Monsieur Rousset

La bibliothèque libre.
J. Hetzel (Œuvres illustrées de George Sand, volume 3p. 44-48).
MONSIEUR ROUSSET


(FRAGMENT D’UN ROMAN INÉDIT.)


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Vous riez de ces choses ? dit à son tour M. Guigne, dont l’air était devenu fort sérieux, et voilà que vous riez plus fort parce que je n’en ris point. Mes amis, j’ai été comme vous incrédule, esprit fort, mais l’aventure qui m’est arrivée en ce genre dans ma jeunesse a fait sur moi une telle impression, que je n’aime pas à entendre plaisanter sur un pareil sujet.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Enfin, après s’être longtemps fait prier, il parla ainsi :

C’était en 1730, j’avais alors une vingtaine d’années, j’étais assez joli garçon, quoiqu’il n’y paraisse guère aujourd’hui. Je n’avais pas ce crâne dégarni, ce gros nez, ces petits yeux éraillés, ces joues flétries ; j’avais le teint frais, l’œil vif, le nez vierge de tabac, la taille élégante dans sa petitesse, le jarret tendu, la jambe admirable comme cela peut se voir encore. En somme, j’étais un joli petit cavalier, point gauche, nullement timide, et déjà stylé à prendre toutes les manières, soit bonnes, soit mauvaises, des gens avec qui je me trouvais ; faisant des madrigaux avec les belles dames, jurant avec les soudards, philosophant avec les beaux esprits, raisonnant avec les ecclésiastiques, et déraisonnant avec les marquis. Enfin je plaisais et je réussissais partout, et ma profession de comédien homme de lettres était un passe-port qui me faisait également bien accueillir dans la bonne comme dans la mauvaise compagnie. Je me rendais de Lyon à Dijon par le coche, pour rejoindre la troupe de campagne dont je faisais partie… C’était vers le milieu de l’automne, le temps était brumeux et déjà assez frais. Je me trouvai faire une dizaine de lieues avec un certain baron de Guernay qu’une affaire avait appelé dans les environs, et qui retournait coucher à son château situé dans une petite vallée de Bourgogne, à cent pas de la grand’route. Il était grand causeur, grand questionneur, grand amateur de vers et de romans. Je le charmai par ma conversation, et il ne sut pas plus tôt que j’étais auteur et acteur, qu’il ne voulut plus se séparer de moi. C’était un de ces dilettanti qui ont toujours en poche quelque petite drôlerie dramatique et qui espèrent vous la faire trouver excellente et vous en faire cadeau, pour avoir le plaisir de la voir représentée au prochain chef-lieu de bailliage sans bourse délier. Je ne m’y laissai point prendre, mais j’acceptai l’offre qu’il me fit de passer la nuit dans son manoir. Le coche s’arrêtait fort peu plus loin, et la tenue de mon baron m’annonçait un meilleur gîte et un meilleur souper que l’hôtellerie où j’aurais été forcé de passer douze ou quinze heures en attendant de pouvoir repartir.

Nous fîmes donc arrêter le coche à l’entrée de l’avenue qui aboutissait à la grand’route. Deux domestiques en petite livrée nous attendaient pour porter la canne et le portefeuille de Monsieur. Ils prirent ma valise, et nous nous acheminâmes vers le castel de Guernay qui était, par ma foi, de fort belle apparence, au soleil couchant.

— Par bleu ! me dit le baron chemin faisant, la baronne va être bien étonnée de me voir arriver avec un inconnu !

— Et peut-être plus fâchée encore que surprise, ajoutai-je, lorsque monsieur le baron lui dira que cet inconnu est un comédien.

— Non, répondit-il, ma femme est sans préjugés. C’est une personne de beaucoup d’esprit que la baronne, vous verrez ! C’est une vraie Parisienne, et même un peu trop, car elle ne peut pas souffrir la campagne, et depuis trois jours qu’elle y est, elle prétend que je veux l’enterrer et la faire mourir d’ennui. Elle sera donc charmée d’avoir à souper un aimable convive comme vous, et si vous n’étiez pas trop fatigué pour lui réciter ensuite quelques tirades, ou lui faire lecture de ma pièce de théâtre qu’elle n’a jamais voulu écouter avec attention, comme vous la lirez comme un ange, j’en suis certain…

Je vis bien qu’il me faudrait payer mon écot, et je m’y résignai tout de suite de bonne grâce en promettant au baron de lire et de réciter tout ce qu’il voudrait.

— Vous êtes un aimable homme ! s’écria-t-il, et je suis si content de vous, que je complote déjà de vous faire manquer le coche demain et de vous garder quarante-huit heures au château de Guernay.

