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Mémoires extraits des recueils de l’Académie de Turin/Mémoire sur l’utilité de la méthode de prendre le milieu entre les résultats de plusieurs observations

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MÉMOIRE

SUR

L’UTILITÉ DE LA MÉTHODE DE PRENDRE LE MILIEU

ENTRE

LES RÉSULTATS DE PLUSIEURS OBSERVATIONS,

DANS LEQUEL ON EXAMINE LES AVANTAGES DE CETTE MÉTHODE PAR LE CALCUL DES PROBABILITÉS, ET OÙ L’ON RÉSOUT DIFFÉRENTS PROBLÈMES RELATIFS À CETTE MATIÈRE.


(Miscellanea Taurinensia, t. V, 1770-1773.)

Quand on a plusieurs observations d’un même phénomène dont les résultats ne sont pas tout à fait d’accord, on est sûr que ces observations sont toutes, ou au moins en partie, peu exactes, de quelque source que l’erreur puisse provenir ; alors on a coutume de prendre le milieu entre tous les résultats, parce que de cette manière, les différentes erreurs se répartissant également dans toutes les observations, l’erreur qui peut se trouver dans le résultat moyen devient aussi moyenne entre toutes les erreurs. Or, quoique tout le monde reconnaisse l’utilité de cette pratique pour diminuer, autant qu’il est possible, l’incertitude qui naît de l’imperfection des instruments et des erreurs inévitables des observations, j’ai cru cependant qu’il serait bon d’examiner et d’apprécier par le calcul les avantages qu’on peut espérer de retirer d’une semblable méthode ; c’est l’objet que je me suis proposé dans ce Mémoire. Je commencerai par supposer que les erreurs qui peuvent se glisser dans chaque observation soient données, et qu’on connaisse aussi le nombre des cas qui peuvent donner ces erreurs, c’est-à-dire la facilité de chaque erreur ; je supposerai ensuite que l’on connaisse seulement les limites entre lesquelles toutes les erreurs possibles doivent être renfermées avec la loi de leur facilité, et je chercherai dans l’une et dans l’autre de ces hypothèses quelle est la probabilité que l’erreur du résultat moyen soit nulle, ou égale à une quantité donnée, ou seulement comprise entre des limites données. Je ferai voir en même temps comjnent on peut déterminer, a posteriori, la loi même de la facilité des erreurs, et quelle est la probabilité que dans cette détermination on ne se trompera pas d’une quantité donnée : d’où je déduirai des règles assez simples pour la correction des instruments par des vérifications réitérées.

Au reste, je suivrai dans toutes ces recherches la règle ordinaire du calcul des probabilités, suivant laquelle on estime la probabilité d’un événement par le nombre des cas favorables, divisé par le nombre de tous les cas possibles. La difficulté ne consiste que dans l’énumération de ces cas ; mais cette énumération demande souvent des calculs assez compliqués, et dont on ne peut venir à bout que par des artifices particuliers : c’est ce qui a lieu surtout dans la matière que je vais traiter.

Problème I.

1. On suppose que dans chaque observation on peut se tromper d’une unité, tant en plus qu’en moins, mais que le nombre des cas qui peuvent donner un résultat exact est au nombre des cas qui peuvent donner une erreur d’une unité comme on demande quelle est la probabilité d’avoir un résultat exact en prenant le milieu entre les résultats particuliers d’un nombre d’observations.

Puisqu’il y a a cas qui donnent zéro d’erreur, et cas qui donnent et c’est-à-dire cas qui donnent et cas qui donnent d’erreur, il est clair par les règles ordinaires des probabilités que la probabilité que l’erreur soit nulle dans chaque observation particulière sera exprimée par voyons donc quelle sera ∣a probabilité que l’erreur soit aussi nulle en prenant le milieu entre observations. Il est facile de, voir que cette question se réduit à celle-ci :

Ayant dés dont chacun, ait faces marquées d’un zéro, faces marquées d’une unité positive, et faces marquées d’une unité négative, en sorte que le nombre total des faces soit trouver la probabilité qu’il y a d’amener zéro en jetant tous ces dés au hasard.

Or on sait, par la théorie des combinaisons, que si on élève le trinôme à la puissance le coefficient du terme absolu, c’est-à-dire de celui où la puissance de sera zéro, dénotera le nombre des cas ou des hasards où la somme des points marqués par tous les dés sera égale à zéro : donc, nommant ce coefficient on aura, à cause que le nombre de toutes les combinaisons possibles est on aura, dis-je pour la probabilité cherchée.

Tout se réduit donc à trouver le coefficient de or, c’est à quoi l’on peut parvenir de plusieurs manières différentes.

1o Si on développe la puissance suivant le théorème de Newton, on aura, comme on sait,

or, il est facile de voir que les puissances impaires de ne renferment aucun terme sans et que, dans les puissances paires, il y a toujours un terme sans qui est celui du milieu, dans lequel les exposants de et sont les mêmes. Ainsi, le terme sans de sera celui de sera celui de sera et ainsi des autres ; donc on aura en général

c’est-à-dire

2o Il est visible que le trinôme peut se décomposer en ces deux binômes ce qui donne, par la comparaison des termes, et d’où l’on tire et delà

Cela posé, on aura donc

d’où il est facile de conclure que l’on aura

2. Corollaire I. — Soit c’est-à-dire qu’il y ait un nombre égal de cas qui donnent ou ou d’erreur ; la probabilité d’avoir un résultat exact dans chaque observation particulière sera et celle d’avoir un résultat exact, en prenant le terme moyen entre les résultats de observations, sera, suivant la première formule en divisant le haut et le bas de la fraction par

Donc, en faisant successivement égal à on aura

On voit par cette table que la probabilité que l’erreur soit nulle diminue à mesure que l’on prend un plus grand nombre d’observations, de sorte que si l’on voulait estimer l’avantage qu’il peut y avoir à prendre le milieu entre plusieurs observations, par l’excès de la probabilité que l’erreur soit nulle dans le résultat moyen, sur celle que l’erreur soit aussi nulle dans chaque résultat particulier, on trouveraitr dans le cas dont il s’agit ici, que l’avantage serait toujours négatif, c’est-à-dire qu’il se changerait en désavantage, lequel irait même en augmentant plus il y aurait d’observations ; d’où il semble que l’on pourrait conclure que, dans ce cas, il vaudrait mieux s’en tenir à une observation unique, que de prendre le milieu entre plusieurs observations ; mais il y a une considération essentielle à faire sur cette matière, de laquelle il résulte qu’il est toujours plus avantageux dans la pratique de multiplier des observations autant que l’on peut : c’est ce que nous discuterons plus bas.

3. Corollaire II. — Soit maintenant en sorte que le nombre des cas qui donnent un résultat exact soit égal au nombre de ceux qui peuvent donner une erreur de ou Dans ce cas, il vaudra mieux se servir de la seconde formule, car on aura de sorte qu’à cause de on aura, en divisant le haut et le bas de la fraction par

pour la probabilité que l’erreur soit nulle en prenant le milieu entre observations.

