulations inférieures jusqu’à la dernière inclusivement, qui préalablement avait été ployée plus que de coutume ; voir Cuvier, Anatomie comparée, VIIe leçon, tome I, p. 497, 1ere édition. — Pour eux…. pour les autres. Le texte est moins précis ; mais le sens ne paraît pas douteux.
  397. Ce qui fait que nécessairement L’explication est excellente ; et la physiologie moderne ne saurait mieux dire ; mais ceci résulte primitivement de la constitution même du corps, formé de deux parties accolées. — D’un seul coup. C’est là ce qui arrive dans le saut ; mais dans la presque totalité des animaux, le saut est un moyen exceptionnel de locomotion ; la marche est leur procédé habituel. — Restent en place, tandis que. Comme il a été dit plus haut, ch. III, § 2. — Faisant passer le poids du corps. La science actuelle ne peut s’expliquer autrement que ne le fait Aristote. — Avec trois pieds. L’observation est vraie ; et il n’y a pas d’animal à trois pieds ; ce serait une claudication perpétuelle et très-fatigante. — Il tomberait inévitablement. L’hypothèse paraît vraisemblable.
  398. Les polypodes, tels que les scolopendres. Voir plus haut, ch. VII, § 2. La scolopendre fait partie de l’ordre des chitopodes ou myriapodes, mille-pattes ; et elle forme une famille ; voir la Zoologie descriptive de M. Claus, p. 535, trad. franc. Il y a des espèces de scolopendres qui sont venimeuses, et assez redoutables ; elles se cachent d’ordinaire sous des pierres ; et elles fuient le jour ; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 337, édit. de 1829. Elles courent très-vite et sont carnassières. — En leur enlevant un de leurs pieds. C’est une sorte d’expérience de vivisection. — Peuvent suppléer aux pieds correspondants. L’explication est toute naturelle ; et elle est péremptoire.
  399. Il est bien clair… La remarque est très-juste, et elle peut s’étendre à bien d’autres cas de mutilation ou d’infirmité. — Mais c’est tour à tour. On comprend bien ce que l’auteur veut dire ; mais l’expression de sa pensée aurait pu être un peu plus précise.
  400. Nous concluons… C’est une simple répétition de ce qui a été dit plus haut. — Nous avons expliqué. Voir plus haut, § 4, sur les pieds dont le nombre est toujours pair.
  401. Pas de point d’inertie. C’est le point d’appui indispensable à toute espèce de levier pour qu’il puisse agir ; et le principe que pose ici Aristote est un des premiers et des plus essentiels de la mécanique. — Ni de natation, ni de marche. Il faudrait ajouter le vol, qui, au fond, a lieu selon les mêmes lois ; il faut toujours un point d’appui pour les ailes, comme il en faut un pour les nageoires ou pour les jambes. Cuvier, dans son Anatomie comparée, n’a pas essayé de poser aucun principe de mécanique ; il ne s’est occupé que des os et des muscles, IIe leçon, tome I, p. 89, 1ere édition. La plupart des autres anatomistes ont fait d’utiles emprunts à la mécanique. Voir aussi dans l’Anatomie comparée de Cuvier, la VIIe leçon, où de temps à autre il est amené à présenter quelques considérations de mécanique et de statique. — En un cercle. Comme on le voit par les pattes antérieures des quadrupèdes.
  402. A un seul et unique appareil. La jambe, par exemple, avec la cuisse, la flexion du genou, et celle du pied. — Doit être tout droit. Cette condition est indispensable, et il y a nécessairement, dans toute progression, un moment où le corps doit être perpendiculaire. — Il se forme une hypoténuse. Les deux jambes étant à peu près de même longueur, l’une droite, l’autre s’avançant, le triangle a deux côtés à peu près égaux ; mais la distance entre les jambes n’est pas égale à l’un des côtés. L’hypoténuse s’adresse exclusivement au triangle rectangle ; puisqu’elle est le côté opposé à angle droit. Au temps d’Aristote, le langage mathématique n’était peut-être pas encore tout à fait arrêté ; mais l’hypoténuse doit ici s’entendre de la jambe qui avance, celle qui est perpendiculaire formant un angle droit avec le sol, où elle s’appuie pour soutenir le corps. — La longueur qui ne bouge pas. C’est la jambe qui est un instant droite et perpendiculaire ; c’est le plus long côté de l’angle droit. — La ligne intermédiaire. C’est l’espace compris entre les deux pieds, qui forme le second côté de l’angle droit.
  403. . Qui reste en place. Il semble que c’est la jambe sur laquelle le corps s’appuie, et qui à un moment donné est immobile, en supportant tout le poids du corps. — Dans la jointure. Le texte n’en dit pas davantage ; mais il est clair qu’il s’agit ici de la jointure de la cuisse au bassin, qui doit fonctionner quand il n’y a pas de genou. La flexion de la jambe est indispensable pour que le mouvement de progression ait lieu. — Ce qui prouve bien. La démonstration n’est pas absolument claire. — Près d’un mur. Le mur qui forme une ligne droite sert de terme de comparaison avec la direction des pas de la personne qui marche.
  404. D’ailleurs, on peut marcher… Il semble que ceci interrompt un peu le cours des pensées ; et l’exemple des enfants marchant à quatre pattes, à cause de leur faiblesse, ne paraît pas bien placé ici. Voir Barthez, Méchanique nouvelle, etc., p. 54. — Sans même que le membre fléchisse. Ceci n’est pas exact ; car il y a toujours quelque flexion dans la cuisse de l’enfant ; et il n’y aurait pas de progression possible si rien ne fléchissait en lui. — On en a dit jadis autant de l’éléphant. La flexion des jambes de l’éléphant est en effet très-remarquable, puisque les jambes de derrière semblent fléchir dans le même sens que celles de devant ; mais le texte n’explique pas assez complètement ce qu’on veut dire de l’éléphant. Il y a peut-être ici quelque interpolation d’une note mise à la marge, qui, de là, sera passée dans le texte. — Soit dans les omoplates. L’enfant doit avancer alternativement une des deux parties du corps ; et l’épaule participe nécessairement à ce mouvement ; mais on ne peut pas dire qu’il y ait flexion dans les omoplates ; c’est plus vrai pour les hanches. — En se tenant tout droit. La remarque est juste, par la raison donnée dans le § 1. — Que comme les lutteurs. La comparaison n’est pas exacte, puisque l’on suppose d’une part que l’animal reste droit, et puisque d’autre part les lutteurs se roulent dans la poussière, où ils rampent à peu près à la manière des enfants.