— Certes, lui dis-je, l’offre serait bien tentante si…

— Pas de si, reprit-il. Vous verrez, mon cher ami, que c’est une demeure agréable et aussi bien tenue que si elle avait toujours été habitée. Et pourtant il y a trois ans que je n’y suis point venu, sinon en passant ; trois ans que je suis marié, Monsieur, et que madame la baronne n’a pas voulu seulement venir voir si c’était un pigeonnier ou un château. C’est avec les plus grandes peines du monde que je l’ai décidée enfin à y venir passer un mois, car il me faudra bien un mois pour installer mon nouvel intendant, et le mettre au courant de mes affaires. Or, vous comprenez, mon cher… Comment vous appelle-t-on ?

— Rosidor, Monsieur, répondis-je. (C’était mon nom de guerre en ce temps-là.)

— Oui, oui, Rosidor, reprit-il ; vous me l’avez déjà dit, je vous demande pardon. Donc, mon cher Rosidor, vous comprenez que je ne pouvais pas laisser à Paris, pendant un mois, une jeune femme comme la mienne, qui vient justement de perdre la tante qui lui servait de chaperon…

— Monsieur le baron ne voudrait pas me faire croire, repris-je en souriant, qu’il a le gothique malheur d’être jaloux.

— Jaloux, non, mais prudent ; il faut toujours l’être. Il n’y a que les fats qui soient toujours tranquilles.

Vous voyez que M. le baron parlait quelquefois comme un homme d’esprit, mais il n’agissait pas toujours de même, comme vous le verrez bientôt, tant il est vrai que faire et dire sont deux.

— Jusqu’à présent, dit Florville, l’histoire est agréable, mais je n’y vois pas l’ombre d’un revenant.

— Patience, dit M. Guigne. Écoutez-moi avec quelque attention, bien que ce que je vais vous dire ne soit d’abord qu’un détail insignifiant en apparence.

Le baron me devança de quelques instants pour m’annoncer à sa femme. En apprenant qu’elle aurait un homme à souper, elle sonna sa fille de chambre pour se faire un peu accommoder. Puis, en apprenant que ce convive était un comédien, elle la congédia, pensant qu’un comédien n’était pas plus un homme qu’un mari. Et enfin, quand je fus présenté, elle s’avisa, à ma figure et à ma jeunesse, de penser que je pourrais bien être une espèce d’homme, et elle sortit du salon un moment avant le souper. Lorsqu’elle revint se mettre à table, j’observai fort bien qu’elle avait un œil de poudre et un ruban de plus.

La baronne de Guernay était plus piquante que jolie, plus coquette que spirituelle ; mais on n’y regarde pas de si près à vingt ans. Je la trouvai charmante, et je ne tardai pas à le lui faire comprendre. Elle me fit comprendre, de son côté, qu’elle ne s’offensait point de mon jugement, mais qu’elle ne verrait en moi qu’un artiste, du moins jusqu’à la fin du souper.

Il y eut entre son mari et elle une petite altercation domestique qu’on ne se fût pas permise devant un étranger de meilleure condition que moi, mais qui me prouva, malgré ma petite vanité, que l’on me regardait comme un personnage sans conséquence. Je résolus de me rendre un peu plus important, du moins aux yeux de la baronne. J’étais encore assez niais pour croire qu’une aventure avec une femme de qualité pouvait changer l’état de la question.

Je ne pris, du reste, pas grand intérêt au sujet de leur querelle. Je dois pourtant appeler votre attention sur ce détail, qui est tout le nœud de mon histoire.

— Vous m’avez tout l’air de nous improviser un roman, dit Florimond en bâillant sans la moindre politesse.

— Vous allez voir, reprit M. Guigne, combien il serait prosaïque et mal combiné pour faire de l’effet. La querelle du baron et de la baronne roula pendant un quart d’heure sur deux intendants dont l’un était mort avant l’arrivée de madame au château, et dont l’autre, destiné à remplacer le défunt, ne se pressait point d’arriver. Comme madame s’ennuyait à la campagne, et souhaitait d’y laisser monsieur faire les affaires et installer le nouvel intendant, elle trouvait que M. Rousset était un sot de s’être laissé mourir au moment où le beau monde revient à Paris, et où personne ne va s’installer dans ses terres. Elle trouvait que M. Buisson était un autre sot de se faire désirer, et elle faisait entendre que M. le baron de Guernay était un troisième sot d’être accouru et de l’avoir fait accourir elle-même au-devant d’un homme d’affaires dont le métier était d’attendre et non pas d’être attendu.

— D’abord, ma chère baronne, répondait le baron, ce pauvre Rousset est mort le plus tard qu’il a pu, car il avait quatre-vingt-deux ans, et il a maintenu un ordre admirable dans mes affaires et dans ma maison pendant trente ou quarante ans qu’il a gouverné les biens de ma famille. C’était un homme précieux et que je dois regretter. Vous voyez dans quelle belle tenue il a laissé cette demeure et quel ordre il y avait établi.

