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LA PETITE ROQUE.

où déjeunaient les domestiques, et cria : « Monsieur le maire est-il levé ? Faut que je li parle sur l’heure. » On savait Médéric un homme de poids et d’autorité, et on comprit aussitôt qu’une chose grave s’était passée.

M. Renardet, prévenu, ordonna qu’on l’amenât. Le piéton, pâle et essoufflé, son képi à la main, trouva le maire assis devant une longue table couverte de papiers épars.

C’était un gros et grand homme, lourd et rouge, fort comme un bœuf, et très aimé dans le pays, bien que violent à l’excès. Âgé à peu près de quarante ans et veuf depuis six mois, il vivait sur ses terres en gentilhomme des champs. Son tempérament fougueux lui avait souvent attiré des affaires pénibles dont le tiraient toujours les magistrats de Roüy-le-Tors, en amis indulgents et discrets. N’avait-il pas, un jour, jeté du haut de son siège le conducteur de la diligence parce qu’il avait failli écraser son chien d’arrêt Micmac ? N’avait-il pas enfoncé les côtes d’un garde-chasse qui verbalisait contre lui, parce qu’il traversait, fusil au bras, une terre appartenant au voisin ? N’avait-il pas même pris au collet le sous-préfet qui s’arrêtait dans le vil-