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Notice sur les eaux minérales de Vittel, près Contrexéville (Vosges)

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NOTICE
sur les
EAUX MINÉRALES
DE VITTEL,
PRÈS CONTREXÉVILLE (VOSGES).

Vittel est un gros bourg du département des Vosges, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Mirecourt, à 20 kilomètres de cette ville et à 4 kilomètres de Contrexéville. Sa population, qui est de 1 800 âmes environ, se fait remarquer par l’aménité de ses mœurs et sa gracieuseté envers les étrangers. Pleine d’initiative, elle accepte avec bonheur tout ce qui est progrès et amélioration, et, lorsqu’un but utile est à atteindre, loin de rencontrer chez elle cette résistance aveugle et routinière qui paralyse si souvent ailleurs les meilleures intentions, on y trouve un concours actif et intelligent. Ces précieuses qualités assurent aux étrangers qui, plus tard, fréquenteront ses eaux minérales, un accueil des plus sympathiques, et ils ne tarderont pas à y trouver, nous en sommes convaincu, tout le confort désirable. Il n’y a point encore d’établissement destiné à les recevoir ; Vittel ne possède que deux ou trois petits hôtels propres, mais simples et modestes.

La source qui fait le sujet de cette notice, coule abondamment au milieu des prairies qui environnent Vittel et à une distance de trois cents mètres environ des dernières maisons du bourg. Voisine de Contrexéville, ayant une grande analogie de composition chimique, possédant les mêmes propriétés médicales, nous ne pouvons parler de Vittel sans nommer Contrexéville et sans rendre à cette source la justice qui lui est due.

Quand nos nombreux établissements thermaux, si divers, mais tous animés d’un même désir de faire du bruit dans le monde, s’illustraient et se vulgarisaient par le retentissement de la réclame, non moins que par l’étude et la discussion scientifique, Contrexéville seul, à peine tiré de son obscurité par les travaux consciencieux, mais peu retentissants, de Bogard et de Thouvenel, attendait en silence, de la reconnaissance seule de ses clients, que l’opinion médicale se fixât irrévocablement sur sa valeur précise.

Pure de toute surprise, de toute excitation de l’opinion, dédaigneuse d’une éclosion précoce et partant éphémère, cette bienfaisante source, par le seul fait de la multiplicité et de la constance des guérisons qu’elle a disséminées de par le monde, est parvenue à ce point de notoriété publique que son nom n’est pas moins identifié avec l’idée de gravelle et de goutte que celui de sulfate de quinine avec l’idée de fièvre intermittente. Cette justice lui est rendue par tous et sans conteste.

Mais il restait une lacune dans cette célébrité de bon aloi, et quelle chose de ce monde en est complétement exempte ? L’eau de Contrexéville, transportée, perd une grande partie de ses propriétés : elle devient lourde et peu digestible. C’est à regret, mais avec unanimité, que cet aveu sort de la bouche de ses chaleureux partisans, et qu’il s’est glissé sous la plume des hydrologistes qui ont nommé et, partant, loué Contrexéville. Or, il faut le dire, cette imperfection est des plus regrettables. Combien de malades, en effet, obligés de boire à distance l’eau de Contrexéville, qu’ils ne peuvent aller prendre sur les lieux, n’obtiennent que des résultats nuls ou insignifiants, quand ils auraient droit à une guérison plus ou moins prompte, plus ou moins complète ! Combien d’autres qui pourraient, après un pèlerinage à la source, soutenir ou parfaire l’œuvre de guérison, et qui sont contraints de remettre leurs légitimes espérances jusqu’au retour d’une nouvelle saison ! Combien enfin qui, à leur grand dommage, ont été détournés d’aller à cette bienfaisante source demander leur guérison, parce qu’ils l’ont rendue solidaire des déceptions que leur avait fait éprouver son eau, transportée et bue à distance ! Nous pourrions ajouter l’énumération des cas très nombreux où l’usage habituel de l’eau de Contrexéville préviendrait avec certitude le développement des symptômes, vagues encore, de la goutte et des maladies des voies urinaires, si elle restait à distance ce qu’elle est à la source.

La source de Vittel, remarquablement similaire avec la source de Contrexéville, dont elle n’est distante, avons-nous dit, que de 4 kilomètres environ, n’avait, jusqu’à ces derniers temps, fixé l’attention que des habitants des localités voisines, qui en faisaient usage dans toutes les maladies où sont indiquées les eaux de Contrexéville.

