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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 1/11/01

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E. Arrault et cie (1p. 424-425).


CHAPITRE XI

LA CORRECTION DES JOURNAUX



§ 1. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES


Dans cette étude il est nécessaire d’accorder une courte mention au « correcteur de journaux ».

Tout comme son collègue le correcteur de labeurs, le correcteur de journaux eut son sosie dans l’antiquité.

Ainsi, à Rome — pour ne citer que cet exemple — on exécuta de bonne heure, à quelques centaines d’exemplaires, une feuille de renseignements quotidiens, Acta diurna populi Romani. Des renseignements dignes de foi nous apprennent que l’on n’apportait point à la rédaction et à la transcription de cette feuille les soins de correction et de revision ordinaires.

Il faut bien reconnaître que, malheureusement, cet antique usage s’est conservé au cours des temps et risque de se perpétuer.

Trop fréquemment, en effet, nombre de Maisons, particulièrement les imprimeries de moyenne importance, ont la fâcheuse coutume de considérer comme une tâche d’importance secondaire la lecture de l’unique quotidien auquel elles doivent cependant une part de leur notoriété.

Tantôt ce travail est confié à une correctrice que rien — ni ses capacités littéraires ni ses aptitudes professionnelles — ne destinait à cette situation. D’autres fois, un étudiant frais émoulu du collège, un bachelier ès lettres s’exerce à prouver la nullité de ses connaissances typographiques en surchargeant outrageusement de ratures maladroites une composition dont le manuscrit est pour lui indéchiffrable. Enfin — et c’est là un exemple fréquent — un typographe chargé d’ans et de mérites, la vue fatiguée, les doigts hésitants, ânonne dans le coin le plus sombre de l’atelier les phrases d’une copie dont il vérifie mot par mot la reproduction typographique : compositeur, imposeur, metteur en pages, il a gravi lentement, péniblement, les étapes d’une longue carrière dont lui seul connaît « les mérites éminents » ; le hasard des circonstances, faveur inespérée, lui a permis d’atteindre à cette situation de tout repos.

Certains crieront à l’exagération, au parti pris ; à défaut d’arguments sérieux, il est facile, par ces mots vides de sens, de réfuter une critique de choses vues et vécues ; d’autres estimeront qu’il n’est que juste de dénoncer des habitudes particulièrement blâmables.