Donc, faisant successivement égal à on aura les résultats suivants

où l’on voit que la probabilité diminue à mesure que augmente, comme dans le cas du Corollaire précédent.

4. Corollaire III. — Soit de manière que le nombre des cas qui peuvent donner une erreur d’une unité tant en plus qu’en moins soit double de celui où l’on aurait un résultat exact, on aura ici, pour la probabilité que l’erreur soit nulle en prenant le milieu entre observations,

Donc, faisant successivement égal à on aura

Ainsi, pour deux observations, l’avantage sera de pour trois il sera de pour quatre égal à etc. ; d’où il paraît que le plus grand avantage a lieu en prenant le milieu entre deux observations seulement.

5. Remarque I. — Pour faciliter davantage la solution du Problème précédent, il est bon de chercher la loi que suivent les termes de la série qui représentent les probabilités qui répondent à observations ; or, si l’on prend la fraction et qu’on la développe en série suivant les puissances de on aura, comme on sait,

de sorte que dans cette série le coefficient de sera la puissance ième de donc, si l’on nomme les valeurs de qui répondent à c’est-à-dire les termes sans des puissances il est clair que la série sera égale à la somme des termes sans de la fraction développée suivant les puissances de et de de sorte que si l’on représente par

la série qui résulte du développement de cette fraction suivant les puissances de et de (car il est facile de voir que la série dont il s’agit doit avoir nécessairement cette forme), on aura

ainsi, connaissant la fonction il n’y aura plus qu’à la réduire en série suivant les puissances de pour avoir les quantités Pour cela, je réduis d’abord le trinôme

ce qui me donne

ensuite, je réduis la fraction

et je trouve

maintenant,

et, de même,

donc on aura

donc

mais puisque et on aura

donc

donc enfin


de sorte que l’on aura, pour les fonctions connues,

Dénotons par les probabilités que l’erreur soit nulle en prenant le milieu entre observations, et l’on aura

d’où

donc, substituant ces valeurs dans les formules précédentes et faisant, pour plus de simplicité, on aura

6. Remarque II. — Si l’on fait on aura le cas du Corollaire II, où et l’on trouvera

et, en général,

De là on voit que la probabilité diminue toujours à mesure que augmente, ce que nous avons déjà observé dans le Corollaire cité ; de sorte qu’en prenant la probabilité deviendra infiniment petite ou nulle ; en effet, par la quadrature de Wallis on a ( étant l’arc de degrés)

c’est-à-dire, en prenant

donc, multipliant par et tirant la racine carrée, on aura

donc, lorsque on aura

Il est bon de remarquer que, puisque nous avons trouvé dans le Corollaire cité pour la probabilité l’expression

on aura, en comparant cette expression avec la précédente, l’équation

laquelle est d’autant plus remarquable qu’elle ne paraît pas aisée à démontrer à priori.

7. Remarque III. — Par les formules de la Remarque I, on aura en général

où les exposants etc., de ne dénotent pas des puissances, mais seulement le quantième du rang. Or, si est un nombre assez grand, il est clair que les fractions seront à très-peu près égalés à et que les fractions

seront aussi à très-peu près égales à de sorte qu’on aura, dans cette hypothèse,

d’où l’on voit que les quantités etc., forment une suite récurrente dont le dénominateur de la fraction génératrice serait

ainsi, on aura en général

et, pour déterminer les coefficients et on supposera que les termes et soient connus, ce qui donnera

et

d’où

d’où

et cette formule sera d’autant plus exacte qu’on prendra le nombre plus grand.

Ainsi, après avoir calculé les termes et soit par les formules du no 1, soit par celles de la Remarque I, on pourra trouver à très-peu près tous les termes suivants par la formule précédente.

Au reste, il est facile de voir par cette formule que la probabilité sera nulle à l’infini, c’est-à-dire lorsque en effet, il est clair que quel que soit pourvu que ce soit un nombre positif, les quantités seront toujours plus petites que car supposons, s’il est possible, on aura donc

savoir

et

savoir

ce qui ne se peut ; donc, en faisant les quantités

deviendront nulles, et par conséquent aussi.

8. Scolie. — Soit le résultat que chaque observation devrait donner si elle était exacte : puisqu’on suppose que l’on puisse se tromper d’une unité tant en plus qu’en moins, on aura dans chaque observation un de ces trois résultats : donc, si l’on a deux observations et qu’on prenne le milieu entre leurs résultats, c’est-à-dire la demi-somme de ces résultats, on aura un de ces cinq résultats

savoir

ainsi, dans ce cas, l’erreur pourra être ou tant en plus qu’en moins ; on verra de même qu’en prenant le milieu entre trois observations, l’erreur pourra être ou ou tant en plus qu’en moins, et ainsi de suite. Ainsi, quoique la probabilité que l’erreur soit nulle puisse être plus petite lorsqu’on prend le résultat moyen de plusieurs observations que lorsqu’on prend le résultat de chaque observation en particulier, cependant, si on cherche la probabilité que l’erreur ne surpasse pas ou on trouvera que cette probabilité sera plus grande dans le premier cas que dans le second. En effet, dans le premier cas, il n’y a d’autres cas favorables que ceux où l’erreur est absolument nulle ; mais, dans le second, les cas favorables seront non-seulement ceux où l’erreur est nulle, mais aussi ceux où l’erreur est ou et c’est par cette considération qu’il est toujours plus avantageux de prendre le milieu entre les résultats de plusieurs observations que de s’en tenir au résultat de chaque observation en particulier. Nous allons examiner la question sous ce point de vue dans le Problème suivant.
Problème II.

9. Les mêmes choses étant supposées que dans le Problème précédent, trouver la probabilité qu’en prenant le milieu entre les résultats de observations, l’erreur ne surpassera pas la fraction étant

En prenant le milieu entre les résultats de observations, il est clair l’erreur peut être : ou ou ou jusqu’à savoir Ainsi, la probabilité que l’erreur ne soit pas plus grande que sera la somme des probabilités que l’erreur sera nulle, ou ou jusqu’à Voyons donc d’abord quelle est la probabilité que l’erreur sera

En ramenant cette question aux dés, comme nous l’avons pratiqué dans le Problème I, il est clair qu’elle se réduit à chercher la probabilité d’amener ou points, avec dés dont chacun ait faces marquées faces marquées et faces marquées Pour cela, il n’y a qu’à élever le trinôme à la puissance et le coefficient de dénotera le nombre des cas où la somme des points de tous les dés sera de même que celui de dénotera le nombre des cas où la somme des points sera ainsi, la somme de ces deux coefficients divisée par qui est le nombre de tous les cas, donnera la probabilité cherchée.

