Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

siers en croissance, sèches aussi, sauf l’aînée, et gentilles toutes trois, mais surtout la plus grande.

Elle avait une si drôle de manière de parler, de raconter, de rire, de comprendre et de ne pas comprendre, de lever les yeux pour m’interroger, des yeux bleus comme l’eau profonde, de cesser de dessiner pour deviner, de se remettre au travail et de dire « yes » ou « nô », que je serais demeuré un temps indéfini à l’écouter et à la regarder.

Tout à coup, elle murmura :

— J’entendai une petite mouvement sur cette bateau.

Je prêtai l’oreille ; et je distinguai aussitôt un léger bruit, singulier, continu. Qu’était-ce ? Je me levai pour aller regarder par la fente, et je poussai un cri violent. La mer nous avait rejoints ; elle allait nous entourer !

Nous fûmes aussitôt sur le pont. Il était trop tard. L’eau nous cernait, et elle courait vers la côte avec une prodigieuse vitesse. Non, cela ne courait pas, cela glissait, rampait, s’allongeait comme une tache démesurée. À peine quelques centimètres d’eau couvraient le sable ; mais on ne voyait plus déjà la ligne fuyante de l’imperceptible flot.