  405. Comme la partie supérieure du corps… Cette phrase ne se comprend pas bien, quoiqu’elle soit fort régulière de forme. — Il faut que le membre s’allonge. La jambe qui se porte en avant prend toute sa longueur, et dès qu’elle l’a prise, la flexion du genou doit avoir lieu. — Pris sa longueur. Le texte n’est pas aussi développé ; il se sert simplement d’un pronom indéterminé. — Cette ligne droite devenant plus courte. Si la jambe mise en avant restait toute droite, elle deviendrait trop courte en allant toucher la terre ; et le corps, en s’inclinant, pourrait faire une chute. — Si, en effet… Toute cette fin du paragraphe n’est pas intelligible ; et les manuscrits ne fournissent aucun moyen de l’améliorer. — Plus grande, tout égale qu’elle est. Il y a là une contradiction flagrante. — Et en outre l’hypoténuse. D’après ce qui a été dit au § 3, l’hypoténuse est formée par la jambe qui s’avance, puisque, dans le triangle, cette jambe est opposée à l’angle droit formé par la jambe qui est perpendiculaire et par la ligne du sol, entre les deux jambes. Tout ce qu’on peut tirer de ce passage embarrassé, c’est qu’Aristote a étudié avec la plus vive attention les diverses phases que présente la marche dans l’homme. Mais l’expression de sa pensée est restée fort incomplète, soit par sa faute, soit par celle des copistes.
  406. Il y a donc nécessité… Cette nécessité ne résulte pas de ce qui précède ; mais le fait de la flexion n’en est pas moins certain, et sans elle la marche serait impossible. — Qui s’incline… sur la perpendiculaire. Il y a des éditeurs qui ont mis toute cette petite phrase entre crochets, comme suspecte. — Un triangle isocèle. L’observation est vraie, et il y a en effet un moment dans la marche où les jambes forment un triangle isocèle, le tronc et le haut du corps représentant une perpendiculaire élevée au sommet. — La tête s’abaisse. Le mouvement de la tête aide de cette façon le mouvement de progression, qu’exécutent les muscles des jambes.
  407. Quant aux animaux sans pieds. Par les animaux sans pieds, l’auteur entend surtout les reptiles ophidiens ; plus loin, il sera question des poissons, qui se déplacent par l’action de leurs nageoires et de leur queue. — Par ondulations. Le mot du texte rappelle le mouvement des flots, tout aussi bien que le mot que j’emploie dans ma traduction. — De deux façons. L’ondulation peut être, ou horizontale, de droite à gauche et de gauche à droite, ou verticale, une partie du corps faisant voûte. — C’est la manière des serpents. Les serpents avancent surtout par des ondulations latérales ; mais il y en a aussi qui se dressent et avancent à la façon des chenilles. — N’est réellement qu’une flexion. La seule différence, c’est que le corps entier s’infléchit, au lieu d’un membre isolé. — Entrailles de terre. Voir plus haut, ch. IV, § 6. — Les sangsues. Voir Cuvier, Règne animal, tome III, p. 212, où est décrite la progression de la sangsue. Cette description se rapproche tout à fait de celle d’Aristote.
  408. Réunies. J’ai ajouté ce mot pour plus de clarté. — Pas plus grandes qu’une seule. Il est possible que le corps entier puisse dans une certaine mesure rentrer en lui-même pour se détendre ensuite ; mais sans cette condition, le mouvement progressif s’explique très-bien par le rapprochement des deux extrémités, l’une des deux se fixant alternativement pour attirer ou pour pousser l’autre en avant. — N’était qu’égale. Il n’y a pas besoin que le corps devienne plus long ; il suffit qu’à la courbe formée par la flexion du corps, il succède une ligne droite, pour que la progression ait lieu dans une mesure proportionnée à la dimension de la bête. — L’animal y ramène encore tout le reste. C’est là en effet ce qui se passe dans la réalité.
  409. Dont on vient de parler. Ceci ne fait guère que répéter ce qui a été dit dans les paragraphes précédents. — Sur celles qui suivent. Ce sont les parties postérieures du corps. — Tous les animaux qui sautent. Voir plus haut, ch. IIII, § 1.
  410. Qui volent et ceux qui nagent. Presque tous les physiologistes contemporains ont rapproché le vol et la natation, comme Aristote le fait ici. — En déployant tout droit leurs ailes L’explication n’est pas fausse ; mais elle est beaucoup trop brève ; le mouvement des ailes de l’oiseau est excessivement compliqué, comme on peut le voir dans Claude Perrault, de la Méchanique des animaux, pp. 374 et suiv., édit. de 1721 ; Barthez, nouvelle Méchanique des animaux, p. 190, 6e section ; Cuvier, Anatomie comparée, t. I, p. 510, 1ere édit.; M. Marey, la Machine animale, pp. 218 et 236 ; et surtout M. Pettigrew, la Locomotion chez les animaux, pp. 17, 143 à 235, 245 et 276. — Les autres en font autant de la nageoire. Ceci n’est plus aussi exact ; aujourd’hui il est reconnu que les poissons avancent presque exclusivement par le mouvement de leur queue ; les nageoires maintiennent le corps en équilibre, et le dirigent. — Comme nous l’avons expliqué antérieurement. Voir plus haut, ch. VII, § 6 et 7.
  411. Ceux des poissons qui sont plats. Barthez, nouvelle Méchanique des animaux, page 166, cite ce passage d’Aristote, qu’il approuve ; et il nomme, parmi les poissons plats, la raie, la sole, le turbot, la pastenague, etc. Ces poissons ont une manière de nager toute spéciale. Barthez en donne une explication assez détaillée. — De la largeur de leur corps. Il serait plus exact de parler de leur queue, comme Aristote le fait d’ailleurs, dans le Traité des Parties des animaux, liv. IV, ch. XIII, § 8, p.. 257. — Comme le batos. Voir Histoire des Animaux, livre I, ch. IV, § 2, p. 26 de ma traduction. J’ai eu tort dans ce passage de ranger le batos dans la famille des raies ; il paraît bien qu’il n’y appartient pas ; voir le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, premier volume de leur édition et traduction de l’Histoire des Animaux, p. 146. Il est jusqu’à présent impossible d’identifier ce poisson. Il est nommé aussi dans le traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. XIII, § 8 et § 14, pp. 257 et 262. — En les redressant et en les fléchissant. Voir Barthez, loc. cit. — Successivement. J’ai ajouté ce mot.
