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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/13

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pendant les ténèbres de la nuit, comme les chats, dans les yeux desquels elle se trouve : et que, pour l’ordinaire des hommes, ils ne voient que par l’action qui vient des objets, car l’expérience nous montre que ces objets doivent être lumineux ou illuminés pour être vus, et non point nos yeux pour les voir. Mais, pourcequ’il y a grande différence entre le bâton de cet aveugle et l’air ou les autres corps transparents par l’entremise desquels nous voyons, il faut que je me serve encore ici d’une autre comparaison.

Voyez une cuve, au temps de vendange, toute pleine de raisins à demi foulés, et dans le fond de laquelle on ait fait un trou ou deux, comme A et B[1], par où le vin doux qu’elle contient puisse couler. Puis pensez que, n’y ayant point de vide en la nature, ainsi que presque tous les philosophes avouent, et néanmoins y ayant plusieurs pores en tous les corps que nous apercevons autour de nous, ainsi que l’expérience peut montrer fort clairement, il est nécessaire que ces pores soient remplis de quelque matière fort subtile et fort fluide, qui s’étende sans interruption depuis les astres jusqu’à nous. Or cette matière subtile, étant comparée avec le vin de cette cuve et les parties moins fluides ou plus grossières tant de l’air que des autres corps transparents avec les grappes de raisins qui sont

  1. Figure 1