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Le Roi des Aulnes (traduction Blaze)

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Roi des aulnes.

Poésies
Traduction par Henri Blaze.
(p. 55-56).

LE ROI DES AULNES.

Qui chevauche si tard par la pluie et le vent ? C’est le père avec son enfant. Il tient le petit serré dans ses bras, le presse et le garde à l’abri.

— Mon fils, pourquoi te cacher le visage ? — Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes ? le roi des Aulnes avec couronne et manteau ? — Mon fils, c’est une raie de nuages.

« Cher enfant, allons ! viens avec moi, nous jouerons ensemble à de si beaux jeux ! Tant de fleurs emaillent mes rivages, ma mère a tant de voiles d’or ! »

— Père, père ! eh quoi ! tu n’entends pas ce que le roi des Aulnes me promet tout bas ? — Sois en paix, reste en paix, mon enfant, c’est le vent qui chuchote dans les feuilles flétries. —

« Veux-tu, gentil enfant, veux-tu venir avec moi ? Mes filles te gâteront à l’envi ; mes filles mènent la danse nocturne ; elles te berceront, et danseront, et t’endormiront à leurs chants. »

— Père, père ! eh quoi ! ne vois-tu pas là-bas les filles du roi des Aulnes à cette place sombre ? — Mon fils, mon fils, je le vois bien, ce sont les vieux saules qui pâlissent au loin. —

« Je t’aime, ta douce figure me plaît ; et si tu résistes, j’emploie la force. » — Père, père ! voilà qu’il me saisit ! Le roi des Aulnes m’a fait bien mal ! —

Le père frissonne, il pousse son cheval ; il serre dans ses bras l’enfant qui suffoque, il arrive chez lui à grand’-peine ; dans ses bras l’enfant était mort.