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Marie Tudor (Victor Hugo)/Note de l’édition originale

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Marie Tudor
Oeuvres complètes, Texte établi par G. SimonLibrairie OllendorffIII (p. 97).

NOTE DE L’ÉDITION ORIGINALE.

L’auteur croit devoir prévenir MM. les directeurs des théâtres de province que Fabiani ne chante que deux couplets au premier acte, et un seulement au second. Pour tous les détails de mise en scène, ils feront bien de se rapprocher le plus possible du théâtre de la Porte-Saint-Martin, où la pièce a été montée avec un soin et un goût extrêmes.

Quant à la manière dont la pièce est jouée par les acteurs du théâtre de la Porte-Saint-Martin, l’auteur est heureux de joindre ici ses applaudissements à ceux du public tout entier. Voici la seconde fois dans la même année qu’il met à épreuve le zèle et l’intelligence de cette troupe excellente. Il la félicite et il la remercie.

M. Lockrov, qui avait été tout à la fois si spirituel, si redoutable et si fin dans le don Alphonse de Lucrèce Borgia, a prouvé dans Gilbert une rare et merveilleuse souplesse de talent. Il est, selon le besoin du rôle, amoureux et terrible, calme et violent, caressant et jaloux ; un ouvrier devant la reine, un artiste aux pieds de Jane. Son jeu, si délicat dans ses nuances et si bien proportionné dans ses effets, allie la tendresse mélancolique de Roméo à la gravité sombre d’Othello.

Mademoiselle Juliette, quoique atteinte à la première représentation d’une indisposition si grave qu’elle n’a pu continuer de jouer le rôle de Jane les jours suivants, a montré dans ce rôle un talent plein d’avenir, un talent souple, gracieux, vrai, tout à la fois pathétique et charmant, intelligent et naïf. L’auteur croit devoir lui exprimer ici sa reconnaissance, ainsi qu’à mademoiselle Ida, qui l’a remplacée, et qui a déployé dans Jane des qualités remarquables d’énergie et de vivacité.

Quant à mademoiselle Georges, il n’en faudrait dire qu’un mot : sublime. Le public a retrouvé dans Marie la grande comédienne et la grande tragédienne de Lucrèce. Depuis le sourire exquis par lequel elle ouvre le second acte, jusqu’au cri déchirant par lequel elle clôt la pièce, il n’y a pas une des nuances de son talent qu’elle ne mette admirablement en lumière dans tout le cours de son rôle. Elle crée dans la création même du poëte quelque chose qui étonne et qui ravit l’auteur lui-même. Elle caresse, elle effraye, elle attendrit ; et c’est un miracle de son talent que la même femme qui vient de vous faire tant frémir vous fasse tant pleurer.