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58 LA DIOPTRIQUE.

de l’œil B par le quart de la millième partie seulement. Il faut aussi considérer qu’on ne peut discerner les parties des corps qu’on regarde qu’en tant qu’elles diffèrent en quelque façon de couleur, et que la vision distincte de ces couleurs ne dépend pas seulement de ce que tous les rayons qui viennent de chaque point de l’objet se rassemblent à peu près en autant d’autres divers points au fond de l’œil, et de ce qu’il n’en vient aucuns autres d’ailleurs vers ces mêmes points, ainsi qu’il a été tantôt amplement expliqué, mais aussi de la multitude des petits filets du nerf optique qui sont en l’espace qu’occupe l’image au fond de l’œil. Car si, par exemple, l’objet VXY est composé de dix mille parties, qui soient disposées à envoyer des rayons vers le fond de l’œil RST en dix mille façons différentes, et par conséquent à faire voir en même temps dix mille couleurs, elles n’en pourront néanmoins faire distinguer à l’âme que mille tout au plus, si nous supposons qu’il n’y ait que mille des filets du nerf optique en l’espace RST, d’autant que dix des parties de l’objet agissant ensemble contre chacun de ces filets ne le peuvent mouvoir que d’une seule façon composée de toutes celles dont elles agissent, en sorte que l’espace qu’occupe chacun de ces filets ne doit être considéré que comme un point : et c’est ce qui fait que souvent une prairie qui sera peinte d’une infinité