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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/41

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DISCOURS QUATRIÈME. 37

qui sont toujours enflés et tenus ouverts par les esprits qu’ils contiennent, ne se pressent ni empêchent aucunement les uns les autres, et sont étendus depuis le cerveau jusqu’aux extrémités de tous les membres qui sont capables de quelque sentiment, en telle sorte que, pour peu qu’on touche et fasse mouvoir l’endroit de ces membres où quelqu’un d’eux est attaché, on fait aussi mouvoir au même instant l’endroit du cerveau d’où il vient, ainsi que, tirant l’un des bouts d’une corde qui est toute tendue, on fait mouvoir au même instant l’autre bout : car, sachant que ces filets sont ainsi enfermés en des tuyaux, que les esprits tiennent toujours un peu enflés et entr’ouverts, il est aisé à entendre qu’encore qu’ils fussent beaucoup plus déliés que ceux que filent les vers à soie, et plus faibles que ceux des araignées, ils ne lairroient pas de se pouvoir étendre depuis la tête jusques aux membres les plus éloignés sans être en aucun hasard de se rompre, ni que les diverses situations de ces membres empêchassent leurs mouvements. Il faut, outre cela, prendre garde à ne pas supposer que, pour sentir, l’âme ait besoin de contempler quelques images qui soient envoyées par les objets jusques au cerveau, ainsi que font communément nos philosophes ; ou du moins il faut concevoir la nature de ces images tout autrement qu’ils ne font : car, d’autant qu’ils ne considèrent en elles autre