  412. Se meuvent avec quatre appareils. Au premier coup d’œil, il semble que les oiseaux n’ont que deux appareils, les deux pattes quand ils marchent, et les deux ailes quand ils volent ; mais comme les pattes sont nécessaires dans le vol, et les ailes dans la marche, il y a chez les oiseaux les quatre appareils. — Nous avons dit. Voir plus haut, ch. I, § 2, et ch. VII, § 1. — Ne pourraient pas voler. Les pattes servent à maintenir l’équilibre du corps quand l’oiseau vole ; les ailes en font autant quand il marche. — Sans mouvoir les épaules. A cause de la constitution même du corps humain, formé de deux moitiés juxtaposées.
  413. Ainsi qu’on l’a dit. Voir plus haut, ch. IX, § 1. — Dans un milieu qui leur cède. Le texte est moins précis ; et le mot dont il se sert est plus général ; mais le sens ne peut faire de doute ; le milieu qui code ne peut être que l’air ou l’eau. — Dont les ailes sont pleines. Comme les insectes, et aussi les chauves-souris, dont les ailes sont membraneuses. — C’est de cette aile même. Le mot grec est tout à fait spécial, et il désigne cette nature d’aile particulière. Dans notre langue, nous n’avons qu’un seul mot pour l’aile de l’insecte et pour l’aile de l’oiseau ; voir M. J. Bell-Pettigrew, de la Locomotion, p. 235. — De la plume. J’ai dû essayer de reproduire la différence des mots que le texte emploie. — La partie correspondante. Et ici, ce sont les nageoires. — De la flexion….. dans les flexions. Cette répétition est dans le grec même.
  414. . La queue du croupion. Ou simplement : La queue. Mais l’expression du texte implique l’idée de croupion. — Comme le gouvernail dirige les bateaux. La comparaison est si naturelle que bien des auteurs l’ont faite après Aristote, sans avoir à la lui emprunter ; voir Barthez, Nouvelle Méchanique des mouvements de l’homme et des animaux, p. 44, et aussi p. 203. — Fléchissent dans la jointure. Il faut en effet que le gouvernail puisse se mouvoir en une certaine mesure, à droite et à gauche, pour avoir une action sur le navire. — Ne dirigent pas leur vol en ligne droite. Parce que la queue n’est pas rectrice chez ces volatiles.
  415. Une queue garnie de plumes. J’ai dû ajouter ces derniers mots pour marquer davantage la différence de la queue des insectes avec celle des oiseaux. — Entraînés comme un navire désemparé. C’est la suite de la comparaison précédente ; le fait est parfaitement observé et décrit. — Le canthare. Voir l’Histoire des Animaux, livre V, ch. XVII, § 15, p. 213 de ma traduction ; et le catalogue de MM. Aubertet Wimmer, p. 165 du tome I de leur édition et traduction de l’Histoire des Animaux. — Dans les oiseaux de grand vol. La description que donne ici Aristote est parfaitement exacte ; beaucoup d’autres naturalistes l’ont reproduite après lui. — Les flamants. J’ai traduit Porphyrion par Flamant ; mais l’identification n’est pas sûre, ainsi que je l’ai fait remarquer, Histoire des Animaux, livre VIII, ch. VIII, § 1, p. 45 de ma traduction ; pour le héron, voir id. ibid., livre VII, ch. V,§ 11, p. 34.
  416. . Le vol des coléoptères. Je ne sais si les explications données ici par Aristote sont acceptées par la science moderne ; elles ont pour elles une grande vraisemblance. — Au poids du corps… petites et faibles. Tout ceci est fort exact. Il en est tout autrement chez les oiseaux, où les ailes sont en général très-puissantes. — Un navire de charge. Cette comparaison est aussi juste que les précédentes.
  417. Chez les oiseaux. Par opposition avec les insectes. — Le paon ne peut rien faire de sa queue. Relativement au vol. — Parce qu’il la perd. Le paon n’a toute sa queue que vers trois ans ; il la perd chaque année à l’automne, et il la reprend au printemps. — Chez les oiseaux ordinaires. J’ai ajouté le dernier mot, afin de mieux marquer la différence entre les oiseaux et les volatiles à ailes pleines. — Il se passe… tout le contraire. La pensée pourrait être exprimée plus précisément. Aristote veut dire sans doute que, pour les oiseaux, le vol est rapide et que les ailes sont très-fortes pour un corps léger, tandis que les coléoptères n’ont pas ces avantages. — Pour les oiseaux à serres recourbées. Ce sont les oiseaux de proie.
  418. Tous les autres organes de leur corps. Cette remarque est très-exacte. Buffon dit à peu près la même chose, dans son Discours sur la nature des oiseaux, tome XIX, p. 34, édit. de 1830. — Un thorax puissant et pointu. Tous ces détails sont parfaitement justes. Voir la description de l’oiseau dans le Règne animal de Cuvier, tome I, pp. 303 et suiv. « Le sternum surtout est d’une grande étendue, et augmente encore sa surface par une lame saillante dans son milieu. » Cuvier décrit ensuite la fourchette formée par la réunion des deux clavicules et les apophyses coracoldes. — La proue du navire. La comparaison était neuve du temps d’Aristote ; depuis lui, elle a été cent fois répétée. Elle est frappante, quand on considère surtout les oiseaux nageurs, le cygne par exemple ; mais elle n’est pas moins naturelle, quand on considère le mouvement des oiseaux volant dans l’air. — La forme d’un Lambda. C’est-à-dire la forme d’un triangle dont un angle aigu serait tourné en avant, pour faciliter la marche dans un fluide qu’il faut diviser avec plus ou moins d’effort.
  419. Quant aux parties postérieures. La queue des oiseaux, surtout des oiseaux de grand vol, est calculée de manière à aider la locomotion, loin de la gêner. — Afin de suivre les parties antérieures. Comme les flancs du navire et le gouvernail sont calculés pour faciliter le sillage tout entier. — L’explication qu’on peut donner. Les considérations que présente ici Aristote peuvent paraître un peu trop concises ; mais on ne voit pas qu’en général les naturalistes s’y soient arrêtés beaucoup plus que lui. Ces considérations sont d’ailleurs très-exactes.