Or, on a

et, de plus,

Donc, si l’on suppose

on aura

Donc, si on appelle le terme de la série dont le quantième sera il est facile de voir qu’on aura

Or, ce terme est le coefficient des puissances et de sorte qu’on aura pour la probabilité que l’erreur soit Ainsi, la probabilité que l’erreur ne surpassera pas sera représentée par la série

Pour faciliter la recherche des valeurs de il est bon de faire voir comment ces quantités dépendent les unes des autres ; pour cela, on reprendra l’équation

et, prenant les différentielles logarithmiques, on aura, après avoir divisé par

donc, multipliant en croix, il viendra

de sorte qu’en comparant les termes, on aura

d’où, en faisant pour plus de simplicité on aura

Ainsi, en connaissant les deux premiers termes et on pourra trouver successivement tous les autres.

10. Corollaire. — Supposons, comme dans le no 2, en sorte que l’on ait et, faisant successivement égal à et

ce qui est permis, on trouvera les valeurs suivantes

................................................

De là on formera la table suivante des probabilités :


On voit, par cette table, qu’en prenant le milieu entre deux observations, la probabilité que l’erreur soit nulle sera et celle que l’erreur ne surpassera pas tant en plus qu’en moins sera or, dans chaque observation particulière, il y a de probabilité que l’erreur sera et comme, par hypothèse, l’erreur ne peut être que ou il est clair que la probabilité que l’erreur ne surpassera pas sera de même Ainsi, quoique la probabilité que l’erreur sera nulle soit la même, soit qu’on prenne le résultat moyen entre deux observations, ou qu’on prenne le résultat particulier d’une observation unique, cependant la probabilité que l’erreur ne surpassera pas sera plus grande dans le premier cas a dans le second, ces deux probabilités étant comme c’est-à-dire dans la raison de

De même, en prenant le milieu entre trois observations, on aura pour la probabilité que l’erreur sera nulle, pour la probabilité que l’erreur ne sera pas plus grande que et pour celle que l’erreur ne sera pas plus grande que mais dans chaque observation particulière la probabilité que l’erreur soit nulle est et celle que l’erreur ne surpasse pas ou est de même parce que par hypothèse l’erreur ne peut être que nulle ou donc la probabilité que l’erreur soit nulle sera à la vérité plus grande dans le résultat particulier d’une observation unique que dans le résultat moyen de trois observations, et cela dans la raison de mais en revanche la probabilité que l’erreur ne surpassera pas sera plus grande dans le second cas que dans le premier en raison de et celle que l’erreur ne surpassera pas le sera encore davantage, cette probabilité étant, dans le second cas, plus grande que dans le premier en raison de

Voilà donc en quoi consiste principalement l’avantage qu’il y a à prendre le milieu entre les résultats de plusieurs observations. Pour rendre la chose encore plus sensible » nous allons rechercher les probabilités que l’erreur ne surpassera pas la fraction en supposant successivement égal à 1,2,3,\ldots, c’est-à-dire pour une observation unique, pour deux, pour trois,\ldots, et nous aurons

ou bien, en réduisant au même dénominateur

On voit par là que la probabilité que l’erreur ne surpassera pas \frac{1}{2} va en augmentant, à mesure que l’on prend un plus grand nombre d’observations, mais avec cette différence que la probabilité est plus grande pour deux observations que pour trois, pour quatre que pour cinq, et en général pour un nombre pair quelconque que pour le nombre impair qui le suit immédiatement ; de sorte que, dans l’hypothèse dont il s’agit, il est plus avantageux de ne prendre le milieu qu’entre un nombre quelconque pair d’observations.

11. Remarque. — Nous avons vu dans le no 5 que si l’on développe la fraction en une série de cette forme,

étant des fonctions de on aura

et étant telles que

ce qui donne

et, de là,

de sorte qu’en faisant, pour plus de simplicité,

on aura

et en général

Or, si l’on développe cette quantité en une série de puissances rationnelles et entières de on verra aisément, par ce que nous avons dit plus haut, que le coefficient d’une puissance quelconque, comme dénotera le nombre des cas où la somme des erreurs de observations pourra être ou de sorte que le double de ce coefficient exprimera le nombre de tous les cas où l’erreur moyenne sera De là il est facile jn de conclure que la quantité

étant regardée comme une fonction de et développée suivant les puissances de cette variable, donnera une série de telle nature que le coefficient d’une puissance quelconque exprimera justement le nombre de cas où l’erreur moyenne pourra être renfermée dans ces limites de sorte que, ce coefficient étant divisé par le nombre total de cas on aura la valeur de la probabilité que l’erreur moyenne

ne surpassera pas la fraction soit en plus ou en moins. Or, la quantité dont il s’agit n’étant autre chose qu’une série géométrique, elle peut se mettre sous cette forme plus simple

Ainsi, toute la difficulté consistera à réduire cette même quantité en série infinie qui procède suivant les puissances de Pour en venir plus facilement à bout, on la supposera égale à une indéterminée et l’on aura une équation entre et qu’on pourra par des différentiations délivrer, tant de la puissance que de l’irrationnalité de par ce moyen, on aura une équation différentielle du second degré entre et et il n’y aura plus qu’à supposer et déterminer les coefficients par la comparaison des termes.

Au reste, comme ce calcul est un peu long, nous nous contenterons de l’indiquer ici, pour mettre sur la voie ceux qui voudront pousser cette théorie plus loin.

12. Scolie. — Nous avons supposé dans les deux Problèmes précédents qu’il y avait un nombre égal de cas pour avoir une erreur positive et pour en avoir une négative ; si cela n’était pas ainsi, et que le nombre des cas qui donneraient et d’erreur fussent et alors on pourrait résoudre les Problèmes avec la même facilité en considérant le trinôme à la place de pour avoir le nombre des cas où l’on aurait une erreur moyenne donnée, et en prenant ensuite pour avoir le nombre total des cas à la place de On pourrait même, sans faire un nouveau calcul, adapter à ce cas-ci les formules que nous avons déjà trouvées ; car si dans le trinôme on met à la place de il deviendra ainsi, il n’y aura qu’à mettre dans le trinôme des Problèmes précédents à la place de et ensuite à la place de Du reste, nous allons traiter ce cas d’une manière beaucoup plus générale dans le Problème suivant.

Problème III

13. Supposant que chaque observation soit sujette à une erreur d’une unité en moins et à une erreur de unités en plus, et que le nombre des cas qui peuvent donner d’erreur soit respectivement on demande quelle est la probabilité que l’erreur moyenne de plusieurs observations sera renfermée dans des limites données.

Soit le nombre des observations dont on veut prendre le milieu : on formera la puissance ième du trinôme et le coefficient d’une puissance quelconque dénotera le nombre des cas où la somme des erreurs sera et par conséquent où l’erreur moyenne sera Considérons donc la quantité

laquelle se réduit à

et l’on aura, comme on sait,

d’où il est facile de voir que le coefficient d’une puissance quelconque sera

cette série étant continuée jusqu’à ce que l’on parvienne à des termes négatifs ; donc ce coefficient sera celui de la puissance dans la quantité donc, si l’on désigne en général par le coefficient de la puissance de cette dernière quantité, on aura

où il faudra toujours omettre les termes qui contiendraient des puissances négatives de ou

Donc, puisque pour observations la somme de tous les cas est on aura pour la probabilité que l’erreur moyenne soit la quantité et de là la probabilité que l’erreur moyenne sera renfermée entre ces limites sera exprimée par la série

Problème IV.