— Tout cela m’est bien égal, dit la baronne ; je ne l’ai pas connu, et je ne peux pas partager vos regrets. D’ailleurs, vous exagérez tout, baron. Ma femme de chambre, qui a causé avec les domestiques d’ici, m’a dit que ce vieillard était avare comme Harpagon, et que depuis longtemps il avait perdu la tête.

— Sans doute, ses facultés avaient baissé avec l’âge. Pourtant il n’y paraît point à mes affaires, et quant à son économie, puisqu’elle était à mon profit, je ne vois pas comment je pourrais m’en plaindre.

— Allons, je vous passe votre Rousset, puisqu’il est mort, dit la baronne ; mais je ne vous pardonne pas votre Buisson. Je ne le connais pas plus que l’autre ; mais je lui en veux encore plus pour son impertinence de n’être pas encore ici. Il n’y a que vous, baron, pour prendre des serviteurs de cette espèce-là ; des gens qui ont l’air de se faire prier pour entrer chez vous. Un monsieur Buisson qui vous tient le bec dans l’eau, ici, à ne rien commencer et à ne rien finir par conséquent ! Enfin, je vous déclare, mon ami, que si votre M. Buisson n’est pas ici demain, comme il n’y a pas de raison pour qu’il se décide, je m’en vais, moi, et je vous laisse me suivre ou rester, comme il vous plaira.

— Mais patience donc ! chère amie ; vous me ferez perdre l’esprit, s’écria le baron. M. Buisson sera ici demain matin, ce soir peut-être. J’ai encore reçu de lui ce matin une lettre qui me l’annonce. Que diable ! un homme d’affaires n’est pas un valet, et tant qu’il n’est pas entré en fonctions, on n’a pas d’ordres à lui donner.

— Il fallait lui écrire que c’était à prendre ou à laisser…

— J’en aurais eu bien de garde ! c’est un homme qui m’est trop bien recommandé, un homme aussi précieux que le pauvre Rousset dans son genre.

— Pourvu qu’il ne soit pas fou aussi, celui-là ! dit la baronne avec dépit ; car je crois que vous avez juré de les prendre aux petites maisons !

Le baron ne put se défendre de hausser les épaules d’impatience, et comme on se levait de table, il dit à un valet :

— Lapierre, vous direz au concierge de se tenir éveillé jusqu’à minuit, car M. Buisson, mon nouvel intendant, voyageant à cheval, peut arriver tard dans la soirée.

— Oui, monsieur le baron, répondit Lapierre ; j’y veillerai moi-même. L’appartement de feu M. Rousset est tout préparé pour recevoir M. Buisson.

Là-dessus nous passâmes au salon, et il ne fut plus question ni de Buisson ni de Rousset. Madame la baronne voulut bien se souvenir que j’étais là, et on me demanda de réciter des vers. J’offris de lire la pièce du baron ; mais madame dit qu’elle l’avait entendue six fois, qu’elle la savait par cœur, et qu’elle préférait le Corneille ou le Racine. Pour me venger de ses petits grands airs, je m’obstinais avec le baron. Il fallut transiger ; on convint que je lirais les plus beaux morceaux de M. le baron. Ah ! les beaux morceaux que c’était ! Après quoi, je fus libre de choisir ce qu’il me plairait de déclamer.

J’avais remarqué que le baron était extrêmement fatigué, et qu’il lui avait fallu tout l’amour qu’il portait à son œuvre pour le tenir éveillé jusqu’au bout. J’achevai de l’endormir en récitant d’un ton monotone de lourdes tirades de nos vieux auteurs. Je lui débitai avec emphase du Pradon, du Mairet et du Campistron, et il lui arriva enfin de ronfler tout haut. Madame bâillait, elle me trouvait froid ; mon débit et le choix de mes vers lui faisaient penser que je n’étais ni bon acteur ni homme de goût. Elle prit le parti de taquiner la somnolence de son mari. Il en eut du dépit, et alla se coucher, me laissant avec elle et une sorte de demoiselle de compagnie qui cousait au bout du salon, et qui ne tarda pas à s’éclipser, soit qu’elle fût assoupie aussi par ma voix, soit qu’elle eût, d’un côté, la consigne de rester auprès de madame, de l’autre, celle de n’y pas rester aussitôt que monsieur aurait tourné les talons.