  420. Il faut nécessairement qu’il soit bipède. C’est là non seulement le fait actuel ; mais on ne saurait imaginer une autre condition que celle de bipède pour un être qui doit marcher en se tenant debout. C’est là une de ces nécessités qu’Aristote appelle Hypothétiques ; il n’est pas nécessaire qu’il y ait un être bipède ; mais du moment qu’il y a un être de ce genre, il faut nécessairement qu’il soit bipède pour pouvoir marcher. — Les parties supérieures… les parties inférieures… Ce rapport des parties supérieures et des parties inférieures du corps est très-exactement observé. — De se porter lui-même avec facilité. Cette explication est excellente. — L’homme, qui est le seul… Buffon, qui a fait une admirable étude de l’homme, tome XI, pp. 309 et suiv. édit. de 1830, ne semble pas s’être occupé d’observations analogues, bien que ces rapprochements soient d’une grande importance ; voir également la Description de l’homme, ibid. pp. 412 et suiv., Age viril. — Proportionnellement au haut du corps. Avec cette restriction sur la proportionnalité, cette remarque est très-juste. — Des jambes plus fortes. L’homme est le seul animal qui ait des mollets ; et c’est la station droite qui exige ce développement des chairs et des muscles. Cela suffit pour démontrer que le singe n’est pas fait pour se tenir debout ; et ce n’est qu’accidentellement qu’il prend cette position.
  421. Le cas des enfants… Ces remarques sur la conformation des enfants sont très-exactes ; mais peut-être la faiblesse des jambes se joint chez eux à la prédominance des parties hautes du corps. Ils sont bien des nains dans le sens où l’entend Aristote ; et leur tête est proportionnellement plus grosse que dans l’adulte. Buffon a fait sur l’enfance un chapitre spécial, où il a dit d’excellentes choses ; mais des considérations du genre de celles-ci lui ont échappé ; voir tome XI, pp. 323 et suiv., édit. de 1830.
  422. . Le poids est en arrière. La conformation générale de l’oiseau justifie complètement cette remarque ; mais elle n’est peut-être pas tout-à-fait d’accord avec ce qui vient d’être dit plus haut dans le chapitre précédent, § 8. Il est vrai d’ailleurs que, chez les oiseaux, le poids porte principalement sur partie postérieure, sans que ce soit précisément sur la queue, qui la plupart du temps est très-courte. — Des chevaux de bronze. Il faut ajouter que l’artiste a voulu représenter le cheval appuyé sur les deux seules jambes de derrière, se cabrant ou s’élançant. — Toujours lever les jambes de devant. Ce n’est pas là une posture obligée ; le cheval peut être représenté les quatre jambes à terre, ou deux jambes levées en diagonale, ou même une seule jambe soulevée. Du reste, il est possible que toute cette phrase sur l’attitude des chevaux coulés en bronze soit une interpolation. — La hanche pareille à une cuisse. Voir plus haut, ch. I, § 3, une première comparaison entre les jambes de l’homme et les pattes des oiseaux. — La cuisse qu’ils ont dans la jambe. C’est la traduction exacte du texte ; mais il faut comprendre, par la cuisse proprement dite, la partie de la jambe correspondant au fémur, indépendamment du tibia et du péroné, qui viennent ensuite après le genou et avant le pied. C’est l’ensemble de toutes ces parties qui constitue ce qu’on appelle, d’un terme générique, la jambe. — A partir du siège. Il est à regretter que l’auteur ne soit pas entré dans plus de détails sur cette organisation si particulière de l’oiseau. Buffon n’en a rien dit dans son Discours sur la nature des oiseaux, tome XIX, pp. 25 et suiv., édit. de 1830. Cuvier, Règne animal, tome I, p. 302, dit : « Le bassin des oiseaux est très-étendu en longueur pour fournir des attaches aux muscles qui supportent le tronc sur les cuisses… Les ischions et surtout les pubis se prolongent en arrière. » Cuvier et Buffon se sont peu occupés de la station droite chez les oiseaux, et des différences qu’elle présente avec la station de l’homme. C’est cependant un point fort curieux. Voir aussi M. Claus, Zoologie descriptive, p. 912, trad. franc.
  423. A proprement parler. J’ai ajouté ces mots, dont le sens est impliqué dans l’expression du texte. — Plutôt. Mot également ajouté. — C’est comme si, dans l’homme… Ces détails ostéologiques ne sont peut-être pas aussi clairs qu’Aristote aurait pu les donner, en observant les choses de plus près. — La hanche. Ou, Le bassin. — Dans l’organisation actuelle. Sous-entendu : « De l’oiseau. » — Jusqu’au milieu du ventre. Ceci ne peut se rapporter qu’à l’oiseau. — Le corps tout entier. Même remarque.
  424. A la manière de l’homme. C’est là certainement un point que la zoologie doit élucider ; la station droite de l’oiseau peut si facilement se confondre avec celle de l’homme, qu’il est utile de montrer en quoi elles diffèrent l’une de l’autre. — Si l’oiseau était droit. Sous-entendu : « De la même manière que l’homme. » — Aux Amours qu’ils représentent. C’est là une indication qui peut regarder l’histoire de l’art. Du reste, on voit déjà dans Platon qu’on prêtait des ailes à l’Amour ; voir le Phèdre et le Banquet, pp. 61 et 285 trad. de M. V. Cousin. Sur les monuments de toutes les époques, Éros est représenté avec des ailes, en même temps qu’avec un carquois et des flèches.
  425. Ne peut jamais être ailé. Le fait est que l’homme n’a pas d’ailes, bien que souvent l’imagination des poètes en ait rêvé pour lui ; mais les raisons qu’en donne Aristote ne sont peut-être pas très-solides ; et si la nature avait voulu que l’homme pût voler, elle aurait su adapter à son dos un mécanisme d’ailes aussi ingénieux et aussi puissant que celui des oiseaux, placé sur les côtés. — Plus de quatre appareils. Voir plus haut, ch. X, § 1. — D’aucune utilité. Ceci serait contestable. L’homme marche et nage ; il aurait bien pu voler aussi. — La nature ne fait jamais rien… C’est le principe ordinaire qu’invoque l’optimisme ; mais la faculté de voler aurait pu, ce semble, s’accorder dans l’homme avec le reste de son organisation.
  426. Nous avons déjà dit. Voir plus haut, ch. VI, § 1, et ch. IX, §§ 1 et 2.
  427. . Nous avons dit encore. Voir plus haut, ch. I, §§ 3 et 4. — Il en est de même des quadrupèdes. Voir, ibid, ch. I, § 4. — Ses bras en creux, et ses jambes en rond. Voir plus haut, ch. I, § 4, la même pensée, exprimée presque dans les mêmes termes. — L’organisation des oiseaux est toute pareille. Ceci peut paraître trop général ; et il aurait fallu expliquer cette pensée en la développant un peu davantage.