14. Supposant tout, comme dans le Problème précédent, on demande quelle est l’erreur moyenne pour laquelle la probabilité est la plus grande.

Nous avons vu que la probabilité que l’erreur moyenne soit est étant le coefficient de la puissance du trinôme ainsi il ne s’agit que de savoir quel est le terme de la puissance ième de qui aura le plus grand coefficient ; pour cela il est clair qu’il n’y a qu’à chercher le plus grand terme du trinôme élevé à la puissance car supposant que ce terme soit étant les exposants de dont la somme doit être égale à et le coefficient de ce terme, il n’y aura qu’à mettre à la place de et à la place de et l’on aura

pour le terme cherché de la puissance ième du trinôme ainsi on fera et l’on aura

pour l’erreur moyenne dont la probabilité sera la plus grande.

Or, par les règles des combinaisons, on sait que le coefficient du terme doit être

dénotons ce terme par en sorte que l’on ait

et il faudra qu’en faisant varier les exposants la valeur de diminue ; faisons donc varier d’une unité, en sorte que devienne et comme il faudra que ou diminue en même temps d’une unité ; or, il est facile de voir que si dans la valeur de on met pour et pour cette valeur deviendra

donc

et, par conséquent,

réciproquement, si l’on augmente d’une unité, et qu’on diminue aussi d’une unité, on trouvera la condition

ainsi il faudra que l’on ait en même temps

Or, c’est ce qui aura lieu si

On trouvera de la même manière de sorte qu’en prenant un coefficient indéterminé on aura, dans le cas du maximum,

mais donc donc enfin

Si les quantités sont des nombres entiers, on aura exactement

comme nous venons de le trouver ; mais si ces quantités ne sont pas des nombres entiers, alors il faudra prendre pour les nombres entiers qui en seront les plus proches. On peut prendre cependant, pour plus de simplicité, ces mêmes quantités pour les valeurs de car l’erreur, s’il y en a, ne pourra jamais être que très-petite ; de cette manière nous aurons pour l’erreur moyenne qui a la plus grande probabilité, l’expression

15. Corollaire. — De là il s’ensuit qu’on peut toujours regarder la quantité comme l’erreur du résultat moyen, et qu’ainsi on peut prendre la même quantité pour la correction de ce résultat.

Lorsque et comme dans l’hypothèse du Problème I, la correction du résultat moyen devient nulle ; elle le serait aussi, si l’on avait mais dans tous les autres cas elle sera d’autant plus grande que différera davantage de

Problème V.

16. On suppose que chaque observation soit sujette à des erreurs quelconques données, et qu’on connaisse en même temps le nombre des cas où chaque erreur peut avoir lieu ; on demande la correction qu’il faudra faire au résultat moyen de plusieurs observations.

Soient les erreurs auxquelles chaque observation est sujette, et les cas qui peuvent donner ces erreurs, savoir le nombre des cas qui donneraient l’erreur le nombre des cas qui donneraient l’erreur et ainsi des autres ; il est clair, par ce que nous avons démontré dans les Problèmes précédents, que si l’on élève le polynôme

à la puissance et qu’on dénote par le coefficient de la puissance on aura

pour la probabilité que l’erreur du résultat moyen de observations soit Or on sait, par la théorie des combinaisons, que le coefficient sera de cette forme

où les exposants doivent être tels que

De plus, il est facile de démontrer, par une méthode semblable à celle du Problème précédent, que le coefficient sera le plus grand, lorsqu’on aura

d’où il s’ensuit que l’erreur moyenne, pour laquelle la probabilité sera la plus grande, sera exprimée par

Ainsi cette quantité représentera la correction qu’il faudra faire au résultat moyen de plusieurs observations.

17. Corollaire I. — Si l’on regarde les quantités comme des poids appliqués à une droite indéfinie, à des distances égales à d’un point fixe pris dans cette droite, et qu’on cherche le centre de gravité de ces poids, la distance de ce centre au point fixe sera la correction qu’il faudra faire au résultat moyen de plusieurs observations ; cela suit évidemment de la formule que nous avons trouvée plus haut pour la valeur de cette correction.

18. Corollaire II. — Donc, si l’on suppose que chaque observation soit sujette à toutes les erreurs possibles qui peuvent être comprises entre des limites données, et qu’on connaisse la courbe de la facilité des erreurs dans laquelle, les abscisses étant supposées représenter les erreurs, les ordonnées représentent les facilités de ces erreurs, il n’y aura qu’à chercher le centre de gravité de l’aire totale de cette courbe, et l’abscisse répondant à ce centre exprimera la correction du résultat moyen. De là on voit que si la courbe dont il s’agit est égale, est semblable de côté et d’autre de l’ordonnée qui passe par l’origine des abscisses, en sorte que cette ordonnée soit un diamètre de la courbe dont il s’agit, alors la correction sera nulle, le centre de gravité tombant nécessairement dans le diamètre. Ce cas a lieu toutes les fois que les erreurs peuvent être également positives et négatives.

Problème VI.

19. Je suppose qu’on ait vérifié un instrument quelconque, et qu’ayant réitéré plusieurs fois la même vérification on ait trouvé différentes erreurs, dont chacune se trouve répétée un certain nombre de fois ; on demande quelle est l’erreur qu’il faudra prendre pour la correction de l’instrument.

Soient les erreurs trouvées, et soient les nombres qui marquent combien de fois chaque erreur s’est trouvée répétée en faisant vérifications ; supposons que le nombre des cas qui peuvent donner l’erreur ou ou soit désigné respectivement par qu’on élève le polyônme

à la puissance et soit

un terme quelconque de ce polynôme : le coefficient de la puissance de divisé par dénotera la probabilité que les erreurs se trouvent combinées ensemble, de manière que soit répété fois, fois, fois, et ainsi des autres. Ainsi cette probabilité sera la plus grande dans la combinaison où la valeur de sera la plus grande ; mais on a


comme nous l’avons déjà vu dans le Problème précédent ; donc, par le

même Problème, la plus grande valeur de

aura lieu lorsque

équations par lesquelles on pourra déterminer les inconnues et l’on aura, en faisant

Or nous avons démontré, dans le Problème cité, que la correction qu’il faut faire au résultat moyen d’un nombre quelconque d’observations est exprimée par

donc, mettant dans cette expression les valeurs de que nous venons de trouver, la correction dont il s’agit deviendra

c’est-à-dire égale à l’erreur moyenne entre toutes les erreurs particulières que les vérifications ont données.