Me voilà donc enfin en tête à tête avec la petite baronne, qui ne me paraissait y consentir que faute de mieux ou par un reste de curiosité. Aussitôt je change de visage, d’attitude, de voix et de sujets. De plat comédien de province, je redeviens l’acteur que vous connaissez et que j’étais déjà. Je laisse les rôles d’Agamemnon et d’Auguste, je m’empare des rôles de jeunesse et de passion ; je suis le Cid aux pieds de Chimène, Titus soupirant pour Bérénice ; puis je m’assure que la baronne entend bien l’italien, et, sur sa demande, j’improvise une scène à l’italienne. Déjà ma jeune châtelaine était émue ; je lui apparaissais sous un nouveau jour. Ses yeux bleus avaient fait semblant de verser quelques larmes et son sein d’être oppressé ; mais je remarquais, moi, qu’elle avait l’œil brillant et la main brûlante, car j’avais réussi à effleurer cette main en gesticulant à propos. Lorsqu’elle me demanda comment, dans les canevas italiens, le dialogue nous venait si facilement que le public croyait entendre une pièce apprise par cœur, j’eus l’adresse de lui répondre que cela dépendait bien plus des acteurs qui nous donnaient la réplique que du sujet même de la pièce, et que tel personnage nous rendait éloquent par ses regards ou par l’inspiration qu’il nous communiquait. Par exemple, lui dis-je, dans une scène d’amour, il peut arriver qu’on exprime au naturel le sentiment que vous inspire votre interlocutrice. Cela s’est vu, et je suis certain que j’aurais été sublime dans certaines pièces, si j’avais eu devant les yeux un objet aussi accompli que je le rêvais en méditant mon rôle.

La baronne devint pensive.

— Je voudrais bien vous entendre et vous voir, dit-elle, dans un de ces moments d’inspiration. Je n’ai vu jouer par les Italiens que des farces.

— Il ne tiendrait qu’à vous, Madame, répondis-je, de voir traiter un sujet sérieux.

— Comment cela ? fit-elle d’un ton de naïveté raffinée.

— Il faudrait que vous eussiez la bonté de vous prêter pour un instant à une supposition scénique. Par exemple, je suis Linval ou Valère, je suis amoureux de Céliante, ou de Chloé. Je me plains de sa rigueur dans un monologue. Daignez faire attention, je vais commencer. Je serai peut-être un peu froid, un peu gêné au début ; mais vous daignerez vous lever et vous placer derrière moi, comme si vous surpreniez le secret de ma passion. Je vous verrai dans la glace, et vos regards daigneront m’encourager. Dans mon rôle, pourtant, je serai censé ne pas vous voir, et j’aurai si peu d’espoir, que je tirerai mon épée pour me percer le sein. Vous m’arrêterez en me disant : Je t’aime…

— Vraiment, je vous dirai cela ?

— Oui, Madame, ce n’est pas long à retenir ; mais il faudra que vous ayez la bonté de me le dire avec assez d’âme pour produire sur moi une certaine illusion. Alors je me précipiterai à vos genoux, et je vous exprimerai ma reconnaissance. Je suis certain qu’alors je trouverai les expressions les plus passionnées et que mon jeu approchera tellement de la vérité, que vous y serez trompée vous-même.

— Tout de bon, je suis curieuse de voir cela, dit la baronne, et je vais essayer de faire ma partie dans ce dialogue. Commencez donc, je me place derrière vous, et je vous regarde.

— Oh ! Madame, pas comme cela ! Il faut jouer un peu, il faut mettre une certaine tendresse dans votre pantomime !

— Mais pas avant que vous ayez parlé. Je ne peux pas savoir que vous m’aimez avant que vous l’ayez dit.

— Ô Aminte ! m’écriai-je. (J’avais entendu le baron lui donner ce nom, qui était le sien.)

Et là-dessus je divaguai assez abondamment pendant quelques instants, puis je fis mine de me poignarder, et ma princesse m’arrêta en s’écriant : Je t’aime ! avec beaucoup plus de feu que je ne l’aurais espéré. Je me plaignis pourtant de la sécheresse de son accent, et je la fis recommencer plusieurs fois, en lui recommandant surtout de me prendre les mains pour m’empêcher de consommer mon suicide. Que ce fût instinct de comédienne ou émotion véritable, elle s’acquitta si bien de son rôle, que mon imagination se monta. Je me jetai à ses genoux, et je lui dis de si belles choses tout en lui baisant les mains avec passion, qu’elle parut oublier que c’était un jeu ; je ne demandais pas mieux que de l’oublier moi-même, et j’étais sur le point de m’enhardir jusqu’à parler pour mon propre compte, lorsque je m’aperçus que la chaleur de notre déclamation et de notre pantomime nous avait empêchés de voir que nous n’étions plus seuls. Je fis un mouvement brusque pour me donner une contenance raisonnable, et la baronne, en se retournant pour voir la cause de ma surprise, laissa échapper un cri de frayeur. Mais nous restâmes stupéfaits en voyant que cet intrus n’était ni le baron, ni la duègne, ni aucune des personnes de la maison par lesquelles nous pouvions être surpris, mais bien un inconnu pour la baronne comme pour moi.

