Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/144

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je veux croire qu’il peut aussi être produit, sans aucune joie, par le seul mouvement de l’aversion, qui envoie du sang de la rate vers le cœur, où il est raréfié et poussé de là dans le poumon, lequel il enfle facilement lorsqu’il le rencontre presque vide. Et généralement tout ce qui peut enfler subitement le poumon en cette façon cause l’action extérieure du ris, excepté lorsque la tristesse la change en celle des gémissements et des cris qui accompagnent les larmes. A propos de quoi Vivès écrit de soi-même que, lorsqu’il avait été longtemps sans manger, les premiers morceaux qu’il mettait en sa bouche l’obligeaient à rire ; ce qui pouvait venir de ce que son poumon, vide de sang par faute de nourriture, était promptement enflé par le premier suc qui passait de son estomac vers le cœur, et que la seule imagination de manger y pouvait conduire, avant même que celui des viandes qu’il mangeait y fût parvenu.

Art. 128. De l’origine des larmes.

Comme le ris n’est jamais causé par les plus grandes (423) joies, ainsi les larmes ne viennent point d’une extrême tristesse, mais seulement de celle qui est médiocre et accompagnée ou suivie de quelque sentiment d’amour, ou aussi de joie. Et,