20. Corollaire. — Si l’on voulait tenir compte aussi, au moins d’une manière approchée, des erreurs intermédiaires auxquelles \Gammainstrument pourrait être sujet, il n’y aurait qu’à prendre dans une ligne droite indéfinie des abscisses proportionnelles aux erreurs trouvées comme au no 17 ; et y ayant appliqué des ordonnées proportionnelles aux quantités on ferait passer par les extrémités une ligne parabolique ; on chercherait ensuite le centre de gravité de faire de toute la courbe, et la perpendiculaire abaissée de ce centre sur l’axe y couperait une abscisse qui serait la correction de l’instrument.

On voit par là comment on peut connaître à posteriori la loi de la facilité de chacune des erreurs auxquelles un instrument peut être sujet.

21. Remarque I. — On a trouvé ci-dessus que la plus grande probabilité a lieu lorsque

de sorte que les valeurs de sont les plus probables qu’on puisse supposer. Si on voulait savoir de plus quelle est la probabilité que ces mêmes valeurs ne s’écarteront pas de la vérité d’une quantité quelconque il n’y aurait qu’à mettre, dans l’expression générale de la probabilité (Problème précédent)

au lieu de les quantités et, faisant successivement égaux à en sorte cependant que l’on ait toujours à cause que (par hypothèse) et on aura autant de probabilités particulières, dont la somme sera la probabilité cherchée.

Soit la probabilité que l’on ait

mettant ces valeurs dans l’expression précédente, on aura

Soit de plus la probabilité que l’on ait

on aura la valeur de en mettant ces valeurs dans la même expression, et il est facile de voir qu’on aura

Donc, si l’on fait en général

et que dénote la somme de toutes les valeurs particulières de en faisant varier depuis jusqu’à et ayant soin que l’on ait toujours la probabilité cherchée sera égale à

Comme il n’est pas facile de trouver l’intégrale surtout lorsqu’il y a plus de deux variables, on pourra se contenter de l’avoir d’une manière approchée ; pour cela, il n’y aura qu’à prendre une valeur moyenne de et la multiplier par le nombre de toutes les valeurs particulières de qui doivent entrer dans l’intégrale et la difficulté ne consistera qu’à trouver ce nombre. Or, si l’on désigne par le nombre des quantités il est facile de concevoir que le nombre dont il s’agit ne sera autre chose que le coefficient de c’est-à-dire le terme tout connu de la série qui représente la puissance du polynôme

Qu’on dénote ce terme par et l’on aura, comme nous le démontrerons plus bas,

en continuant cette série seulement jusqu’à ce que quelqu’un des facteurs devienne négatif.

Donc, si est la valeur moyenne de on aura pour la valeur approchée de la quantité et la probabilité cherchée sera à peu près égale à

Si, au lieu de prendre pour la valeur moyenne de on prend la plus petite, il est clair que sera nécessairement moindre que la véritable valeur de et par conséquent la probabilité cherchée sera nécessairement plus grande que ainsi, on pourra parier avec avantage contre qu’en faisant

on ne se trompera pas d’une quantité plus grande que tant en plus qu’en moins.


22. Remarque II. — Supposons que soit un nombre très-grand, et que par conséquent les nombres dont la somme est soient aussi très-grands ; pour trouver dans ce cas les valeurs de et de on remarquera :

1o Que lorsque est un très-grand nombre, on a, à très-peu près,

étant le rapport de la périphérie du cercle au rayon ; d’où il suit que l’on aura

et par conséquent

donc, à cause de on aura

2o Si on prend le logarithme de on aura

mais

donc, à cause de on aura à très-peu près

et de là

Soient maintenant

et

on aura

donc

Or, comme l’incrément ou la différence des quantités est la différence des variables sera et par conséquent infiniment petite ; de sorte que, si l’on appelle cette différence on aura

Donc

Donc, si l’on intègre la différentielle

fois, en mettant d’abord à la place de sa valeur et faisant varier ensuite successivement les variables de la même différentielle et qu’on complète l’intégrale en sorte que les valeurs de s’étendent depuis jusqu’à (en faisant ), on aura, en nommant cette intégrale la quantité

pour la probabilité que les valeurs de seront exactes à près.

Soit, par exemple, en sorte que l’on n’ait trouvé que deux erreurs différentes, dont l’une ait été répétée fois et l’autre fois, dans un nombre très-grand de vérifications de l’instrument ; en ce cas il n’y aura qu’une seule intégration à faire, et la différentielle à intégrer sera, en mettant à la place de et faisant

laquelle n’est intégrable par aucune des méthodes connues, à moins qu’on ne réduise en série la quantité exponentielle De cette manière on aura la différentielle

en faisant, pour abréger, de sorte que l’intégrale sera

Donc

donc

exprimera la probabilité que les valeurs de et soient renfermées entre ces limites

c’est-à-dire que les facilités des erreurs qui se sont trouvées répétées et fois, lesquelles sont proportionnelles à et ne s’écartent pas des quantités et données par les observations, d’une quantité plus grande que

Si l’on fait, pour plus de simplicité, on aura à cause de et la probabilité dont il s’agit sera exprimée de cette manière

Donc, si l’on suppose on aura la série

dont la somme est à très-peu près de sorte que la probabilité cherchée sera à peu près

Ainsi, on pourra dans ce cas parier avec avantage que, en supposant les facilités des erreurs respectivement égales à et on ne se trompera pas de la quantité qui, à cause de très-grand, est nécessairement infiniment petite.

Il serait beaucoup plus difficile de trouver la valeur de si les variables étaient plus de deux, surtout à cause que l’intégration doit être telle, qu’elle n’embrasse que les valeurs de ces mêmes variables qui sont comprises entre les limites et mais on pourra, dans ces cas, se servir de l’approximation que nous avons donnée dans le numéro précédent.

Pour cela, on remarquera que puisque nous avons fait et que est supposé fort grand, le nombre devra être fort grand aussi ; de sorte qu’on aura, à très-peu près,

en continuant cette série jusqu’à ce que quelqu’un des nombres devienne négatif : donc on aura

et il n’y aura plus qu’à multiplier cette quantité par c’est-à-dire par la valeur moyenne, ou si l’on veut par la plus petite valeur de . Or, comme on a

il est clair que la plus petite valeur de sera celle où la quantité sera la plus grande ; et il est facile de voir que cela arrivera en prenant à cause de et supposant que et soient les plus petites de toutes les quantités ainsi, on aura

Donc faisant, pour abréger,

on aura la quantité

laquelle sera nécessairement moindre que la probabilité cherchée ; de sorte qu’en nommant cette quantité, on pourra toujours parier avec avantage contre qu’en supposant les facilités des erreurs égales respectivement on ne se trompera pas de la quantité très-petite

Lemme I.