C’était un petit vieillard, très-jaune, très-sec, et assez propre quoiqu’un peu râpé ; il avait un habit et une veste olive, avec un petit galon d’argent fané ; des bas chinés, une perruque très-ancienne, des besicles et une grande canne d’ébène dont le pommeau représentait une tête de nègre surmontée d’une grosse plaque de cornaline figurant un turban. Un vilain caniche noir était entre ses jambes, car il s’était déjà assis au coin du feu, et il paraissait si pressé et si occupé de se chauffer, qu’il ne faisait aucune attention à l’étrange scène dont il avait pu être témoin.

La baronne se remit plus vite que moi, et, lui adressant la parole avec un mélange d’embarras et de hauteur, elle lui demanda qui il était et ce qu’il voulait.

Mais il ne parut pas l’entendre, car il était sourd ou feignait de l’être, et il se mit à parler comme s’il croyait continuer une conversation déjà entamée.

— Oui, oui, dit-il d’une petite voix sèche et brève, il fait froid, très-froid, cette nuit. (La pendule marquait minuit.) Il va geler ; il gèle déjà ; la terre est dure comme tous les diables, et la lune est très-claire, très-claire, tout à fait claire.

— Qu’est-ce là ? me dit la baronne en se retournant vers moi avec surprise. Un sourd, un fou ? Comment est-il entré ?

J’étais aussi étonné qu’elle. J’interrogeai à mon tour le petit vieillard, et il ne me répondit pas davantage.

— Les affaires de M. le baron ? dit-il, elles sont en ordre, en ordre, en bon ordre. M. le baron sera content de son intendant. Il n’y a que le procès avec le prieur de Sainte-Marthe qui puisse le tourmenter ; mais ce n’est rien, ce n’est rien, rien du tout.

— Ah ! j’y suis, dit la baronne, c’est le nouvel intendant, c’est M. Buisson. Enfin, le voilà arrivé, c’est bien heureux ! Mais il est sourd comme un pot, n’est-ce pas ?

— Monsieur, dis-je en élevant la voix, est-ce que vous n’entendez pas que madame la baronne vous demande des nouvelles de votre voyage ?

Le bonhomme ne répondit rien. Il caressait son vilain caniche.

— Voilà une affreuse bête, dit la baronne, et cela ne laisse pas que d’être agréable d’avoir une pareille société ! mais voyez donc où le baron a l’esprit de prendre de pareils intendants ! Quand je disais tantôt qu’il les faisait faire exprès pour être insupportables !

— Le fait est, répondis-je, que celui-ci est fort étrange. Je ne comprends pas comment M. le baron pourra causer de ses affaires avec lui, puisqu’il n’entendrait pas le canon.

— Et puis, il a au moins cent ans ! reprit la baronne. Sans doute, il trouvait l’autre trop jeune. Oh ! voyez-vous, ce sont là des idées de mon mari, des idées qui ne viennent qu’à lui ! Voyons, essayons donc de l’envoyer coucher : Monsieur ! monsieur Buisson ! monsieur l’intendant !

La baronne criait à tue-tête, et, quand elle vit que le petit homme ne s’en apercevait pas le moins du monde, elle prit le parti de trouver la chose plaisante, et s’abandonna à un fou rire. J’essayai d’en faire autant, mais ce ne fut pas de bon cœur. Ce damné vieillard m’avait dérangé au moment où mes affaires étaient en bon train ; il paraissait ne pas se douter qu’il fût fort incommode ; il ne bougeait de son fauteuil, il chauffait ses vieilles jambes sèches avec une sorte de rage, et son abominable chien, à qui j’essayai de marcher sur la queue sans pouvoir l’atteindre, me montra les dents d’un air de menace.

— Ce procès ! dit alors l’intendant, il est embrouillé, embrouillé, très-embrouillé ; il n’y a que moi qui le comprenne. Je défie qu’un autre que moi le termine ; le prieur prétend que…