  428. Comme nous l’avons bien des fois répété. Le principe des causes finales a été invoqué par Aristote plus que par qui que ce soit ; on peut dire aussi qu’il a été le premier à s’en servir pour expliquer la nature. — Dans les conditions données. C’est là une restriction nécessaire qu’Aristote a toujours faite. — Dans tous les animaux qui en jouissent. Ceci semble trop général relativement à ce qui suit. Il ne s’agit, en effet, que des bipèdes. — Le poids du corps passe dans ce membre. Ce détail et tous ceux qui suivent sont d’une parfaite exactitude. — Doit n’avoir point de charge. Chacun de nous peut vérifier ce fait, très-facile à observer. — Le poids passe successivement. Même remarque. Tous ces détails sont d’une exactitude frappante ; ils étaient tout nouveaux du temps d’Aristote. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome 1, pp. 486 et suiv., VIIe leçon, 1ere édition.
  429. Il est dès lors possible… Ce n’est là que la constatation de la réalité. L’animal avance grâce à la flexion en avant et non point en arrière. — Il faudrait que le corps se portât en arrière. Sous-entendu : « Si la flexion se faisait en arrière au lieu de se faire en avant. »
  430. Si la flexion se faisait en arrière. Il semble que cette hypothèse est assez inutile. — Que par deux mouvements. Ceci demanderait plus d’explication ; on ne comprend pas bien la nécessité de ces deux mouvements supposés. Si la flexion était en arrière, le pied serait en avant, par analogie à ce qui est maintenant, puisque le cou-de-pied fléchit en sens contraire du genou. — Dans la flexion simultanée de la jambe. Il faut comprendre qu’il s’agit de la jambe dans toute son étendue : la cuisse d’abord, à partir de la hanche et de la tête du fémur jusqu’au genou et au pied, c’est-à-dire le haut et le bas du membre tout entier. — L’extrémité de la cuisse. C’est le fémur s’emboîtant sur le bassin. Voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, pp. 350 et 352, 1ere édition. La tête du fémur joue dans la cavité cotylolde ; et l’articulation est maintenue par un ligament capsulaire, qui vient de tout le pourtour de la cavité. — A partir de la flexion. La flexion dont il s’agit ici doit être celle du genou.
  431. Ses jambes en avant .. ses bras en creux. Voir plus haut ch. I, § 4. — Les bras eussent été sans objet. La remarque est parfaitement juste. — L’usage des mains….. la préhension des aliments. Sur la main de l’homme et sa prodigieuse organisation, voir le Traité des Parties des Animaux, livre IV, ch. X, § 15. Les animaux en général prennent leurs aliments avec la bouche.
  432. Quant aux quadrupèdes vivipares… par la même raison. Les jambes de devant dans les quadrupèdes vivipares s’infléchissent, il est vrai, comme les jambes de l’homme ; mais les jambes de l’homme forment le membre postérieur, au lieu de former le membre antérieur. — Entièrement semblables. C’est trop dire, et il faut faire la réserve qui vient d’être indiquée. — Ce qui fait… Cette théorie n’est peut-être pas très-exacte, en ce sens que la flexion en avant a pour but la progression, bien plutôt que l’élévation plus ou moins grande du mouvement des pattes.
  433. La cuisse entière et sa flexion. Il semble qu’il ne peut être ici question de la cuisse, puisqu’il s’agit des pattes de devant chez les quadrupèdes ; mais il est possible que par la Cuisse l’auteur entende le haut de la patte qui se rattache au trône et correspond à l’humérus. — Si les jambes de derrière s’infléchissaient en avant. L’observation est juste, et l’on doit admirer les efforts que fait Aristote pour toujours justifier ce que fait la nature. — Un bien faible écart. Les jambes de devant, pliant en arrière, seraient beaucoup trop près de celles de derrière, qui se plieraient en avant. — A tomber sous la région du ventre. Dans l’état actuel des choses, les jambes s’écartent du dessous du ventre, soit en avant, soit en arrière ; et l’allure de l’animal est beaucoup plus libre que s’il avait une organisation contraire.
  434. En fléchissant en arrière. Ceci s’applique aux pattes de derrière. — Ils ne rencontrent aucun obstacle. Ceci est parfaitement exact ; et l’observation est fort ingénieuse. — Quand ces animaux allaitent leurs petits. Autre remarque, plus délicate encore que les précédentes, et non moins juste. — Beaucoup plus commode. C’est frappant de vérité. — De leur corps. J’ai ajouté ces mots.
  435. Peut être de quatre espèces. La figure qu’indique Aristote est très-facile à reconstituer, dans les trois premiers cas, d’après les explications qu’il donne. — Ou tout à l’inverse. Cette dernière hypothèse est difficile à comprendre. Le texte ne semble pas pouvoir présenter un autre sens que celui que je donne ; mais ce sens est obscur et très-peu satisfaisant. — Comme on le voit en D. La figure qu’Aristote annexait à son texte le rendait sans doute fort clair ; mais en l’absence de cette figure, que la tradition n’a pas conservée, on ne voit pas bien ce qu’elle pouvait être, malgré l’exemple de l’éléphant donné au paragraphe suivant.
  436. Un seul animal bipède ou quadrupède. Ceci est exact. — Il n’y a que l’éléphant. En effet, l’éléphant fléchit ses jambes de derrière dans le même sens que les jambes de devant ; et c’est là ce qui fait qu’il se met si facilement à genou. Ce genre de flexion semble être celui qui est indiqué plus haut en A, et non pas en D comme le dit le texte. Buffon n’a pas insisté sur cette partie de l’anatomie de l’éléphant ; voir tome XVI, p. 335, édit. de 1830.