Frappé de la tradition de bienfaisance de ces eaux, qui a cours dans la contrée, et après s’être assuré par de nombreuses expériences que, d’une part, elles sont digérées avec une extrême facilité par les estomacs même les plus débiles, et produisent un effet laxatif plus constant que celles de Contrexéville ; que, d’autre part, elles supportent bien mieux que ces dernières le transport à distance, M. Bouloumié a cru faire une œuvre utile aux nombreux malades qui ne peuvent venir à Contrexéville, ou qui, après y être venus, ne retirent pendant le reste de l’année que des résultats incomplets de l’usage de cette eau transportée, en appelant l’attention de l’Académie impériale de médecine sur la source de Vittel.

Voici en quels termes M. Ossian Henry, membre de l’Académie impériale de médecine, et chef de ses travaux chimiques, a annoncé à ce corps savant les résultats de l’analyse des eaux de Vittel et d’Outrancourt[1].

« À 4 kilomètres environ de Contrexéville, dans les Vosges, sur les communes de Vittel et d’Outrancourt, ou de Mandres, on trouve deux sources minérales froides dont l’eau offre, avec celle de Contrexéville, une assez grande analogie de composition chimique, et surtout de propriétés médicales. La première principalement est employée depuis très longtemps dans le pays sur l’avis des médecins, et expédiée jusqu’à Mirecourt et Épinal, dans le département. Elle offre de plus quelques avantages réels sur celle de Contrexéville, dont la réputation remonte à une époque très ancienne, et que les résultats de chaque année n’ont fait que justifier. Cet avantage est particulièrement celui de ne pas fatiguer l’estomac comme l’autre, souvent très lourde à digérer, et de produire des purgations légères, salutaires dans plus d’une circonstance.

» M. Bouloumié, acquéreur de ces deux sources, a sollicité, d’après les précédents que je viens de citer, la faveur de les exploiter au point de vue médical. Sa demande a motivé la lettre ministérielle du 7 février dernier, qui invite l’Académie de médecine à lui donner son avis sur l’opportunité de cette réclamation, après que l’analyse des échantillons de l’eau minérale expédiés en bonne forme aura été faite dans son laboratoire.

» Le propriétaire, voulant donner une garantie plus complète aux résultats du travail, a pensé que l’analyse chimique, faite en grande partie sur place, présenterait plus d’avantages ; il a donc invité votre rapporteur à se rendre à Contrexéville et à Vittel pour y examiner les sources, prendre lui-même les eaux et les soumettre, sur les lieux mêmes, aux principales expériences ; recueillant en outre des produits d’évaporation ou de précipitation faits par lui sur 25 ou 30 litres de liquide au moins, dans le but de déterminer à Paris l’analyse définitive.

» L’analyse, exécutée dans ces conditions favorables et avec le plus grand soin, nous a conduit à présenter, pour les eaux de Vittel et d’Outrancourt, la composition suivante :

Eau de Vittel.

Quantités.
Eau d’Outrancourt.

Quantités.
Acide carbonique libre 1/10e du vol. Env. 1/12e du vol.
Bicarbonate de chaux 0,185 0,373
Bicarbonate de magnésie 0,079 0,103
Bicarbonate de soude Peu.
Bicarbonate de protoxyde de fer 0,010 Traces.
Bicarbonate avec manganèse Indices.
Sulfates supposés (anhydres), de chaux 0,440 0,940
Sulfates supposés (anhydres), de magnésie 0,432 0,506
Sulfates supposés (anhydres), de soude 0,326 0,410
Sulfates supposés (anhydres), de strontiane Traces. Traces.
Chlorures de sodium (peu) 0,220 0,100
Chlorures de magnésium
Chlorures de calcium 0.220» 0.220»
Silice, alumine 0,047 0,040
Phosphate calcaire
Sel de potasse et ammoniacal
Iodure ........ indices
Principe arsenical .... sensible
Matière organique de l’humus
1,730 2,532

» On voit par l’inspection de ce tableau qu’il existe, comme on l’a déjà dit, beaucoup d’analogie entre ces eaux et celle de Contrexéville ; seulement le rapport entre la chaux et la magnésie s’y trouve, pour celle de Vittel surtout, dans des rapports plus avantageux. Ainsi, lorsque Contrexéville donne celui de 4,4 de chaux à 1 de magnésie, dans la source nouvelle qui nous occupe, il est de 1,67 de chaux à 1 de magnésie. L’eau de Vittel est donc relativement plus magnésienne ; de même aussi il en est à peu près ainsi pour l’autre. Ces circonstances expliquent comment les eaux de Vittel et d’Outrancourt sont plus purgatives et aussi plus digestibles à cause de la proportion moindre de sulfate calcaire qu’elles contiennent.

