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Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/130

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conservée, on voyait un grand front calme, coupé par deux rides profondes, deux rides de longues tristesses, puis deux yeux bleus, larges et doux, si timides, si craintifs, si humbles, deux beaux yeux restés si naïfs, pleins d’étonnement de fillette, de sensations jeunes et aussi de chagrins qui avaient passé dedans, en les attendrissant, sans les troubler.

Tout le visage était fin et discret, un de ces visages qui se sont éteints sans avoir été usés, ou fanés par les fatigues ou les grandes émotions de la vie.

Quelle jolie bouche ! et quelles jolies dents ! Mais on eût dit qu’elle n’osait pas sourire !

Et, brusquement, je la comparai à Mme Chantal ! Certes, Mlle Perle était mieux, cent fois mieux, plus fine, plus noble, plus fière.

J’étais stupéfait de mes observations. On versait du champagne. Je tendis mon verre à la reine, en portant sa santé avec un compliment bien tourné. Elle eut envie, je m’en aperçus, de se cacher la figure dans sa serviette ; puis, comme elle trempait ses lèvres dans le vin clair, tout le monde cria : « La reine boit ! la reine boit ! » Elle devint alors toute rouge et s’étrangla. On riait ; mais je vis bien qu’on l’aimait beaucoup dans la maison.