NOTE IV.
Sur un théorème de Mécanique ; par M. Ossian Bonnet.
Lagrange a montré, à la page 110 de ce Volume, que la même section conique qui peut être décrite en vertu d’une force tendante à l’un des foyers en raison inverse du carré-de la distance, ou tendante au centre en raison directe de la distance, peut l’être encore, sous certaines conditions, en vertu de trois forces pareilles tendantes aux deux foyers et au centre ; ce qui, dit-il, est très remarquable.
Legendre a été conduit plus tard à une conséquence analogue, mais plus explicite, dans le Traité des fonctions elliptiques ; on lit, en effet, à la page 426 du Tome Ier de cet Ouvrage :
« Soit
le sommet d’une ellipse dont
et
sont les deux foyers ; soit
la vitesse en
nécessaire pour que cette ellipse soit décrite en vertu de la force
appliquée au foyer
soit pareillement
la vitesse en
nécessaire pour que l’ellipse soit décrite en vertu de la force
appliquée à l’autre foyer
si ces deux forces agissent à la fois sur le mobile et que la vitesse initiale
soit telle que
il décrira encore la même courbe. »
Ces résultats ne sont que des corollaires d’un théorème général que l’on peut énoncer comme il suit :
Théorème. — Si plusieurs masses
respectivement soumises à l’action des forces
et partant toutes d’un point
avec des vitesses
de grandeur différente mais de même direction, décrivent la même courbe
la masse quelconque
soumise à l’action de la résultante des forces
et partant du point
avec une vitesse
ayant la même direction que les vitesses
décrira encore la courbe
pourvu que les forces
soient indépendantes du temps et que la force vive initiale
de la masse
soit égale à la somme
![{\displaystyle mv_{0}^{2}+mv_{0}^{'2}+mv_{0}^{''2}+\ldots }](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/887620c1800e32f196f4336c5f001331d42d26be)
des forees vives initiales des masses ![{\displaystyle m,\,m',\,m'',\ldots .}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/0274a3c60c1688b7afba6fa2c7e8769316003450)
Démonstration. — Afin d’abréger le discours, appelons mouvements partiels ceux qui sont produits par les forces
agissant séparément, et mouvement composé celui qui produit la résultante de ces forces.
Si le mobile
ne décrit pas la courbe
dans le mouvement composé, on pourra lui faire décrire cette courbe en adjoignant à la résultante des forces
une force normale convenablement choisie, et l’on aura alors les équations connues
![{\displaystyle {\begin{aligned}\mathrm {M} {\frac {d^{2}x}{dt^{2}}}=&\mathrm {X+X'+X''+\ldots +N\cos \alpha =\sum X+N} \cos \alpha ,\\\mathrm {M} {\frac {d^{2}y}{dt^{2}}}=&\mathrm {Y+Y'+Y''+\ldots +N\cos \beta =\sum Y+N} \cos \beta ,\\\mathrm {M} {\frac {d^{2}z}{dt^{2}}}=&\mathrm {Z\,+Z'\,+Z''\,+\ldots +N\cos \gamma =\sum Z+N} \cos \gamma ,\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/d9378ebde0b4e00292e5b5b01df848c60058bdd9)
représentant les coordonnées du mobile au bout du temps
les composantes respectives prises parallèlement aux axes des forces
l’intensité de la force normale, et
les angles que la direction de cette force fait avec les parties positives des axes des coordonnées.
Multipliant la première équation par
la deuxième par
la troisième par
et ajoutant, il viendra
![{\displaystyle d\mathrm {MV} ^{2}=2dx\sum \mathrm {X} +2dy\sum \mathrm {Y} +2dz\sum \mathrm {Z} ,}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/4b30d87717aed5eb30684b99917115b1034b2a86)
étant la vitesse du mobile au point
mais, remarquons que
étant les vitesses des masses
lorsqu’elles passent par le même point dans les mouvements partiels, on a
![{\displaystyle {\begin{aligned}d\,mv^{2}\quad =&2(\mathrm {X} \ \,dx+\mathrm {Y} \ \,dy+\mathrm {Z} \ \ dz),\\d\,m'v'^{2}\,\ =&2(\mathrm {X} '\,dx+\mathrm {Y} '\,dy+\mathrm {Z} '\ dz),\\d\,m''v''^{2}=&2(\mathrm {X} ''dx+\mathrm {Y} ''dy+\mathrm {Z} ''dz),\\\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/08c1d092f932fee0702c3153763538f873b3110b)
On a donc aussi
![{\displaystyle d\mathrm {MV} ^{2}=d\,mv^{2}+d\,m'v'^{2}+d\,m''v''^{2}+\ldots =\sum d\,mv^{2}=d\sum mv^{2}\,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/130867ff662d72604be7333b3ae8925b6faecd1b)
d’où, intégrant,
![{\displaystyle \mathrm {MV^{2}=C} +\sum mv^{2}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/67bb0b2cb711bfa656740c7408ec6ec95898cbe5)
ou simplement
![{\displaystyle \mathrm {MV} ^{2}=\sum mv^{2},}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/4fd1c27e2557bc047b2b0515ddc14b4f4449ea5f)
en remarquant que, d’après l’hypothèse, cette égalité a lieu au point de départ.
Cela nous montre déjà que, pour toutes les positions comme pour la position initiale, la force vive de la masse
dans le mouvement que nous considérons, est égale à la somme des forces vives des masses
dans les mouvements partiels.
Il est maintenant bien facile de prouver que la force
est nulle et, par conséquent, que le mobile
parcourt la courbe
dans le mouvement composé. En effet, cette force est égale et contraire à la résultante de la force centrifuge et des composantes normales des forces
or la force centrifuge dirigée en sens inverse du rayon de courbure de la courbe est, en appelant
ce rayon de courbure,
![{\displaystyle {\frac {\mathrm {MV} ^{2}}{\rho }}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/95bcd08a6517f4865c9db1c687f479ddca939fba)
ou, d’après ce que nous avons démontré,
![{\displaystyle {\frac {mv^{2}}{\rho }}+{\frac {m'v'^{2}}{\rho }}+{\frac {m''v''^{2}}{\rho }}+\ldots \,;}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/cd8e49317661f24751ade68f52c651ef73f05a1c)
d’ailleurs les composantes normales des forces
sont respectivement égales et contraires à
puisque les masses
décrivent la courbe
dans les mouvements partiels ; il y a donc équilibre entre la force centrifuge et les composantes normales des forces extérieures par conséquent, la force
est nulle.
Nous avons supposé, dans ce qui précède, le point complètement libre ; s’il était assujetti à rester sur une surface, le théorème serait encore vrai, car ce dernier cas se ramène à celui d’un point libre par l’introduction d’une force normale à la surface.