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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/107

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

ber sous leur joug ? Ne te défends pas. Je ne t’accuse point, ô mon maître. Sans doute ce n’est point toi qui instruisis Sarantapichos. Mais ce sont les bavards investis d’astuce et d’ambition par ta parole. Car tu ne m’aimes pas. Tu aimes que ta sagesse règne, par le moyen de ma personne, et par le succès de mes passions si méprisées de ta morgue. Voilà ce qu’il en est de toi.

Les poings agriffés aux rebords du marbre, elle rugissait féroce et fébrile. Sa belle face était tendue vers le moine qui la considérait avec une paisible tristesse :

— Tu n’as pu te douter de mes douleurs, Irène, de toutes mes douleurs. Onze ans, j’ai souffert, moins cependant qu’à cette heure. Oui, j’ai moins souffert, le jour où, rampant sur mes genoux, j’étais venu vers le seuil de ta chambre, si plein de délire que je voulais t’enlever. Écoute, peut-être te rappelleras-tu : c’était en été, dans le moment des chaleurs… Ta beauté luisait autant que le soleil alors, et Léon ne te quittait plus. Je n’avais pu, depuis une semaine, t’entretenir de nos desseins sur l’État. Et cependant, aux frontières, les légions se révoltaient, le Franc menaçait la Sicile, le calife assiégeait Antioche, les galères apportaient la peste d’Égypte, et les Bulgares refusaient le tribut. Tu ne t’en souciais point. Amenés par l’entremetteur juif, un hermaphrodite persan, trois adolescentes géorgiennes qu’on disait jumelles et un géant éthiopien te divertissaient par leurs