Et alors il se mit à parler avec une étonnante volubilité et une animation tout à fait bizarre. N’attendez pas que je vous répète son discours ; car le diable seul, ou un vieux procureur rompu à la chicane, aurait pu le comprendre. C’était de l’hébreu pour moi, et encore plus pour la baronne. D’ailleurs, à mesure qu’il parlait, il se passait en moi et en elle, comme elle me l’a dit ensuite, un phénomène fort singulier. Ce qu’il disait frappait nos oreilles et ne laissait en nous aucun souvenir. Il nous eût été impossible de répéter aucune des phrases qu’il venait de dire, et elles n’offraient aucun sens à notre esprit. Nous remarquâmes qu’il n’avait même pas l’air de s’entendre et de se comprendre lui-même ; il parlait comme dans le vide, et il nous sembla que tantôt il passait d’un sujet à un autre, sans rime ni raison, et que tantôt il répétait à satiété la même chose. Mais nous n’avions réellement pas conscience de ses paroles. Le son de sa voix nous agaçait l’oreille et ne la remplissait pas. Il semblait que l’appartement fût devenu sourd comme une boîte. Sa figure et son apparence avaient beaucoup changé, et changeaient toujours à mesure qu’il parlait. Il paraissait vieillir de minute en minute. Je ne sais pas comment on est fait quand on a deux cents ans, mais il est certain qu’il nous parut d’abord centenaire, et qu’ensuite son âge nous sembla doublé et triplé. Sa peau se collait à ses os. Ses yeux, qui furent un instant brillants et comme enflammés par la fureur de la chicane, devinrent hagards, flottants, puis vitreux, puis ternes et fixes, et enfin s’éteignirent dans leurs orbites. Sa voix s’éteignit aussi par degrés, ses traits se contractèrent. Son habit tomba flasque et comme humide sur ses membres étiques. Son linge, qui nous avait paru blanc, prit une couleur terreuse, et il nous sembla qu’il s’exhalait de lui une odeur de moisi ; son chien se leva et se mit à hurler, répondant au vent qui mugissait au dehors. Les bougies, qui brûlaient dans les candélabres, s’étaient consumées peu à peu sans que nous y fissions attention, et la dernière s’éteignit. La baronne fit un cri et sonna avec anxiété. Personne ne vint, mais je parvins à trouver une bougie entière dans un autre candélabre et à la rallumer. Nous nous trouvâmes seuls alors. Le petit vieillard était sorti avec aussi peu de bruit qu’il était entré.

— Dieu soit loué ! s’écria la baronne ; je ne sais ce que c’est, mais j’ai failli avoir une attaque de nerfs. Je ne connais rien de plus irritant que ce petit spectre-là ; car c’est absolument comme un spectre, n’est-ce pas, Monsieur ? Concevez-vous mon mari de s’embarrasser d’une pareille momie ? Un sourd, un centenaire, un fou, car, en vérité, il est fou par-dessus le marché, n’est-il pas vrai ? Que nous a-t-il dit ? Je n’ai rien compris, rien entendu… c’était comme une vieille crécelle. D’abord cela m’a fait rire, et puis cela m’a ennuyée, et puis impatientée, et puis effrayée, mais effrayée au point que j’étais étouffée, oppressée, que j’avais envie de bâiller, de tousser, de pleurer et de crier… je crois même que j’ai crié un peu à la fin. J’ai une peur affreuse des fous et des idiots ! Ah ! je ne veux pas que cet homme-là reste vingt-quatre heures ici, je deviendrais folle moi-même.

— Monsieur le baron a été trompé sur l’âge et les facultés de ce brave homme, répondis-je. Certainement il est en enfance.

— Il soutiendra que non. Vous verrez qu’il me dira qu’il est jeune et agréable… Mais il faudra qu’il le chasse ou je partirai… Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-elle, savez-vous quelle heure il est ?

Je regardai la pendule. Elle marquait trois heures du matin.

Je n’en pouvais croire mes yeux, je regardai ma montre, il était trois heures du matin.

— Comment, cet homme nous a parlé ainsi pendant trois heures ? Il avait la fièvre chaude, c’est évident…

Nous gardâmes le silence un instant. Nous ne pouvions nous expliquer ni l’un ni l’autre comment nous avions subi cet assommant bavardage pendant trois heures sans pouvoir nous y soustraire, et sans nous apercevoir de la durée du temps, malgré l’ennui et l’impatience qu’il nous avait causés. Tout à coup la baronne prit de l’humeur contre moi.

— Je ne conçois pas, dit-elle, que vous ne l’ayez pas interrompu et que vous n’ayez pas su trouver un moyen honnête ou non de me délivrer d’un pareil supplice. Car c’était à vous de le faire.

— Il me semble. Madame, que je n’avais pas d’ordre à donner chez vous, répondis-je, à moins que vous ne m’en eussiez donné vous-même…

— Je crois tout bonnement que je dormais, et vous aussi probablement.

— Je vous jure que non, m’écriai-je, car j’ai horriblement souffert.

— Et moi aussi, reprit-elle, j’avais peur, j’étais paralysée. J’ai peur des fous et des idiots, je vous le disais. Mais vous, vous avez donc eu peur aussi ?

— Je ne crois pas, Madame, mais j’ai été glacé par je ne sais quelle stupeur, quel dégoût…

J’essayai de faire entendre que cette interruption fâcheuse au milieu d’une scène que je jouais avec tant d’ardeur et de conviction m’avait rendu malade.

— Bah ! vous avez eu peur aussi ! dit la baronne d’un ton de dédain mortel. Allons ! voilà une belle veillée, en vérité ! J’aurai la migraine demain. Faites-moi donc le plaisir d’aller voir dans la maison, à l’office, à la cuisine, s’il y a encore quelqu’un de levé, car j’ai beau casser les sonnettes, personne ne vient. C’est fort étrange. Il faut que ma femme de chambre et tous mes gens soient en léthargie.

