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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/258

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si je ne suis point quelque chose de plus. Je ne suis point cet assemblage de membres que l’on appelle le corps humain ; je ne suis point un air délié et pénétrant répandu dans tous ces membres ; je ne suis point un vent, un souffle, une vapeur, ni rien de tout ce que je puis feindre et m’imaginer, puisque j’ai supposé que tout cela n’étoit rien, et que, sans changer cette supposition, je trouve que je ne laisse pas d’être certain que je suis quelque chose.

Mais peut-être est-il vrai que ces mêmes choses-là que je suppose n’être point, parcequ’elles me sont inconnues, ne sont point en effet différentes de moi, que je connois. Je n’en sais rien ; je ne dispute pas maintenant de cela ; je ne puis donner mon jugement que des choses qui me sont connues : je connois que j’existe, et je cherche quel je suis, moi que je connois être. Or, il est très certain que la connoissance de mon être, ainsi précisément pris, ne dépend point des choses dont l’existence ne m’est pas encore connue ; par conséquent elle ne dépend d’aucunes de celles que je puis feindre par mon imagination. Et même ces termes de feindre et d’imaginer m’avertissent de mon erreur : car je feindrois en effet si je m’imaginois être quelque chose, puisque imaginer n’est rien autrechose que contempler la figure ou l’image d’une chose corporelle ; or, je sais déjà certaine-