Aller au contenu

Mécanique analytique/Notes du volume 2/Note 7

La bibliothèque libre.
Gauthier-Villars et Fils (Œuvres de Lagrange. Tome XIIp. 362-364).
◄  Note. VI
Note. VIII  ►
Note du tome II

NOTE VII.

Sur la propagation des ondes.


Lagrange admet, page 322, que les résultats auxquels il a été conduit dans le cas d’un canal peu profond peuvent s’appliquer au mouvement d’une masse liquide de profondeur quelconque, parce que, dit-il, on peut admettre que l’eau n’est ébranlée et remuée qu’à une profondeur très petite supposition plausible, ajoute-t-il, et que l’expérience semble confirmer. Il ne semble pas qu’il y ait lieu d’accepter cette extension des formules, et les expériences, bien difficiles à faire en pareille matière, seraient d’ailleurs fort peu concluantes, car, la masse liquide augmentant indéfiniment avec la profondeur du milieu, le mouvement de chaque particule pourrait devenir insensible aux épreuves les plus délicates, sans que l’on soit en droit d’affirmer qu’il n’y a pas une masse considérable de force vive transmise et perdue.

Poisson, qui s’est occupé à plusieurs reprises de la question des ondes, a traité le point dont il s’agit, et la critique qu’il fait du passage de Lagrange me paraît fondée et ingénieuse. Je crois utile de la reproduire ici :


« Lagrange traite, dans la Mécanique analytique, le cas où la profondeur du fluide est supposée très petite et constante. Il démontre qu’alors la propagation des ondes a lieu suivant les mêmes lois que celles du son, en sorte que leur vitesse est constante et indépendante de l’ébranlement primitif ; et, de plus, il la trouve proportionnelle à la racine carrée de la profondeur du fluide, lorsqu’il est contenu dans un canal qui a la même largeur dans toute son étendue. Il suppose ensuite que le mouvement excité à la surface d’un fluide incompressible d’une profondeur quelconque ne se transmet qu’à de très petites distances au-dessous de cette surface, d’où il conclut que son analyse donne encore la solution du problème, quelque grande que soit la profondeur du liquide que l’on considère ; de manière que, si l’observation faisait connaître la distance à laquelle le mouvement est insensible, la vitesse de propagation des ondes à la surface serait proportionnelle à la racine carrée de cette distance ; et, réciproquement, si cette vitesse est mesurée directement, on en pourra déduire la petite profondeur à laquelle le mouvement parvient. Mais qu’il nous soit permis d’exposer ici quelques observations fort simples qui prouvent que cette extension donnée à la solution de Lagrange ne peut pas être légitime et que les choses ne se passent pas ainsi, lorsqu’on a égard au mouvement dans le sens vertical. »

En effet, le mouvement dans ce sens n’est pas brusquementinterrompu ; les vitesses et les oscillations des molécules diminuent à mesure que l’on s’enfonce au-dessous de la surface, et la distance à laquelle on peut les regarder comme insensibles, en admettant même pour un moment qu’elle soit très petite, n’est pas une quantité déterminée qui puisse entrer, comme on le suppose, dans l’expression de la vitesse à la surface. Pour fixer les idées, supposons la profondeur et les autres dimensions du fluide infinies ou assez grandes pour qu’elles ne puissent avoir aucune influence sur la loi du mouvement ; supposons aussi que la masse entière n’a reçu, primitivement, aucune vitesse, et que l’ébranlement a été produit de la manière suivante, qui est la plus facile à se représenter : on plonge dans l’eau, en l’enfonçant très peu, un corps solide d’une forme connue ; on donne au fluide le temps de revenir au repos, puis on retire subitement le corps plongé. Il se produit, autour de l’endroit qu’il occupait, des ondes dont il s’agit de déterminer la propagation. Or il est évident que, la profondeur du liquide ayant disparu, les seules lignes qui soient comprises parmi les données de la question sont les dimensions du corps plongé et l’espace que parcourt un corps pesant dans un temps déterminé ; par conséquent, l’espace parcouru par chaque onde à la surface de l’eau ne peut être qu’une fonction de ces deux sortes de lignes. Si donc la vitesse des ondes est indépendante de l’ébranlement primitif, c’est-à-dire de la forme et des dimensions du corps plongé, il faudra, d’après le principe de l’homogénéité des quantités, que l’espace qu’elles parcourent dans un temps quelconque soit égal à l’espace parcouru pendant le même temps par un corps pesant, multiplié par une quantité abstraite indépendante de toute unité de ligne ou de temps ; donc alors le mouvement des ondes sera semblable à celui des corps graves, avec une accélération qui sera un certain multiple ou une certaine fraction de l’accélération de la pesanteur ; si, au contraire, le mouvement des ondes est uniforme, il faut, d’après le même principe d’homogénéité, que leur vitesse dépende de l’ébranlement primitif, de manière que l’espace parcouru dans un temps donné soit une moyenne proportionnelle entre deux lignes, savoir la ligne décrite dans le même temps par un corps grave, et l’une des dimensions ou, plus généralement, une fonction linéaire des dimensions du corps plongé. Il pourrait encore arriver que le mouvement des ondes fût accéléré, et que l’accélération dépendît du rapport numérique qui existe entre ces dimensions c’est au calcul à décider lequel de ces mouvements doit avoir effectivement lieu ; mais on voit, a priori, qu’ils sont également contraires aux résultats de la Mécanique analytique. »

Nous renverrons, pour la solution du problème, au Mémoire même de Poisson [Mémoires de l’Institut (Académie des Sciences), tome II] ; on y trouve des résultats tout opposés à ceux qu’avait admis Lagrange, et notamment la preuve _qu’il existe des ondes dont le mouvement est uniformément accéléré.

(Note de M. J. Bertrand.)

Séparateur