Cela était très-facile à dire. Il n’y avait qu’une seule bougie. Je ne pouvais décemment l’emporter, et je ne connaissais pas du tout les êtres. Je n’avais plus du tout la tête ni le cœur disposés à l’amour. La baronne me paraissait aigre, impérieuse et sotte. Il faisait froid et sombre dans ce grand salon. Je me sentais fatigué de mon voyage et dégoûté au dernier point de mon gîte. Je sortis à tout hasard ; je tâtonnai dans l’antichambre, dans les corridors, et, me heurtant partout, j’appelai, je frappai à plusieurs portes. Si je réveille le baron, pensais-je, il trouvera fort étrange que je ne sois pas couché, ni sa femme non plus, à trois heures du matin. Ma foi, ils s’expliqueront, peu m’importe.

Enfin, je pousse une dernière porte ; je pénètre dans une grande cuisine qu’éclairait faiblement une vieille lampe, et je trouve le petit vieillard assis sur une chaise de paille auprès d’un feu presque éteint. Son caniche me montre les dents. Voilà un pauvre diable bien mal hébergé et qui me fait pitié ! Je veux l’éveiller, car il me semblait endormi. Mais il me dit : « Il fait froid, froid, très-froid. » Impossible de lui faire entendre un mot, pas moyen de trouver une âme à qui parler. J’allume un flambeau, je parcours la maison du bas en haut. Pas de domestiques, pas de soubrettes : aucun ne couchait dans ce corps de logis. Je reviens au salon pour demander à madame, au risque de passer pour un sot, dans quelle partie de son manoir on peut déterrer ses valets. La baronne, impatientée, avait été se coucher en emportant sa bougie, et le misérable bout de chandelle que j’avais trouvé dans la cuisine s’éteignait dans mes mains. Où trouver ma chambre dans ce dédale de corridors et d’escaliers qu’il me fallait encore parcourir à tâtons ? Il n’y a rien de si sot qu’un homme qui a laissé passer l’heure d’aller décemment se coucher. J’y renonce, que la baronne aille au diable et se couche sans le secours de ses suivantes. Que le vieux intendant et son chien gèlent dans la cuisine, peu m’importe. Je me passerai de chambre, et de lit, et de domestique, mais je ne me laisserai pas geler.

En devisant ainsi, je fourre trois énormes bûches dans la cheminée ; je tire un grand sofa devant le feu ; je m’enveloppe d’un vaste tapis de table, et je m’endors profondément.

Les valets, pour se coucher de bonne heure, ne s’en levaient pas plus tôt. Il était temps que l’intendant arrivât, car tout allait à la diable dans le château de Guernay. J’eus le temps, dès que le jour fut levé, de retrouver ma chambre, que je reconnus à ma valise posée à l’entrée, de défaire mon lit comme si je m’étais couché, et de faire ma toilette, avant que personne se fût aperçu de l’étrange bivouac que j’avais établi au salon. Lorsque la cloche m’appela pour déjeuner, je trouvai le baron et la baronne en querelle ouverte. Le baron se réjouissait de l’arrivée de M. Buisson, et commandait aux domestiques d’aller l’avertir afin qu’il eût le plaisir de le présenter à madame. Madame était furieuse et disait qu’elle allait le mettre à la porte s’il paraissait devant elle.

— Ah çà ! à qui en avez-vous, mon cœur, avec vos folies ? dit enfin le baron impatienté. M. Buisson centenaire, M. Buisson fou, idiot, sourd ? où avez-vous pris cela, puisque vous ne l’avez jamais vu ?

— Je l’ai vu et trop vu, Monsieur, de minuit à trois heures du matin, sans pouvoir m’en débarrasser.

— Vous avez rêvé ! il n’est arrivé que depuis deux heures !

— Non, vous dis-je, il est arrivé à minuit ; demandez à Lapierre, qui sans doute l’a reçu à la grille ; mais qui, par parenthèse, ne s’est pas donné la peine de me l’annoncer.

— Mais quand je vous dis que je l’ai reçu moi-même, au grand jour, à neuf heures, et que j’ai été au-devant de lui à plus d’une lieue d’ici !

— Vous rêvez !

— Non, c’est vous.

— Mais où est donc Lapierre, qu’il s’explique ? Et vous, monsieur Rosidor, parlez donc !

J’étais hébété, je me rappelais confusément les événements de la nuit. Je ne pouvais, je n’osais rien rappeler, rien expliquer. La porte s’ouvre, et M. Buisson paraît. C’est un homme de quarante ans tout au plus, gras, coloré, vêtu de noir, l’œil frais, l’air ouvert. Le baron le présente à sa femme. M. Buisson n’est pas plus sourd que vous et moi. Il s’exprime bien, répond à propos, ne parle point procédure, et assure madame la baronne qu’il a couché à Saint-Meinen, et qu’il en est parti à cinq heures du matin sur son cheval, pour arriver à neuf. L’explication était fort inutile. Il n’y avait pas à confondre cet intendant-là avec celui qui était venu dans la nuit. La baronne interroge Lapierre ; Lapierre n’a vu personne. Il a attendu en vain M. Buisson jusqu’à minuit au bout de l’avenue. Il est rentré se coucher. Aucun domestique n’a fait ni vu entrer personne. Tous ont dormi parfaitement. La femme de chambre a attendu madame dans son appartement, où elle a dû la trouver en y rentrant à trois heures du matin.

