Les Femmes arabes en Algérie/Doit-on ôter aux Arabes leur costume ?

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Société d’éditions littéraires (p. 39-42).

Doit-on ôter aux Arabes
leur costume ?




Un bon français d’Alger répond quand on lui parle de l’assimilation : « Il ne suffit pas de soumettre les Arabes aux lois françaises ; le costume doit être imposé comme Pierre-le-Grand l’a imposé à ses Russes pour les faire entrer dans la famille européenne. »

Tout le monde regretterait, qu’on enlevât aux Arabes leur pittoresque accoutrement qui donne à l’Algérie une physionomie si originale.

On se représente difficilement, les musulmans introduisant leurs jambes faites au tour, dans de longs pantalons et dissimulant leur belle prestance dans des jaquettes.

Le burnous élégamment drapé, achève de donner grand air à ces hommes statues.

Mais le burnous, si couleur locale, qu’on ne voudrait point voir abandonner est, il faut l’avouer, lourd à porter aux arabes. Qui ne l’a entendu accuser à la barre d’un tribunal ?

— Vous avez, demande le président, des indices qui peuvent mettre sur les traces de l’assassin ?

— J’ai vu, répond le témoin, deux individus qui s’enfuyaient… ils avaient des burnous !…

Le burnous ne fait point seulement suspecter les musulmans ; il gêne leur liberté.

Les arabes, cependant, ne veulent point voir abandonner même par les enfants, leur costume. M. Chérif Zahar a fait adopter par le conseil municipal un vœu, pour que les petits indigènes des écoles communales d’Alger, reçoivent, non des vêtements européens, mais des effets indigènes.

Quant aux musulmanes, si ravissantes dans leur costume théâtral ou leurs attifements de madone, si divinement énigmatiques sous le blanc haick, elles perdraient en se sanglant dans une robe sombre d’européenne, quelque chose de leur prestigieuse beauté de houris.

Une française s’embellit en se vêtant en musulmane, une musulmane s’enlaidit en se vêtant en française. Tout le monde peut constater ce fait.

Quel que soit l’habit qu’il porte, l’arabe si sociable, si respectueux de la parole donnée, si généreux, si hospitalier, ne doit pas être traité en ennemi quand il peut être pour nous un si précieux auxiliaire pour faire de l’Algérie que toutes les nations convoitent, un Pérou africain.

L’Algérie nous envoie déjà le marbre, le fer, le cuivre, le blé, l’orge, les essences à parfums, les pâtes alimentaires, l’huile d’olive, les truffes blanches, les primeurs, son vin reconstituant, ses délicieux moutons par bateaux. Elle fournit aux papéteries et à beaucoup d’industries, l’alfa.

Si sur son sol toujours en gestation, les récoltes succèdent aux récoltes, si l’arbre sur lequel on cueille le fruit est déjà de nouveau chargé de fleurs, son sous-sol, en outre des couches de pétrole, du sulfure d’antimoine, des nitrates, des minerais précieux et des prodigieux gisements de phosphates, renferme des richesses, dont on ne connaît point même encore toute la valeur et l’étendue.

Par calcul donc, si ce n’est par amitié, pour tirer profit de l’Algérie, les français sont intéressés à faire des arabes, leurs associés et leurs égaux.