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Louÿs – Poésies/Poésies diverses 1

La bibliothèque libre.
Slatkine reprints (p. 177-181).

POÉSIES DIVERSES


Fac-similé d'une page manuscrite de Pierre Louÿs (page 178 du 13ème tome des œuvres complètes).
Fac-similé d'une page manuscrite de Pierre Louÿs (page 178 du 13ème tome des œuvres complètes).

À CLAUDE DEBUSSY


La Bourboule, Hôtel des Étrangers
La Bourboul14 Juin.


Ô Claude-Achille Debussy,
En quel endroit de notre sphère
Criez-vous : Vive la Russy !
Comme tout bon Français doit faire ?

La rue au nom de Cardinet
A-t-elle perdu votre boule,
Rue où jadis Louÿs dînait
Avant que d’être à la Bourboule ?

Fîtes-vous un autodafé
De cent doubles croches en flamme ?
Allez-vous de bouge en café,
L’œil vitreux et le vague à l’âme ?

Gémissez-vous : « J’ai quatre et as ! »
Craignant qu’un double ne descende ?
Instrumentez-vous Pelléas
Sous les flûtes de Mélisande ?


Inventez-vous je ne sais quel
Braiment qui fait peur à la bonne
Pour hurler tout à coup : Arkël !
Sur deux-septièmes de trombone ?

Ou, lorsque votre esprit subtil
Change de route et se relaye,
Parfois un désir vous prend-il
De rouvrir la pauvre Saulaie ?…

Bougre d’animal, je ne sais !
Car la vie est pour toi si rose
Que tes doigts ne sont point pressés
De m’écrire une lettre en prose.

Enterrant d’injustes guignons
Au sein de la belle nature,
Tu fais aux pays bourguignons
La verte villégiature.

Chaque jour, tu viens prier Dieu
Sur le carrefour que l’on nomme
La place Dieu, ou Boïeldieu,
Comme dit Tribulat Bonhomme.

Tu mets un métacarpe entier
Dans le sac de tonnante gloire
Que saint Gustave Charpentier
Fait sonner jusqu’en Saône-et-Loire.


Et bientôt on ne pourra plus
Dire de toi ce qu’on en pense,
Sans imiter des gens velus
Qui portent chaîne sur la panse.

Eh bien ! si le tas de ton or
Vaut l’opulence de ma rime,
Si ton soprane et ton ténor
Ne roucoulent pas pour la frime,

Si tu portes au second doigt
Un rubis gros comme cétoine,
Je donnerai ce que l’on doit
Au bon Monseigneur saint Antoine ;

Car je lui ai promis cent sous
Pour envoyer, d’une main sage,
Dans le vingt-sixième dessous
Tous ceux qui gênent ton passage !

Tous ceux qui gêneLe Lâche Anonyme.