Les Tableaux vivants/02

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Les Tableaux vivants (1870)
Éditions Blanche (p. 21-25).

II

LA CHAIR DE POULE

Elle était simple en toutes choses, simple comme un enfant. Elle disait à tout propos : je suis la simplicité même.

Cette simple personne était vraiment une double catin. Je ne la désignerai que par son prénom : Pauline. Peut-être devinerez-vous le nom de son mari. C’est un très haut fonctionnaire.

J’aimais. Un matin m’arriva une lettre anonyme qui m’avertit que ma chaste maîtresse faisait l’amour avec Baptiste, son valet de pied. Je le crus, car je la connaissais capable de coucher avec toute la terre et de chercher des amants même dans la lune. C’est pourquoi lorsque le lendemain elle vint chez moi, je l’accueillis un peu froidement. Je lui aurais volontiers fait fermer ma porte, mais elle entrait… simplement.

Je la vis enveloppée dans un grand manteau de fourrure qu’elle jeta sur un fauteuil ; elle fit de même de son chapeau et vint se poser à côté de moi sur un fauteuil d’un air innocent et délibéré à la fois, — tout simplement.

— Bonjour, cher, me dit-elle. J’ai voulu venir passer une journée, toute une bonne journée près de vous. Simple comme je suis, je n’y ai pas résisté.

— Votre simplicité est-elle déjà rassasiée de l’ingénuité de votre valet Baptiste ? lui demandai-je en la regardant aux yeux.

— Baptiste ? fit-elle. Je n’ai plus de valet de ce nom-là… Et puis que voulez-vous dire ?

Ses mains en même temps devenaient errantes. Et moi ! Ô lâcheté de l’homme qui sent l’aiguillon du plaisir ! Les miennes les imitèrent.

— Parbleu ! dis-je à mon infidèle, vous avez une robe bien lourde.

— Je l’ôterai, répondit-elle — simplement.

Simple en toutes choses, elle portait toujours de simples chemises de toile comme une pensionnaire. Il faisait au dehors un froid très piquant ; elle n’avait pas pris le temps de se réchauffer au feu, elle avait la chair de poule. Cette peau rougie me fit grand pitié. Elle s’en aperçut bien, la coquine, et vint s’asseoir à cul nu sur mes genoux, le visage tourné vers le foyer. Tout cela si simplement !

Ah ! Que cette femme de haut fonctionnaire s’entendait bien à déculotter rapidement un gentilhomme ! Tenant l’objet de son envie dans sa main, Pauline, — simplement — le fit passer sous elle et voulut se le planter…

L’épée n’entra point si aisément dans la gaine. Quelle gaine étonnante ! Elle s’ouvrait encore la première fois qu’on y pénétrait, mais elle résistait à la seconde fois. Le plaisir la gonflait et mettait un bourrelet à la porte.

Il fallait pousser alors, il fallait forcer. L’enflure s’en augmentait encore. On eût dit une blessure tuméfiée dont les bords se resserrent sur le doigt du chirurgien. C’était une sensation presque cruelle et délicieuse… La noble catin se tordait alors, criait, écumait. Ah ! Le beau coup !

Elle était longue et charnue tout à la fois ; elle couvrait et enveloppait son homme. Lorsque j’eus pénétré dans son sein après bien des efforts et quelques plaintes, elle commença de montrer ses talents. Roulis et tangage, mouvement d’avant et d’arrière, quelle manœuvre ! Tout à coup elle se déroba. Madame craignait avant tout de faire un enfant. Se laissant glisser à mes genoux, elle engoula vivement ce qui l’enconnait tout à l’heure… Mon foutre jaillit entre ses lèvres. Se les essuyant alors avec ses cheveux qui venaient de se dénouer :

— N’est-ce pas qu’on peut tout faire à son amant, quand on est simple ? me dit-elle.

Je lui donnai bien volontiers le billet d’indemnité qu’elle me demandait pour ce qu’elle venait de faire. Mais à présent que mes désirs étaient assouplis, ma colère renaissait et je me reprenais à penser à monsieur Baptiste. Pauline cependant, qui demeurait accroupie à mes genoux, jouait avec ma raide épée de tout à l’heure qui n’était plus qu’un jonc flexible.

— Richard, comment cela se nomme-t-il ? me dit-elle.

Je ne répondis point.

— Le nom ! Dis-moi le vrai nom ! reprit-elle en le baisant.

— C’est un vit, lui répliquai-je durement ; ne le savez-vous point ?

— Un vit ! Un vit ! répétait-elle. Et cela ?

En même temps elle se relevait et portait ma main entre ses cuisses déjà frémissantes à l’idée d’une mêlée nouvelle.

— Cela ? m’écriai-je, c’est un hôpital ! C’est un lupanar, c’est une place publique ! C’est un vase sans fond, c’est un gouffre ! C’est le bourbier où monsieur Baptiste s’est vautré ! Coquine prostituée à tes valets ! Putain infâme !

Je m’arrêtai, car je vis les yeux de Pauline tout remplis de larmes. Elle se laissa retomber à mes genoux :

— Eh bien ! oui, me dit-elle… c’était à la campagne. Je vous l’avouerai simplement… Le soir… j’étais seule… il faisait de l’orage ! Je le sentais partout en moi cet orage qui me brûlait… Et le petit Baptiste était là dans l’anti-chambre ! Mais je l’ai chassé depuis.

— Assez ! lui criai-je.

Je sautai sur ma cravache, je frappai… Pauline courait par la chambre ; elle alla tomber sur le sofa, la face contre le mur. J’arrachai, je déchirai sa chemise, je mis à nu ses reins et ses fesses et je continuai de frapper à coups redoublés. Ma cravache traçait de longs sillons rouges sur cette chair lascive que je meurtrissais et que j’adorais encore. Pauline mordait l’oreiller du sofa pour étouffer ses cris et tout son corps se tordait en replis si luxurieux, que ma fureur bientôt fit place à une autre ivresse. Je jetai ma cravache loin de moi… Ah ! si vous voulez bien bander, cravachez votre maîtresse !

— Pauline, dis-je à cette admirable catin en l’enfilant par derrière, pardonne-moi et montons au ciel.

— Ah ! ah ! je vous pardonne… simplement, murmura Pauline.

Ce con sans pareil, déjà si fort échauffé par la première jouissance, s’enfla, se gonfla si fortement à la seconde, que mon membre n’en sortit qu’avec un terrible effort, avec le même bruit qu’un bouchon arraché du goulot d’une bouteille d’aï.