» On ne sait pas positivement encore à quels principes minéralisateurs il faut rapporter réellement les vertus médicales de la source de Contrexéville ; mais ces propriétés n’existent pas moins. Des observations multipliées faites depuis un siècle et demi, on le sait, les ont constatées, et chaque année encore on inscrit de nouveaux cas de guérison par l’usage de cette eau minérale. Les eaux de Vittel et d’Outrancourt ont été depuis longtemps aussi administrées avec succès dans le pays ; leur analogie de composition chimique, leur nature magnésienne et leur qualité plus digestible permettent d’établir qu’elles offrent un avantage très réel comme adjuvant à l’eau de Contrexéville. Nous ne voyons donc aucun motif pour refuser l’autorisation de les exploiter au point de vue médical. En conséquence, messieurs, nous vous proposons de répondre à M. le ministre qu’il y a lieu de l’accorder. »

Moins calcaires et plus magnésiennes que celles de Contrexéville, plus laxatives et plus digestibles, supportant mieux le transport, du fait même de leur constitution intime, la conservation des eaux de Vittel en bouteille est assurée surabondamment par le mode de bouchage usité à la source, et par l’ingénieux appareil à embouteiller construit par MM. Ossian Henry et Bouloumié, et au moyen duquel les bouteilles sont remplies dans le vide, en évitant à l’eau, prise au fond de la source, tout contact avec l’air.

Notre notice serait incomplète si nous ne mettions pas sous les yeux de nos lecteurs l’opinion qu’exprime sur les eaux de Vittel l’un des médecins les plus compétents en matière d’hydrologie, M. le docteur Constantin James, dans son bel ouvrage sur les eaux minérales de France.

« Cette source, qui sort du muschelkalk, coule très abondamment au milieu d’une prairie, et dépose dans son parcours un sédiment ocracé. Elle a une limpidité parfaite. Sa température est de 11 ° centigr. Quant à sa saveur, elle est fraîche, légèrement atramentaire, et un peu aigrelette par suite du gaz carbonique qu’elle contient.

» Avant que la chimie fût appelée à se prononcer sur la nature de ses principes minéralisateurs, la source de Vittel avait déjà fait ses preuves, dans la contrée où elle jaillit, comme boisson tout à la fois hygiénique et médicinale. C’est ainsi qu’elle s’est acquis une sorte de popularité dans le traitement des affections des voies digestives, des voies urinaires et de la chlorose. C’est donc après que les faits ont eu parlé que la science est intervenue. Une première analyse de ces eaux a été faite par M. Pommier, et elle lui a fourni les résultats les plus remarquables. Une nouvelle analyse vient d’être faite par M. O. Henry. Or, il résulte de cette analyse que l’eau de Vittel a une grande analogie avec celle de Contrexéville, sa voisine : la seule différence un peu notable, c’est que la première contient plus de magnésie que la seconde, et la seconde plus de chaux que la première. C’est peut-être à cette faible proportion de sels calcaires que l’eau de Vittel doit la facilité extrême avec laquelle elle est supportée, même par les estomacs les plus impressionnables.

» Si je ne possède point assez de matériaux pour faire l’histoire médicale de cette source, j’en ai cependant assez pour lui promettre un très sérieux avenir.

» Transport. — Bouteilles de 1 litre, goudronnées.

» Ces eaux ne s’altèrent nullement et paraissent conserver, loin de la source, leurs propriétés chimiques et médicinales, ce qu’il faut en partie attribuer au soin extrême avec lequel on veille à leur mise en bouteille. Ainsi les bouchons ont été préalablement trempés dans une solution appropriée, afin que l’acide tannique qu’ils renferment, se trouvent neutralisé, ne puisse plus agir sur les principes ferrugineux de l’eau minérale. De même, pour éviter l’introduction de l’air atmosphérique, on remplit les bouteilles dans le vide au moyen d’un appareil ingénieux dont M. Bouloumié nous a adressé la description à la Société médicale d’hydrologie. »

