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80 LA DIOPTRIQUE.

dront de divers points de cet objet, se croisant douze ou quinze fois plus près de lui, ou même quelque peu davantage, à cause que ce ne sera plus sur la superficie de l’œil qu’ils commenceront à se croiser, mais plutôt sur celle du verre dont l’objet sera un peu plus proche, ils formeront une image dont le diamètre sera ou douze ou quinze fois plus grand qu’il ne pourroit être si on ne se servoit point de ce verre : et par conséquent sa superficie sera environ deux cents fois plus grande, ce qui fera que l’objet paroîtra environ deux cents fois plus distinctement, au moyen de quoi il paroîtra aussi beaucoup plus grand, non pas deux cents fois justement, mais plus ou moins à proportion de ce qu’on le jugera être éloigné. Car, par exemple, si, en regardant l’objet X au travers du verre P, on dispose son œil C en même sorte qu’il devroit être pour voir un autre objet qui seroit à vingt ou trente pas de lui, et que, n’ayant d’ailleurs aucune connoissance du lieu où est cet objet X, on le juge être véritablement à trente pas, il semblera plus d’un million de fois plus grand qu’il n’est, en sorte qu’il pourra devenir d’une puce un éléphant ; car il est certain que l’image que forme une puce au fond de l’œil, lorsqu’elle en est si proche, n’est pas moins grande que celle qu’y forme un éléphant lorsqu’il en est à trente pas. Et c’est sur ceci seul qu’est fondée toute l’invention de ces petites lunettes à