23. Soit une fonction, rationnelle et sans diviseur, de on demande le coefficient de la puissance dans la série résultante du développement de la fraction

On a, comme on sait,

donc, si l’on ordonne la quantité par rapport aux puissances de en commençant par la plus haute, de manière que l’on ait en général

et qu’on multiplie cette série par celle qui exprime la valeur de il est facile de voir que le terme qui contiendra la puissance sera

de sorte que le coefficient cherché sera représenté par la série

Dénotons par la somme de tous les termes de la valeur de où les puissances de ne sont pas plus hautes que en sorte que l’on ait

divisant par on aura

donc, différentiant fois et faisant ensuite on aura

le signe supérieur étant pour le cas où est impair, et l’inférieur pour celui où est pair.

Donc, le coefficient cherché de la puissance sera égal à ce que devient la quantité

lorsqu’on y fait

24. Remarque. — Si l’on divise la quantité par et qu’on en rejette ensuite tous les termes où il y aura des puissances positives de il est visible qu’on aura la valeur de donc, à la place de la quantité on peut prendre la quantité même en ayant soin de rejeter les termes dont nous venons de parler ; de cette manière on aura, pour l’expression du coefficient cherché de , la quantité

en rejetant dans cette quantité, avant ou après les différentiations, toutes les puissances positives de et faisant ensuite

25. Corollaire.. — Supposons qu’on demande le coefficient de dans la série

élevée à la puissance

Suivant les règles ordinaires de la sommation des progressions géométriques, on trouve que la somme de cette série est représentée par

de sorte que la puissance ième de la même série sera égale à

Comparant donc cette formule avec celle du Lemme précédent, on aura

donc, divisant par et faisant, pour abréger

on aura

et par conséquent, en différentiant fois,

On rejettera donc de cette série les termes où les exposants de se trouveront positifs, c’est-à-dire que si est le nombre entier qui est égal ou immédiatement plus grand que on continuera la série seulement jusqu’au terme ième ; ou bien il suffira de la continuer jusqu’à ce que quelqu’un des premiers facteurs devienne négatif ; ensuite on fera et on divisera le tout par on aura ainsi la valeur du coefficient cherché, laquelle sera par conséquent

De là on tire la solution du Problème suivant.

Problème VII.

26. On a plusieurs observations dans chacune desquelles on suppose quon ait pu se tromper également d’une quelconque de ces quantités on demande quelle est la probabilité que l’erreur du résultat moyen de observations sera ou quelle sera renfermée entre ces limites et

Pour trouver la probabilité que le résultat moyen soit il faut chercher le coefficient de la puissance du polynôme

élevé à la puissance et diviser ensuite ce coefficient par la valeur du même polynôme élevé à la puissance qui répond à c’est-à-dire par c’est ce qui suitévidemment de ce que nous avons démontré dans les Problèmes précédents.

Donc, par le Corollaire précédent, on trouvera que la probabilité cherchée sera, en faisant

en continuant cette série jusqu’à ce que quelqu’un des facteurs devienne négatif.

Telle est l’expression générale de la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit ainsi, pour avoir la probabilité que l’erreur soit contenue entre les limites et il n’y aura qu’à faire varier dans la quantité précédente, et prendre la somme de toutes les quantités particulières qui répondront à

Or, puisque la quantité n’entre que dans la valeur de il n’y aura donc que cette quantité de variable ; de sorte que la difficulté se réduira à sommer des suites dont le terme général sera de cette forme

Pour cela, soit la somme de cette série représentée par

étant une fonction inconnue de et mettant à la place de et à la place de on aura

cette quantité étant retranchée de la précédente, on aura la différence

mais il faut que cette différence soit égale au terme général de la série dont on cherche la somme, donc on aura l’équation

à laquelle on satisfera en faisant

de sorte que la somme générale de la série dont le terme général est sera représentée par

et par conséquent la somme de tous les termes compris entre ces deux-ci

sera égale à

Appliquant donc ceci à la formule trouvée plus haut, on aura, pour la probabilité que l’erreur moyenne tombe entre et l’expression suivante, dans laquelle j’ai fait, pour abréger, et

Cette série doit être continuée jusqu’à ce que quelqu’un des facteurs devienne négatif ; et quant aux autres facteurs si quelqu’un d’entre eux se trouve négatif, alors il faudra augmenter le nombre ⅞ d’autant d’unités qu’il faudra pour le rendre positif ; cela suit évidemment de ce que la série, dont la précédente est la somme, ne doit être continuée que jusqu’à ce que quelqu’un des premiers facteurs devienne négatif, comme nous l’avons vu dans le numéro précédent.

27. Corollaire. — Supposons que les nombres et deviennent infinis, aussi bien que et mais de façon qu’ils aient entre eux des rapports finis ; et soient

en sorte que l’on ait

étant des nombres finis ; dans ce cas on aura

de sorte qu’en substituant ces valeurs dans la formule précédente, et négligeant ce qu’on doit négliger à cause de on aura celle-ci, où

chacune de ces deux séries devant être-continuée seulement jusqu’à ce que quelqu’une des quantités et devienne négative.

Le cas de ce Corollaire a lieu lorsqu’on suppose que chaque observation est également sujette à toutes les erreurs possibles comprises entre des limites données ; car si on prend la plus grande erreur négative pour l’unité, et qu’on désigne la plus grande erreur positive par la formule précédente dénotera la probabilité que l’erreur du résultat moyen de observations soit renfermée entre ces deux limites et

Au reste, nous donnerons plus bas une méthode beaucoup plus simple pour résoudre ces sortes de questions.

Problème VIII.

28. Supposant que les erreurs qu’on peut commettre dans chaque observation soient et que le nombre des cas qui répondent à chacune de ces erreurs soit respectivement proportionnel à on demande quelle est la probabilité que l’erreur du résultat moyen de observations soit comprise entre les limites et

Commençons par chercher la probabilité que l’erreur moyenne soit cette probabilité sera égale au coefficient de la puissance du polynôme

élevé à la puissance ce coefficient étant ensuite divisé par la valeur du même polynôme élevé à la puissance qui répond à

Or on a

donc le polynôme dont il s’agit sera égal à

et par conséquent la puissance de ce polynôme sera représentée par

Cette formule étant comparée à celle du no 25, on aura

d’où l’on tire

donc (Problème précédent) la probabilité cherchée sera

en supposant et et continuant la série jusqu’à ce que quelqu’un des facteurs devienne négatif.

De là on trouvera, comme dans le Problème précédent, que la probabilité que l’erreur movenne se trouve entre les limites et sera exprimée par

étant et À l’égard de la continuation de ces deux séries, il faudra suivre les règles prescrites plus haut (24).

29. Corollaire. — Supposons maintenant que les nombres et deviennent infinis, mais en sorte que l’on ait et étant des nombres finis, et la formule précédente deviendra (25)

ces deux séries étant continuées jusqu’à ce que quelqu’une des quantités qui sont élevées à la puissance devienne négative.

