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Notice sur le Voyage de M. Leschenault de la Tour, dans les îles de Java, Madura, Bali, etc.

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Notice sur le Voyage de M. Leschenault de la Tour, dans les îles de Java, Madura, Bali, etc.
Nouveau Bulletin des SciencesTome 1 (p. 7-9).
HISTOIRE NATURELLE.

Notice sur le Voyage de M. Leschenault de la Tour, dans les îles de Java, Madura, Bali, etc.

Société Philom. M. Leschenault de la Tour, attaché à l’expédition des découvertes aux terres australes, en qualité de botaniste en chef, fut obligé au mois de mai 1803, de rester à Timor pour cause de maladie. Un mois après le départ de la corvette le Géographe, il s’embarqua sur un brick hollandais pour se rendre à Batavia, afin de retourner de là en France.

Arrivé à Batavia sa santé étant trop foible, il demanda, et obtint de la Haute Régence la permission d’aller à Samarang, chef-lieu du gouvernement particulier de Java, dont le séjour est moins insalubre que celui de la capitale des établissemens hollandais dans l’Inde. Embarqué au milieu du mois d’août, il relâcha successivement à Crawang, Indra-Majo, Tegal et Samarang, où il arriva le 3 octobre. Il fut là parfaitement accueilli par M. le gouverneur Engelhard, homme très-instruit et fort zélé pour le progrès des sciences, et dont il fait le plus grand éloge.

La vue de la belle île de Java, et la fertilité avec laquelle la nature semble y étaler le luxe de ses productions, excita chez M. Leschenault le desir d’autant plus grand de la parcourir, que peu de naturalistes y avoient séjourné, et que les ouvrages de Séba, de Valentin, de Rhuysch, de Garcin et de Thunberg sembloient lui promettre une vaste récolte dans tous les règnes de la nature. Il fit part de son dessein à M. le gouverneur qui lui procura, avec la plus grande générosité, tous les moyens possibles de visiter avec sûreté et même avec agrément, les diverses parties de l’île. Il quitta Samarang le 24 octobre pour aller à Sourakarta, ville où réside l’empereur de Java et éloignée, dans le Sud, de 25 lieues de la première. Il visita sur cette route les montagnes d’Ounarang, de Marbabou, Télo-Majo et Marapi. Cette dernière offre à son sommet un volcan toujours fumant.

Après avoir séjourné un mois à Sourakarta, et en ayant visité les environs, M. Leschenault alla à Djioki-Karta, où est la résidence du sultan de Java. C’est sur cette route, qui n’est cependant que de 18 lieues environ, qu’il rencontra d’anciens temples ruinés, mais très-remarquables par leur étendue et par les monumens qu’ils renferment encore. On y voit un grand nombre de statues en lave basaltique, dont M. Leschenault a rapporté plusieurs qui semblent prouver que ces peuples étoient alors attachés à la religion des Bramines. Ces ruines existent dans les environs de Prambanang.

Après avoir passé 15 jours à Djioki-Karta, M. Leschenault étant tombé grièvement malade, fut obligé de se faire transporter à Samarang, où il resta languissant depuis le mois de février 1804 jusqu’au mois d’octobre, qu’il partit pour aller visiter toute la partie orientale de l’île de Java. Il parcourut successivement dans ce voyage le district de Damak, Japara, Jouanna, les montagnes de Moria, les districts de Rimbang, Touban, Grisscé, Surabajya, Banguil, Parsourouang ; ensuite il s’embarqua pour l’île de Madura qu’il parcourut depuis Bancallang jusqu’à Sumanap, qui sont à la distance d’environ quarante lieues l’un de l’autre.

L’intention du voyageur étoit d’aller de là aux îles Kanniang, qui sont à l’est de Madura. C’étoit au mois de juillet 1805 ; mais il apprit que 28 barques de pirates Malais étoient à l’entrée de la rivière, et il renonça à ce projet. Il retourna alors dans l’île de Java en abordant à Panaroukan, et continuant sa route par terre jusqu’à Bagniavanqui dans la partie la plus orientale de l’île. Il s’arrêta deux mois dans ce lieu, pendant lequel tems, il parcourut le mont Idienne, dont il visita le volcan, dans l’intérieur duquel il trouva un lac d’eau très-fortement chargée d’acide sulfurique dont il a rapporté une certaine partie, il alla ensuite dans l’île de Bali dont il parcourut les côtes inhabitées ; après cinq jours de recherches, revenu à Bagniavanqui il partit pour retourner par terre à Surabaya. Il visita pendant cette course les montagnes de Tingar sur lesquelles il vit un peuple différent pour les mœurs de ceux de la plaine. — Il visita aussi le district de Malam dans le sud de Pasourouang.

De Surabaya, M. Leschenault revint par mer à Samarang, où il arriva dans le mois d’août 1806. Il voyagea par conséquent pendant 18 mois dans l’est de l’île de Java, où il parcourut à-peu-près un espace de 140 lieues et à-peu-près quarante sur l’île de Madura.

M. Leschenault de la Tour a recueilli dans ce voyage des collections nombreuses d’objets dans les trois règnes de la nature. Il se loue beaucoup de l’accueil qu’il a reçu de tous les Hollandais en place, dans les différens lieux où il a été obligé de passer et de séjourner, et auxquels il a voué une grande reconnoissance.

Après avoir emballé toutes ses collections à Samarang, il partit pour Batavia dans le mois d’octobre, il s’embarqua le 27 novembre sur un bâtiment américain pour Philadelphie, où il arriva dans le mois d’avril 1807, après quatre mois et vingt jours d’une traversée fort heureuse. À Philadelphie M. Leschenault obtint de l’ambassadeur anglais par l’entremise de M. le professeur Bonton des passeports pour lui et ses collections. Il partit de Philadelphie dans le mois de juin, et il est arrivé en France dans le mois de juillet dernier.

Nous avons vu les collections rapportées par M. Leschenault ; elles sont arrivées à Paris dans le meilleur état. Elles consistent en un grand nombre de Mammifères parmi lesquels nous avons remarqué plusieurs espèces de Galéopithèques, de Rousettes[sic], de Polatouches, une espèce de Chinche, plusieurs des genres lemur, viverra, etc., un grand nombre d’oiseaux fort intéressans ; comme des Calaos de différens âge et sexe ; un coq et une poule sauvages, différens de ceux de Sonnerat ; plusieurs perruches, hérons, etc. En reptiles ; des dragons de diverses espèces ; des tupinambis ; des geckos ; un très-grand nombre de serpens, parmi lesquels beaucoup de boas, et la peau de l’acrochorde de Hornsted ; quelques poissons ; quelques mollusques, crustacés, etc. Beaucoup de coquilles. Cinq très-grandes boîtes d’insectes contenant principalement des lépidoptères de la plus belle conservation ; quelques coléoptères et hémiptères. Plusieurs caisses de minéraux. Un très-bel herbier qui contient plus de 700 plantes intéressantes pour la botanique, partie à laquelle M. Leschenault s’étoit principalement consacré avant qu’il eût quitté l’expédition du capitaine Baudin. Il a réuni en outre une très-belle suite d’armes du pays, grandes et petites ; plusieurs monumens des arts, des manuscrits, une suite de médailles et monnoies. Tous ces objets font vivement desirer, que M. Leschenault puisse publier bientôt la relation de ce voyage intéressant.

C. D.