  437. Chez l’homme. Voir plus haut, ch. I, § 4. — Le coude… le carpe de la main… Ces observations sont fort exactes ; et depuis Aristote, elles n’ont pas été reproduites, bien qu’elles soient toutes dignes d’attention. — L’épaule est convexe également. J’ai conservé l’expression du texte ; mais elle n’est pas très-correcte. Ce n’est pas l’épaule qui se plie à proprement parler ; mais le haut du bras, là où il se joint à la clavicule et à l’épaule. — Il en est de même de la jambe entière. Ces détails sont exacts comme les précédents. — Le pied… d’une manière concave. C’est le cou-de-pied, qui a en effet une certaine concavité. — Les parties inférieures… les parties supérieures. Cette opposition est très-réelle ; et depuis Aristote, on n’a rien ajouté ce qu’il en dit ici. — L’épaule est convexe. Même remarque que plus haut sur la forme de l’épaule. Mais dans le langage aristotélique, le mot d’Épaule a un sens plus large que dans la langue de l’anatomie actuelle ; il comprend tout à la fois l’omoplate et l’articulation supérieure de l’humérus.
  438. Telle est la disposition générale des flexions. La science actuelle pourrait sans doute ajouter beaucoup aux observations d’Aristote ; mais ces observations, quelque restreintes qu’elles soient, n’en sont pas moins justes, et fort remarquables pour le temps.
  439. . En diagonale. Ou diamétralement ; ceci a déjà été établi plus haut, ch. I, § 5, où la question a été indiquée, sans les développements qu’elle reçoit ici. — Après le membre droit de devant. Plus haut, ch. IV, §§ 5-7, l’auteur a essayé de prouver que c’est par la droite que le mouvement commence ; et voilà pourquoi il parle ici d’abord du membre droit de devant. — L’animal meut. Ce passage est peut-être l’origine de toutes les recherches qui, dans ces derniers temps, ont été faites sur la locomotion animale. Ces premières données sont fort exactes en ce qui concerne les quadrupèdes. — Si les membres antérieurs se développaient à la fois. Comme l’auteur le remarque au paragraphe suivant, ce ne serait plus là une marche, ce serait un saut ; et il est bien vrai que, dans le saut, l’animal est exposé davantage à tomber.
  440. De progression. J’ai ajouté ces mots, dont le sens est implicitement compris dans l’expression grecque. — Un saut véritable. Ma traduction est encore ici un peu plus précise que le texte. — Il lui est bien difficile de prolonger… C’est très-exact même pour les animaux les plus vigoureux, comme on peut voir, ainsi que le dit Aristote, sur les chevaux de course ; ils ne peuvent soutenir cette allure violente que quelques minutes ; voir Cuvier, Anatomie comparée, tome I, p. 496, 1re édition, vue leçon, article IV. — Des courses de cérémonie. Ou des courses solennelles, comme celles des jeux Olympiques : « metaque fervidis evitata rotis ». — En isolant les parties antérieures. Le mouvement en diagonale fait que les animaux sont soutenus dans les deux sens, à droite et à gauche, devant et derrière. — Si les deux membres droits… Cette allure des deux membres du même côté est ce qu’on appelle l’amble ; elle n’est pas naturelle, et très-peu d’animaux la possèdent ; on cite notamment la girafe ; mais l’industrie humaine a su imposer cette allure spéciale à quelques animaux quadrupèdes. — L’animal tomberait. Ce n’est pas tout à fait exact.
  441. Par un de ces deux procédés. Ces deux procédés sont d’abord le saut et l’amble ; l’auteur les déclare l’un et l’autre impossibles pour la progression ordinaire ; il ne reste donc que le mouvement en diagonale, ou en diamètre. — Aucun de ces inconvénients n’est possible. C’est-à-dire que l’animal peut tout à la fois progresser plus longtemps sans fatigue, et peut progresser avec plus de sécurité. — Les chevaux et les animaux de même genre. Cette généralité est fort exacte ; mais l’analyse de ces mouvements a été poussée beaucoup plus loin par les zoologistes contemporains ; voir M. E.-I. Murey, la Machine animale, Ve édition, pp. 158 et suiv., et M. Pettigrew, la Locomotion chez les animaux, pp. 56 et suiv., édit. de 1871.
  442. Les animaux qui ont plus de quatre pieds. Ce sont en général les insectes et particulièrement les myriapodes et les hexapodes ; voir M. Claus, Zoologie descriptive, pp. 529 et suiv. trad. franc. — Les quatre pieds qui viennent à la suite. Cette indication reste obscure, et il aurait fallu parler d’abord des pieds placés avant les autres. Le genre carcinus, dont il semble qu’il s’agit ici, a cinq paires de pattes ; voir M. Claus, ibid. p. 497. — Dans les crabes. Il ne semble pas que cette observation, qui est très-juste, ait attiré l’attention de la zoologie moderne.
  443. Sont des polypodes. Les crabes ont en général au moins cinq paires de pattes, qui sont assez diversement disposées selon les espèces. — En diamètre. Ou en diagonale, les pieds d’un côté ayant un mouvement correspondant à celui des pieds de l’autre côté. — Dans quelque sens qu’ils se dirigent. Ces détails indiquent une observation très-attentive. — Une locomotion… toute particulière. Le fait est très-réel, et le naturaliste grec a le mérite de l’avoir signalé le premier. — Qui se meuve obliquement. Il ne paraît pas en effet qu’aucun animal autre que le crabe ait le même mode de locomotion. — Les yeux qui déterminent le devant. Ceci peut être accepté comme très-vrai ; mais cette théorie n’est pas tout à fait d’accord avec celle qui a été exposée plus haut, ch. IV, § 4, et où Aristote distingue le devant et le derrière de l’animal par le siège des sensations en général, au lieu de désigner spécialement la vue. — La nature a fait. C’est toujours la même admiration pour les œuvres de la nature. — Leurs yeux se meuvent de côté. Parmi les décapodes, la science moderne distingue des espèces qu’elle appelle Podophthalmes, c’est-à-dire qui ont des yeux sur les pieds ; et les pieds sont placés de côté. — Les crabes aussi se meuvent en avant. Et de cette façon, ils rentrent dans la règle générale de tous les animaux sans aucune exception.
  444. . A la manière des quadrupèdes. Cette généralité paraît au premier abord assez étrange ; mais l’auteur essaie de la justifier par les détails qui suivent, et qui sont fort exacts. — A certains égards. La restriction est indispensable. — Les ailes remplacent les membres de devant. Ce rapprochement, répété bien des fois depuis Aristote, était très-neuf de son temps. — Dans le même sens. Ceci est un peu trop vague ; et il aurait fallu peut-être pousser l’analyse plus loin. — Le vol est leur mouvement spécial. M. Bell Pettigrew dit, par une heureuse expression, que « le vol est la poésie du mouvement, » la Locomotion chez les Animaux, p. 9, édit. de 1874.