— À trois heures du matin, s’écrie le baron en me lançant un regard terrible. Vraiment, voilà une singulière fantaisie de se coucher à pareille heure ! Et cet intendant qui vous tenait compagnie n’a pas tout à fait l’âge que vous lui supposez !

La baronne entre dans une fureur épouvantable.

— Mais parlez donc, Monsieur, s’écrie-t-elle en s’adressant à moi, car je passe ici pour visionnaire et vous êtes là qui ne dites mot.

Enfin mes idées se débrouillent, et je prends la parole :

— Monsieur le baron, je vous jure sur l’honneur, sur mon âme, sur tout ce qu’il y a de plus sacré, qu’à minuit est entré dans le salon où j’étais en train de prendre congé de madame la baronne, un petit homme qui avait au moins quatre-vingts ans, et qu’il est resté à battre la campagne jusqu’à trois heures, sans qu’il ait été possible de lui faire entendre un mot, tant il est sourd ou détraqué.

L’accent de vérité avec lequel je fis cette assertion ébranla le baron.

— Comment était-il fait, ce petit homme ? dit-il.

— Il était maigre, plus petit encore que moi. Il avait le nez pointu, une grosse verrue au-dessous de l’œil, les lèvres minces, des yeux pâles et hagards, la voix sèche et creuse.

— Comment était-il habillé ?

— Habit, veste et culotte vert olive, des bas chinés blanc et bleu ; il tenait une canne d’ébène terminée par une tête de nègre coiffée d’une cornaline ; il était accompagné d’un vilain barbet tout noir et fort grognon.

— Tout cela est exact, dit la baronne, et monsieur oublie qu’il avait un galon d’argent autour de son habit, et qu’il portait des besicles d’écaille. En outre, il a l’habitude de répéter souvent trois fois le même mot. Il fait froid, froid, très-froid. C’est une affaire embrouillée, bien embrouillée, très-embrouillée.

En ce moment, Lapierre, qui portait une assiette, la laissa tomber, et devint pâle comme la mort. Le baron pâlit aussi un peu, et dit : « C’est fort étrange ! on me l’avait dit ; je ne le croyais pas. »

— Quand je vous le disais, Monsieur, dit Lapierre tout tremblant ; je l’ai vu le soir de notre arrivée comme je vous vois à cette heure, et habillé absolument comme il est dans son portrait.

— Allez me chercher le portrait de M. Rousset tout de suite, dit le baron fort agité.

On apporta un petit portrait au pastel. — Il n’est pas bien bon, dit le baron ; c’est un artiste ambulant qui l’a fait deux mois avant la mort du pauvre Rousset ; mais il ressemble d’une manière effrayante. La baronne jeta les yeux sur le portrait, fit un grand cri et s’évanouit.

Je fus plus maître de moi ; mais, en reconnaissant à ne pouvoir en douter un seul instant l’hôte de la nuit, je sentis une sueur froide me gagner.

On secourut la baronne. — Expliquez-moi cette affreuse plaisanterie, Monsieur, dit-elle à son mari aussitôt qu’elle fut revenue à elle-même ; M. Rousset n’est donc pas mort ?

— Hélas ! le pauvre homme ! dit Lapierre ; il est bien mort et enterré huit jours avant l’arrivée de madame la baronne. Je lui ai fermé les yeux, et si madame veut voir son chien, son pauvre caniche noir, qui va toutes les nuits gratter sa tombe…

— Jamais, jamais ! s’écria la baronne. Vite, vite, qu’on fasse mes paquets, qu’on m’amène des chevaux de poste ; je ne passerai pas la nuit ici.

Soit qu’elle fût réellement terrifiée, soit qu’elle fût bien aise d’avoir ce prétexte, elle insista si bien que deux heures après elle était en route pour Paris avec le baron, qui laissait à son nouvel intendant le soin de se débrouiller avec le défunt. J’ignore s’ils eurent maille à partir ensemble. Je n’avais nulle envie de passer une nouvelle nuit à entendre parler de procédure par un spectre fou. La baronne me fit des adieux très-froids ; le baron essaya d’être plus aimable, et il me fit conduire jusqu’à la ville voisine ; mais je ne partageai point le regret qu’il m’exprima de ne pouvoir me retenir plus longtemps au château de Guernay.


GEORGE SAND.