Cette formule exprimera donc la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit comprise entre les limites et dans l’hypothèse que chaque observation soit sujette à toutes les erreurs possibles contenues entre ces deux limites et et que la facilité de chaque erreur soit proportionnelle à la différence qu’il y a entre cette erreur et la plus grande erreur possible dans le même sens ; cette hypothèse est plus conforme à la nature que celle du no 27 ; la courbe des erreurs (20) serait ici un triangle isocèle quelconque.

30. Scolie. — En général, on pourra trouver, à l’aide du Lemme précédent, la probabilité que l’erreur moyenne soit égale à une quantité donnée dans l’hypothèse que les erreurs, auxquelles chaque observation est sujette, forment une progression arithmétique, et que les facilités de ces erreurs forment une progression algébrique quelconque, dont les différences d’un ordre quelconque deviennent nulles ; car soit

le polynôme dont les exposants de représentent les erreurs, et les coefficients, les facilités de ces erreurs ; qu’on dénote par les différences premières, secondes, …, de la série

en sorte que

et qu’on dénote de même par les différences de la série

supposée continuée au delà de on aura, comme on sait, pour la valeur du polynôme proposé, la série

Or, si la série

est telle que ses différences d’un ordre quelconque par exemple, deviennent nulles, on aura

et toutes les différences ultérieures seront aussi zéro ; de sorte que l’expression précédente deviendra finie quand même le polynôme proposé contiendrait un nombre infini de termes ; de plus cette expression pourra se réduire à cette forme étant une fonction rationnelle et entière de de sorte qu’en élevant cette quantité à une puissance quelconque, on aura toujours une expression qui sera dans le cas de celle du Lemme.

Lemme II.

31. On demande le coefficient de la puissance dans la série qui résultera du développement de la fraction

étant, comme dans le Lemme I, une fonction, rationnelle et sans diviseur, de

On sait que la fraction peut se décomposer en différentes fractions telles que celles-ci

les coefficients étant égaux à ce que deviennent les quantités

lorsque et les coefficients étant égaux à ce que deviennent les quantités

lorsque Donc la fraction proposée se changera dans ces deux suites de fractions

Mais, par le Lemme I, le coefficient de la puissance dans la série résultante d’une fraction telle peut s’exprimer par

en y faisant, après les différentiations,

Donc, en général, la fraction donnera pour le coefficient de la quantité

où il faut faire Donc, puisque

il est facile de voir que les fractions

prises toutes ensemble, donneront pour le coefficient de la quantité

étant fait égal à

De même les fractions

donneront pour le coefficient de la quantité

étant fait égal à

Donc, en réunissant ces deux quantités, on aura pour le coefficient de dans la série résultante de la fraction l’expression

en ayant soin de rejeter dans la valeur de toutes les puissances positives de

32. Corollaire. — Il est facile de conclure de là que si l’on développait en série la fraction

on aurait pour le coefficient de l’expression suivante

en ne prenant dans la valeur de que les puissances négatives de et rejetant toutes les positives.

33. Remarque. — Par le moyen du Lemme précédent, on pourra donc déterminer aisément la probabilité que l’erreur moyenne, résultant de tant d’observations qu’on voudra, soit nulle ou égale à une quantité donnée, lorsque le polynôme (30)

forme une série récurrente quelconque ; car alors la somme de cette série pourra s’exprimer, comme on sait, par une fraction rationnelle telle que

étant une fonction, rationnelle et sans diviseur, de de sorte qu’en élevant cette quantité à une puissance quelconque, on aura toujours une expression qui pourra se rapporter à celles du Lemme ci-dessus.

Au reste, l’hypothèse la plus conforme à la nature est celle où l’on suppose que chaque observation soit sujette à toutes les erreurs comprises entre des limites données, en sorte que le nombre de toutes les erreurs possibles soit infini, comme dans les nos 27 et 29 ; or, pour trouver en ce cas la probabilité que l’erreur moyenne d’un nombre quelconque d’observations soit aussi renfermée entre des limites données, il n’est pas nécessaire de considérer d’abord un nombre fini d’erreurs et de supposer ensuite que ce nombre devienne infini, comme nous l’avons pratiqué dans les numéros cités ; mais on peut y parvenir directement par une méthode beaucoup plus simple et plus générale, laquelle est fondée sur le Lemme suivant.

Lemme III.

34. Si dénote une fonction quelconque de telle que soit une quantité constante, on aura

c’est ce qui est aisé à vérifier par la différentiation.

35. Corollaire I. — Si i’on fait étant un nombre entier et positif, on aura donc

Qu’on prenne l’intégrale en sorte qu’elle soit nulle lorsque et l’on aura

Or, si l’on suppose que soit une fraction moindre que l’unité, en sorte que soit un nombre plus grand que l’unité, et qu’on fasse il est facile de voir que sera une quantité infinie d’un ordre infiniment plus grand que et qu’aucune puissance finie de donc ou bien sera nulle, et, à plus forte raison aussi, toutes les autres quantités seront nulles, de sorte qu’on aura dans ces cas

D’où je conclus que la quantité est égale à l’intégrale de prise depuis jusqu’à et divisée par pourvu que soit un nombre positif moindre que l’unité.

Si était un nombre positif plus grand que l’unité, il n’y aurait qu’à mettre à la place de dans la formule précédente, et l’on en conclurait que la quantité serait égale à l’intégrale de prise de même depuis jusqu’à et divisée par on voit par là comment on peut réduire les puissances quelconques de en des séries infinies qui procèdent suivant les puissances de

36. Corollaire II. — Donc, si l’on a une fonction quelconque, rationnelle et sans diviseur, de telle que

et qu’on demande le coefficient de la puissance dans la fonction il n’y aura qu’à mettre, à la place de la somme des valeurs de depuis jusqu’à divisée par (Corollaire précédent), et rassemblant tous les termes où se trouvera élevé à la puissance donnée, on aura pour le coefficient de cette puissance la série

laquelle ne devra être continuée que jusqu’à ce que quelqu’un des termes devienne négatif ; et comme ce coefficient ne dépend point de la valeur de il est clair que la formule que nous venons de trouver aura toujours lieu, soit que soit plus grand ou moindre que l’unité.

Si, au lieu de la fonction on avait celle-ci

comme il faudrait substituer à la place de la somme des valeurs de depuis jusqu’à divisée par et l’on aurait pour le coefficient de la série

Enfin, si l’on avait la fonction

on décomposerait d’abord, par ⅛s méthodes connues, la fraction

en celles-ci

ensuite, multipliant chacune de ces fractions par on aurait autant de fonctions de dans lesquelles on pourrait trouver le coefficient de la puissance par la formule ci-dessus.