L’usage que nous avons déjà fait dans notre pratique des eaux de Vittel, et les heureux résultats que nous en avons obtenus, nous permettent de discourir longuement sur leurs propriétés médicinales ; mais notre but n’étant pas de redire ici, à propos de ces eaux, tout ce qui a été écrit à propos de leurs analogues, les eaux de Contrexéville, nous nous bornerons à rappeler qu’elles sont surtout indiquées :

1o Dans toutes les affections chroniques de l’estomac et des intestins autre que le squirrhe et le cancer. Leur légèreté sans rivale, leur propriété légèrement laxative en même temps que tonique, leur action légèrement excitante des fonctions abdominales et cutanées, les placent au premier rang dans le traitement de ces affections. Moins énergiques, peut-être, et moins actives, mais aussi moins irritantes que celles de Vichy, elles combattent sans nul danger, et souvent avec de très beaux résultats, les engorgements du foie non encore arrivés à un développement extrême.

2o Dans les cas d’appauvrissement du sang ou d’affaiblissement constitutionnel, et spécialement dans les états dits chlorotiques des femmes et des jeunes filles. La présence du fer, du manganèse et de l’iode dans ces eaux, dit assez quel doit être leur succès dans ces sortes d’affections. Nous nous bornerons à faire remarquer que, par une heureuse combinaison, la nature a corrigé ici, par la juxtaposition des sels magnésiens, les effets trop astringents et échauffants reprochés à juste titre à certaines eaux ferrugineuses et aux médicaments ferrugineux préparés dans nos pharmacies.

3o Dans la goutte, cette sœur jumelle de la gravelle, liée avec elle par de tels caractères de consanguinité que presque tous les goutteux sont graveleux, que la plupart des graveleux sont plus ou moins entachés de goutte, et que rien n’est plus fréquent que de voir, chez un individu, la goutte cesser complétement après plusieurs années d’existence, pour faire place à une affection calculeuse. Que souhaiter de mieux pour les goutteux, parmi tous les moyens connus, que l’usage habituel d’une eau, tout à la fois gastrique, laxative et tonique, exerçant surtout son action médicative sur les organes sécréteurs de l’urine, et complétement pure, d’ailleurs, de toute propriété irritante ?

4o Enfin, dans la gravelle et toutes ses variétés, dans la catarrhe de la vessie, dans les affections si diverses des reins, de la vessie, de la prostate ou de l’urètre, qui se traduisent par des désordres variés dans l’émission de l’urine, en un mot, dans toutes les maladies chroniques des organes génito-urinaires. Ici, la suprématie de Contrexéville sur toutes les autres eaux est tellement patente, si unanimement reconnue, que nous nous dispenserons d’insister sur les services que peuvent rendre, dans tous ces cas, les eaux similaires de Vittel, que leur parfaite conservation à distance permet de boire loin de la source d’une manière permanente.


MODE D’ADMINISTRATION.

Les eaux de Vittel, étant aussi digestibles après leur transport qu’à la source, doivent être prises, par les personnes qui ne veulent pas se rendre sur les lieux, à la même dose que le sont à la source les eaux de Contrexéville.

La saison, à Contrexéville, est de vingt et un jour. Les malades débutent par trois ou quatre verres le matin, à un quart d’heure ou vingt minutes d’intervalle. Ils en élèvent successivement le nombre jusqu’à dix, douze et quinze verres, et le réduisent, dans les derniers jours, de manière à terminer leur saison comme ils l’ont commencée, par trois ou quatre verres. Quelque buveurs boivent jusqu’à trente verres d’eau chaque matin, mais ce sont des exagérations que nous ne saurions approuver.

Après avoir pris une saison régulière des eaux de Vittel, les personnes atteintes ou menacées de l’une des maladies que nous énumérées, et qui voudront, soit pour en assurer ou parfaire la guérison, soit pour en prévenir les récidives ou le développement, faire un usage habituel de ces eaux, devront, après en avoir pris deux ou trois verres le matin, les boire à leur repas, avec ou sans vin, dans le courant de l’année et en toute saison.


  1. Nous ne nous occupons, dans cette notice, que de la source de Vittel. Nous nous bornerons à dire que l’eau d’Outrancourt, privée de fer et bien plus purgative que celle de Contrexéville, peut, à ce titre, recevoir d’utiles applications dans une foule de cas que nous laissons à nos confrères le soin d’apprécier