  445. Se tenir debout, ni avancer d’un pas. Parce qu’en réalité les ailes font équilibre pour les deux parties du corps, soit qu’il vole, soit qu’il marche ; mais elles ne sont peut-être pas aussi indispensables à la marche que l’auteur le dit. Voir plus haut, ch. X, § 1. — N’est pas fait pour se tenir droit. La station droite est le privilège exclusif de l’homme. — Que sa cuisse soit placée en dessous, ainsi qu’elle l’est. Voir plus haut, ch. II, § 3. — Pour les quadrupèdes vivipares. Voir plus haut, ch. XII, § 7.
  446. Les volatiles à ailes pleines. Les chauves-souris et les insectes ; voir plus haut, ch. X, § 2. — Sur les côtés. Ceci n’est pas sans exception ; les ailes sont souvent sur le dos bien plutôt que sur les côtés, ainsi que les nageoires. — Est la meilleure. Application nouvelle, après tant d’autres, de la théorie de l’optimisme, dont Aristote est un des défenseurs les plus autorisés. — Les nageoires sont ce que les ailes… Rapprochement exact dans une certaine mesure.
  447. Les Ptiles. J’ai reproduit le mot grec parce que, dans ce passage, il s’applique tout à la fois aux ailes des oiseaux et aux nageoires des poissons, et que notre langue n’a pas de terme commun de ce genre. En grec, le mot de Ptile est spécial pour les ailes des insectes ; puis, par extension, on l’emploie pour les ailes des oiseaux ; mais si l’on en juge d’après le Thésaurus d’Henri Etienne, Aristote serait le seul auteur qui l’aurait employé pour les nageoires des poissons. D’ailleurs, ce passage n’offre aucune difficulté. — Ici l’air, et là le liquide. Ceci est la preuve que le mot de Ptile s’applique également aux volatiles, aux oiseaux et aux poissons.
  448. Les quadrupèdes ovipares… Sous ce nom commun. Aristote réunit ici plusieurs espèces que la zoologie moderne a distinguées. Les crocodiles sont des sauriens ; les lézards sont des lacertiens ; les stellions sont des iguaniens ; les émydes et les tortues sont des chéloniens ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 5, 16, 30, 32. Toutes ces espèces sont comprises dans la classe des reptiles, la 3e des vertébrés ; voir aussi M. Claus, Zoologie descriptive, pp. 913 et suiv., trad. franc. — Attachées sur le côté. La science moderne n’a pas donné à cette conformation particulière la même importance que le naturaliste grec. — Leur entrée sous terre. Cette raison ne s’applique pas également bien à tous les animaux qui viennent d’être nommés. — Leur incubation sur les œufs. Voir plus haut, ch. XII, § 9, une remarque analogue sur les quadrupèdes. Cuvier dit au contraire qu’aucun reptile ne couve ses œufs ; Règne animal, tome II, p. 3.
  449. Nous avons déjà dit. Voir plus haut, ch VII, § 2, et ch. VIII, § 5. Ces références ne sont pas d’ailleurs très-exactes ; voir aussi ch. I, § 2. — Comme il était nécessaire. Il aurait fallu expliquer d’abord d’où vient cette nécessité prétendue.
  450. . En avant et en arrière. Ceci encore est assez obscur ; il aurait été bon de l’expliquer davantage. — Qu’ils fussent cagneux. C’est-à-dire que la flexion des pieds fût un peu oblique, comme il est dit dans la suite de cette phrase. — A cause de la multiplicité même des membres. Cette raison est plus réelle. — Se gêner beaucoup moins. Ceci est exact.
  451. Ou presque tous. La restriction est nécessaire, puisque tous les reptiles, à commencer par les crocodiles et les batraciens ne vivent pas dans des trous. — Soient hauts sur leurs pieds. Ceci est vrai ; mais il ne s’agit pas de la hauteur de ces animaux ; il s’agit de la direction cagneuse de leurs pieds ; leur stature aurait pu être très basse. — Les crabes… ainsi que nous l’avons déjà dit. Voir plus haut, ch. XIV, § 5. — Sur terre presque toujours. Ce détail est fort exact.
  452. . Les lézards, les crocodiles. Ceci a déjà été dit au chapitre précédent, § 5. — Troglodytes ou habitant des trous, selon l’étymologie.
  453. Les autres animaux. Cette expression désigne ici les animaux autres que les lézards, crocodiles, etc., dont il vient d’être question, à la fin du chapitre précédent. — Dans les langoustes. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, de ma traduction. — Qui ont la peau dure. Ceci est exact ; mais les langoustes sont parfois classées parmi les crustacés, ainsi que les crabes ; voir le Règne animal de Cuvier, tome IV, pp. 30 et 80. — Chez les crabes. La flexion dans les crabes ne semble pas différer autant que le dit l’auteur de ce qu’elle est dans les langoustes. — Ne sont pas cagneux. La négation paraît tout à fait indispensable pour que ce passage concorde avec tout le reste du texte. L’édition Firmin-Didot a soin de la donner. — N’est pas fait pour nager. Le crabe nage quelque peu ; mais on peut dire qu’il n’est pas fait pour cette fonction, comme la langouste et les poissons en général. — Sa forme est à peu près ronde. Cette restriction est nécessaire, parce que la forme des crabes est assez variable ; tantôt ils sont arqués, tantôt ils sont quadrilatères, tantôt orbiculaires, tantôt triangulaires, etc.; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, pp. 30, 36, 40, 52, 55, etc.
  454. Se servent de leur queue pour nager. Cette fonction est attribuée surtout aux pieds dans le paragraphe précédent. — Il est le seul. Il y a des éditions qui suppriment cette nuance d’expression ; l’édition Firmin-Didot la rétablit avec raison ; voir plus haut la même pensée, au chapitre précédent, § 3. — Plusieurs pieds dirigeants. Voir id. ibid. — Non cagneux. Ici encore, il y a des éditions qui suppriment la négation. — De là, une nécessité. On peut trouver que cette nécessité n’est pas aussi évidente que le croit Aristote. — La flexion est oblique aussi. Répétition de ce qui vient d’être dit au § 1.