37. Remarque. — Par le moyen du Lemme précédent, on peut trouver l’intégrale

lorsque étant une fonction, rationnelle et sans diviseur, de telle que sa différentielle d’un ordre quelconque soit constante ; car pour cela il n’y aura qu’a mettre, dans la formule du Lemme, à la place de et à la place de moyennant quoi on aura

Et l’on trouvera de même l’intégrale de lorsque sera composée de différentes fonctions de même espèce que

D’où il s’ensuit que l’on pourra aussi trouver l’intégrale de lorsque sera de cette forme : ou ou composée de plusieurs fonctions d’une forme semblable ; car il n’y aura qu’à mettre à la place des sinus et cosinus les expressions exponentielles imaginaires qui leur sont équivalentes, et, le calcul achevé, on remettra à la place de ces expressions les sinus ou cosinus qui y répondent. Ce sont là les seuls cas où la formule soit, intégrable, au moins par les méthodes connues jusqu’ici ; dans tous les autres cas l’intégration ne peut s’exécuter que par approximation.

Problème X.

38. On suppose que chaque observation soit sujette à toutes les erreurs possibles comprises entre ces deux limites, et et que la facilité de chaque erreur cest-à-dire le nombre des cas où elle peut avoir lieu divisé par le nombre total des cas, soit représentée par une fonction quelconque de désignée par on demande la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit comprise entre les limites et

On commencera d’abord par chercher la probabilité que l’erreur moyenne soit et cette probabilité étant représentée par une fonction de il n’y aura qu’à en prendre l’intégrale depuis jusqu’à ce sera la probabilité cherchée.

Maintenant, pour avoir la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit il faudra considérer le polynôme qui est représenté par l’intégrale de en supposant cette intégrale prise de manière qu’elle s’étende depuis jusqu’à on élèvera ce polynôme à la puissance et l’on cherchera le coefficient de puissance de par les règles données dans les Corollaires du Lemme précédent ; ce coefficient, qui sera une fonction de exprimera la probabilité que l’erreur moyenne soit comme il est facile de le voir d’après ce qui a été démontré plus haut.

39. Exemple I. — Supposons d’abord que soit une quantité constante en sorte que toutes les erreurs soient également probables, et l’intégrale de sera de sorte qu’en prenant cette intégrale depuis jusqu’à on aura pour sa valeur complète qu’on élève donc cette quantité à la puissance et l’on aura une quantité de la forme où (faisant )

Donc, par le Corollaire II du Lemme (36), le coefficient de puissance sera

en ayant soin de ne continuer la série que jusqu’à ce qu’on parvienne à des termes qui soient négatifs. Faisant donc c’est-à-dire on aura la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit On intégrera maintenant la formule précédente en y faisant varier et l’on prendra l’intégrale en sorte qu’elle soit nulle lorsque et complète lorsque on aura de cette manière la quantité

laquelle exprimera la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit contenue entre les limites et au reste cette formule revient à la même que celle du no 27.

40. Exemple II. — On suppose que la quantité soit et que les deux limites des erreurs soient et il faudra intégrer la différentielle et prendre l’intégrale en sorte qu’elle s’étende depuis jusqu’à Or, puisque la seconde différentielle de est constante, on aura par le Lemme cette intégrale

laquelle étant complétée, comme on vient de le dire, donnera

on élèvera donc cette quantité à la puissance et l’on aura

on développera les puissances de et de et l’on cherchera ensuite par les règles du no 36 le coefficient de la puissance Pour faciliter ces opérations nous supposerons

et l’on trouvera, pour le coefficient de la puissance la série

On fera donc c’est-à-dire et l’on intégrera de manière que l’intégrale soit nulle lorsque et complète lorsque, c’est-à-dire nulle quand et complète quand

on aura la quantité

laquelle exprimera la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit comprise entre les limites et au reste il faudra toujours se souvenir que les séries précédentes ne doivent être continuées que jusqu’à ce que quelques-unes des quantités qui sont élevées aux puissances deviennent négatives.

41. Remarque. — L’hypothèse du dernier exemple paraît la plus simple et la plus naturelle qu’on puisse imaginer ; il est vrai que celle du Problème VIII paraît encore plus simple, puisqu’on y suppose que la facilité des erreurs et soit représentée par étant la plus grande valeur possible de c’est-à-dire la limite des erreurs, tant positives que négatives ; mais cette hypothèse a l’inconvénient que la loi de continuité n’y est pas observée en passant des erreurs positives aux négatives ; c’est pourquoi, si l’on voulait y appliquer la méthode du Problème précédent, il faudrait, en faisant prendre d’abord l’intégrale depuis jusqu’à laquelle serait

ensuite, en faisant négatif et conservant la même valeur de il fau-

drait prendre de même l’intégrale depuis jusqu’à laquelle serait (en ne faisant que mettre à la place de dans l’expression précédente)

et la somme de ces deux intégrales particulières serait l’intégrale complète de depuis jusqu’à dans l’hypothèse dont il s’agit ; on aura donc la quantité

qu’il faudra élever à la puissance et sur laquelle on pourra ensuite opérer, comme dans l’Exemple I ; on pourra même, sans faire un nouveau calcul, appliquer ici les formules de cet Exemple en y mettant à la place de à la place de et de et par conséquent à la place de de cette manière on aura sur-le-champ l’expression de la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit renfermée entre les limites et laquelle sera

ce qui s’accorde avec la formule du no 29.

Problème XI.

42. Supposant que chaque observation soit sujette à toutes les erreurs possibles comprises entre les limites et ( étant l’arc de degrés), et que la facilité de chaque erreur soit proportionnelle à on demande la probabilité que l’erreur moyenne de observations sera renfermée entre les limites et

On aura donc ici et il s’agira d’abord d’intégrer la différentielle dont l’intégrale en mettant à la place de se trouvera par le no 37,

c’est-à-dire, en repassant des exponentielles imaginaires aux sinus et cosinus,

cette intégrale doit maintenant être prise en sorte qu’elle s’étende depuis auquel cas et jusqu’à et ainsi l’on aura pour l’intégrale complète

Qu’on élève donc cette quantité à la puissance et faisant, pour abréger,

on aura la quantité

dans laquelle il s’agira maintenant de chercher le coefficient de la puissance

Pour cela il faudra (36) décomposer la fraction

en ces fractions simples

et l’on aura par les méthodes connues (31)

multipliant ensuite par chacune de ces fractions, on trouvera, par la méthode du no 36, que le coefficient de la puissance sera exprimé de cette manière :

Or on a et ainsi des autres ; donc, substituant ces valeurs, et faisant, pour abréger,

où les quantités seront nécessairement réelles, la formule précédente deviendra

où il faudra continuer les différentes séries jusqu’à ce que les quantités ou leurs exposants deviennent négatifs ; cette quantité exprimera donc la probabilité que l’erreur moyenne de observations soit par conséquent il n’y aura plus qu’à l’intégrer de manière que l’intégrale soit nulle lorsque et complète lorsque pour avoir l’expression cherchée de la probabilité que l’erreur moyenne soit renfermée entre les limites données et mais comme cette intégration est facile par les méthodes connues, nous n’entrerons pas dans un plus grand détail là-dessus ; et nous terminerons même ici nos recherches, par lesquelles on doit voir qu’il ne reste plus de difficulté dans la solution des questions qu’on peut proposer sur ce sujet.


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