  455. Des Psettes. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. II, § 5, p. 113 de ma traduction. J’ai laissé ici le mot grec de Psettes, parce que l’identification n’est pas certaine ; les psettes sont sans doute des plies ou des barbues ; et certainement, des poissons plats. La zoologie moderne a donné le nom de Psettes à des poissons acanthoptérygiens ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 193. — Comme les borgnes marchent. Cette comparaison est assez inattendue ; et il aurait fallu développer la pensée d’une façon plus claire. — Leur nature est toute retournée. Même remarque. Voir pour les poissons plats, Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 337 et suiv. « Les poissons plats ont un caractère unique parmi les vertébrés, celui du défaut de symétrie de leur tête, où les deux yeux sont du même côté. Le côté où sont les yeux reste toujours supérieur quand l’animal nage ; il est toujours coloré fortement, tandis que le côté où les yeux manquent est toujours blanchâtre. » C’est sans doute à ces singularités qu’Aristote fait allusion en parlant de « nature retournée. » Quelquefois aussi il y a de ces poissons qui ont les yeux placés d’un autre côté que le reste de leur espèce. — Les oiseaux palmipèdes. La transition est bien brusque, quoi qu’il s’agisse d’oiseaux nageurs après les poissons. — Palmipèdes. Ils forment, dans la zoologie moderne, le sixième ordre des oiseaux ; voir Cuvier, Règne animal, tome I, p. 543. — Plus en arrière. C’est aussi la remarque de Cuvier, id. ibid., qui ajoute également que, chez ces oiseaux, les tarses sont courts et comprimés.
  456. . La nature. C’est toujours l’admiration sans bornes d’Aristote pour la nature. — Elle leur a donné de l’épaisseur. Ce caractère, qui est très-exact, n’a pas été étudié particulièrement par la zoologie moderne ; on peut l’observer aisément sur les lamellirostres, canards, cygnes, oies, etc.
  457. . La raison comprend sans peine. En face de la réalité, la raison de l’homme ne peut que chercher à la comprendre et ne peut que s’incliner devant elle. — A une certaine hauteur. Dans l’air, sous-entendu. — Les pieds ne leur serviraient à rien. Il est évident, d’après les pieds du phoque, que ces membres ne seraient guère utiles aux poissons. — C’est qu’ils seraient dépourvus de sang. On ne voit pas d’où vient cette conclusion et ce qui la justifie. Il est probable qu’il y a ici quelque lacune ; mais les manuscrits ne permettent pas d’y suppléer.
  458. Quant aux oiseaux. Ces rapprochements entre l’organisation des oiseaux et celle des poissons ne sont pas faux ; mais ils sont un peu forcés, et l’auteur lui-même le sent, puisqu’il dit que la ressemblance n’existe que « dans une certaine mesure ». Voir Cuvier, Règne animal, tome II, p. 122, édit. de 1829. — Deux nageoires. Il ne s’agit ici que des nageoires pectorales, qui sont en effet placées sur chacun des côtés du corps. — Pour la plupart. Cette observation est exacte, comme les précédentes ; voir Cuvier, Règne animal, tome II, pp. 120 et suiv. — Sous le ventre. Ce sont les nageoires ventrales de la zoologie moderne. — Un croupion garni de plumes. Le texte est un peu moins précis ; mais j’ai cru devoir le développer pour bien marquer la différence de la queue des oiseaux et de la queue des poissons.
  459. Pour les crustacés. Ce qui est dit ici du mouvement des crustacés est bien obscur et bien insuffisant. Il n’y a pas à douter de l’authenticité de ce passage ; mais il est à croire que auteur n’aura pas pu y mettre la dernière main. — De dire quel est leur mouvement. Ceci ne veut pas dire que le mouvement n’existe pas chez les crustacés en général, mais seulement qu’il n’y est pas bien déterminé. — Ils n’ont pas de droite ni de gauche. Ceci ne se comprend pas bien ; et les crustacés ont une droite et une gauche, dans les mêmes conditions que la plupart des animaux. L’auteur lui-même le reconnaît dans le paragraphe suivant. Les yeux placés en avant sur des pédicules mobiles, et le sens où marchent ces animaux, indiquent suffisamment et distinguent leur droite et leur gauche, comme chez les autres animaux. — Mutilé. Ceci peut sembler exagéré ; l’organisation est différente ; et voilà tout ; mais le mouvement n’en est pas moins réel, soit dans l’eau, soit sur terre. — Comme le feraient les animaux pourvus de pieds… La comparaison est ingénieuse ; et il est exact que ces animaux se traînent plutôt qu’ils ne marchent. A cet égard, ils sont incomplets, comme le sont le phoque et la chauve-souris, en tant que quadrupèdes. — Qui sont bien aussi des quadrupèdes. La science moderne ne regarde pas le phoque et la chauve-souris comme des quadrupèdes. La chauve-souris est classée parmi les mammifères carnassiers, et elle vient immédiatement après les singes ; le phoque est classé parmi les amphibies. Il est bien vrai que la chauve-souris et le phoque ont quatre membres, qu’on peut assimiler à des bras et à des jambes ; mais dans ces animaux, ce n’est qu’un caractère secondaire. Voir Cuvier, Règne animal, tome I, pp. 112 et 166 ; voir aussi le tome IV, pp. 16 et suiv., édit. de 1829. — Ne le sont que très-imparfaitement. Ceci est exact.
  460. Est contre nature. Ceci est exagéré ; seulement le mouvement est autre. — Vraiment. J’ai ajouté ce mot, qui me paraît nécessaire. — Ils ne se meuvent que comme des êtres immobiles. La contradiction est frappante ; il est difficile de l’expliquer ; et j’ai taché de la pallier autant que possible dans ma traduction. — Ils ne bougent pas. Même remarque. Les manuscrits n’offrent aucune variante dont on puisse tirer parti pour rectifier la pensée. — La pince droite est toujours… plus forte. Voir l’Histoire des Animaux, livre IV, ch. IV, § 15, p. 27 de ma traduction. — Voulaient. C’est l’expression même du texte.
  461. Voilà ce que nous avions à dire. Résumé de ce petit traité, qui regarde surtout la locomotion dans les animaux. — C’est l’étude de l’âme. On peut croire que cette petite phrase est une addition venue de quelque main étrangère. L’étude de l’âme peut faire suite à l’histoire naturelle en général ; mais la suite et le complément régulier du Traité des Parties, c’est le Traité de la Génération, comme Aristote lui-même l’indique en plus d’un passage. Il est vrai que même le Traité de l’âme est essentiellement physiologique, puisqu’il étudie surtout le principe vital, bien plus encore que l’âme proprement dite. Aussi, Aristote attribue-t-il au naturaliste, et non au philosophe, la véritable étude de l’âme ; voir le Traité de l’Ame, livre I, ch. I, § 11, p. 104 de ma traduction.